Fiche concours : Les crises sont-elles le moteur du capitalisme ? (Chapitre 4-II) On définit traditionnellement le capitalisme comme un système économique reposant sur le salariat, qui se caractérise par une logique d’accumulation du capital et qui repose généralement sur la propriété privée des moyens de production et sur une régulation par le marché. La fréquence et l’intensité des crises se sont accrues depuis les dernières décennies du XXe siècle. Depuis les origines de l’économie politique et notamment les travaux de K. Marx, de nombreux économistes se sont attachés à associer l’analyse des crises avec celle de la dynamique du capitalisme. Le débat scientifique est resté cependant vif sur cette question : faut-il voir dans les crises des accidents de l’histoire du système capitaliste et ainsi considérer qu’elles sont de nature exogène ou faut-il les appréhender comme un moteur, c’est à dire un élément de régulation du système ? Dans ce dernier cas, doit-on pour autant en conclure que les crises sont incontournables ? I. Système capitaliste et crises exogènes Dans la tradition théorique héritée de J.B. Say (loi des débouchés), les crises générales de surproduction ne sont pas possibles dès lors que la régulation par le marché s’impose dans l’économie. Dans cette optique, la crise de 1929 a été analysée comme la conséquence d’une insuffisance de recours au marché durant les décennies précédents (J. Rueff ou L. Robbins). Dans la lignée des travaux de M. Friedman, les analyses de la nouvelle école classique (Barro, Kydland, Prescott) mettent l’accent sur le fait que les crises sont indépendantes du système économique et proviennent de chocs exogènes, nominaux ou réels. Elles ne sont une composante du système que dans la mesure où les anticipations des agents sont perturbées par les actions des pouvoirs publics. II. Les crises : un élément de régulation indépassable du capitalisme ? Les travaux de Marx sur la place des crises dans le mode de production capitaliste (MPC) occupent une place centrale dans l’analyse économique. Celui-ci montre que le MPC est traversé par des contradictions internes et croissantes entre la dynamique des forces productives et la stabilité des rapports sociaux de production. De nombreux auteurs s’inscrivent dans cette perspective théorique : Labrousse lorsqu’il affirme que les économies ont les crises de leur structure, Kondratieff qui montre que les cycles longs sont ponctués par des crises qui permettent au système économique de rebondir ou encore, aujourd’hui, les auteurs de la théorie de la régulation. La grille de lecture marxiste conduit ainsi à supposer que les crises sont un élément de régulation incontournable du système capitaliste. La gravité que revêtent les dernières crises du XXe siècle et celles du début du XXIe a cependant contribué à alimenter des réflexions qui partent de l’hypothèse selon laquelle les crises sont évitables ou à tout le moins que leur degré de gravité peut se réduire sous les effets de politiques économiques préventives et/ou curatives adaptées. En ce sens, elles ne sont plus perçues comme le moteur du capitalisme mais comme le symptôme d’une carence d’institutions qui sont nécessaires à sa régulation. Si le capitalisme est aujourd’hui appréhendé essentiellement comme un terme polémique (le capitalisme est un mot de combat selon l’expression de F. Perroux), la question de la régulation de ce système économique reste d’une actualité centrale. Alors que les crises de faible ampleur peuvent apparaître comme un élément de régulation du système, elles sont par ailleurs considérées aujourd’hui comme fortement préjudiciables à la stabilité de l’économie mondiale lorsqu’elles deviennent majeures et systémiques ce qui implique des dispositifs ambitieux pour piloter la gouvernance mondiale. Économie, sociologie et histoire du monde contemporain, 2e édition © Armand Colin, 2016.