LES CRISES ÉCONOMIQUES PEUVENT-ELLES CONSIDÉRÉES COMME UN FACTEUR DE RÉGULATION DU CAPITALISME ? Introduction lecture « spontanée » de la crise comme perturbation du bon fonctionnement du système, perte de production, coûts économiques et sociaux (cf « grande récession » initiée à l'automne 2008) mais interrogation sur les conditions de sortie de crise et surtout sur la récurrence des crises depuis la Révolution Industrielle (références historiques à propos de la période actuelle) notion de régulation : mécanismes permettant à un système de conserver son équilibre après une modification de son environnement → question doit être déclinée selon les courants théoriques (prise en compte de la logique capitaliste – qui ne se réduit pas au seul marché) et les périodes historiques (interrogation sur l'existence de différentes natures des crises) A- LES CRISES NE PEUVENT ÊTRE CONSIDÉRÉES COMME UN ÉLÉMENT DE RÉGULATION MAIS COMME L'EXPRESSION D'UNE PERTURBATION DU SYSTÈME 1- Un système marchand équilibré et efficace → Say → Walras Système est marqué par sa capacité d'autorégulation (flexibilité des prix + concurrence) : absence de crises majeures (loi de Say) 2- Des chocs exogènes remettent en cause l'équilibre économique Crise est possible lorsqu'il y des chocs qui déstabilisent l'économie → le poids de la nature → les choc géopolitiques Variation des prix permet un ajustement ( hausse des prix stimule la production et freine la demande excessive) et favorise le retour à l'équilibre 3- La crise comme résultante de la perturbation de marchés Courant libéral considère que les marchés peuvent devenir structurellement déséquilibrés quand on remet en cause les principes libéraux, ce qui empêche les ajustements automatiques de fonctionner et donc peut générer des crises profondes → remise en cause de l'intervention publique (Robbins – crise de 29, lecture libérale des années 70) → rôle des déséquilibres monétaires et financiers (abandon de la discipline de l'étalon-or suite à la 1ère Guerre Mondiale, emballement du crédit – Hayek) réponse à la crise suppose des ajustements plus complexes B- LA CRISE PERMET D'APURER DES DÉSÉQUILIBRES ET DONC DE RÉGULER LE CAPITALISME 1- la crise comme « purge » Pour ceux qui analysent la crise comme résultant de perturbations financières, la crise est une « purge » nécessaire des excès réalisés (moyen d'éliminer les investissements non rentables engagés suite à un coût de l'argent trop faible) → « Coup d'accordéon » (Hayek) → politiques « liquidationnistes » prônées durant les années 30 → politiques déflationnistes (crise de 29, politiques monétaristes de lutte contre l'inflation, interrogations européennes actuelles) 2- Dans la dynamique cyclique, la crise permet de réguler les tensions de la croissance Analyse fondatrice est celle de Juglar : identification d'un cycle court + idée que la crise apparaît comme la conséquence nécessaire de la période de prospérité : crise permet de calmer les logiques spéculatives et la dynamique de l'investissement (rôle des faillites) → raisonnement comparable dans les analyses régulationnistes de la récurrence des crises au 19ème siècle : crise manifeste l'impossibilité de poursuivre la dynamique de croissance dans un contexte de monnaie métallique ; crise permet de rétablir la rentabilité par pression sur les salaires et les emplois sans conséquences dommageables sur la demande globale Analyses en terme de cycles longs (Kondratiev) intègrent également la crise comme élément de la dynamique de l'économie : Schumpeter pense la crise comme une phase de « digestion » des vagues d'innovation 3- Derrière la crise, surracumulation ou sous-consommation ? Débat sur les caractéristiques essentielles de la croissance qui génèrent la crise : → lecture en termes de sous-consommation : excès d'épargne lié à la distribution inégalitaire des revenus (Malthus), faiblesse des revenus ouvriers (Sismondi, Marx), volatilité de la demande de biens de luxe (Sismondi) → lecture en termes de suraccumulation : fortes vagues d'investissement débouchent sur un problème de rentabilité qui suppose faillites et compression des coûts pour permettre le redémarrage de la croissance (phénomène structurel – Marx : baisse tendancielle des taux de profit – ou lié à des vagues d'investissement - Sismondi) Lecture de la crise comme facteur de régulation : crise permet de rétablir les bases d'une croissance plus dynamique + inéluctabilité du retour de la crise C- LA DYNAMIQUE RÉGULATRICE SUPPOSE DES MUTATIONS STRUCTURELLES 1- L'enfoncement dans la crise Constat que certaines crises ne sont pas caractérisées par un redémarrage « spontané » (ou relativement rapide) : difficultés persistent voire s'approfondissent (crise de 29, absence de retour à la croissance forte et régulière de la période des 30 Glorieuses pour les PDEM à partir du milieu des années 70) → débat sur l'interprétation de cette situation 2- La question de l'efficacité des politiques Responsabilité de l'enlisement dans les difficultés doit être ramenée à des politiques inadaptées (inefficaces voir dangereuses) → analyse de Milton Friedman : politique monétaire est trop restrictive aux lendemains du krach de Wall Street en octobre 1929, trop laxiste dans les années 60 et 710 ce qui conduit à l'inflation → dénonciation keynésienne des politiques de déflation dans la crise de 29 (conduisent à aggraver l'insuffisance de la demande et donc à empêcher la sortie de crise) → inefficacité des choix nationaux dans les années 30 (enchaînement dévaluation – protectionnisme peut être positif pour les premiers pays à le mettre en œuvre mais a un impact mondial dépressionniste) 3- La nécessité de mutations structurelles pour dépasser la crise identification de « grandes crises » par les économistes de la régulation : crise manifestent un blocage majeur et ne peuvent être résolues par un redémarrage spontané de la croissance → sortie de crise passe par de nouvelles formes de régulations, par des mutations structurelles dont la mise en œuvre peut être compliquée et longue Conclusion crises ne peuvent être expliquées par leur seul caractère exogène et ne peuvent être ramenées à un simple « ajustement » du marché crises peuvent être doublement considérées comme un facteur de régulation du capitalisme : parce qu'elles manifestent des déséquilibres qui empêchent la pérennité de la croissance, parce qu'elles mettent ne place les conditions qui favorisent un redémarrage du processus mais la régulation n'est pas automatique et peut se révéler longue et complexe : interrogations sur la dynamique du capitalisme suite à la crise actuelle