Le cancer de la vessie du sujet âgé : un modèle pour l’oncogériatrie
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. III - no 1 - janvier-février-mars 2012
7
Oncology (ASCO®) ou l’American Association for Cancer
Research (AACR), ont ouvert des sessions dédiées à
l’oncologie gériatrique dans leur congrès, participant
ainsi à la diffusion des progrès dans ce domaine.
Enfi n, des conférences internationales sur le thème de
l’oncologie gériatrique ont eu lieu ces dernières années
en Amérique du Sud, au Moyen-Orient et en Asie.
Réfl exions sur l’oncogériatrie appliquée
enurologie
Chez un adulte âgé de moins de 70 ans, la survenue d’un
cancer est un événement majeur qui met en danger
sa vie ou plus simplement sa santé. Chez le sujet âgé,
beaucoup d’autres problèmes peuvent être observés
et sont parfois plus graves que le cancer : comorbidité,
présence d’un syndrome gériatrique (démence, incon-
tinence, etc.), dépendance, absence d’aidant naturel
ou de ressources. Il faut donc avoir une vision globale
de “l’état de santé” du malade. On analyse cet état de
santé par l’évaluation gériatrique multidimensionnelle
(EGM) et par l’évaluation gériatrique approfondie
(Comprehensive Geriatric Assessment [EGA]) [5].
Arbres décisionnels et sujet âgé
Les arbres décisionnels ne sont pas suivis chez le
sujet âgé. Une étude a révélé que l’implantation
d’arbres décisionnels ne modifi e pas la pratique pour
les sujets âgés. Il fallait donc aller plus loin.
Méthode d’adaptation des arbres décisionnels.
Il existe peu de recommandations concernant spécifi -
quement le sujet âgé. Néanmoins, les diff érents types
de cancer sont envisagés dans des recommandations
obtenues par un consensus d’experts dans le cadre de
la SIOG. Elles sont accessibles sur son site (3).
Question pratique : comment traiter
unsujet âgé atteint d’un cancer ?
Le premier point est que les personnes âgées souhaitent
les mêmes traitements que les plus jeunes (6). Ils sont
prêts à accepter des traitements ayant parfois des incon-
vénients. Il est bien entendu que la décision dépendra
avant tout de l’appréciation de l’état de santé du patient.
En ce qui concerne la chirurgie, la première consi-
dération est relative à l’anesthésie. On devra donc
discuter les possibilités d’anesthésie générale ou
d’anesthésie régionale, en particulier, la rachianesthésie.
Un programme de prévention des complications doit
être mis en place : kinésithérapie respiratoire pré- et
post opératoire, prévention des accidents thrombo-
emboliques, de la dénutrition, des complications
cutanées, de la constipation et des infections (en parti-
culier urinaires). On peut discuter le rôle de la chirurgie
assistée sous vidéoscopie : elle permet une mobilisation
plus rapide et une hospitalisation plus courte, mais l’inter-
vention a une durée allongée. Néanmoins, la chirurgie
reste le traitement curatif le plus universellement effi cace.
En ce qui concerne la radiothérapie, il n’y a pas de
grande spécifi cité sur le plan technique. En revanche,
on sera confronté de manière amplifi ée aux compli-
cations. Les plus importantes sont les complications
digestives avec anorexie, mucites dans les irradiations
sus-diaphragmatiques ainsi que vomissements et
diarrhée dans le cas des irradiations sous-diaphrag-
matiques. Des mesures préventives doivent être prises
pour en minimiser les conséquences.
En ce qui concerne les traitements médicaux, il y a, en
général, une minorité de sujets âgés dans les essais de
phase I, voire de phases II et III. Il existe néanmoins des
études spécifi ques de la chimiothérapie chez le sujet âgé
dans le traitement des lymphomes non hodgkiniens et
dans celui des cancers bronchiques non à petites cellules.
Les autres données disponibles concernent des sous-
groupes de patients âgés de plus de 65 ans. La conclusion
est que la chimiothérapie est faisable (mais il s’agit en
général de patients “non fragiles”) et effi cace. Il est en
général proposé de réduire la toxicité de la chimio-
thérapie par l’utilisation de facteurs de croissance (G-CSF,
érythropoïétine) ou de protecteurs (du rein ou du cœur).
Conclusion
L’oncologie gériatrique n’est pas une sous-spécialité en
soi (7). Néanmoins, c’est un concept qui devient une
pratique. En fait, il s’agit de la réunion de compétences en
cancérologie de diff érentes spécialités thérapeutiques,
de gériatres et de spécialistes d’organes qui centrent
leur activité autour du patient âgé atteint d’un cancer.
Ils doivent mettre en commun leurs bases de connais-
sances médicales afi n d’améliorer l’état de santé des
personnes âgées atteintes d’un cancer. Il est nécessaire
que le maximum de personnes âgées puisse bénéfi cier
de l’inclusion dans des essais thérapeutiques, car il est
démontré que la proportion d’entre elles qui en bénéfi cie
est faible. Nous devons accroître nos connaissances sur la
thérapeutique des sujets âgés. Pour actualiser nos acquis
dans ces domaines, des publications comme ce dossier
permettent d’avoir une source d’informations appli-
cables dans le domaine. Les cancers de la vessie sont
fréquents chez le sujet âgé et sont rapidement mortels
quand ils sont infi ltrants. Par ailleurs, les patients qui en
sont atteints ont souvent des comorbidités importantes
(entre autres liées au tabagisme). Ainsi, les cancers de la
vessie du sujet âgé sont un modèle pédagogique pour
aborder l’oncogériatrie. ■
1. Institut National du Cancer
(INCa) : www.e-cancer.fr/soins/
prises-en-charge-specifi ques/
oncogeriatrie/
2. Société francophone d’onco-
gériatrie (SoFOG) : www.sofog.fr
3. Société internationale d’onco-
logie gériatrique (International
Society of Geriatric Oncology) :
www.siog.org
4. Droz JP, Balducci L, Bolla M
et al. Background for the
proposal of SIOG guidelines for
the management of prostate
cancer in senior adults. Crit Rev
Oncol Hematol 2010;73(1):68-91.
5. Extermann M, Aapro M,
Bernabei R et al. Use of compre-
hensive geriatric assessment in
older cancer patients: recom-
mendations from the task force
on CGA of the International
Society of Geriatric Oncology
(SIOG). Crit Rev Oncol Hematol
2005;55(3):241-52.
6. Extermann M, Albrand G,
Chen H et al. Are older French
patients as willing as older
American patients to undertake
chemotherapy? J Clin Oncol
2003;21(17):3214-9.
7.
Terret C, Droz JP. Editorial. The
perception and dissemination
of geriatric oncology. Crit Rev
Oncol Hematol 2010;75(1):43-6.
Références