N° 48 jeudi 8 janvier 2009
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Pour l’adoption....................... 143
Contre ................................... 187
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. – Motion n°3, présentée par
M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le
Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la
délibération sur le projet de loi organique, adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à la nomination des présidents des sociétés
France Télévisions et Radio France et de la société en
charge de l'audiovisuel extérieur de la France (n° 144,
2008-2009).
M. Jack Ralite. – Lorsque j’étais ministre de la
santé, je défendais l’idée que la façon dont un État
traite la psychiatrie et la folie disait beaucoup de sa
politique ; on pourrait dire aujourd'hui la même chose
de la télévision, que certains ont appelée la folle du
logis. Car la télévision touche à tout, aux institutions, à
la politique, à l’information, la création, le
divertissement, le savoir, l’imaginaire, à toutes les
allures de la vie privée et publique. On ne doit pas s’en
préoccuper à la légère. Le Président Sarkozy veut une
réforme historique ; traitons donc la question à cette
hauteur, et non comme un sujet technique, sauf à
oublier, à cacher le fond des choses. Notre assemblée
a été bafouée, qui est appelée à débattre alors que le
texte est appliqué depuis le 5 janvier ; nous devons
répliquer pour défendre notre dignité en posant les
vraies questions.
La première est celle du cadre politique dans lequel
la réforme a été préparée et imposée en défiant le
Parlement. Nicolas Sarkozy se considère comme le
manager de la France, qu’il veut à marche forcée
transformer en entreprise France.
M. Alain Gournac. – Il a raison !
M. Jack Ralite. – S’il n’est pas l’inventeur de cette
approche à la Berlusconi, il tente de l’imposer dans un
contexte de crise, de concurrence exacerbée et
toujours faussée par le capital financier. Selon cette
vision, nous avons dans cette guerre économique un
front avant de compétiteurs, de grands groupes, de
champions nationaux, et un front arrière assurant la
logistique -les services publics ; d’un côté la
compétitivité, de l’autre des tentatives de cohésion
sociale : vision dangereuse et simpliste ! C’est
pourquoi le Président de la République pense qu’il doit
concentrer tous les pouvoirs, comme un PDG exigeant
des résultats de tous et de chacun. Mais si la France
n’est pas une entreprise dont la stratégie ne se décide
pas à la corbeille, tout se trame dans une forteresse
élyséenne pléthorique et onéreuse, autoréférentielle,
en interaction avec un Medef délivré de toute
considération humaine à l’égard des non ou des peu
solvables. Voilà qui dessine un ordre de contraintes où
étatisme et affairisme s’entremêlent. Le Président de
la République fabrique ainsi un État de droit privé qui
détricote le droit public, en réalité un État privé de
droit.
Face à cette « démocrature » naissante et déjà
proliférante à coups de révision générale des
politiques publiques et de Lolf en dérives imprévues,
qu’avons-nous, nous parlementaires ? Notre statut de
représentants des citoyens et nos liens avec les
collectivités locales. Mais soyons lucides, les
problèmes sont de plus en plus complexes et
volontairement technicisés ; les lobbies nous visitent
avec des amendements tout prêts. Or l’intérêt général
exige autre chose. Notre administration est très
compétente, mais nous devrions bénéficier d’un
service d’expertise et de recherche, notamment en
relation avec les universités ; le président Larcher
devrait vite y songer, sinon nous risquons de devenir
une représentation non représentante. C’est un
combat, surtout lorsque l’exécutif nous presse de
trancher à la machette notre droit d’amendement. Le
mot, rural, signifie « modification dans le sens d’une
amélioration de la fertilité du sol » ; l’examen des
textes sur l’audiovisuel en est une expérimentation
grandeur nature.
Le Président de la République instaure un
« bougé » constitutionnel, s’arrogeant le droit de
nomination et de révocation des présidents de
France Télévisions, de Radio France et de
l’audiovisuel extérieur. Le prince-manager pourrait
certes choisir une personnalité d’ouverture et peut-être
le fera-t-il, lui qui a déjà muté M. Bockel, bloqué
Mme Amara, amoindri M. Kouchner, « caritativisé »
M. Hirsch, perdu M. Jouyet et absorbé M. Besson.
M. Alain Gournac. – Et ce n’est pas fini !
M. Jack Ralite. – Il n’a pas tenu compte de l’avis
de M. Copé ni de celui de sa commission, imposé à
M. de Carolis de supprimer lui-même la publicité. Il
veut une télévision publique dont il rêve d’être le grand
organisateur et le grand éducateur, en écho au propos
de Mme Parisot pour qui chaque chef d’entreprise doit
être comme l’instituteur du début du XXe siècle. A ce
jour il s’en sort bien, qui utilise déjà la télévision avec
mépris : que sera-ce lorsqu’il aura les mains libres !
C’est bien ce que prévoit la loi malgré ces faux freins
que sont le CSA et les commissions des affaires
culturelles du Parlement -on a vu comment la nôtre a
été traitée le 19 décembre dernier.
Et le vocabulaire présidentiel ! Un débat à
l'Assemblée nationale qui ne lui convient pas, c’est la
pagaille ! Les jeunes de banlieue qui ne lui reviennent
pas, c’est de la racaille ! Qu’il ne s’étonne pas d’avoir
maille à partir avec beaucoup, y compris dans son
sérail ! Nous ne voulons pas que les libertés
constitutionnelles déraillent !
M. Dominique Braye. – Aïe, aïe, aïe !