Éditorial
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La Lettre du Gynécologue - n° 324 - septembre 2007
Directeur de la publication : Claudie Damour-Terrasson
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La Lettre du Gynécologue
L’accueil d’embryon : jouons-
nous aux apprentis sorciers ?
IP J. Belaïsch-Allart*
Après les tentatives de FIV ou d’ICSI couronnées de succès, certains
couples ont la chance (ou la malchance) d’avoir encore des em-
bryons congelés alors qu’ils ont obtenu tous les enfants souhaités. Se
pose alors le problème du devenir de ces embryons. La loi, dite de Bioéthique,
de 2004 nous autorise à mettre fin à leur conservation (autrement dit à les dé-
truire), mais il est également possible aux couples de les donner à la recherche
ou à un couple infertile. Bien que les décrets relatifs au don d’embryons (appelé
par la loi “accueil d’embryons”) datent de 1999, peu de centres en France se
sont lancés dans cette aventure puisque l’enquête du BLEFCO de novembre
2006 avait recensé… huit centres le pratiquant sur les dix-huit… ayant obtenu
l’agrément.
L’accueil d’embryon peut se définir comme une sorte d’adoption prénatale avec,
par rapport à l’adoption, pour la femme receveuse, l’opportunité de vivre une
grossesse et un accouchement et donc de nouer des liens prénatals avec son enfant
et d’être la mère au sens légal du terme puisque, selon la loi française, la femme
qui accouche est la mère. Alors que l’on manque de donneuses d’ovocytes, ces
embryons congelés disponibles semblaient donc une alternative extrêmement
séduisante. Après un début enthousiaste, il est difficile de ne pas se poser des
questions sur la pratique de l’accueil d’embryon. Les couples, qui donnent leurs
embryons, sont clairement des couples exceptionnels dans tous les sens du
terme. Tout le problème est que pour nous, médecins cliniciens et (peut-être
plus encore) biologistes, ces embryons sont certes un humain potentiel, mais
ne sont en fait que quelques cellules, tandis que dans l’imaginaire des patients
qui donnent, cet embryon congelé est le petit frère ou la petite sœur des enfants
qu’ils ont déjà. Il est difficile (quasi surréaliste) pour un clinicien de recevoir les
couples donneurs, d’établir la fiche d’appariement physique (ethnie, couleur
de la peau, taille, poids, groupe sanguin, couleur des yeux et des cheveux) et
d’entendre en même temps la demande des couples : “Vous les donnerez à
des gens ‘bien’, n’est-ce pas docteur ? Ils aimeront la musique (variante : la
littérature)”. Sous-entendu les futurs parents seront “comme nous, ils vont
l’élever dans le même environnement que nous”. Quelque temps plus tard, au
staff “accueil d’embryons”, le même clinicien assiste – parfois impuissant – à
un appariement des fiches de donneurs et de receveurs exclusivement fondé sur
les caractéristiques physiques, groupe sanguin, couleur des cheveux, couleurs
des yeux.
Nous ne sommes pas loin du fameux film “La vie est un long fleuve tranquille”.
À défaut d’échanger un enfant à la naissance, c’est aux embryons que nous
faisons connaître une vie différente de celle pour laquelle ils ont été conçus. À
quoi jouons-nous ?…
* Service de gynécologie obstétrique et reproduction humaine, centre hospitalier des Quatre-Villes, site de Sèvres, 141,
Grande-Rue, 92318 Sèvres Cedex.