Médecine
& enfance
avril 2016
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en fait pas complètement, car les effets
du bruit sont cumulatifs. La récupéra-
tion est plus lente sur les oreilles qui ont
déjà été fragilisées que sur des oreilles
« neuves » [8].
En cas d’exposition prolongée à des sons
intenses (supérieurs à 80-85 dB), l’alté-
ration de l’audition est insidieuse et pro-
gressive. Elle débute par une perte sélec-
tive de la perception des sons qui ont
une fréquence proche de 4000 Hz (pour
rappel le téléphone transmet les sons de
fréquences comprises entre 300 et
3000 Hz) (figure 1). A ce stade, il n’y a pas
de modification de la compréhension de
la parole, mais les voix peuvent paraître
étranges, difficiles à distinguer dans le
brouhaha, et l’écoute musicale désa-
gréable. Si l’exposition perdure, le scoto-
me auditif s’élargit sur les fréquences ad-
jacentes et s’approfondit (figures 2, 3 et 4).
L’EFFET DÉLÉTÈRE
DU BRUIT N’EST PAS
LIMITÉ À LA COCHLÉE
L’enquête JNA-IPSOS est focalisée sur
les effets sur la cochlée d’une exposition
sonore intense et prolongée. Mais les ef-
fets délétères du bruit ne sont pas limi-
tés à une baisse de l’audition. Il y a aus-
si des effets plus généraux sur la santé.
Le bruit nocturne gêne l’endormisse-
ment et a un impact négatif sur la quali-
té du sommeil : diminution du temps de
sommeil paradoxal, fragmentation du
sommeil [11, 12]. Une enquête effectuée
dans des écoles maternelles a montré
que les enfants qui sont dans une école
bruyante ont plus de difficulté à s’en-
dormir lors de la sieste l’après-midi,
bougent beaucoup plus dans leur lit, se
réveillent plus souvent et ont plus de
mal à se rendormir que ceux qui sont
dans des écoles plus calmes [13]. Idéale-
ment, le bruit dans une chambre ne de-
vrait pas dépasser 40 dBA. Par son effet
sur le sommeil, le bruit est responsable
d’une fatigue chronique, mais aussi de
troubles de la mémorisation à moyen et
long terme.
Le bruit interfère avec les capacités
d’apprentissage de la lecture des en-
fants, comme l’a montré une étude faite
sur plus de 2 000 enfants néerlandais,
espagnols et anglais dont l’école était si-
tuée près d’un aéroport [14]. Il peut nui-
re à la compréhension lors de la lecture
et à la mémoire à court terme [15]. Les
élèves des établissements bruyants ont
de moins bonnes performances sco-
laires, des difficultés à se concentrer,
font plus d’erreurs, sont plus irritables
et fatigués que les enfants qui fréquen-
tent des établissements plus calmes [13].
Le bruit est un facteur favorisant (très
faible) de l’obésité [16], du diabète [17],
de maladies cardiovasculaires [18]. Le
bruit est un facteur reconnu d’irritabili-
té, d’agressivité et d’anxiété, et augmen-
te le risque d’hyperactivité [19].
EN CONCLUSION
La nocivité du bruit est très insidieuse,
d’où l’intérêt des campagnes de sensibi-
lisation du public sur la nocivité du
bruit, en particulier auprès des préado-
lescents, adolescents et adultes jeunes
qui écoutent de longues heures durant
de la musique via des écouteurs, parfois
à un niveau qui ne serait pas admis
dans le milieu professionnel [20-22].
첸
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport
avec la rédaction de cet article.
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