Sommaire du CHAPITRE 6 Le maïs Le maïs Description et variabilité de la plante de maïs: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Origine et évolution: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Écologie et méthodes de culture du maïs: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Utilisation et dérivés de la culture du maïs: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Amélioration génétique du maïs: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Statistiques de production pour 2001 (FAOSTAT, Nations Unies, révisée) . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 -1- Origine et Évolution Jusqu'à très récemment, une des grandes énigmes de l'évolution des plantes cultivées a été la détermination de la plante spontanée qui pourrait être l'ancêtre du maïs. La plante de maïs est un exemple typique de la plante cultivée. La morphologie de son épi au rachis fortement condensé rend impossible sa survie en nature car cette plante a totalement perdu le pouvoir de dissémination de ses fruits à maturité. Par rapport à la morphologie de l'épi femelle, aucune plante spontanée montre une ressemblance suffisante qui pourrait indiquer qu'elle est l'espèce ancestrale. Cette situation a crée de nombreuses controverses et discussions, parfois houleuses, parmi les botanistes. Il n'est donc pas étonnant que plusieurs hypothèses sur l'origine du maïs, parfois très opposées les unes aux autres, aient été proposées au cours des derniers 100 ans. Au chapitre 1, nous avons mentionné que les recherches et fouilles archéologiques dans différentes régions du sud-ouest des États-Unis, du Mexique et du Guatemala avaient cerné, depuis un certain temps, les régions où vraisemblablement le maïs était originaire et où sa culture avait débuté. Les recherches multidisciplinaires dirigées par l'anthropologue Richard MacNeish dans certaines grottes de la vallée de Téhuacan permirent de retracer l'évolution du maïs et de dater sa première apparition comme plante cultivée à environ 7 000 années A.P. De nouvelles datations, effectuées récemment avec la méthode AMS (plus précise) ramène les dates les plus anciennes à environ 4 700 années A.P. (voir chapitre sur les origines de l'agriculture). Les premiers épis polystiques (épis possédant plusieurs rangées de fleurs ou caryopses sur le plan transversal de l'inflorescence) récupérés lors de ces fouilles ne mesuraient que 1,5 à 2 cm. Mais, le fait qu'ils comportent huit rangs de caryopses rattachés à un rachis condensé indique qu'ils appartenaient bel et bien à une forme cultivée de maïs qui avait perdu son pouvoir de dissémination des caryopses * (FF i g u r e 3). Figure 3. - Reconstitution d' un épi primitif de maïs provenant de la grotte San Marcos dans la vallée de Tehuacan (modifié de Smith 1996). Jusqu'à présent, cette datation est la plus ancienne rapportée pour cette plante. Contrairement aux séquences archéologiques du Moyen-Orient, où la documentation concernant d'autres céréales comme le blé et l'orge, indique un remplacement graduel des formes spontanées par les formes cultivées dans les séquences chronologiques plus récentes d'occupation humaine, cela n'a pas été le cas pour le maïs. À Téhuacan, les niveaux d'occupation plus anciens, bien que comportant des preuves d'occupation humaine, ne montrent aucune trace d'un épi de maïs associé aux caractéristiques d'une plante spontanée. Cette situation a mené certains spécialistes à suggérer l'existence d'une forme ancestrale de maïs spontanée qui aurait disparu par la suite des régions où le maïs cultivé aurait vu le jour. D'autres experts ont décidé de se pencher sur certaines espèces qui, tout en présentant des différences marquées vis-à-vis du maïs, possèdent certaines similitudes, au moins du point de vue végétatif. Deux groupes d'espèces spontanées ont été impliqués dans l'évolution du mais cultivé. Le premier est celui du téosinte annuel et le deuxième celui de certaines espèces du genre Tripsacum. ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------* Le botaniste Paul Mangelsdorf, faisant partie du groupe de recherche du Dr MacNeish, les a décrit initialement comme des épis provenant de formes spontanées de maïs. Une analyse plus rigoureuse des épis faite par la suite a démontré que ceux-ci avaient perdu leur capacité de dissémination des fruits et qu'ils correspondaient, bel et bien, à des épis de plantes cultivées. -6- Branche tertiaire Branches primaire Inflorescence mâle Inflorescence mâle Préfeuille Branches primaire Bractée de l'épillet Groupe d'épillets Branche secondaire Branches secondaires Brindille B. Branche primaire A. Plant de téosinte Préfeuille Bractée Inflorescence femelle Épillet mâle avorté Glume Bractée de l'Èpillet Cupule Branche secondaire Feuille C. Groupe d'épillets montrant de nombreuses fleurs. Épillets fertiles Grain D. Inflorescence femelle Figure 4 . Le téosinte diffère du maïs actuel par plusieurs points. A. La plante végétative adulte ressemble à la race primitive de maïs.B. Des branches secondaires sont insérées sur les branches primaires. Les branches primaires et secondaires se terminent par des épis mâles. Des branches tertiaires partent de l'axe des feuilles. C. Des groupes d'épillets (épis multiples) sont disposés au long de l'inflorescence des branches secondaires. Chaque groupe part de l'axe d'une feuille. D. Un épis simple (épillet) consiste en 5 à 12 caryopses, chacun enveloppé dans une cupule rigide, placés les uns après les autres. Chaque cupule est fermée par une glume rigide. (Modifié de Simpson et Ogorzaly 1995). L'hypothèse la plus crédible et mieux documentée concerne le téosinte (FF i g u r e 4 ; v o i r a u s s i F i g u r e 3 au chapitre 7 (Annexe .- Le maïs : Origines, domestication et dispersion pré colombienne de l a c u l t u r e d u m a ï s e n A m é r i q u e ), une espèce annuelle spontanée qui ressemble dans sa croissance végétative au maïs, mais dont les inflorescences femelles sont très différentes. Cette hypothèse a été proposée par George Beadle, Hugh Iltis, Walter Galinat et H. G. Wilkes et, est maintenant appuyée par la plupart des experts. Jusqu'à très récemment, les spécialistes avaient des réticences sérieuses à accepter que le fait que téosinte puisse être considéré comme l'ancêtre direct du maïs. Par contre, il est significatif que les Aztèques ont toujours considéré le téosinte comme la "mère du maïs" ("la madre del maïs"; tel que rapporté par les chroniqueurs espagnols qui accompagnaient les premiers conquistadores au Mexique). -7- Jusqu'en 1958, cette espèce était placée dans le genre Euchlaena (Euchlaena mexicana ). Des études génétiques, appuyées par l'étude cytogénétique des hybrides et par de nombreuses analyses comparatives biochimiques (protéines, allozymes, ADN) ont démontré, par la suite, que cette espèce était génétiquement très proche du maïs cultivé. A cause de cette similarité, le téosinte annuel a été transféré progressivement au genre Zea (Zea mexicana ) et, depuis 10 ans, le téosinte est classifié, au même titre que le maïs, comme une sous-espèce: Zea mays ssp. parviglumis. Le téosinte, comme le maïs, possède 20 chromosomes et les hybrides entre ces deux plantes sont fertiles et leur méiose est essentiellement normale. D'ailleurs le téosinte, que l'on retrouve dans certaines régions intra montagneuses du Mexique et d'autres régions localisées de l'Amérique centrale, s'hybride souvent spontanément avec le maïs en bordure des champs de culture. Les analyses biochimiques plus récentes ont démontré que les patrons électrophorétiques des protéines, des enzymes et de l'ADN de ces deux sousespèces ne sont pas plus différenciés que ceux obtenus entre races et variétés à l'intérieur de chacune des sousespèces. Bien qu'une espèce de téosinte vivace** ait été découverte récemment, l'espèce annuelle, représentée par des races ou formes regroupées dans deux sous-espèces (ssp. mexicana et ssp. parviglumis ) est maintenant reconnue comme étant le seul taxon impliqué dans l'évolution du maïs. Les analyses biochimiques récentes faites par Doebley et collaborateurs (1991-1997) suggèrent que certaines races de la sous-espèce parviglumis provenant de la région du bassin de la rivière Balsas (situé à 600 km au sud de la ville de Mexico) aient été impliquées dans l'évolution des premières formes de maïs cultivé (FF i g u r e 5). Bien que les similitudes génétiques démontrent les relations très étroites entre le maïs et le téosinte, les botanistes avaient du mal à accepter que les épis femelles du maïs (qui possèdent des glumelles réduites, fines et membraneuses) puissent être dérivés de celles du téosinte (possédant des glumelles soudées (formant des cupules) et très endurcies). Les analyses des ségrégations de caractères issus de croisements effectués par Walter Galinat et George Beadle entre une variété de maïs de type primitif (pop corn) et le téosinte annuel ont démontré que les différences entre les épis de ces deux sous-espèces pouvaient être attribuées, tout au plus, à 5 gènes fortement liés (linkage) sur deux bras de chromosomes (FF i g u r e 6 ). Figure 5. - Distribution géographique actuelle des différentes espèces de téosintes annuels et vivaces au Mexique et en Méso-Amérique (adapté de Smith 1996). -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------* Au fait, trois espèces de téosintes vivaces ont été découvertes dans plusieurs régions du sud-ouest du Mexique entre 1960 et l982. Il s'agit de Zea diploperennis , Zea perennis et Zea luxurians . -8- Figure 6. - Contrôle génétique des modificatIons des épis du maïs domestiqué à partir du téosinte annuel ( Galinat 1974; Doebley 1992): Ces auteurs ont postulé qu’un maximum de cinq mutations (+ quelques modificateurs-régulateurs) serait responsable des modifications spectaculaires que l’on observe sur les épis femelles de maïs par rapport à celles du téosinte. Du fait de la productivité accrue des épis femelles , les plantes possédant ces mutations se seraient démarquées et auraient pu être sélectionnées par l’Homme qui, par la suite, les aurait incorporées à la culture. Une variante de l’hypothèse du téosinte fut proposée par Hugh Iltis en 1983. La théorie de la mutation trans-sexuelle catastrophique postule que l'évolution de l'épi femelle du maïs proviendrait d'une mutation trans-sexuelle au niveau de l'épi mâle du téosinte qui possède, comme l'épi femelle du maïs, des glumelles membraneuses mais nonréduites). D'après Iltis cette mutation, qui aurait été provoquée par des augmentations de température brusques à la suite d'éruptions dans une région volcanique, serait due à un changement de rapport des gibbérellines et des cytokinines qui contrôlent différemment l'expression du sexe. Les analyses récentes de biologie moléculaire publiées par Doebley et collaborateurs en 1993 n'appuient pas cette hypothèse. Ces chercheurs ont cartographié en détail le g è n e T g a I qui contrôle la transformation morphologique du type de fruit de l'épi femelle de téosinte à un épi femelle de maïs. Très récemment (Iltis (2000) a proposé une variante de sa théorie originale qui est très complexe (la théorie de la translocation sexuelle) et celle ci devra être analysée et évaluée par les experts au cours des années à venir. Un autre aspect du processus de domestication qui n'est pas encore résolu est de savoir si le téosinte aurait pu être utilisé directement comme aliment par l'Homme préhistorique. Sauf une seule exception, des graines de téosinte n'ont pas été retrouvées dans les fouilles archéologiques des grottes méso-américaines. L'épi de téosinte est peu productif et la graine, de dimension réduite, est protégée par des glumelles soudées et endurcies dans la forme d'une cupule, ce qui ne facilite pas son utilisation. Beadle (1980) a spéculé que les graines auraient pu être consommées après qu'elles soient libérées par l'action de la chaleur dégagée par les braises des foyers, procédé similaire à celui suivi pour la préparation du maïs fulminant ("pop corn") dans nos cinémas. Iltis (2000) a récemment proposé que l'utilisation du téosinte par l'homme s'est effectuée au départ en mangeant directement les -9- épis non matures et en suçant le centre sucré de la chaume des plantes immatures de téosinte. Un épisode unique aurait produit une mutation spontanée de l'épi femelle du téosinte avec l'apparition de caryopses possédant une glume parchemineuse réduite qui aurait enveloppé de façon partielle la graine. Cette mutation qui, d'après Iltis, est apparue spontanément aurait été choisie et sélectionnée par l'homme et par la suite reproduite en culture avec une évolution rapide ver la forme de l'épi de maïs. Bien que toutes les hypothèses qui postulent l'évolution du maïs cultivé à partir d'un mais spontané qui aurait disparu ne font plus d'adeptes, nous nous devons, pour des raisons historiques, de faire mention de la théorie ''tripartite''. Cette hypothèse, proposée par les chercheurs américains Paul Mangelsdorf et Steven Reeves en 1937, postulait que Zea mays était un descendant direct d'une forme spontanée de maïs d'origine sud-américaine qui aurait éventuellement disparue pendant la période pré colombienne. Le téosinte, qu'ils reconnaissaient comme étant génétiquement proche du maïs, n'était pas d'après eux l'ancêtre du maïs, mais une "espèce" hybride provenant d'un croisement entre une espèce de Tripsacum et une forme de maïs cultivé, après que cette dernière ait diffusé en Amérique centrale. Par après, toutes les formes et races cultivées de maïs auraient été issues de croisements entre Zea et Tripsacum suivi d'introgressions avec Zea mays. Mangelsdorf et Reeves avaient réussi à croiser, avec beaucoup de difficultés, le maïs avec une espèce de Tripsacum. La première génération d'hybrides ressemblait au téosinte mais était, pour toutes raisons pratiques, stérile. Dans les générations suivantes, seulement les formes morphologiquement proches aux parents étaient récupérées. La stérilité des hybrides étant due au fait que le nombre chromosomique de Tripsacum (2n = 36) est différent de celui du maïs (2n = 20). La stérilité était principalement due au manque d'appariement chromosomique lors de la méiose. Plus récemment, et après la découverte d'une nouvelle espèce de téosinte vivace (Zea diploperennis ), Mangelsdorf a modifié en 1986 son hypothèse mais n'a pas abandonné son postulat de base concernant l'existence d'une forme de maïs spontanée qui n'a, par ailleurs, jamais été retrouvé. Il est maintenant bien établi que le maïs a été domestiqué et cultivé pour la première fois dans le centre mésoaméricain, plus particulièrement dans les régions intra montagneuses du sud-ouest de ce qui est maintenant le territoire mexicain. La présence de formes ancestrales du téosinte annuel dans le bassin de la rivière Balsas, à plus de 250 km à l'ouest de Téhuacan, indique que Téhuacan n'est pas le centre d'origine initial de la domestication du maïs. La diffusion de sa culture en Amérique centrale s'est effectuée progressivement entre 5 000 et 4 000 années A.P. La culture du maïs a atteint les régions du sud-ouest de l'Amérique du Nord il y a environ 3 200 ans tel que l'attestent les fouilles archéologiques de Bat Cave au Nouveau-Mexique. L'expansion de la culture en Amérique du Sud s'est faite un peu plus tard. Les fouilles archéologiques ont daté sa première présence il y a environ 3 000 ans sur la côte ouest du Venezuela (embouchure de l'Orinoco) et dans plusieurs sites de l'Équateur. Au Pérou, sa première présence à été rapportée dans des sites d'occupation datés d'il y a environ 1 700 années. La culture du maïs a atteint les régions les plus septentrionales du Nord-Est de l'Amérique du Nord (berges du fleuve St-Laurent) beaucoup plus tard, il y a environ 1000 ans. Les peuples amérindiens de ces régions cultivaient d'autres plantes depuis au moins 2 000 ans et le maïs n'a été initialement qu'une culture très secondaire dans cette région ( v o i r a u s s i t e x t e d u c h a p i t r e 7 : A n n e x e . - L e m a ï s : O r i g i n e s , d o m e s t i c a t i o n e t d i s p e r s i o n p r é c o l o m b i e n n e d e l a c u l t u r e d u m a ï s e n A m é r i q u e ). Le maïs, qui était déjà cultivé par les indigènes dans les îles des Caraïbes depuis près de 1 500 ans, a été introduit en Europe au retour du premier voyage de Colomb. Cette plante n'a pas eu grand succès, car les Européens s'obstinaient à consommer le maïs sous forme de mets préparés à partir de sa farine. Il la comparait défavorablement à celle du blé et celles des autres céréales. De fait, cette plante n'a que rarement été cultivée en Europe avant la seconde moitié du 19e siècle. L'on rapporte que pendant la période de famine produite par la décimation de la culture de la pomme de terre en Irlande entre 1846 et 1849 ( v o i r c h a p i t r e s u r l e s r a c i n e s e t t u b e r c u l e s ), les Irlandais ont initialement refusé de consommer cette céréale qui leur était offerte comme substitut alimentaire par les Anglais. - 10 - Écologie et méthodes de culture du maïs: À l'origine l'évolution du maïs se fit dans les régions subtropicales (et tropicales en altitude). La grande diversité de formes du maïs, particulièrement dans les régions intra montagneuses de la région méso-américaine, a aussi pré-adapté sa culture pour des conditions de climats plus frais. Cette plante, du fait de sa photosynthèse en C4 est très productive dans les régions à haut taux d'ensoleillement et de températures élevées pendant la période de croissance. Ces conditions sont maintenues sous culture dans les régions tempérées et tempérées froides. Dans ces régions, il faut cependant que les variétés utilisées soient hâtives afin que leur croissance s'ajuste aux périodes saisonnières les plus chaudes qui sont de courte durée. La dispersion de sa culture vers les zones climatiques plus froides s'est faite par un ajustement phénologique des variétés et par le fait que ces variétés sont devenues physiologiquement insensibles à la photopériode. Les variétés cultivées au sud du Canada complètent leurs cycles de croissance et de reproduction en 3 à 4 mois. Par comparaison les variétés cultivées dans les basses terres des régions subtropicales le font en 5 à 7 mois. Pendant la période pré colombienne, les graines de maïs, comme beaucoup d'autres plantes cultivées en Amérique, étaient plantées individuellement au moyen de pieux de bois ou de bêches primitives adaptées à cette tache * . Les premières cultures étaient probablement établies en bordure des cours d'eau sur les sols alluviaux. Dans certains cas, une sorte d'irrigation primitive était pratiquée en dérivant des canaux en amont des cours d'eau afin de suivre les lignes de contour du lit des ruisseaux et rivières. Par la suite, c'est le système plus primitif des "chacras" qui a été perfectionné par les peuples agricoles qui ont précédé les grandes civilisations mésoaméricaines (Aztèques, Mayas) et sud-américaines (Incas, Aymaras). Des systèmes d'irrigation plus développés ont permis par la suite de planter le maïs et d'autres plantes agricoles en terrasses et de récupérer des zones de marais ayant été drainées (le cas des "chinampas" développés dans les bases terres par les Aztèques et les Mayas). A partir du 19e siècle, la culture du maïs est progressivement devenue plus mécanisée dans toutes les régions du monde où elle est pratiquée. De nouvelles machineries furent développées pour préparer les sols et faciliter les semences, la moisson et rendre l'entreposage plus efficace. De nos jours, la culture de maïs en Amérique du Nord est une industrie agricole hautement spécialisée et mécanisée et, d'après certains experts, excessivement énergivore. David Pimentel, de l'Université Cornell, a calculé que l'on dépensait en pratiques agricoles et en entreposage dans une ferme américaine moderne de l'Iowa l'équivalent d'environ 5.6 calories pour produire l'équivalent d'une seule calorie de biomasse de maïs. Dans les régions des prairies américaines (le corn belt) et du sud du Canada, le maïs est souvent planté en alternance, et parfois conjointement, avec des légumineuses, le plus souvent avec le soya. La culture du maïs est exigeante et appauvrit les sols lorsqu'elle est pratiquée de façon continue. La pratique de rotation avec des légumineuses est indispensable pour maintenir la fertilité des sols tout en réduisant les besoins en engrais chimiques ou organiques. Utilisation et dérivés de la culture du maïs : Le maïs était l'aliment principal des peuples agricoles amérindiens habitant les régions où cette plante était cultivée. Les plantations conjointes de maïs et de haricots ( C h a p i t r e 1 ) étaient une pratique courante parmi les populations autochtones des Amériques lors de l'arrivée des premiers Européens. Cette pratique était probablement suivie sans qu'il y ait une connaissance des bénéfices qu'elle apportait à la qualité de la diète alimentaire. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------* Heiser (l990) a suggéré que la méthode de plantation individuelle pratiquée par les peuples amérindiens pourrait expliquer la grande diversité de variétés et de races de maïs sélectionnées par ces populations agricoles pendant la période pré colombienne. Comparé à l'ensemencement à la volée pratiquée par les premiers agriculteurs du Moyen-Orient, le fermier américain aurait porté une attention plus particulière à chaque plant de maïs qu'il aurait planté individuellement et aurait plus facilement remarqué et sélectionné, par la suite, les plantes qui se seraient démarquées par leurs formes, couleurs ou qui auraient attiré son attention par leur productivité accrue. - 11 - Sommaire du CHAPITRE 7 Annexe au maïs Le maïs Origines, domestication et dispersion pré colombienne de la culture du maïs en Amérique Le maïs, une plante d'origine sub-tropicale de grande productivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Origines du maïs et dispersion de sa culture dans les Amériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Dispersion de la culture du maïs en Amérique du Nord ..............................5 La culture conjointe du maïs et du haricot a t-elle été le catalyseur d'un développement agricole accru et d'une accélération de la sédentarisation des populations iroquoiennes ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Lectures suggérées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 -1- ANNEXE : LE MAÏS Origines, domestication et dispersion pré colombienne de la culture du maïs en Amérique Le maïs, une plante d'origine sub-tropicale de grande productivité e maïs, Zea mays ssp. mays, tel que cultivé présentement, est une graminée annuelle (Famille des Poacées) qui peut atteindre au terme de sa croissance entre 4 mètres, pour les variétés de maïs destinées à l'ensilage et, 1.5 mètres de hauteur pour des variétés semi-naines d'origine récente et destinées à la production de grains. La plante développe une ou parfois, un nombre restreint de chaumes robustes sur lesquelles s'insèrent alternativement dans la région des nœuds des feuilles à nervure parallèle coriaces dont le limbe peut atteindre jusqu'à 1.5 m de longueur. Cette espèce est allogame (fécondation croisée) et monoïque car elle produit des inflorescences composées de fleurs femelles (épis) latéralement à l'axe des chaumes et une inflorescence de fleurs mâles à l'apex de la chaume la plus haute (croix). L'épi femelle possède un rachis fortement condensé sur lequel s'insèrent plusieurs rangées de fleurs femelles par groupes de deux pour chaque épillet. Les fleurs femelles sont composées de glumelles membraneuses, en lieu des pétales et sépales normalement présents chez d'autres familles à fleurs, qui dans le cas du maïs sont réduites à moins d'un quart de la longueur des fleurs et forment des cupules enfoncées dans le rachis condensé à la base de celles-ci. L'ovaire contient un seul ovule. Un long style prend son départ de chaque ovule et émerge de la partie supérieure de l'inflorescence qui est entourée par plusieurs feuilles modifiées. Le fruit produit par l'épi femelle est un caryopse: un fruit sec indéhiscent à maturité et possédant une seule graine. Le nombre de rangs d'un épi de maïs est déterminé par le nombre de fleurs (et fruits) qui se développent en verticille autour d'un rachis fortement condensé et qui est estimé par un plan de coupe perpendiculaire à la longueur de celui ci. L'inflorescence mâle est située en position terminale à l'apex de la plante contient de nombreuses petites fleurs à trois étamines insérées dans des rachis primaires et secondaires fragiles et protégées par des glumelles membraneuses bien développées (FF i g u r e 1 ). La fixation de CO2 atmosphérique chez le maïs est régit par le système photosynthétique dit ''en C4'' qui est plus efficace et productif que le système C3 sous des conditions de hautes températures, de taux élevés d'ensoleillement et des saisons alternées de pluies et de sécheresse, conditions que l'on retrouve Figure 1.- Comparaison du maïs et du téosinte annuel. (A) dans les régions sub-tropicales de l'Amérique cen- plante de maïs. (B) épi femelle de maïs; coupe transversale de l'épi trale, habitat d'origine du maïs. Comparé au sys- montrant le rachis fortement condensé; graines. (C) Plante de tème C3 qui fixe le CO2 atmosphérique de plus de téosinte et épis femelle. (D) Épis femelles de téosinte regroupés et 92% des espèces végétales du globe par le biais de constitués de caryopses distribués alternativement sur deux rangs la ribulose biphosphate carboxylase-oxygénase le long du rachis fragile qui se désarticule à maturité. Cette par(RUBISCO), le système C4 s'effectue en deux ticularité permet la dispersion des « graines » individuelles, un étapes dans différents tissus foliaires. Dans un pre- attribut essentiel pour la survie de la plante dans son milieu mier temps, le CO2 est fixé au moyen d'une réac- naturel. L -2- tion catalysée par la phosphoénolpyruvate carboxylase (PEPC) dans les cellules du mésophylle des feuilles. Par la suite, les produits intermédiaires de cette réaction (acides à 4 carbones, malate et pyruvate, d'où son nom) sont transloqués et décarboxylés dans les cellules de la gaine péri vasculaire des feuilles et le CO2 qui est produit est fixé par la RUBISCO. Cette compartimentalisation cellulaire permet un taux de fixation du C02 plus élevé et des pertes d'eau par évapotranspiration qui sont la moitié de celles des plantes C3 dans les conditions sub-tropicales mentionnées ci-haut. Origines du maïs et dispersion de sa culture dans les Amériques La présence du maïs était inconnue des civilisations européennes et asiatiques avant que Christophe Colomb et ses marins ne débarquent à Cuba en 1492 et découvrent des champs de maïs cultivés par les amérindiens de cette île des caraïbes. Quelques décennies plus tard, Cortez et ses conquistadores en s'introduisant dans les vallées des hautes terres de l'Amérique centrale, constatent que le maïs, conjointement avec le haricot, les courges et les piments, sont les cultures principales des aztèques. Ils rapportent aussi que cette civilisation amérindienne, ainsi que celles des peuples voisins, obtiennent l'essentiel de leurs ressources alimentaires par le biais d'une agriculture de type horticole bien développée ou les graines des plantes étaient plantées individuellement à l'aide d'un bâton à fouir après un débroussaillage sommaire et un sarclage localisé autour des points d'enfouissement des graines. Cette pratique différait du labourage préalable des sols au moyen de charrues tirées par des chevaux ou bœufs et des semailles des graines à la volée qui étaient utilisées pour les cultures céréalières (blé, orge, avoine) en Europe et au moyen-orient. Mais, même à cette époque, la culture du maïs n'était pas confinée seulement aux régions méso-américaines comme l'ont pu constater par la suite les expéditions espagnoles de conquête de Manuel Pizarro, Diego de Almagro et Pedro de Valdivia qui ont documenté la présence de la culture du maïs tout au long du versant Ouest des régions andines en Amérique du Sud, s'étendant jusqu'à la latitude 42oS dans la région de la vallée centrale de ce qui est maintenant territoire du Chili. Les expéditions espagnoles partant du Mexique vers l'Amérique du Nord rapportèrent aussi que le maïs faisait partie intégrante du développement agricole des peuples amérindiens dans les régions aussi éloignées que le Colorado et le Utah au Nord, l'Arizona à l'est et la Floride à l'ouest. Les nombreuses fouilles archéologiques effectuées à partir de 1920 dans des grottes et abris dans diverses régions des Amériques nous montrent que le développement de l'agriculture dans cette région avait commencé plusieurs milliers d'années avant que Christophe Colomb débarque en Amérique. Les courges, les piments, les haricots et le maïs, dans cet ordre, sont parmi les premières plantes d'importance alimentaire qui ont été domestiquées et cultivées dans la région méso-américaine, territoire comprenant les territoires actuels du Guatemala, de Belize et de la partie centrale et sud du Mexique. Jusqu'à date, les épis de maïs les plus anciens, ont été retrouvés lors de fouilles archéologiques de grottes situées dans la vallée de Tehuacan, située à 600 Km au sudest de Ciudad de Mexico, la capitale du Mexique. Ces grottes avaient été utilisées comme abris temporaires par des chasseurs-cueilleurs et, par la suite, par les premiers agriculteurs depuis environ 10 000 années avant le présent (A.P.). Les analyses récentes de ces spécimens, par la méthode de datation directe au carbone 14 (méthode de spectroscopie d'accélération de masse, AMS), ont montré que les épis les plus anciens issus de plantes cultivées avaient été cueillis et utilisés-il y a environ 4,700 années A.P. Ces premiers-épis à huit rangées de ''graines'' (caryopses) étaient minuscules, environ 2-3 cm de longueur, par comparaison à ceux des formes qui furent développées par sélection humaine par la suite ( F i g u r e 2). Mais la présence d'épis comprenant plusieurs rangées de fruits (caryopses) insérés sur le même plan perpendiculaire à l'axe d'un rachis de l'épi fortement condensé prouve que tous ces épis étaient issus de plantes cultivées. Cette structure empêche la dissémination naturelle des graines individuelles qui peut se faire seulement s'il y a dislocation de l'épi à maturité, une condition essentielle pour la survie des plantes spontanées dans leur milieu naturel. A l'arrivée des espagnols au 16ème siècle, les épis des variétés et races de maïs qui étaient cultivées par les Aztèques et autres peuples amérindiens avaient atteint des dimensions se rapprochant à celles de variétés modernes. Jusqu'à très récemment une des grandes énigmes de l'évolution des plantes cultivées a été de retrouver la plante spontanée ou sauvage, se reproduisant sans aide de l'homme dans leurs milieux naturels, qui pourrait être l'ancêtre du maïs. La plante de maïs, même celle qui a produit les épis minuscules découverts à Tehuacan, -3- Figure 2.- Épis de maïs cultivé retrouvés lors des fouilles effectuées à Tehuacan. (A) Dimension des épis les plus anciens (4,700 ans A.P.) par rapport à une monnaie de un cent américain. (B) reconstruction d'un épi primitif de maïs provenant de la grotte de San Marcos dans la vallée de Tehuacan (modifié de Smith 1996). (C) Progression dans la dimension des épis de maïs retrouvés au cours des fouilles à Tehuacan . L'épi le plus petit a été cultivé il y a 4,700 ans alors que l'épis le plus long a été utilisé comme aliment il y a environ 550 ans. représente l'exemple typique, non-ambigüe, d'une plante cultivée. Par rapport à la morphologie de l'épi femelle, aucune plante spontanée ne montrait une ressemblance suffisante qui pouvait, sans ambiguïté, indiquer qu'elle était l'espèce ancestrale. De plus, aucun reste végétal ressemblant au maïs mais possédant des caractéristiques de plante spontanée n'a été retrouvé dans les fouilles archéologiques à des niveaux d'occupation humaine plus anciens que 4, 700 années A.P.. Cette situation a crée de nombreuses controverses et discussions, parfois acerbes, parmi les botanistes concernant l'origine du maïs. Il n'est pas étonnant que plusieurs hypothèses, parfois très opposées les unes aux autres, aient été proposées au cours des derniers 100 ans. Cette situation a mené certains spécialistes à suggérer l'existence d'une forme ancestrale de maïs spontané qui aurait été originaire de l'Amérique du Sud où de l'Amérique centrale, et qui aurait disparu par la suite des régions ou le maïs cultivé aurait vu le jour. D’autres botanistes ont décidé de se pencher sur certaines espèces qui, tout en présentant des différences marquées vis-à-vis du maïs, possédaient certaines similitudes, au moins dans son développement végétatif. Deux groupes d'espèces spontanées ont été impliqués dans l'évolution du maïs cultivé. Le premier est celui des téosintes annuels et vivaces et le deuxième celui de certaines espèces vivaces du genre Tripsacum.. Les analyses cytogénétiques et d'hybridation effectuées entre 1910 et 1960 démontraient qu'une espèce spontanée, le téosinte annuel, distribuée dans les régions intra montagneuses de plusieurs localités méso-américaines, était génétiquement très proche au maïs, bien que la morphologie de l'épi femelle de cette plante soit très différente de celle du maïs cultivé ( F i g u r e 3 ). Le nombre chromosomique des deux espèces était le même (2n=20) et des hybrides fertiles montrant un appariement chromosomique essentiellement ''normal'' pouvaient être produits en croisant les deux espèces. Les recherches sur le terrain au Mexique ont, par la suite, démontré que des plantes hybrides fertiles résultant de croisements spontanés entre le maïs cultivé et le téosinte étaient parfois retrouvées en bordure des champs de culture. D'ailleurs, tel que rapporté par les chroniqueurs espagnols qui accompagnaient les troupes de Cortez en Amérique Centrale, les Aztèques avaient vraisemblablement observé ce phénomène et avaient fait le rapprochement en nommant le téosinte ''la mère du Figure 3.- Comparaison des plantes et des épis femelle du maïs et du maïs-dieu''. téosinte annuel. A la grande surprise des généti- -4- ciens, l'analyse de la variation et de la ségrégation des caractères retrouvées parmi les plantes issues de croisements entre les deux espèces ont démontré qu'un nombre très restreint de gènes, tout au plus cinq d'entre eux et, de surcroît, liés très fortement à des bras courts de seulement deux chromosomes, étaient responsables de ces différences. Ces conditions de linkage auraient favorisé, dans un premier temps, l'évolution rapide par mutation des plantes possédant des caractéristiques d'un épi femelle plus productif parmi des mutants spontanés du téosinte. L'on peut spéculer que les épis des plantes porteuses de ces mutations auraient, par la suite, été sélectionnés et cueillis par ceux qui deviendraient les premiers agriculteurs de cette région. Ceux-ci auraient apprécié les avantages de ces épis plus productifs et auraient planté les graines issus de ces téosintes mutants, incorporant de ce fait le maïs dans un processus agricole. Ces découvertes, montrant une très grande similarité génétique entre le maïs cultivé et le téosinte annuel, ont eu comme conséquences que le téosinte, préalablement placé dans le genre Euchlaena (E. mexicana ) a été re classifié en 1962 sous le nom de Zea mexicana et , plus récemment, en 1982, et en considération de la variabilité des formes, a été re nommé sous deux sous-espèces de Zea mays sous les noms de Zea mays ssp. parviglumis et Z. mays ssp. mexicana. Au cours des derniers 20 ans, les analyses issues de la biologie moléculaire ont confirmé que le téosinte annuel pouvait être considéré comme l'unique ancêtre spontané du maïs. Les analyses comparatives des marqueurs de formes moléculaires d'enzymes ainsi que les nombreuses analyses d'ADN ont prouvé, hors de doute, que le téosinte annuel est la seule espèce spontanée, parmi les candidates possibles, qui est à l'origine des nombreuses races et variétés de maïs qui ont évoluées sous culture depuis environ 4 500 années A.P. dans les amériques. Des analyses d'ADN sur plusieurs populations de téosintes annuels récoltés dans diverses régions dans l'aire de distribution de cette espèce en Amérique centrale ont, de surcroît, montré que le maïs a évolué par mutation à partir de plantes provenant d'une seule des sous espèces de téosinte, Zea mays ssp. parviglumis provenant de la région du bassin hydrographique de la Rivière Balsas, située à quelques 250 km au sud-ouest de la vallée de Tehuacan. Cette découverte suggère que la vallée de Tehuacan, bien que possédant les plus anciens vestiges de la culture du maïs, ne soit pas le centre d'origine primaire de la domestication du maïs. La diffusion de la culture du maïs dans les régions plus périphériques de l'Amérique centrale s'est effectuée progressivement entre 4 500 et 3 800 années A.P. L'expansion de sa culture en Amérique du Sud s'est faite un peu plus tard. Les fouilles archéologiques ont daté la première présence du maïs sur la côte Ouest du Venezuela il y a environ 3 000 ans et, plus récemment dans plusieurs sites des régions intra montagneuses des Andes en Colombie et en Équateur. Au Pérou, sa présence la plus ancienne a été rapportée dans des sites d'occupation humaine datés d'environ 1 700 ans A.P. Dispersion de la culture du maïs en Amérique du Nord De la région Centrale du Mexique, les connaissances sur la culture du maïs auraient été transmises d'une peuplade à l'autre vers le Nord en longeant les versants de la Sierra Madre Occidentale pour atteindre les régions du sud-ouest de l'Amérique du Nord il a environ 3 200 années comme l'attestent les fouilles archéologiques de ''Bat Cave'' au Nouveau-Mexique. Ce maïs correspond à la variété ''Prè-chapalote'' possédant des épis a 12-14 rangs. Cette variété modifiée, suite à une ou plusieurs mutations suivies de recombinaisons génétiques par hybridation, s'est adaptée au climat chaud et sec des plaines et a été adoptée vers 2 500 années A.P. comme aliment de base par les populations amérindiennes établies dans le sud du Utah et du Colorado. Une variété modifiée, nommée ''Chapalote'', a été identifiée par les épis de maïs retrouvés au site archéologique du ''canyon Chaco'' au Colorado. Une seconde variété de maïs, également adaptée aux régions montagneuses, mais dont les épis ne possédaient que 8 rangs, ''le mais del Ocho'', a été introduite par la suite dans les régions du sud-ouest de l'Amérique du Nord. Par la suite , il y aurait eu hybridation entre le ''Chapalote'' et le ''mais del Ocho'' et l'hybride, le ''pima papago'' aurait, à son tour, subit une hybridation avec des plantes de la variété ''Chapalote'' donnant la variété ''harinoso del Ocho'', nommé aussi le ''Northern Flint'' (FF i g u r e 4). Cette série de croisements et les recombinaisons génétiques qui en découlèrent ont conféré à la variété ''harinoso del ocho'' des adaptations pour une -5- croissance plus hâtive et une tolérance aux modifications de la photopériode associée aux régions plus au nord. Ces modifications ont été essentielles à une expansion de sa culture vers le nord du continent américain sous des conditions de climats plus froids et rigoureux qui raccourcissait la saison favorable à la croissance du maïs. Ce fait a été établit par les premiers colons européens à entrer en contact avec les amérindiens qui ont décrit 100 110 120 90 80 70 1 000 A.P. 1 400 A.P. 40 40 2 200 A.P. 2 500 A.P. X PIMA PAPAGO .P. 3 200 A "Harinoso del ocho" "Northern flint" 30 MAIZ DEL OCHO 30 X CHAPALOTE 110 100 90 80 Figure 4.- Dispersion géographique du maïs et de ses races en Amérique du Nord. Les dates, exprimées en années avant le présent (A.P.), indiquent la période approximative de l'introduction du maïs dans les différentes régions. que le maïs ''harinoso del ocho'' qui était cultivé par ceux ci dans l'état de New York et dans la région des Grands Lacs complétait généralement son cycle de croissance en 120-130 jours, alors que les plantes de la variété ''Chapalote'', adaptées au climat du nord du Mexique et plantées dans cette région exigeaient au-delà de 150160 jours pour produire leurs épis. La culture du maïs, par le biais de la variété ''harinoso del ocho '', s'est propagée vers le Nord-est américain par diverses routes en subissant des modifications morphologiques et physiologiques dans les différentes régions où elle s'est implantée, entraînant ainsi une diversification de variétés. La voie de dispersion de la culture de maïs, retracée par les analyses de sites archéologiques, s'est fait en longeant le réseau hydrographique à partir de la rivière Arkansas pour atteindre les états du Missouri, de l'Illinois, de l'Indiana et de la vallée de l'Ohio entre 2 300 et 2 100 années A.P. Plus au nord sur le territoire iroquoien le long de la Vallée du St-Laurent, l'on retrouve des preuves archéologiques de la présence du maïs dans des périodes plus récentes qui varient entre 600 et 1 000 de notre ère, les sites archéologiques de la région du sud-ouest de Ontario étant ceux ou sa présence est la plus ancienne. Cependant, la culture du maïs ne devient une source relativement importante de nourriture parmi les iroquoiens qu'à partir du 12ème siècle de notre ère. Contrairement aux peuples amérindiens de MésoAmérique dont le maïs était l'aliment de base de leur diète alimentaire, la contribution du maïs à l'alimentation -6- des populations iroquoiennes atteindra rarement 50% du régime alimentaire total, incluant les produits de cueillette, de chasse et de pêche qui resteront des sources importantes de nourriture même au-delà de la période de contact avec les premiers européens. La culture conjointe du maïs et du haricot a t-elle été le catalyseur d'un développement agricole accru et d'une accélération de la sédentarisation des populations iroquoiennes ? Les analyses des sites archéologiques sur le territoire iroquois indiquent que l'agriculture, basées sur l'utilisation tant de plantes locales que de cultigènes introduits, s'est développée lentement et progressivement entre le 6ème et le 12ème siècle de notre ère dans un contexte ou les activités de cueillette, de chasse et de pêche sont demeurées les sources les plus importantes de nourriture. Parmi les espèces introduites, le maïs semble avoir été le premier cultigène à apparaître dans les sites archéologiques, suivi des courges et du tournesol et, plus tard, vers le 12-14ème siècle de notre ère, des haricots. Très rapidement, à partir du commencement du 13ème siècle l'on constate un développement plus agressif de l'agriculture et une dépendance accrue des cultigènes introduits dans le régime alimentaire des populations iroquoises. Dans ce contexte, le maïs devient un des aliments importants de la diète, conjointement avec les courges et les haricots, que les iroquoiens nommaient ''les trois sœurs’’. Ce constat est corroboré de façon indirecte par les analyses des restes humains qui montrent des augmentations significatives dans la concentration de strontium dans les ossements d'individus décédés depuis la fin du 12ème siècle. Hors le maïs est, parmi les plantes cultivées, celui qui contient les taux les plus élevés de cet élément et celui ci sera fixé et s'accumulera en plus grande quantité dans les os des individus qui s'alimentent de cette plante. Les plantes qui, comme le maïs, possèdent un système photosynthétique en C4, fixent proportionnellement dans leurs tissus plus de 13C02 que les plantes C3. Le 13C est un des isotopes stables du carbone qui est présent dans le CO2 atmosphérique, conjointement avec l'isotope stable dominant 12C, mais dans une proportion ne représentant que 1.1% du CO2 total. Les tissus de la plante de maïs accumuleront proportionnellement plus de 13C et le rapport 13C/12C plus positif qui en découle, par rapport à celui observé pour les plantes C3, peut être mesuré avec précision au moyen d'un spectrophotomètre de masse. Ce rapport plus élevé sera aussi observé dans les os des individus dont l'alimentation est basée principalement sur les plantes C4. Hors, l'on observe que ces rapports sont plus élevés pour les ossements d'iroquoiens ayant vécu au 12-13ème siècles ou plus récemment quand ils sont comparés à ceux d'individus ensevelis dans des niveaux d'occupation plus anciens. Bien que ce qui est discuté dans le paragraphe soit encore sujet à une certaine incertitude et à des interprétations diverses et nuancées, plusieurs indices convergents suggèrent de l'importance de la culture du maïs et des haricots comme éléments catalyseurs du développement agricole et de l'intensification du processus de sédentarisation des populations iroquoiennes. La présence accrue d'épis de maïs dans les niveaux d'occupation de plusieurs sites archéologiques à partir de 1 200 de notre ère est corrélée à un changement des sites d'habitation des populations iroquoiennes. Avant 1 200, les iroquoiens occupaient les terrasses riveraines, mais à partir de cette période, des villages commencent à être construits en retrait des cours d'eau sur des sols sablonneux propices à l'implantation du maïs et à une horticulture plus diversifiée. Bien que la présence de maison-longues, habitations typiques iroquoiennes, ait été rapportée lors de fouilles archéologiques dans des niveaux d'occupation datés à partir de 1 000 années A.P., celles ci sont de dimensions réduites, peu élaborées et mal construites. Coïncidant avec le transfert des sites des villages, l'on observe aussi une tendance d'une présence accrue de maisons-longues mieux construites et plus vastes suggérant une augmentation notable de la capacité d'accueil d'une population de plus en plus sédentarisée associée à des villages aux dimensions accrues et qui deviennent semi-permanents. Le nombre de meules de pierres, plutôt négligeable sur les sites antérieurs à l'an 1 000 de notre ère, augmente progressivement jusqu'au milieu du XIIIème siècle et, par la suite, constitue une importante catégorie d'outils. Ces meules sont indispensables pour moudre les caryopses issus des épis de maïs qui, chez les iroquoiens, étaient ramassés à l'état ''laiteux'' immature. Cette pratique a été probablement adoptée à cause des contraintes résultant de la courte saison allouée à la croissance du maïs sous les conditions climatiques de la région du Fleuve St-Laurent. L'intensification de la production de maïs et de haricots, et du développement de l'agriculture horticole en général, ont aussi modifié le mode alimentaire des iroquoiens en affectant leur santé d'une façon quelque peu perverse. Les produits végétaux, tel que le maïs, courges et haricots, préparés en forme de gruaux, bouillies ou -7- farines riches en glucides deviennent des éléments plus important de la diète alimentaire au détriment d'aliments de végétaux plus riche en fibres ramassés lors de la cueillette des plantes locales et de la viande et poissons issus de la chasse et de la pêche. Ces conditions favorisent les pathologies buccales à cause des fortes teneurs en hydrates de carbone qui entraînent une diminution du pH de l'émail des dents. Hors, l'on a observé une augmentation significative des caries dentaires et abcès buccaux de tous types dans les mâchoires de squelettes d'iroquoiens qui ont vécu au cours des périodes plus récentes que le XIIème siècle de notre ère. En 1534, quand Jacques Cartier fend les eaux du Saint-Laurent à bord de son navire, il découvrira des villages d'Iroquoiens s'étendant, dans certains cas, sur plusieurs hectares et entourés de champs libérés de leurs végétations naturelles par des pratiques d'abattage, de brûlis et de débroussaillage dans lesquels le maïs et les haricots sont cultivés conjointement. Bien que l'intégration des cultigènes dans leur développement agricole se soit fait lentement sur une période initiale de près de 800 années, les iroquoiens de la période du premier contact avec les Européens sont considérés ceux qui, parmi tous les peuples amérindiens de la région du Nord-est américain, ont intégré le plus systématiquement la culture du maïs dans leur économie de subsistance. Lectures suggérées: Beadle, G.W. l981. T h e a n c e s t r y o f c o r n . Scientific American 2 4 2 ( 1 ): 112-119. Chapdelaine, C. l993. L e d é v e l o p p e m e n t d e l ' h o r t i c u l t u r e d a n s l e N o r d - E s t d e l ' A m é r i q u e d u N o r d . Revista de arquéologia Americana 7 : 53-82. Clermont, N. l990. W h y d i d t h e S a i n t L a w r e n c e I r o q u o i a n s b e c o m e h o r t i c u l t u r i s t s ? Man in the Northeast 4 0 : 75-79. Crawford, G. W., Smith, D. J. & Bowyer, V. E. 1997. D a t i n g t h e e n t r y o f c o r n ( Z e a m a y s ) i n t o t h e l o w e r G r e a t L a k e s R e g i o n. American Antiquity 6 2: 112-119. Galinat, W. C. l995. T h e o r i g i n o f m a i z e : G r a i n o f h u m a n i t y . Economic Botany 4 9: 3-12. Iltis, H. 2000. H o m e o t i c s e x u a l t r a n s l o c a t i o n s a n d t h e o r i g i n o f m a i z e : a n e w l o o k a t a n o l d p r o bl e m. Economic Botany 5 4: 7-42. Simon, J.-P. 2001.. L a m i g r a t i o n N o r d i q u e d u M a ï s . Revue Quatre-Temps (La revue des amis du Jardin Botanique) Vol. 2 5 (3) : 4-26. (version plus condensée du texte présenté ici comme annexe). Smith, B. D. 1996. T h e e m e r g e n c e o f a g r i c u l t u r e. chapitre 7, pp. 146-176. Scientific American Library. New York -8-