Médecine & enfance Troubles respiratoires du sommeil et autres pathologies du sommeil chez l’enfant M. Koskas et l’équipe médicale du centre du sommeil, hôpital d’enfants Armand-Trousseau, Paris Les troubles du sommeil représentent une part non négligeable de la pratique quotidienne en pédiatrie générale [1]. 25 à 50 % des enfants et/ou adolescents présenteront ce type de perturbations, qui seront dans la majorité bénignes et transitoires. Nous séparerons les troubles respiratoires du sommeil (TRS), qui font actuellement l’objet de nombreuses publications, des autres pathologies du sommeil. Leurs conséquences délétères sur le développement neurocognitif et le comportement de l’enfant nécessitent un diagnostic précis et une prise en charge la plus précoce possible. L’importance du sommeil se reflète dans le nombre croissant, non seulement d’articles dans la littérature, mais également d’unités spécialisées dans l’analyse du sommeil de l’enfant et de l’adolescent. a connaissance de quelques éléments du processus neurobiologique qu’est le sommeil permet de dépister au plus tôt ses anomalies et d’orienter l’enfant vers les structures les plus adaptées de dépistage et de thérapeutique. La durée du sommeil, qui est de seize à dix-sept heures chez le nouveau-né, passe à quatorze heures à un an, treize heures à deux ans, onze heures à six ans, dix heures à dix ans, puis à huit heures à l’adolescence. Il existe une grande variabilité interindividuelle. De trois à six mois, le nourrisson fait trois siestes. A un an, la sieste de fin d’après-midi disparaît, puis celle de fin de matinée vers dix-huit mois, alors que le sommeil nocturne dure onze à douze heures. La sieste disparaît complètement entre deux et quatre ans. Le sommeil se déroule par cycles où se succèdent trois états : éveil, sommeil paradoxal (REMsleep : rapid eyes mo- L vement) et sommeil lent (non REMsleep), qui contient des phases de sommeil profond. L’analyse du sommeil intègre des paramètres de régulation biologique ainsi que des éléments psychosociaux, culturels, voire médicamenteux. Tous ces éléments sont à prendre en compte par les acteurs de l’enfance. TROUBLES RESPIRATOIRES DU SOMMEIL [2-6] Les troubles respiratoires du sommeil (TRS) vont du simple ronflement (dont la prévalence est de 12 à 15 %) au syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS), qui concerne 1,5 à 3 % des enfants. Entre ces deux extrêmes de TRS, on citera le syndrome de haute résistance des voies aériennes. Si l’adulte se plaint principalement de troubles de la vigilance diurne, les parents signalent avril 2009 page 184 au premier chef les ronflements nocturnes de leur enfant. Ce symptôme est donc à rechercher lors des visites systématiques (voir l’encadré résumant les éléments du diagnostic clinique). LES OUTILS DIAGNOSTIQUES L’oxymétrie nocturne Les éléments à interpréter sont la saturation moyenne et le pourcentage de temps pendant lequel la SaO2 est inférieure à 90 %, mais, si la sensibilité de l’oxymétrie est bonne, sa valeur prédictive négative est médiocre et n’élimine pas un SAOS en cas d’enregistrement normal. La polysomnographie (PSG) sur une nuit Cet examen est le « gold standard » pour le diagnostic de SAOS. Il enregistre de façon simultanée plusieurs paramètres : la saturation en O2, la pression partielle en CO 2 transcutanée ou endonasale, l’ECG, l’EEG, les mouvements oculaires (électro-oculogramme), le flux nasal Médecine & enfance et/ou buccal, les efforts respiratoires (mouvements thoraciques et abdominaux), la position de l’enfant. Un enregistrement vidéo peut compléter la PSG. Cet examen nécessite un matériel et un personnel adaptés à l’enfant et se pratique le plus souvent en milieu spécialisé ; il est réalisé sans sédation et sans privation de sommeil et en dehors d’un événement infectieux récent. Un des problèmes rencontrés pour analyser les résultats de cet examen est l’absence de normes pédiatriques, les normes utilisées chez l’adulte ne pouvant être reprises en raison des différences physiologiques. L’évaluation des résultats se fait sur plusieurs critères, qui permettent de quantifier le degré d’obstruction respiratoire (normal, simple ronflement, syndrome de haute résistance et SAOS bénin, modéré ou sévère) : l’index d’apnées et/ou d’hypopnées (IAH). Il est exprimé en nombre d’événements respiratoires par heure de sommeil efficace (norme < 1), les événements étant : – apnée centrale : cessation de tout flux et mouvements respiratoires durant 10 à 20 secondes, selon l’âge, ou moins si l’apnée est associée à une désaturation supérieure à 3 %, – apnée obstructive : cessation du flux respiratoire avec persistance des mouvements thoraciques et abdominaux, – apnées mixtes : apnée initialement centrale, puis obstructive, – hypopnée : réduction du flux respiratoire supérieure à 50 %, ou à 30 % avec désaturation. Elle peut être centrale ou obstructive selon que les mouvements thoraciques et abdominaux sont en phase ou en opposition ; l’index de désaturation en O2 (norme : saturation minimale > 92 %) ou d’hypoxémie si une gazométrie de sommeil par TcpO2 a été enregistrée ; capnie (norme < 50 à 53 mmHg selon les équipes) ; effort respiratoire ; microéveils : accélération du rythme EEG supérieure à 3 secondes. A titre d’exemple, le ronflement simple a un indice d’apnée inférieur à 1, une TROUBLES RESPIRATOIRES DU SOMMEIL : DIAGNOSTIC CLINIQUE Interrogatoire Symptomatologie nocturne : ronflements et leur fréquence (nombre de nuits/semaine) ; ronflements audibles à travers une porte ; qualité de la respiration : difficultés respiratoires avec éventuellement pauses, voire apnées, cyanose ; qualité du sommeil : agité, mouvements des jambes, éveils fréquents ; recherche d’une sudation excessive, d’une énurésie ; les parents ont-ils l’impression que leur enfant est en « danger » la nuit ? Signes diurnes : (les trois premiers signes sont rares chez l’enfant prépubère contrairement à l’adulte) céphalées ; asthénie ; somnolence : enfant s’endormant en classe, réapparition d’une sieste ; rechercher des problèmes neurocognitifs : difficultés d’apprentissage, échec scolaire, troubles du comportement, agressivité et déficit d’attention/hyperactivité, troubles de l’humeur, troubles alimentaires, difficultés à avaler. Examen clinique Etat nutritionnel : retard staturopondéral ; obésité (mesure de l’IMC). Sphère ORL : obstruction nasale, respiration buccale ; hypertrophie adénoïdienne (faciès adénoï- dien) et/ou amygdalienne ; anomalies buccales : macroglossie, palais, dentition ; anomalies craniofaciales. Système cardiovasculaire : augmentation de la composante pulmonaire du B2 ; HTA systémique. Système respiratoire : pectus excavatum ; hippocratisme digital. Système neuromusculaire : paires crâniennes ; tonus et force musculaires. L’examen clinique peut être normal. Facteurs de risque maladies neuromusculaires ; malformations craniofaciales : achondroplasie, syndrome de Pierre Robin, de PraderWilly, de Smith-Magenis… ; anomalies génétiques : trisomie 21, syndrome de l’X fragile ; anomalies du tissu conjonctif : hypertrophie amygdalienne, glossoptose, maladies de surcharges… ; certaines BPCO (dysplasie bronchopulmonaire, mucoviscidose) ; drépanocytose ; obésité ; ethniques : le ronflement est cinq fois plus fréquent dans la population noire que chez les caucasiens ; tabagisme : passif et/ou actif (chez l’adolescent). saturation minimale supérieure à 92 % et une PCO 2 inférieure à 53 mmHg, alors que le SAOS sévère a un indice d’apnée supérieur à 10, une saturation minimale inférieure à 75 % et une PCO2 supérieure à 65 mmHg. Les événements obstructifs surviennent plus fréquemment pendant la phase de sommeil paradoxal (REM), donc en deuxième partie de la nuit. Jusqu’à la puberté, le sex-ratio du SAOS est de 1, puis il devient plus fréquent chez l’adolescent de sexe masculin. De nombreuses études polysomnographiques ont été effectuées chez l’enfant sain, à des âges différents, pour tenter d’établir des normes pédiatriques. D’autres études sont attendues pour homogénéiser ces résultats. Autres examens La polysomnographie de sieste a, comme l’oxymétrie, une valeur prédictive négative médiocre. La normalité de ces deux examens doit conduire à une PSG de nuit. La polygraphie ambulatoire, sans EEG, est plus facile à réaliser mais doit encore être évaluée. L’actimétrie enregistre, à l’aide d’un petit appareil placé au poignet, tous les mouvements, même de faible amplitude. Elle donne une bonne indication sur avril 2009 page 185 Médecine & enfance les horaires de sommeil et les réveils nocturnes, ainsi que sur l’aptitude du sujet à apprécier son sommeil. En cas d’activité anormalement élevée au cours de la nuit, une pathologie organique est à suspecter, et donc un bilan complémentaire à envisager. Les examens suivants seront discutés en fonction de la clinique, que le trouble du sommeil soit respiratoire ou non : NFS, ferritinémie, gazométrie sanguine, ECG et échographie cardiaque, EEG, voire holter EEG, IRM crânienne et/ou des voies aériennes supérieures (VAS), nasofibroscopie ORL, voire screening toxicologique. TROUBLES NEUROCOGNITIFS SECONDAIRES AUX TROUBLES RESPIRATOIRES DU SOMMEIL Ces troubles peuvent survenir à tout âge, y compris chez le nourrisson. Ils sont tout d’abord d’ordre mnésique et attentionnel, puis atteignent les fonctions exécutives à l’âge scolaire. La fréquence des TRS augmente la prévalence des anomalies cognitives, qui surviennent même au stade du simple ronflement. Ce symptôme, considéré comme banal en pédiatrie, ne doit donc jamais être négligé. L’hypoxie chronique, secondaire aux apnées et aux hypopnées, entraîne une vasoconstriction responsable d’une hypertonie sympathique qui favorise une HTA systémique et pulmonaire. Cela conduit à une souffrance dans le cortex préfrontal, dont dépendent les fonctions cognitives. L’inflammation au niveau des VAS joue un rôle princeps dans les mécanismes obstructifs locaux. La voie des leucotriènes est principalement concernée, et il existerait une interrelation entre le niveau des marqueurs de l’inflammation et la sévérité du SAOS. La mesure du NO exhalé permet de confirmer une augmentation de l’inflammation des voies aériennes en cas de TRS [7]. Sur le plan systémique, d’autres marqueurs sont augmentés en cas de SAOS : la CRP (protéine C-réactive) et le TNF (tumor necrosis factor). Ces éléments traduisent un stress oxydatif (induit par des PSG NOCTURNE ET ADÉNOAMYGDALECTOMIE La PSG nocturne doit-elle être pratiquée avant toute adénoamygdalectomie ? Cette question risque de nous être posée de plus en plus fréquemment dans les années à venir : chez l’enfant sain présentant une hypertrophie clinique adénoïdo-amygdalienne et une symptomatologie fortement évocatrice de SAOS, la PSG ne semble pas indiquée (actuellement en tout cas), mais peut-être deviendra-t-elle médico-légale dans l’avenir ; elle peut éviter une chirurgie inutile chez les enfants peu symptomatiques et convaincre certains parents réticents devant une indication hautement probable ; elle est à recommander en cas de risque de complications postopératoires. Un consensus très récent a eu lieu au Royaume-Uni sur ces facteurs de risques [8] : nourrisson de moins de deux ans, poids inférieur à 15 kg, retard de croissance pondérale, antécédent de prématurité, obésité, SAOS sévère, anomalie maxillofaciale, pathologie associée (cardiaque et/ou pulmonaire), maladie de surcharge, pathologie neuromusculaire. Dans ces conditions, il est recommandé, dans ce consensus multidisciplinaire, de pratiquer l’intervention ORL dans un centre pourvu d’une unité de soins intensifs pédiatriques pouvant si nécessaire ventiler l’enfant en postopératoire ; dans les cas où une PSG postopératoire serait indiquée devant la persistance des symptômes, elle ne devra être réalisée qu’après un délai de six semaines. épisodes intermittents d’hypoxie-réoxygénation) qui favorise l’hypertrophie des organes lymphoïdes des VAS. En plus des anomalies neurocognitives, ces éléments accroîtraient le risque de complications cardiovasculaires : HTA, voire athérome à l’âge adulte (le SAOS étant un facteur de risque cardiovasculaire bien identifié chez l’adulte). TRAITEMENT CHIRURGICAL Le traitement de référence, qui vise à lever l’obstruction secondaire à l’hypertrophie lymphoïde, est l’adénoamygdalectomie (l’adénoïdectomie seule est le plus souvent insuffisante). L’efficacité est d’environ 80 %. Même si les parents sont satisfaits du résultat clinique, la PSG peut rester perturbée (25 à 45 % des cas). Le risque de non-normalisation est plus fréquent en cas de facteur de risque associé (obésité, SAOS sévère, anomalie neurologique ou osseuse). Dans certains cas, un traitement complémentaire d’orthodontie peut être indiqué. Pour certains, la recherche d’une anomalie maxillo-faciale devrait être systématique en cas de TRS. En cas d’échec ou de contre-indication du traitement chirurgical, la ventilation non invasive nocturne par pression positive continue est indiquée. Ce traitement étant lourd et contraignant, il néavril 2009 page 186 cessite d’être mis en route dans des centres spécialisés pour éviter de mauvaises compliances thérapeutiques. TRAITEMENT MÉDICAL La physiopathologie des TRS rend compte de l’intérêt des thérapeutiques anti-inflammatoires comme les antileucotriènes per os et/ou les corticoïdes par voie nasale. Ces traitements réduisent la taille des végétations adénoïdes, mais des études complémentaires sont nécessaires, en particulier sur les effets à long terme [9-10]. Les corticoïdes par voie générale ne sont pas indiqués. Conseils généraux : favoriser la perte de poids des enfants en surcharge pondérale, éviter le tabagisme passif. Un traitement antireflux sera prescrit en cas de RGO associé. AUTRES TROUBLES DU SOMMEIL [11-13] C’est souvent la plainte des parents qui fait évoquer le diagnostic de trouble du sommeil (TDS), mais certains problèmes de sommeil allégués par les parents ne relèvent pas d’une pathologie et il existe d’autres symptômes qui doivent faire rechercher un TDS, asthénie ou troubles scolaires par exemple. L’ap- Médecine & enfance préciation par les parents du manque de sommeil de leur enfant est sujette à de très grandes variations (différences culturelles…), d’où l’importance de l’interrogatoire et d’une oreille attentive, ainsi que d’un examen clinique avec évaluation du développement psychomoteur. Ce symptôme n’est souvent annoncé qu’en fin de consultation, la main sur la poignée de porte : « Au fait Docteur, il ne dort pas la nuit… » ! Dans un premier temps, on éliminera facilement toutes les causes physiologiques : faim ou repas trop abondants, soif, température de la chambre trop élevée ou trop basse, fièvre, douleur, décalage horaire… ainsi que certaines pathologies comme le RGO, l’intolérance aux PLV, une OMA. En dehors de ces étiologies et des troubles respiratoires du sommeil exposés plus haut, on recherchera d’autres causes développées ci-dessous. EN CAS DE TROUBLES DU SOMMEIL SANS RETENTISSEMENT SUR LA JOURNÉE Insomnie du nourrisson : elle est très banale et se manifeste par des réveils avec cris et pleurs. Après s’être assuré cliniquement que l’enfant ne présente aucune anomalie, on recherchera une forte inquiétude parentale avec éventuel traumatisme dans leurs antécédents, des conflits au sein du couple ou un syndrome du lit parental (nourrisson dormant dans le lit de ses parents). On expliquera ensuite aux deux parents que l’enfant doit apprendre à dormir et à s’endormir seul. L’insomnie calme, nourrisson éveillé et immobile sans cris ou autre manifestation, nécessite au contraire une consultation spécialisée. Parasomnies : ce sont des phénomènes indésirables associant éléments moteurs, verbaux et/ou sensoriels. Les causes en sont multiples et variées : – somnambulisme : déambulation inconsciente yeux ouverts, durant dix à trente minutes et survenant une à trois heures après l’endormissement. L’enfant se laisse reconduire au lit sans problème. Le somnambulisme concerne surtout le garçon de huit à douze ans. Le risque de blessure n’est pas négligeable. L’enfant se rendort spontanément et ne garde pas de souvenir de l’épisode. Il existe souvent des antécédents familiaux ; – terreurs nocturnes : comme pour le somnambulisme, l’enfant est inconscient, yeux ouverts, mais il est agité, crie, semble effrayé, ne reconnaît pas ses proches, transpire et présente une tachycardie. La durée et l’heure de survenue sont proches de celles du somnambulisme, mais les terreurs nocturnes concernent l’âge de cinq à sept ans ; – énurésie ; – bruxisme : il peut à la longue avoir des répercussions orthodontiques ; – cauchemars : ils provoquent un réveil brutal ; l’enfant pleure, appelle, est capable de raconter le rêve qui l’a effrayé à ses parents et reconnaît ceux-ci ; il est éveillé et bien orienté. Les cauchemars surviennent dans le dernier tiers de la nuit. Le réendormissement est souvent difficile ; – rythmies d’endormissement : mouvements de la tête et/ou du corps parfois associés à des vocalises. Les parasomnies ne nécessitent d’explorations (EEG à la recherche d’une épilepsie focale, voire PSG pour éliminer un SAOS associé) qu’en cas de formes chroniques ou atypiques ; elles sont souvent bénignes. Il faudra rassurer les parents qui pensent que leur enfant présente un trouble psychologique et leur conseiller d’éviter les éléments inducteurs, comme la privation de sommeil, les stress, les activités tardives, les médicaments hypnotiques et les antihistaminiques. EN CAS DE TROUBLES DU SOMMEIL AVEC RETENTISSEMENT DIURNE Insomnie de l’enfant ou de l’adolescent : elle peut être chez l’adolescent un symptôme d’appel dans le cadre d’une dépression nécessitant une prise en charge globale. On note des difficultés d’endormissement et à rester endormi, avec des éveils en milieu de nuit, un réveil matinal trop précoce et un sommeil ressenti comme non réparateur. avril 2009 page 187 Syndrome des jambes sans repos (SJSR) : besoin impérieux de bouger les jambes, associé à des sensations désagréables (brûlures, engourdissement…), s’aggravant dans les situations où il est difficile de bouger (cinéma, avion) et diminuant quand l’attention est captivée (conversation, jeux). Ce syndrome est favorisé par le repos et soulagé par les mouvements, il est donc accentué la nuit. Le sujet a un besoin impérieux de bouger, de taper du pied, de bouger les jambes ou de se retourner dans son lit, de se tenir debout ou de se masser les jambes. Certains patients sont obligés de déambuler tout ou partie de la nuit pour soulager leur gêne. Une origine génétique est suspectée. Il existe des facteurs favorisants, comme les xanthines, les antidépresseurs, la carence martiale, le diabète, une neuropathie périphérique ou une insuffisance rénale. On note des mouvements périodiques pendant le sommeil ; ces mouvements, involontaires, peuvent être observés par l’entourage. Ils sont d’amplitude très variable, souvent limités à une extension du gros orteil ou à une flexion du pied, mais parfois concernent aussi le genou, voire la hanche. Ils sont mis en évidence par des enregistrements polysomnographiques. Les enfants qui souffrent de ce syndrome se plaignent d’insomnies (plus de 80 % des cas) et ont des troubles du comportement, voire de concentration et de mémorisation. Le tableau clinique est proche de celui du trouble de l’attention/hyperactivité (TDAH). Dans une étude comparant des enfants ayant un TDAH à un groupe témoin, les PSG ont montré une diminution de la durée du sommeil portant essentiellement sur les périodes de REM sleep dans le groupe TDAH ; de plus, les facteurs d’anxiété vis-à-vis du sommeil étaient augmentés dans ce groupe [14]. Narcolepsie. Elle débute le plus souvent entre quinze et vingt-cinq ans, mais peut exister dès quatre ans. Une obésité est fréquente au début de la maladie. Il existe une somnolence diurne, avec des siestes de plusieurs heures et des attaques de sommeil. On note des cataplexies liées à une baisse du tonus Médecine & enfance musculaire : chute des paupières, vacillement, voire chute brutale sans perte de contact. La PSG élimine un SAOS ou un SJSR. Le holter EEG est normal avec diminution des latences d’endormissement. Il existe une transmission génétique qui fait que 98 % des personnes qui souffrent de narcolepsie ont un groupage HLA particulier (DQB1 06-02). Dans la plupart des cas, il y a une baisse de l’hypocrétin-1 (ht) dans le liquide céphalorachidien. L’ht est un neuropeptide fabriqué dans le cerveau et impliqué dans la régulation du sommeil. Retard de phase (7 % des adolescents sont concernés) : endormissement après 2 heures du matin et réveil après 11 heures du matin. Le retard de phase est probablement favorisé par des facteurs sociaux, comme la pression scolaire ou la diminution de l’influence parentale, les activités scolaires et extrascolaires, la consommation télévisuelle et informatique. Outre la fatigue et la baisse des performances attentionnelles, ce trouble du sommeil peut entraîner des syndromes dépressifs avec risque suicidaire. et du réveil, forme physique au cours de la journée, éventuellement médicaments pris. Cet agenda doit être tenu sur au moins deux semaines ; on peut le compléter par une actimétrie. A partir d’une étude portant sur 1 500 familles et des enfants de la naissance à dix ans, la National Sleep Foundation nord-américaine recommande dans une publication récente d’avoir une bonne hygiène de sommeil pour favoriser un sommeil de meilleure qualité [15] : endormissement : l’enfant doit s’endormir seul, la présence des parents induisant des réveils nocturnes ; mettre les nourrissons au lit lorsqu’ils sont « assoupis » mais encore éveillés ; l’enfant doit se coucher avant 21 heures : le coucher tardif favorise une latence avant l’endormissement et donc une réduction du temps total de sommeil ; établir une routine avant le coucher : lecture ou autre choix personnel ; éviter la caféine (coca, thé glacé…) ; pas de télévision dans la chambre. CONSEILS À DONNER AUX PARENTS On retiendra la prévalence élevée des troubles du sommeil, la gravité potentielle de leur retentissement sur les acquisitions et le développement, leurs répercussions non négligeables sur les performances cognitives, le comportement Dans tous les cas, il est important qu’un agenda de sommeil soit rempli : horaires de sommeil et éventuels événements intercurrents, qualité du sommeil Références [1] CAO M., GUILLEMINAULT C. : « Pediatric sleep disorders : How can sleep-medicine make a difference ? », Sleep Med. Rev., 2009 ; 13 : 107-10. [2] ROCHAT I., GUINAND S., BARAZZONE C., HAFEN G. : « Comment investiguer les troubles respiratoires du sommeil chez l’enfant ? », Rev. Méd. Suisse, 2008 ; 4 : 515-22. [3] MUZUMDAR H., ARENS R. : « Diagnostic issues in pediatric obstructive sleep apnea », Proc. Am. Thorac. Soc., 2008 ; 5 : 263-73. [4] COHEN-GOGO S., DO NGOC THANH C., LEVY D., MÉTREAU J., MORNAND P., PARISOT P., FAUROUX B. : « Les troubles respiratoires du sommeil chez l’enfant », Arch. Pédiatr., 2009 ; 16 : 123-31. [5] BILLIARD M., DAVILLIERS Y. : Troubles du sommeil, Masson, 2005. [6] PRAUD J.P., DORION D. : « Obstructive sleep disordered breathing in children : beyond adenotonsillectomy », Pediatr. Pulmonol., 2008 ; 43 : 837-43. CONCLUSIONS [7] VERHULST S.L., AERTS L., JACOBS S., SCHRAUWEN N., HAENTJENS D., CLAES R., VAERENBERG H., VAN GAAL L.F., DE BACKER W.A., DESAGER K.N. : « Sleep-disordered breathing, obesity, and airway inflammation in children and adolescents », Chest, 2008 ; 134 : 1169-75. [8] ROBB P.J., BEW S., KUBBA H., MURPHY N., PRIMHAK R., ROLLIN A.M., TREMLETT M. : « Tonsillectomy and adenoidectomy in children with sleep related breathing disorders : consensus statement of a UK multidisciplinary working party », Clin. Otolaryngol., 2009 ; 34 : 61-3. [9] ZHANG L., MENDOZA-SASSI R.A., CÉSAR J.A., CHADHA N.K. : « Intranasal corticosteroids for nasal airway obstruction in children with moderate to severe adenoidal hypertrophy », Cochrane Database Syst. Rev., 2008 ; 16 : CD006286. [10] KHEIRANDISH L., GOLDBART A.D., GOZAL D. : « Intranasal steroids and oral leukotriene modifier therapy in residual sleepdisordered breathing after tonsillectomy and adenoidectomy in children », Pediatrics, 2006 ; 117 : e61-6. [11] FRENKEL A.L. : « Les troubles du sommeil chez l’enfant », J. avril 2009 page 188 et le métabolisme (obésité), leurs conséquences cardiovasculaires. L’information des professionnels de santé (pédiatres, médecins généralistes, médecins scolaires), des paramédicaux (sagesfemmes, infirmières, psychologues) et des personnels de l’éducation sur les troubles du sommeil est insuffisante et conduit à des erreurs de prise en charge, voire à des abus de prescription. D’où l’importance de former des spécialistes du sommeil [16] et de délivrer un enseignement spécifique pour toutes les professions précitées. Cela permettrait non seulement un diagnostic précoce mais une approche préventive, et ce de façon pluridisciplinaire. L’édition d’un guide pratique du sommeil, avec reprise des éléments principaux dans le carnet de santé, est à envisager, ainsi qu’un enseignement sur le sommeil en milieu scolaire. « Comment dort votre enfant » est une question qui devrait systématiquement être posée en consultation pédiatrique. Dans les rares cas où la symptomatologie est inquiétante ou persistante, un avis spécialisé doit être demandé sans délai. A l’heure actuelle, l’adénotonsillectomie est le traitement de choix des SAOS et la polysomnographie nocturne l’examen les confirmant. Remerciements aux Drs Sandu-Maingot, Guillo et La Rocca pour leur aide dans la rédaction de cet article. Pédiatr. Puér., 2009 ; 22 : 1-4. [12] Site de la Société française de recherche et de médecine du sommeil : www.sfrms.org/index1.php. [13] http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/giordanella_sommeil/ rapport.pdf. [14] GRUBER R., XI T., FRENETTE S., ROBERT M., VANNASINH P., CARRIER J. : « Sleep disturbances in prepubertal children with attention deficit hyperactivity disorder : a home polysomnography study », Sleep, 2009 ; 32 : 343-50. [15] MINDELL J.A., MELTZER L.J., CARSKADON M.A., CHERVIN R.D. : « Developmental aspects of sleep hygiene : Findings from the 2004 National Sleep Foundation Sleep in America Poll », Sleep Med., 2009 Mar 11 (Epub ahead of print). [16] PEVERNAGIE D., STANLEY N., BERG S., KRIEGER J., AMICI R., BASSETTI C., BILLIARD M., CIRIGNOTTA F., GARCIA-BORREGUERO D., TOBLER I., FISCHER J. : « European guidelines for the certification of professionals in sleep medicine : report of the task force of the European Sleep Research Society », J. Sleep Res., 2009 ; 18 : 136-41.