Maladie cœliaque et os Coeliac disease and bone D

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Maladie cœliaque et os
Coeliac disease and bone
● K. Briot, C. Roux*
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PRÉVALENCE DE L’OSTÉOPOROSE
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L’ostéoporose est une complication fréquente de la maladie
cœliaque. La densité minérale osseuse est en effet diminuée chez
la moitié des patients traités pour une maladie cœliaque (1). Cette
diminution de la densité osseuse varie d’un site à l’autre. Elle est
de – 6 % pour le rachis, de – 5 % pour le col du fémur (1). La
prévalence de l’ostéoporose dépend de la sévérité de la maladie,
surtout chez les sujets peu compliants au régime, et dépend moins
de la durée d’évolution et de l’étendue de l’atteinte (2). Une diminution de la densité osseuse peut survenir chez un patient asymptomatique ou peu symptomatique, et avant que ne soit fait le diagnostic de maladie cœliaque (3).
Le risque de fractures au cours de la maladie cœliaque n’est
connu que par des études transversales. Il est estimé à 25 %,
80 % des fractures survenant avant que ne soit fait le diagnostic de maladie, ou chez des patients non compliants au
traitement (4). Ces fractures prédominent sur les os périphériques (5).
■ L’ostéoporose est une complication fréquente de la maladie
cœliaque, même chez les sujets asymptomatiques. L’ostéomalacie est plus rare.
■ Le déterminant essentiel de l’ostéoporose est l’hyperparathyroïdie secondaire à l’hypocalcémie chronique due à la
carence en vitamine D.
■ Les cytokines pro-inflammatoires produites au cours de la
maladie cœliaque pourraient également favoriser la perte
osseuse.
■ Le régime sans gluten permet une augmentation de la
densité minérale osseuse dès la première année.
■ La maladie cœliaque constitue une bonne indication à la
réalisation d’une densitométrie osseuse. À l’inverse, il faut
savoir évoquer une maladie cœliaque devant toute diminution
de la densité minérale osseuse sans étiologie apparente.
es complications osseuses peuvent survenir lors de
l’évolution de la maladie cœliaque en raison de la
présence de plusieurs facteurs de risque comme la
malabsorption, l’inflammation et les troubles nutritionnels. La
principale conséquence est la survenue d’une ostéopénie, voire
d’une ostéoporose, qui conduit à une augmentation du risque de
fracture. L’ostéomalacie, qui est un trouble de la minéralisation
en rapport avec une carence en vitamine D, est plus rare.
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* Service de rhumatologie, hôpital Cochin, Paris.
PHYSIOPATHOLOGIE DE L’OSTÉOPOROSE
AU COURS DE LA MALADIE CŒLIAQUE
Le principal déterminant est l’hyperparathyroïdie secondaire
à la carence chronique en calcium, elle-même secondaire à la
carence en vitamine D (6). Dans un groupe de patients ayant
une maladie cœliaque depuis environ 10 ans, il a été observé une
hyperparathyroïdie chez 28 % d’entre eux alors que les taux de
vitamine D étaient normaux (7). L’hyperparathyroïdie explique
que la diminution de la densité osseuse prédomine aux os périphériques.
Cependant, cette explication semble insuffisante. Il existe une
production accrue de cytokines pro-inflammatoires comme le
TNFα, l’IL-6, l’IL-β et l’IL-15 chez les sujets ayant une maladie
cœliaque non traitée (8). Ces cytokines peuvent participer à
la perte osseuse par une augmentation de la résorption (9).
Notons qu’un mécanisme d’ostéopathie fragilisante médiée par
les cytokines inflammatoires a été décrit au cours de la maladie
de Crohn.
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. VIII - janvier-février 2005
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LES EXAMENS À RÉALISER EN PRATIQUE
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Place des bisphosphonates
Chez un patient ayant une maladie cœliaque
La densitométrie osseuse est utile chez tous les patients ayant une
maladie cœliaque. C’est une mesure précise et reproductible de
la densité osseuse et donc une estimation de la solidité osseuse.
Elle est réalisée au rachis lombaire et à l’extrémité supérieure du
fémur par absorptiométrie biphotonique à rayons X. Elle est exprimée en g/cm2, et s’interprète en nombre d’écarts-types entre la
valeur du sujet et la valeur moyenne des adultes jeunes. Cette différence est appelée T score. Selon l’Organisation mondiale de la
santé, l’ostéopénie est définie par un T score > – 2,5 et ≤ – 1 et
l’ostéoporose par un T score ≤ – 2,5.
La mesure de la densité osseuse est une quantification de la masse
minérale et ne permet pas de faire la distinction entre ostéoporose
et ostéomalacie. C’est pourquoi des examens biologiques sont
obligatoires. Au cours de l’ostéoporose, la calcémie (ajustée sur
l’albuminémie) et la phosphorémie sont normales (ces deux paramètres sont le plus souvent diminués dans l’ostéomalacie). Au
cours de l’ostéoporose, s’il existe une carence en vitamine D, la
calcémie peut être maintenue à la normale par une hyperparathyroïdie secondaire. Le dosage de la PTH (1-84) est donc utile.
Dans le cas d’une ostéoporose d’étiologie indéterminée
Le diagnostic de maladie cœliaque doit être évoqué devant une
diminution de la densité osseuse inexpliquée. Ce dépistage ne doit
pas être généralisé à toutes les ostéoporoses, mais seulement aux
cas où l’étiologie est inconnue, chez des adultes jeunes ou s’il
existe des signes évocateurs de maladie digestive comme une anémie chronique (10, 11).
IMPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES
Effet du régime sans gluten
La densité minérale osseuse s’améliore de façon significative,
d’environ 5 % dès la première année de régime sans gluten (12).
Des normalisations de la densité minérale osseuse ont même été
constatées chez les enfants après 5 ans de régime sans gluten bien
suivi (13).
Cet argument peut aider à convaincre de l’intérêt d’une bonne
compliance au régime, même chez les patients asymptomatiques.
Le régime doit s’accompagner d’une supplémentation calcique
(1,5 g/jour) pour pallier la malabsorption du calcium et prévenir
l’hyperparathyroïdie secondaire. Il faut également veiller à supplémenter une éventuelle carence en vitamine D.
La surveillance
Le contrôle densitométrique peut être pratiqué 12 mois après la
mise en route du régime. L’augmentation insuffisante de la densité osseuse doit amener à vérifier la compliance au traitement et
le respect de la supplémentation vitaminocalcique.
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Il n’y a pas d’étude concernant l’effet des bisphosphonates sur
cette ostéopathie. Leur utilisation pourrait être envisagée en cas
de fracture, à condition d’avoir préalablement corrigé l’hyperparathyroïdie secondaire.
CONCLUSION
L’ostéoporose est une complication fréquente de la maladie cœliaque.
La maladie cœliaque doit être ajoutée à la liste des maladies constituant une indication à la réalisation d’une densitométrie osseuse.
La bonne adhésion au régime sans gluten est le traitement le plus
efficace de cette ostéoporose. Il doit être suivi même chez les
sujets peu symptomatiques.
■
Mots-clés : Ostéoporose - Maladie cœliaque - Densité minérale
osseuse.
Keywords: Osteoporosis - Celiac disease - Bone mineral density.
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La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. VIII - janvier-février 2005
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