CHU ANGERS Est-ce une hernie médullaire transdurale ? J. CAROFF1, S. EL RAI1, JY. TANGUY1, S. ABI KHALIL1, G. HAYEK2, P. MERCIER2 1Département de Radiologie, 2Service de Neurochirurgie 49933 CHU Angers - FRANCE Introduction La hernie médullaire trans-durale (HMT) est une cause rare, mal connue et probablement sous-estimée de myélopathie progressive. Cependant cette entité est rapportée dans un nombre croissant de publications depuis le premier cas décrit en 1974 par Wortzman et al (1), notamment lors de la dernière décennie. Une revue récente de la littérature montre que moins de 100 cas ont été rapportés (2). Matériels et Méthodes (1) Nous avons colligé sur une période de 10 années 8 patients opérés au CHU d’Angers pour HMT. La série comporte 7 femmes et 1 homme âgés entre 28 et 71 ans (moyenne 51 ans). 6 cas idiopathiques, 1 cas post-chirurgical (ménigiome intra-dural) et 1 probablement post-traumatique (AVP). Le tableau le plus fréquent est un syndrome de Brown-Sequard d’apparition progressive. Matériels et Méthodes (2) Le diagnostic a été confirmé chirurgicalement dans tous les cas. La technique choisie fut une plastie durale (Neuro-Patch®) pour 6 cas et un élargissement du defect dural pour 1 cas. Pour le dernier cas, la face antérieure de la moëlle n’a pas été accessible en raison de l’obligation de préserver une artère radiculo-médullaire. FIG. 1. Imagerie per opératoire Moëlle intra-canalaire (flèche) Moëlle herniée (étoile) Résumé Clinique Présentation Clinique (1) La HMT peut être idiopathique (HMIT); ceci est toutefois plus rare que les cas post-traumatiques ou iatrogéniques. Les hernies idiopathiques sont prédominantes chez les femmes (sex ratio 2.4:1) (3) alors que c’est l’inverse pour les cas postchirurgicaux et traumatiques. Le niveau lésionnel est typiquement entre T4 et T7 pour les HMIT (en raison de la cyphose thoracique) (3). Présentation Clinique (2) Un syndrome de Brown-Sequard lentement évolutif est la symptomatologie typique ; retrouvée dans plus de la moitié des cas Le premier signe est souvent une monoparésie spastique. Les autres symptômes possibles sont : Paraparésie Syndrome pyramidal unilatéral Douleurs Ataxie Troubles sphinctériens (3,4). Physiopathologie L'éthiopathogénie des HMT idiopathiques demeure incertaine. Plusieurs phénomènes pourraient être à l’origine d’une brêche durale (5,6) : Microtraumatismes occultes répétés Kyste arachnoïdien postérieur congénital Hernie discale calcifiée érodant la dure-mère Duplication dure-mérienne L'accolement de la moëlle à cet orifice est favorisé par sa position anatomique dans le canal rachidien à l’étage thoracique et est accentué par la pulsatilité physiologique du liquide cérébro-spinal (LCS). Lorsque la moëlle est herniée, un phénomène de strangulation est responsable de la symptomatologie clinique. Aspect Radiologique Les séquences sagitales pondérées T2 suffisent le plus souvent pour porter le diagnostic devant (5,6): – Une angulation de la moëlle (antérieure au niveau thoracique ou postérieure en cervical) limitée à un ou deux segments. – Effacement des espaces subarachnoïdiens antérieurs (ESA) et élargissement des ESA postérieurs. Fig. 2. IRM sagital T2; HMIT T3 - T4. Aspect Radiologique Fig. 3. IRM axial T2 Le déplacement antérolatéral et l’accolement à la dure-mère sont mieux appréciés sur les coupes axiales. Fig. 4. IRM sagital T2 La partie herniée est moins bien visualisée ce qui explique parfois l’aspect de pseudo-atrophie. Aspect Radiologique On peux également observer un syndrome de masse extra-dural de sémiologie identique à la moëlle, il correspond à la moëlle herniée. Ceci est bien visualisé sur coupes axiales de Myélo - TDM, ou en IRM sur les séquences écho de gradient 3D haute résolution pondérées T2. Fig.5. Myélo TDM Aspect Radiologique En T2, il peut exister un hypersignal intra-médullaire traduisant une myélomalacie (3). Il s’agit probablement d’un élément de mauvais pronostic en terme de récupération post-chirurgicale. Fig. 6. IRM sagital T2 Aspect Radiologique Parfois on observe également des signes osseux : Scalloping osseux (7). Nuclear Trail Sign : ligne hyperdense s'étendant du centre à la marge postérieure du plateau vertébral sous-jacent à la moëlle herniée (3); pour certains auteurs ceci pourrait être la séquelle d’une hernie discale calcifiée à l'origine d'une érosion durale antérieure et donc de la HMT. Aspect Radiologique Fig.7. et 8. TDM; nuclear trail sign. Fig. 9. IRM axial T2; nuclear trail sign. Aspect Radiologique Ces éléments sont suffisants dans la plupart des cas, cependant on complète parfois le bilan radiologique dans le but d’exclure de façon formelle un kyste arachnoïdien compressif. Aspect Radiologique Fig. 10. La myélographie montre l’absence totale d’opacification des ESA antérieurs, malgré les changements de position du patient. Aspect Radiologique Fig. 11. et 12. Lors d’un Myélo TDM, l’observation d’une diffusion libre du produit de contraste dans l’ESA postérieur à hauteur de la HMT permet d’écarter un kyste arachnoïdien. Aspect Radiologique Les séquences IRM de flux de LCS par contraste de phase dans le plan permettent d’obtenir des renseignements similaires et donc d’exclure durant le bilan diagnostic initial la présence d’un kyste arachnoïdien postérieur (8). On obtient une étude qualitative du flux de LCS ; en raison de sa pulsalitilité, celle-ci secondaire au cyle cardiaque. Il existe un synchronisme pour le codage du sens de direction du LCS dans l’ensemble du canal rachidien ; notamment en arrière de la HMT (couleur identique : systole = noir et diastole = blanc). Aspect Radiologique Fig. 13. IRM sagital T2; HMIT de niveau T6. Fig. 14. IRM contraste de phase; absence de flux dans les ESA antérieurs en T6, flux normal dans les ESA postérieurs. Diagnostics Différentiels (1) Dans une révision rétrospective de 27 malades, Tekkök (9) a trouvé que le diagnostic préopératoire d'HMIT avait été fait correctement chez seulement neuf patients. Les erreurs diagnostiques les plus communément rencontrées sont le kyste arachnoïdien postérieur compressif isolé et la hernie discale avec moëlle attachée (4). L’association avec un kyste arachnoïdien postérieur est toutefois possible (10). Diagnostics Différentiels (2) Les principaux diagnostics différentiels sont : l’atrophie médullaire segmentaire, le kyste arachnoïdien compressif intra ou épidural et l’adhérence médullaire. Fig. 16. IRM axial T2; kyste arachnoïdien intradural postérieur. Fig. 15. IRM sagital T2; contrôle après marsupialisation d’un kyste arachnoïdien retrouvant une nette atrophie de la moëlle thoracique. Fig. 17. IRM sagital T2; adhérence de la moëlle thoracique à la duremère antérieure. Traitement (1) Le traitement est chirurgical ; il permet le plus souvent de stabiliser une symptomatologie évolutive avec même parfois une nette amélioration, d'autant plus que le diagnotic est précoce. La récupération complète est rarement obtenue (5). Plusieurs techniques sont possibles, la réparation du défect antérieur par plastie dure-mérienne (patch dural) semble être la technique de choix. Parfois un élargissement de l'orifice est réalisé afin d’empêcher une strangulation ultérieure (2). Traitement (2) Un suivi à long terme après la chirurgie est recommandé afin de dépister une éventuelle récidive (11). Lors d’une découverte fortuite chez des patients asymptomatiques, une surveillance clinique rapprochée est indispensable. Traitement (3) Fig. 15. IRM sagital T2; HMIT imagerie pré-opératoire. Fig. 16. IRM sagital T2; HMIT imagerie post-opératoire : le déplacement antérieur de la moëlle n’est plus visible. Complications En cas de réaggravation des symptômes après le geste chirurgical, un nouveau bilan radiologique est indiqué afin de rechercher : Une récidive de la HMT Une myélomalacie Un kyste arachnoïdien postopératoire Fig. 17. IRM sagital T2; cet examen est réalisé trois ans après le traitement chirurgical d’une HMT T8 devant l’apparition récente d’une faiblesse des deux membres inférieurs. Kyste arachnoïdien intra-dural postérieur compressif et hypersignal centromédullaire évocateur de myélomalacie. Conclusion La HMT est une cause rare de myélopathie progressive mais largement sous diagnotiquée. L’étiopathogénie demeure incertaine, toutefois une brêche de la duremère est à l’origine des troubles. Les séquences conventionnelles en IRM permettent de suspecter fortement le diagnostic. Le principal diagnostic différentiel est le kyste arachnoïdien ; il pourra être écarté notamment par les séquences IRM de flux de LCS. La HMT devra être éliminée devant tout symptôme progressif d’origine médullaire car le traitement chirurgical est efficace et permet dans la majorité des cas d’obtenir au minimum la stabilisation des symptômes. Bibliographie (1) (1) Wortzman G, Tasker RR, Rewcastle NB, Richardson JC, Pearson FG. Spontaneous incarcerated herniation of the spinal cord into a vertebral body: a unique cause of paraplegia. J Neurosurg. 1974 Nov;41(5):631-5. (2) Barrenechea IJ, Lesser JB, Gidekel AL, Turianski L, Perin NI. Diagnosis and treatment of spinal cord herniation: a combined experience. J Neurosurg Spine. 2006 Oct;5(4):294-302. (3) Watters MR, Stears JC, Osborn AG, Turner GE, Burton BS, Lillehei K, Yuh WT. Transdural spinal cord herniation: imaging and clinical spectra AJNR Am J Neuroradiol. 1998 Aug;19(7):1337-44. (4) Massicotte EM, Montanera W; Ross Fleming JF et al. Idiopathic Spinal Cord Herniation: Report of Eight Cases and Review of the Literature. Spine. 2002 May; 27(9):E233-41. (5) Vallée B, Mercier P, Menei P, Bouhour F, Fischer C, Fournier D, Bougeard R, Diabira S, Mahla K. Ventral transdural herniation of the thoracic spinal cord: surgical treatment in four cases and review of literature. Acta Neurochir (Wien). 1999;141(9):907-13. (6) Parmar H, Park P, Brahma B, Gandhi D. Imaging of idiopathic spinal cord herniation. Radiographics. 2008 Mar-Apr;28(2):511-8. Bibliographie (2) (7) Barbagallo GM, Marshman LA, Hardwidge C, Gullan RW. Thoracic idiopathic spinal cord herniation at the vertebral body level: a subgroup with a poor prognosis? Case reports and review of the literature. J Neurosurg. 2002 Oct;97(3 Suppl):369-74. (8) Brugières P, Malapert D, Adle-Biassette H, Fuerxer F, Djindjian M, Gaston A. Idiopathic spinal cord herniation: value of MR phase-contrast imaging. AJNR Am J Neuroradiol. 1999 May;20(5):935-9. (9) Tekkök IH. Spontaneous spinal cord herniation: case report and review of the literature. Neurosurgery 2000;46(2):485–491; discussion 491–492. (10) Isu T, Iizuka T, Iwasaki Y, Nagashima M, Akino M, Abe H. Spinal cord herniation associated with an intradural spinal arachnoid cyst diagnosed by magnetic resonance imaging. Neurosurgery. 1991 Jul;29(1):137-9. (11) Selviaridis P, Balogiannis I, Foroglou N, Hatzisotiriou A, Patsalas I. Spontaneous spinal cord herniation: recurrence after 10 years. Spine J. 2008 Jun 4.