revue de presse
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revanche, la relation entre décalage
horaire et psychose ne semble pas fer-
mement établie. Le décalage horaire
pourrait précipiter l’exacerbation de
troubles affectifs, voire les faire émer-
ger de novo. Les rythmes biologiques
des mammifères sont dépendants des
ajustements de l’horloge interne, qui
sont eux-mêmes tributaires des facteurs
environnementaux. Ceux-ci incluent les
rythmes jour/nuit, la disponibilité ou
non de la nourriture, l’activité ou l’in-
activité et les influences sociales. Le
centre principal de régulation de l’hor-
loge interne est le noyau supra-
chiasmatique de l’hypothalamus. Le
marqueur le plus universel de l’horloge
circadienne est le rythme lumière/obs-
curité, qui est médié par la sécrétion de
mélatonine. La mélatonine est égale-
ment importante dans la régulation, sur
24 heures, du taux de cortisol et de la
température corporelle. Des modifica-
tions endogènes dans les rythmes cir-
cadiens et des anomalies de la sécrétion
de mélatonine ont été observées dans un
certain nombre de troubles mentaux.
Selon certains auteurs, la dysrythmie
serait en mesure d’entraîner des pertur-
bations neuropsychologiques de la
cognition, de la motivation et de l’af-
fectivité. Des événements de vie sont
eux aussi susceptibles d’entraîner des
troubles affectifs par la perturbation des
routines sociales et des troubles proches
de ceux induits par un décalage horaire.
Pour les auteurs, l’examen de la littéra-
ture suggère fortement que des anoma-
lies du rythme circadien sont impli-
quées dans l’expression des troubles
affectifs et de la schizophrénie. Le déca-
lage horaire, quant à lui, implique une
perturbation des rythmes circadiens
induite de manière exogène et entraîne
des troubles bénins de courte durée.
Toutefois, des données cliniques et
pathophysiologiques amènent à penser
que le décalage horaire pourrait exa-
cerber des troubles affectifs préexis-
tants, voire déclencher des troubles de
l’humeur chez des personnes prédis-
posées.
Mots clés. Décalage horaire – Troubles
psychiatriques – Mélatonine – Cortisol.
Rechutes liées aux
changements de rythmes
chez les patients bipolaires :
le cas du ramadan
Casablanca (Maroc)
Le jeûne pendant le mois du
ramadan constitue un des cinq piliers de
l’islam. Chaque année, tous les musul-
mans sont censés respecter cette obliga-
tion religieuse. Les pratiquants doivent
s’abstenir de manger, de boire et d’avoir
des relations sexuelles, du lever au cou-
cher du soleil. Les personnes malades ou
en voyage, ainsi que les femmes allaitant
ou ayant leurs règles sont temporaire-
ment exemptées de cette obligation. Le
ramadan a lieu le neuvième mois du
calendrier lunaire, ce qui fait que sa
période change d’une année sur l’autre
par rapport au calendrier grégorien. Pen-
dant sa durée, les musulmans consom-
ment deux à trois repas durant la nuit.
Cette obligation de ne s’alimenter que
durant la nuit entraîne d’importantes
modifications du rythme circadien, qui
affectent les horaires des repas et du
sommeil, ainsi que l’alternance de l’ac-
tivité et du repos. Au Maroc, N. Kadri a
observé que la durée du sommeil est plus
courte, sa période est différée et inter-
rompue du fait du dernier repas pris une
demi-heure à une heure avant le lever du
soleil. Par ailleurs, plusieurs études ont
relié les perturbations du rythme circa-
dien aux troubles de l’humeur. Le rama-
dan constitue donc un contexte intéres-
sant pour vérifier l’hypothèse selon
laquelle le cours de la maladie des
patients bipolaires peut être perturbé par
des changements de rythmes sociaux
(Kadri N, Mouchtaq N, Hakkou F et
Moussaoui D. Relapse in bipolar
patients : changes in social rythms ? Int
J Neuropsychophamacology 2000 ; 3 :
45-9). Les objectifs de cette étude étaient
de suivre les taux sanguins de lithium et
les états mentaux de patients bipolaires
musulmans pratiquants. Les conditions
d’inclusion étaient que les patients soient
traités par le lithium depuis au moins
3 mois et cliniquement stabilisés au
moment de l’inclusion dans l’étude.
Vingt patients adultes, d’âge moyen
32 ans, répondant à ces critères ont été
inclus lors du ramadan de 1997. Le dia-
gnostic de trouble bipolaire était établi
selon les critères de la CIM-10. L’état des
patients était évalué la semaine d’avant
le début du ramadan, puis aux 2eet
4esemaines de jeûne, ainsi qu’à la
1re semaine suivant la fin du ramadan.
Les auteurs ont utilisé les échelles de
dépression de Hamilton et de Bech-
Rafaelsen et relevé les concentrations
plasmatiques de lithium des patients.
L’observation essentielle était que 45 %
des patients ont rechuté, 70 % d’entre
eux au cours de la deuxième semaine et
les autres à la fin du ramadan. Les
rechutes n’étaient pas associées avec une
modification du taux sanguin de lithium,
qui restait dans la gamme des valeurs thé-
rapeutiques. Le taux sanguin de lithium
était même légèrement augmenté, mais
de manière non significative, pendant le
mois du ramadan. Il n’y avait pas non
plus de problème de compliance dans le
groupe. La plupart des rechutes étaient
de type maniaque (71 %). Les patients qui
n’avaient pas rechuté souffraient cepen-
dant de problèmes d’insomnie et d’anxiété
au cours des 2eet 3esemaines, de l’étude.
Les effets secondaires du lithium étaient
exacerbés et ont pu être observés chez 48 %
des patients de l’échantillon. La sécheresse
de la bouche, la soif et les tremblements
étaient les plaintes les plus fréquemment
rapportées. Les résultats de cette étude
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 5, mai 2001 112