Les troubles du sommeil représentent une part non négligeable de... pratique quotidienne en pédiatrie générale

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Médecine
& enfance
Troubles respiratoires du sommeil et autres
pathologies du sommeil chez l’enfant
M. Koskas et l’équipe médicale du centre du sommeil, hôpital d’enfants Armand-Trousseau, Paris
Les troubles du sommeil représentent une part non négligeable de la
pratique quotidienne en pédiatrie générale [1]. 25 à 50 % des enfants
et/ou adolescents présenteront ce type de perturbations, qui seront
dans la majorité bénignes et transitoires.
Nous séparerons les troubles respiratoires du sommeil (TRS), qui font
actuellement l’objet de nombreuses publications, des autres pathologies
du sommeil. Leurs conséquences délétères sur le développement neurocognitif et le comportement de l’enfant nécessitent un diagnostic précis
et une prise en charge la plus précoce possible.
L’importance du sommeil se reflète dans le nombre croissant, non seulement d’articles dans la littérature, mais également d’unités spécialisées dans l’analyse du sommeil de l’enfant et de l’adolescent.
a connaissance de quelques éléments du processus neurobiologique qu’est le sommeil permet
de dépister au plus tôt ses anomalies et
d’orienter l’enfant vers les structures les
plus adaptées de dépistage et de thérapeutique.
La durée du sommeil, qui est de seize à
dix-sept heures chez le nouveau-né,
passe à quatorze heures à un an, treize
heures à deux ans, onze heures à six
ans, dix heures à dix ans, puis à huit
heures à l’adolescence. Il existe une
grande variabilité interindividuelle.
De trois à six mois, le nourrisson fait
trois siestes. A un an, la sieste de fin
d’après-midi disparaît, puis celle de fin
de matinée vers dix-huit mois, alors que
le sommeil nocturne dure onze à douze
heures. La sieste disparaît complètement entre deux et quatre ans.
Le sommeil se déroule par cycles où se
succèdent trois états : éveil, sommeil
paradoxal (REMsleep : rapid eyes mo-
L
vement) et sommeil lent (non REMsleep), qui contient des phases de sommeil profond.
L’analyse du sommeil intègre des paramètres de régulation biologique ainsi
que des éléments psychosociaux, culturels, voire médicamenteux. Tous ces
éléments sont à prendre en compte par
les acteurs de l’enfance.
TROUBLES RESPIRATOIRES
DU SOMMEIL [2-6]
Les troubles respiratoires du sommeil
(TRS) vont du simple ronflement (dont
la prévalence est de 12 à 15 %) au syndrome d’apnée obstructive du sommeil
(SAOS), qui concerne 1,5 à 3 % des enfants. Entre ces deux extrêmes de TRS,
on citera le syndrome de haute résistance des voies aériennes. Si l’adulte se
plaint principalement de troubles de la
vigilance diurne, les parents signalent
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au premier chef les ronflements nocturnes de leur enfant. Ce symptôme est
donc à rechercher lors des visites systématiques (voir l’encadré résumant les
éléments du diagnostic clinique).
LES OUTILS DIAGNOSTIQUES
L’oxymétrie nocturne
Les éléments à interpréter sont la saturation moyenne et le pourcentage de temps
pendant lequel la SaO2 est inférieure à
90 %, mais, si la sensibilité de l’oxymétrie
est bonne, sa valeur prédictive négative
est médiocre et n’élimine pas un SAOS en
cas d’enregistrement normal.
La polysomnographie (PSG) sur une
nuit
Cet examen est le « gold standard » pour
le diagnostic de SAOS. Il enregistre de
façon simultanée plusieurs paramètres :
la saturation en O2, la pression partielle
en CO 2 transcutanée ou endonasale,
l’ECG, l’EEG, les mouvements oculaires
(électro-oculogramme), le flux nasal
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et/ou buccal, les efforts respiratoires
(mouvements thoraciques et abdominaux), la position de l’enfant. Un enregistrement vidéo peut compléter la
PSG. Cet examen nécessite un matériel
et un personnel adaptés à l’enfant et se
pratique le plus souvent en milieu spécialisé ; il est réalisé sans sédation et
sans privation de sommeil et en dehors
d’un événement infectieux récent. Un
des problèmes rencontrés pour analyser
les résultats de cet examen est l’absence
de normes pédiatriques, les normes utilisées chez l’adulte ne pouvant être reprises en raison des différences physiologiques.
L’évaluation des résultats se fait sur plusieurs critères, qui permettent de quantifier le degré d’obstruction respiratoire
(normal, simple ronflement, syndrome
de haute résistance et SAOS bénin, modéré ou sévère) :
l’index d’apnées et/ou d’hypopnées
(IAH). Il est exprimé en nombre d’événements respiratoires par heure de
sommeil efficace (norme < 1), les événements étant :
– apnée centrale : cessation de tout flux
et mouvements respiratoires durant 10
à 20 secondes, selon l’âge, ou moins si
l’apnée est associée à une désaturation
supérieure à 3 %,
– apnée obstructive : cessation du flux
respiratoire avec persistance des mouvements thoraciques et abdominaux,
– apnées mixtes : apnée initialement
centrale, puis obstructive,
– hypopnée : réduction du flux respiratoire supérieure à 50 %, ou à 30 % avec
désaturation. Elle peut être centrale ou
obstructive selon que les mouvements
thoraciques et abdominaux sont en phase ou en opposition ;
l’index de désaturation en O2 (norme :
saturation minimale > 92 %) ou d’hypoxémie si une gazométrie de sommeil
par TcpO2 a été enregistrée ;
capnie (norme < 50 à 53 mmHg selon les équipes) ;
effort respiratoire ;
microéveils : accélération du rythme
EEG supérieure à 3 secondes.
A titre d’exemple, le ronflement simple
a un indice d’apnée inférieur à 1, une
TROUBLES RESPIRATOIRES DU SOMMEIL : DIAGNOSTIC CLINIQUE
Interrogatoire
Symptomatologie nocturne :
ronflements et leur fréquence (nombre de
nuits/semaine) ; ronflements audibles à travers une porte ;
qualité de la respiration : difficultés respiratoires avec éventuellement pauses, voire
apnées, cyanose ;
qualité du sommeil : agité, mouvements
des jambes, éveils fréquents ;
recherche d’une sudation excessive, d’une
énurésie ;
les parents ont-ils l’impression que leur
enfant est en « danger » la nuit ?
Signes diurnes :
(les trois premiers signes sont rares chez l’enfant prépubère contrairement à l’adulte)
céphalées ;
asthénie ;
somnolence : enfant s’endormant en classe, réapparition d’une sieste ;
rechercher des problèmes neurocognitifs :
difficultés d’apprentissage, échec scolaire,
troubles du comportement, agressivité et déficit d’attention/hyperactivité, troubles de
l’humeur, troubles alimentaires, difficultés à
avaler.
Examen clinique
Etat nutritionnel :
retard staturopondéral ;
obésité (mesure de l’IMC).
Sphère ORL :
obstruction nasale, respiration buccale ;
hypertrophie adénoïdienne (faciès adénoï-
dien) et/ou amygdalienne ;
anomalies buccales : macroglossie, palais,
dentition ;
anomalies craniofaciales.
Système cardiovasculaire :
augmentation de la composante pulmonaire du B2 ;
HTA systémique.
Système respiratoire :
pectus excavatum ;
hippocratisme digital.
Système neuromusculaire :
paires crâniennes ;
tonus et force musculaires.
L’examen clinique peut être normal.
Facteurs de risque
maladies neuromusculaires ;
malformations craniofaciales : achondroplasie, syndrome de Pierre Robin, de PraderWilly, de Smith-Magenis… ;
anomalies génétiques : trisomie 21, syndrome de l’X fragile ;
anomalies du tissu conjonctif : hypertrophie amygdalienne, glossoptose, maladies de
surcharges… ;
certaines BPCO (dysplasie bronchopulmonaire, mucoviscidose) ;
drépanocytose ;
obésité ;
ethniques : le ronflement est cinq fois plus
fréquent dans la population noire que chez
les caucasiens ;
tabagisme : passif et/ou actif (chez l’adolescent).
saturation minimale supérieure à 92 %
et une PCO 2 inférieure à 53 mmHg,
alors que le SAOS sévère a un indice
d’apnée supérieur à 10, une saturation
minimale inférieure à 75 % et une PCO2
supérieure à 65 mmHg.
Les événements obstructifs surviennent
plus fréquemment pendant la phase de
sommeil paradoxal (REM), donc en
deuxième partie de la nuit. Jusqu’à la
puberté, le sex-ratio du SAOS est de 1,
puis il devient plus fréquent chez l’adolescent de sexe masculin.
De nombreuses études polysomnographiques ont été effectuées chez l’enfant
sain, à des âges différents, pour tenter
d’établir des normes pédiatriques.
D’autres études sont attendues pour homogénéiser ces résultats.
Autres examens
La polysomnographie de sieste a,
comme l’oxymétrie, une valeur prédictive négative médiocre. La normalité de
ces deux examens doit conduire à une
PSG de nuit.
La polygraphie ambulatoire, sans
EEG, est plus facile à réaliser mais doit
encore être évaluée.
L’actimétrie enregistre, à l’aide d’un
petit appareil placé au poignet, tous les
mouvements, même de faible amplitude. Elle donne une bonne indication sur
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les horaires de sommeil et les réveils
nocturnes, ainsi que sur l’aptitude du
sujet à apprécier son sommeil. En cas
d’activité anormalement élevée au
cours de la nuit, une pathologie organique est à suspecter, et donc un bilan
complémentaire à envisager.
Les examens suivants seront discutés
en fonction de la clinique, que le
trouble du sommeil soit respiratoire ou
non : NFS, ferritinémie, gazométrie
sanguine, ECG et échographie cardiaque, EEG, voire holter EEG, IRM crânienne et/ou des voies aériennes supérieures (VAS), nasofibroscopie ORL,
voire screening toxicologique.
TROUBLES NEUROCOGNITIFS
SECONDAIRES AUX TROUBLES
RESPIRATOIRES DU SOMMEIL
Ces troubles peuvent survenir à tout
âge, y compris chez le nourrisson. Ils
sont tout d’abord d’ordre mnésique et
attentionnel, puis atteignent les fonctions exécutives à l’âge scolaire. La fréquence des TRS augmente la prévalence des anomalies cognitives, qui surviennent même au stade du simple ronflement. Ce symptôme, considéré comme banal en pédiatrie, ne doit donc jamais être négligé.
L’hypoxie chronique, secondaire aux
apnées et aux hypopnées, entraîne une
vasoconstriction responsable d’une hypertonie sympathique qui favorise une
HTA systémique et pulmonaire. Cela
conduit à une souffrance dans le cortex
préfrontal, dont dépendent les fonctions cognitives.
L’inflammation au niveau des VAS joue
un rôle princeps dans les mécanismes
obstructifs locaux. La voie des leucotriènes est principalement concernée, et
il existerait une interrelation entre le niveau des marqueurs de l’inflammation
et la sévérité du SAOS. La mesure du
NO exhalé permet de confirmer une
augmentation de l’inflammation des
voies aériennes en cas de TRS [7]. Sur le
plan systémique, d’autres marqueurs
sont augmentés en cas de SAOS : la CRP
(protéine C-réactive) et le TNF (tumor
necrosis factor). Ces éléments traduisent un stress oxydatif (induit par des
PSG NOCTURNE ET ADÉNOAMYGDALECTOMIE
La PSG nocturne doit-elle être pratiquée avant toute adénoamygdalectomie ? Cette question
risque de nous être posée de plus en plus fréquemment dans les années à venir :
chez l’enfant sain présentant une hypertrophie clinique adénoïdo-amygdalienne et une
symptomatologie fortement évocatrice de SAOS, la PSG ne semble pas indiquée (actuellement en tout cas), mais peut-être deviendra-t-elle médico-légale dans l’avenir ;
elle peut éviter une chirurgie inutile chez les enfants peu symptomatiques et convaincre
certains parents réticents devant une indication hautement probable ;
elle est à recommander en cas de risque de complications postopératoires. Un consensus
très récent a eu lieu au Royaume-Uni sur ces facteurs de risques [8] : nourrisson de moins de
deux ans, poids inférieur à 15 kg, retard de croissance pondérale, antécédent de prématurité,
obésité, SAOS sévère, anomalie maxillofaciale, pathologie associée (cardiaque et/ou pulmonaire), maladie de surcharge, pathologie neuromusculaire. Dans ces conditions, il est recommandé, dans ce consensus multidisciplinaire, de pratiquer l’intervention ORL dans un centre
pourvu d’une unité de soins intensifs pédiatriques pouvant si nécessaire ventiler l’enfant en
postopératoire ;
dans les cas où une PSG postopératoire serait indiquée devant la persistance des symptômes, elle ne devra être réalisée qu’après un délai de six semaines.
épisodes intermittents d’hypoxie-réoxygénation) qui favorise l’hypertrophie
des organes lymphoïdes des VAS.
En plus des anomalies neurocognitives,
ces éléments accroîtraient le risque de
complications cardiovasculaires : HTA,
voire athérome à l’âge adulte (le SAOS
étant un facteur de risque cardiovasculaire bien identifié chez l’adulte).
TRAITEMENT CHIRURGICAL
Le traitement de référence, qui vise à lever l’obstruction secondaire à l’hypertrophie lymphoïde, est l’adénoamygdalectomie (l’adénoïdectomie seule est le
plus souvent insuffisante). L’efficacité
est d’environ 80 %. Même si les parents
sont satisfaits du résultat clinique, la
PSG peut rester perturbée (25 à 45 %
des cas). Le risque de non-normalisation est plus fréquent en cas de facteur
de risque associé (obésité, SAOS sévère,
anomalie neurologique ou osseuse).
Dans certains cas, un traitement complémentaire d’orthodontie peut être indiqué. Pour certains, la recherche d’une
anomalie maxillo-faciale devrait être
systématique en cas de TRS.
En cas d’échec ou de contre-indication
du traitement chirurgical, la ventilation
non invasive nocturne par pression positive continue est indiquée. Ce traitement étant lourd et contraignant, il néavril 2009
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cessite d’être mis en route dans des
centres spécialisés pour éviter de mauvaises compliances thérapeutiques.
TRAITEMENT MÉDICAL
La physiopathologie des TRS rend
compte de l’intérêt des thérapeutiques
anti-inflammatoires comme les antileucotriènes per os et/ou les corticoïdes
par voie nasale. Ces traitements réduisent la taille des végétations adénoïdes,
mais des études complémentaires sont
nécessaires, en particulier sur les effets
à long terme [9-10]. Les corticoïdes par
voie générale ne sont pas indiqués.
Conseils généraux : favoriser la perte de
poids des enfants en surcharge pondérale, éviter le tabagisme passif.
Un traitement antireflux sera prescrit
en cas de RGO associé.
AUTRES TROUBLES
DU SOMMEIL [11-13]
C’est souvent la plainte des parents qui
fait évoquer le diagnostic de trouble du
sommeil (TDS), mais certains problèmes de sommeil allégués par les parents ne relèvent pas d’une pathologie
et il existe d’autres symptômes qui doivent faire rechercher un TDS, asthénie
ou troubles scolaires par exemple. L’ap-
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préciation par les parents du manque de
sommeil de leur enfant est sujette à de
très grandes variations (différences culturelles…), d’où l’importance de l’interrogatoire et d’une oreille attentive, ainsi
que d’un examen clinique avec évaluation du développement psychomoteur.
Ce symptôme n’est souvent annoncé
qu’en fin de consultation, la main sur la
poignée de porte : « Au fait Docteur, il
ne dort pas la nuit… » !
Dans un premier temps, on éliminera
facilement toutes les causes physiologiques : faim ou repas trop abondants,
soif, température de la chambre trop
élevée ou trop basse, fièvre, douleur,
décalage horaire… ainsi que certaines
pathologies comme le RGO, l’intolérance aux PLV, une OMA. En dehors de ces
étiologies et des troubles respiratoires
du sommeil exposés plus haut, on recherchera d’autres causes développées
ci-dessous.
EN CAS DE TROUBLES DU
SOMMEIL SANS RETENTISSEMENT
SUR LA JOURNÉE
Insomnie
du nourrisson : elle est très
banale et se manifeste par des réveils
avec cris et pleurs. Après s’être assuré
cliniquement que l’enfant ne présente
aucune anomalie, on recherchera une
forte inquiétude parentale avec éventuel traumatisme dans leurs antécédents, des conflits au sein du couple ou
un syndrome du lit parental (nourrisson
dormant dans le lit de ses parents). On
expliquera ensuite aux deux parents
que l’enfant doit apprendre à dormir et
à s’endormir seul. L’insomnie calme,
nourrisson éveillé et immobile sans cris
ou autre manifestation, nécessite au
contraire une consultation spécialisée.
Parasomnies : ce sont des phénomènes indésirables associant éléments
moteurs, verbaux et/ou sensoriels. Les
causes en sont multiples et variées :
– somnambulisme : déambulation inconsciente yeux ouverts, durant dix à
trente minutes et survenant une à trois
heures après l’endormissement. L’enfant se laisse reconduire au lit sans problème. Le somnambulisme concerne
surtout le garçon de huit à douze ans.
Le risque de blessure n’est pas négligeable. L’enfant se rendort spontanément et ne garde pas de souvenir de
l’épisode. Il existe souvent des antécédents familiaux ;
– terreurs nocturnes : comme pour le
somnambulisme, l’enfant est inconscient, yeux ouverts, mais il est agité, crie,
semble effrayé, ne reconnaît pas ses
proches, transpire et présente une tachycardie. La durée et l’heure de survenue
sont proches de celles du somnambulisme, mais les terreurs nocturnes concernent l’âge de cinq à sept ans ;
– énurésie ;
– bruxisme : il peut à la longue avoir
des répercussions orthodontiques ;
– cauchemars : ils provoquent un réveil
brutal ; l’enfant pleure, appelle, est capable de raconter le rêve qui l’a effrayé
à ses parents et reconnaît ceux-ci ; il est
éveillé et bien orienté. Les cauchemars
surviennent dans le dernier tiers de la
nuit. Le réendormissement est souvent
difficile ;
– rythmies d’endormissement : mouvements de la tête et/ou du corps parfois
associés à des vocalises.
Les parasomnies ne nécessitent d’explorations (EEG à la recherche d’une épilepsie focale, voire PSG pour éliminer
un SAOS associé) qu’en cas de formes
chroniques ou atypiques ; elles sont
souvent bénignes. Il faudra rassurer les
parents qui pensent que leur enfant présente un trouble psychologique et leur
conseiller d’éviter les éléments inducteurs, comme la privation de sommeil,
les stress, les activités tardives, les médicaments hypnotiques et les antihistaminiques.
EN CAS DE TROUBLES DU
SOMMEIL AVEC RETENTISSEMENT
DIURNE
Insomnie de l’enfant ou de l’adolescent : elle peut être chez l’adolescent un
symptôme d’appel dans le cadre d’une
dépression nécessitant une prise en
charge globale. On note des difficultés
d’endormissement et à rester endormi,
avec des éveils en milieu de nuit, un réveil matinal trop précoce et un sommeil
ressenti comme non réparateur.
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Syndrome des jambes sans repos
(SJSR) : besoin impérieux de bouger les
jambes, associé à des sensations désagréables (brûlures, engourdissement…), s’aggravant dans les situations
où il est difficile de bouger (cinéma,
avion) et diminuant quand l’attention
est captivée (conversation, jeux). Ce
syndrome est favorisé par le repos et
soulagé par les mouvements, il est donc
accentué la nuit. Le sujet a un besoin
impérieux de bouger, de taper du pied,
de bouger les jambes ou de se retourner
dans son lit, de se tenir debout ou de se
masser les jambes. Certains patients
sont obligés de déambuler tout ou partie de la nuit pour soulager leur gêne.
Une origine génétique est suspectée. Il
existe des facteurs favorisants, comme
les xanthines, les antidépresseurs, la carence martiale, le diabète, une neuropathie périphérique ou une insuffisance
rénale. On note des mouvements périodiques pendant le sommeil ; ces mouvements, involontaires, peuvent être observés par l’entourage. Ils sont d’amplitude très variable, souvent limités à une
extension du gros orteil ou à une flexion
du pied, mais parfois concernent aussi
le genou, voire la hanche. Ils sont mis
en évidence par des enregistrements
polysomnographiques. Les enfants qui
souffrent de ce syndrome se plaignent
d’insomnies (plus de 80 % des cas) et
ont des troubles du comportement, voire de concentration et de mémorisation.
Le tableau clinique est proche de celui
du trouble de l’attention/hyperactivité
(TDAH). Dans une étude comparant
des enfants ayant un TDAH à un groupe
témoin, les PSG ont montré une diminution de la durée du sommeil portant
essentiellement sur les périodes de REM
sleep dans le groupe TDAH ; de plus, les
facteurs d’anxiété vis-à-vis du sommeil
étaient augmentés dans ce groupe [14].
Narcolepsie. Elle débute le plus souvent entre quinze et vingt-cinq ans, mais
peut exister dès quatre ans. Une obésité
est fréquente au début de la maladie. Il
existe une somnolence diurne, avec des
siestes de plusieurs heures et des attaques de sommeil. On note des cataplexies liées à une baisse du tonus
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musculaire : chute des paupières, vacillement, voire chute brutale sans perte de
contact. La PSG élimine un SAOS ou un
SJSR. Le holter EEG est normal avec diminution des latences d’endormissement. Il existe une transmission génétique qui fait que 98 % des personnes qui
souffrent de narcolepsie ont un groupage HLA particulier (DQB1 06-02). Dans
la plupart des cas, il y a une baisse de
l’hypocrétin-1 (ht) dans le liquide céphalorachidien. L’ht est un neuropeptide fabriqué dans le cerveau et impliqué dans
la régulation du sommeil.
Retard de phase (7 % des adolescents
sont concernés) : endormissement
après 2 heures du matin et réveil après
11 heures du matin. Le retard de phase
est probablement favorisé par des facteurs sociaux, comme la pression scolaire ou la diminution de l’influence parentale, les activités scolaires et extrascolaires, la consommation télévisuelle
et informatique. Outre la fatigue et la
baisse des performances attentionnelles, ce trouble du sommeil peut entraîner des syndromes dépressifs avec
risque suicidaire.
et du réveil, forme physique au cours de
la journée, éventuellement médicaments pris. Cet agenda doit être tenu
sur au moins deux semaines ; on peut le
compléter par une actimétrie.
A partir d’une étude portant sur 1 500
familles et des enfants de la naissance à
dix ans, la National Sleep Foundation
nord-américaine recommande dans une
publication récente d’avoir une bonne
hygiène de sommeil pour favoriser un
sommeil de meilleure qualité [15] :
endormissement : l’enfant doit s’endormir seul, la présence des parents induisant des réveils nocturnes ;
mettre les nourrissons au lit lorsqu’ils
sont « assoupis » mais encore éveillés ;
l’enfant doit se coucher avant
21 heures : le coucher tardif favorise
une latence avant l’endormissement et
donc une réduction du temps total de
sommeil ;
établir une routine avant le coucher :
lecture ou autre choix personnel ;
éviter la caféine (coca, thé glacé…) ;
pas de télévision dans la chambre.
CONSEILS À DONNER
AUX PARENTS
On retiendra la prévalence élevée des
troubles du sommeil, la gravité potentielle de leur retentissement sur les acquisitions et le développement, leurs répercussions non négligeables sur les performances cognitives, le comportement
Dans tous les cas, il est important qu’un
agenda de sommeil soit rempli :
horaires de sommeil et éventuels événements intercurrents, qualité du sommeil
Références
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How can sleep-medicine make a difference ? », Sleep Med. Rev.,
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« Comment investiguer les troubles respiratoires du sommeil
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CONCLUSIONS
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HAENTJENS D., CLAES R., VAERENBERG H., VAN GAAL L.F.,
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[11] FRENKEL A.L. : « Les troubles du sommeil chez l’enfant », J.
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et le métabolisme (obésité), leurs conséquences cardiovasculaires. L’information
des professionnels de santé (pédiatres,
médecins généralistes, médecins scolaires), des paramédicaux (sagesfemmes, infirmières, psychologues) et
des personnels de l’éducation sur les
troubles du sommeil est insuffisante et
conduit à des erreurs de prise en charge,
voire à des abus de prescription.
D’où l’importance de former des spécialistes du sommeil [16] et de délivrer un
enseignement spécifique pour toutes les
professions précitées. Cela permettrait
non seulement un diagnostic précoce
mais une approche préventive, et ce de
façon pluridisciplinaire.
L’édition d’un guide pratique du sommeil, avec reprise des éléments principaux dans le carnet de santé, est à envisager, ainsi qu’un enseignement sur le
sommeil en milieu scolaire.
« Comment dort votre enfant » est une
question qui devrait systématiquement
être posée en consultation pédiatrique.
Dans les rares cas où la symptomatologie
est inquiétante ou persistante, un avis
spécialisé doit être demandé sans délai.
A l’heure actuelle, l’adénotonsillectomie
est le traitement de choix des SAOS et
la polysomnographie nocturne l’examen les confirmant.
Remerciements aux Drs Sandu-Maingot, Guillo et La
Rocca pour leur aide dans la rédaction de cet article.
Pédiatr. Puér., 2009 ; 22 : 1-4.
[12] Site de la Société française de recherche et de médecine du
sommeil : www.sfrms.org/index1.php.
[13] http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/giordanella_sommeil/
rapport.pdf.
[14] GRUBER R., XI T., FRENETTE S., ROBERT M., VANNASINH
P., CARRIER J. : « Sleep disturbances in prepubertal children with attention deficit hyperactivity disorder : a home polysomnography study », Sleep, 2009 ; 32 : 343-50.
[15] MINDELL J.A., MELTZER L.J., CARSKADON M.A., CHERVIN
R.D. : « Developmental aspects of sleep hygiene : Findings from
the 2004 National Sleep Foundation Sleep in America Poll »,
Sleep Med., 2009 Mar 11 (Epub ahead of print).
[16] PEVERNAGIE D., STANLEY N., BERG S., KRIEGER J., AMICI
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