Traitement local des cancers du rectum

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Traitement local des cancers du rectum
Quelles sont les autres thérapeutiques locales ?
● V. Vendrely*
Points
forts
Points
Points forts
forts
◆ La radiothérapie exclusive à visée curative s’adresse aux petits cancers mobiles,
de moins de 4 cm de diamètre, bien différenciés, situés à moins de 12 cm de la
marge anale, sans adénopathie envahie.
◆ Dans ce cas, la radiothérapie exclusive
contrôle environ 90 % des tumeurs avec
comme critère pronostique favorable le
caractère non ulcéré et une régression de
plus de 90 % après deux séances.
L
a radiothérapie exclusive dans le traitement des cancers du rectum trouve
généralement sa place dans le cadre de traitements palliatifs : une irradiation externe,
associant trois ou quatre faisceaux et utilisant des photons de haute énergie, a alors
pour but d’assurer le contrôle local, de
diminuer les douleurs ainsi que les rectorragies chez un patient souffrant d’un cancer du rectum métastatique ou inopérable.
La dose totale maximum (de l’ordre de 60
à 70 Gy) délivrée dans le volume tumoral
est limitée par la tolérance des tissus sains
adjacents et ne permet pas de stériliser une
tumeur volumineuse.
À l’opposé, l’irradiation exclusive peut être
utilisée à visée curative dans le cadre du
traitement local de petites tumeurs du rectum, en respectant des indications rigou-
* Service de radiothérapie, hôpital Saint-André,
Bordeaux.
◆ L’irradiation endocavitaire est effectuée
par voie transanale, elle ne nécessite pas
d’hospitalisation, ni d’anesthésie générale
et est étalée sur quatre à cinq séances.
◆ Du fait des imprécisions du bilan préopératoire quant à la nature exacte du
stade du cancer, ce traitement s’adresse
surtout aux sujets âgés ou en cas de
contre-indication à la chirurgie.
reuses et en utilisant une technique particulière : l’irradiation endocavitaire.
PRINCIPES DU TRAITEMENT
La radiothérapie endocavitaire ou irradiation de contact permet de délivrer des photons de basse énergie (50 kV), avec une
pénétration en profondeur limitée, à l’aide
d’un applicateur endorectal placé en regard
de la tumeur. Cette technique permet de
délivrer de fortes doses dans un volume
limité, en préservant les tissus sains adjacents ; elle permet donc de traiter la tumeur
rectale, mais ne peut prétendre couvrir les
ganglions satellites. Il s’agit d’une technique peu coûteuse, ne nécessitant ni hospitalisation ni anesthésie générale, et qui
peut être proposée à des patients âgés ou
présentant des contre-indications à la chirurgie. Un boost au niveau du lit tumoral
peut être réalisé par curiethérapie. Les indications sont limitées aux petites tumeurs
mobiles, inférieures à 4 cm de diamètre,
bien différenciées, situées à moins de 12cm
de la marge anale, sans envahissement gan-
Le Courrier de colo-proctologie (III) - n° 4 - oct. nov. déc 2002
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glionnaire local. Le bilan préthérapeutique,
qui comprend l’examen clinique, la rectoscopie rigide avec biopsies et l’échoendoscopie, est déterminant puisqu’il n’y aura
pas d’examen anatomopathologique définitif de la pièce tumorale. Enfin, il est
nécessaire d’entreprendre une surveillance
rigoureuse et rapprochée au décours du
traitement afin de dépister une éventuelle
récidive locale curable (le plus souvent par
un traitement chirurgical radical).
TECHNIQUE
L’irradiation endocavitaire a été initialement introduite par Chaoul en 1930, puis
utilisée par Lamarque dans le traitement
des cancers du rectum. La technique a été
développée et diffusée par Papillon (1).
Cette technique nécessite l’utilisation d’un
appareil de contact-thérapie, délivrant un
faisceau de 50 kV, à l’aide d’un applicateur
de 2 ou 3 cm de diamètre positionné dans
le rectum. Cet applicateur est couplé à un
rectoscope qui permet le positionnement
adéquat de l’applicateur, en regard de la
tumeur, sous contrôle de la vue ; il est raccordé au générateur de rayons X, et maintenu en place par le radiothérapeute. La distance source-tumeur est courte (de l’ordre
de 4 cm), et la dose délivrée peut varier de
10 à 20 Gy par minute. Le patient est traité
en position genu-pectorale, une anesthésie
locale à la xylocaïne est parfois nécessaire
pour l’introduction de l’applicateur. La
séance dure quelques minutes. Le traitement comprend quatre à cinq séances à
intervalles de 1 à 2 semaines, la dose par
séance varie de 20 à 30 Gy selon les
équipes, pour une dose totale variant de 80
à 120 Gy (2-6).
Le traitement des lésions situées sur la face
postérieure du rectum est techniquement
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plus difficile, en raison du positionnement
de l’applicateur, que celui des lésions antérieures.
Certaines équipes associent une curiethérapie (implantation d’aiguilles d’iridium
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de l’irradiation endocavitaire (3, 6).
D’autres associent une irradiation externe,
dans le but de traiter d’éventuelles micrométastases ganglionnaires périrectales non
dépistées par l’échoendoscopie (2).
RÉSULTATS
La tolérance au traitement est bonne : les
effets secondaires pendant le traitement
consistent le plus souvent en diarrhée,
ténesme et impériosité, chez moins de
15 % des patients. À distance du traitement
peuvent apparaître des rectorragies ou des
ulcérations, le plus souvent asymptomatiques au niveau du lit tumoral (2, 3).
Pour les patients présentant des tumeurs
évaluées T1N0, le taux de contrôle local
après radiothérapie endocavitaire est de
l’ordre de 90 % dans la plupart des séries
(2, 3, 6-8). Gérard et al. ne rapportent
aucune rechute locale parmi les adénocarcinomes classés T1N0 alors que le taux de
rechute locale atteint 40 % pour les T2N0,
les auteurs recommandent la radiothérapie
endocavitaire seule uniquement pour les
T1N0 (3).
Chez les patients inopérables présentant
une tumeur évaluée T2, voire T3, la radiothérapie endocavitaire peut être proposée
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après une exérèse locale ou en association
avec une radiothérapie externe : le taux de
contrôle local est de l’ordre de 70 % (4).
Outre le stade tumoral et la différenciation
histologique, d’autres facteurs influençant
le risque de récidive locale ont été mis en
évidence :
– la réponse complète au traitement ainsi
que la cinétique de régression tumorale
sont associées à un faible risque de rechute
locale ; en particulier une régression tumorale supérieure à 90 % après deux séances
de radiothérapie endocavitaire semble un
facteur de bon pronostic (3, 6) ;
– l’aspect macroscopique de la tumeur est
retrouvé comme facteur pronostique significatif dans plusieurs séries ; le caractère
ulcéré de la tumeur est associé à un risque
de rechute locale plus important ainsi qu’à
un délai de rechute plus court (5, 8).
CONCLUSION
La radiothérapie endocavitaire fait partie
des alternatives de traitement local des
petites tumeurs rectales. En respectant les
indications de traitement local, à l’aide
d’un bilan préthérapeutique rigoureux, la
radiothérapie endocavitaire selon la technique de Papillon est un traitement efficace, peu toxique et applicable à tout
patient. Ce traitement suppose l’utilisation
d’un appareil de contact-thérapie, équipé
d’un applicateur spécial, qui n’est pas disponible dans tous les centres de radiothérapie.
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Mots clés. Cancer du rectum - Radiothérapie.
R
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Le Courrier de colo-proctologie (III) - n° 4 - oct. nov. déc 2002
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