CP/décembre 10/12/02 15:20 Page 99 D o s s i e r t h é m a t i q u e Traitement local des cancers du rectum Quelles sont les autres thérapeutiques locales ? ● V. Vendrely* Points forts Points Points forts forts ◆ La radiothérapie exclusive à visée curative s’adresse aux petits cancers mobiles, de moins de 4 cm de diamètre, bien différenciés, situés à moins de 12 cm de la marge anale, sans adénopathie envahie. ◆ Dans ce cas, la radiothérapie exclusive contrôle environ 90 % des tumeurs avec comme critère pronostique favorable le caractère non ulcéré et une régression de plus de 90 % après deux séances. L a radiothérapie exclusive dans le traitement des cancers du rectum trouve généralement sa place dans le cadre de traitements palliatifs : une irradiation externe, associant trois ou quatre faisceaux et utilisant des photons de haute énergie, a alors pour but d’assurer le contrôle local, de diminuer les douleurs ainsi que les rectorragies chez un patient souffrant d’un cancer du rectum métastatique ou inopérable. La dose totale maximum (de l’ordre de 60 à 70 Gy) délivrée dans le volume tumoral est limitée par la tolérance des tissus sains adjacents et ne permet pas de stériliser une tumeur volumineuse. À l’opposé, l’irradiation exclusive peut être utilisée à visée curative dans le cadre du traitement local de petites tumeurs du rectum, en respectant des indications rigou- * Service de radiothérapie, hôpital Saint-André, Bordeaux. ◆ L’irradiation endocavitaire est effectuée par voie transanale, elle ne nécessite pas d’hospitalisation, ni d’anesthésie générale et est étalée sur quatre à cinq séances. ◆ Du fait des imprécisions du bilan préopératoire quant à la nature exacte du stade du cancer, ce traitement s’adresse surtout aux sujets âgés ou en cas de contre-indication à la chirurgie. reuses et en utilisant une technique particulière : l’irradiation endocavitaire. PRINCIPES DU TRAITEMENT La radiothérapie endocavitaire ou irradiation de contact permet de délivrer des photons de basse énergie (50 kV), avec une pénétration en profondeur limitée, à l’aide d’un applicateur endorectal placé en regard de la tumeur. Cette technique permet de délivrer de fortes doses dans un volume limité, en préservant les tissus sains adjacents ; elle permet donc de traiter la tumeur rectale, mais ne peut prétendre couvrir les ganglions satellites. Il s’agit d’une technique peu coûteuse, ne nécessitant ni hospitalisation ni anesthésie générale, et qui peut être proposée à des patients âgés ou présentant des contre-indications à la chirurgie. Un boost au niveau du lit tumoral peut être réalisé par curiethérapie. Les indications sont limitées aux petites tumeurs mobiles, inférieures à 4 cm de diamètre, bien différenciées, situées à moins de 12cm de la marge anale, sans envahissement gan- Le Courrier de colo-proctologie (III) - n° 4 - oct. nov. déc 2002 99 glionnaire local. Le bilan préthérapeutique, qui comprend l’examen clinique, la rectoscopie rigide avec biopsies et l’échoendoscopie, est déterminant puisqu’il n’y aura pas d’examen anatomopathologique définitif de la pièce tumorale. Enfin, il est nécessaire d’entreprendre une surveillance rigoureuse et rapprochée au décours du traitement afin de dépister une éventuelle récidive locale curable (le plus souvent par un traitement chirurgical radical). TECHNIQUE L’irradiation endocavitaire a été initialement introduite par Chaoul en 1930, puis utilisée par Lamarque dans le traitement des cancers du rectum. La technique a été développée et diffusée par Papillon (1). Cette technique nécessite l’utilisation d’un appareil de contact-thérapie, délivrant un faisceau de 50 kV, à l’aide d’un applicateur de 2 ou 3 cm de diamètre positionné dans le rectum. Cet applicateur est couplé à un rectoscope qui permet le positionnement adéquat de l’applicateur, en regard de la tumeur, sous contrôle de la vue ; il est raccordé au générateur de rayons X, et maintenu en place par le radiothérapeute. La distance source-tumeur est courte (de l’ordre de 4 cm), et la dose délivrée peut varier de 10 à 20 Gy par minute. Le patient est traité en position genu-pectorale, une anesthésie locale à la xylocaïne est parfois nécessaire pour l’introduction de l’applicateur. La séance dure quelques minutes. Le traitement comprend quatre à cinq séances à intervalles de 1 à 2 semaines, la dose par séance varie de 20 à 30 Gy selon les équipes, pour une dose totale variant de 80 à 120 Gy (2-6). Le traitement des lésions situées sur la face postérieure du rectum est techniquement CP/décembre 10/12/02 15:20 Page 100 D o s s i e r plus difficile, en raison du positionnement de l’applicateur, que celui des lésions antérieures. Certaines équipes associent une curiethérapie (implantation d’aiguilles d’iridium 192) au niveau du site tumoral au décours de l’irradiation endocavitaire (3, 6). D’autres associent une irradiation externe, dans le but de traiter d’éventuelles micrométastases ganglionnaires périrectales non dépistées par l’échoendoscopie (2). RÉSULTATS La tolérance au traitement est bonne : les effets secondaires pendant le traitement consistent le plus souvent en diarrhée, ténesme et impériosité, chez moins de 15 % des patients. À distance du traitement peuvent apparaître des rectorragies ou des ulcérations, le plus souvent asymptomatiques au niveau du lit tumoral (2, 3). Pour les patients présentant des tumeurs évaluées T1N0, le taux de contrôle local après radiothérapie endocavitaire est de l’ordre de 90 % dans la plupart des séries (2, 3, 6-8). Gérard et al. ne rapportent aucune rechute locale parmi les adénocarcinomes classés T1N0 alors que le taux de rechute locale atteint 40 % pour les T2N0, les auteurs recommandent la radiothérapie endocavitaire seule uniquement pour les T1N0 (3). Chez les patients inopérables présentant une tumeur évaluée T2, voire T3, la radiothérapie endocavitaire peut être proposée t h é m a t i q u e après une exérèse locale ou en association avec une radiothérapie externe : le taux de contrôle local est de l’ordre de 70 % (4). Outre le stade tumoral et la différenciation histologique, d’autres facteurs influençant le risque de récidive locale ont été mis en évidence : – la réponse complète au traitement ainsi que la cinétique de régression tumorale sont associées à un faible risque de rechute locale ; en particulier une régression tumorale supérieure à 90 % après deux séances de radiothérapie endocavitaire semble un facteur de bon pronostic (3, 6) ; – l’aspect macroscopique de la tumeur est retrouvé comme facteur pronostique significatif dans plusieurs séries ; le caractère ulcéré de la tumeur est associé à un risque de rechute locale plus important ainsi qu’à un délai de rechute plus court (5, 8). CONCLUSION La radiothérapie endocavitaire fait partie des alternatives de traitement local des petites tumeurs rectales. En respectant les indications de traitement local, à l’aide d’un bilan préthérapeutique rigoureux, la radiothérapie endocavitaire selon la technique de Papillon est un traitement efficace, peu toxique et applicable à tout patient. Ce traitement suppose l’utilisation d’un appareil de contact-thérapie, équipé d’un applicateur spécial, qui n’est pas disponible dans tous les centres de radiothérapie. ■ 100 Mots clés. Cancer du rectum - Radiothérapie. R É F É R E N C E S 1. Papillon J. Intracavitary irradiation of early rectal cancer for cure. A series of 186 cases. Cancer 1975 ; 36 : 696-701. 2. Aumock A, Birnbaum EH, Fleshman JW et al. Treatment of rectal adenocarcinoma with endocavitary and external beam radiotherapy: results for 199 patients with localized tumors. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2001 ; 51 : 363-70. 3. Gérard JP, Ayzac L, Coquard R et al. Endocavitary irradiation for early rectal carcinomas T1 (T2). A series of 101 patients treated with the Papillon's technique. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1996 ; 34 : 775-83. 4. Gérard JP, Romestaing P, Ardiet JM, Mornex F. Sphincter preservation in rectal cancer. Endocavitary radiation therapy. Semin Radiat Oncol 1998 ; 8 : 13-23. 5. Reed WP, Cataldo PA, Garb JL et al. The influence of local tumor ulceration on the effectiveness of endocavitary radiation for patients with early rectal carcinoma. Cancer 1995 ; 76 : 967-71. 6. Rauch P, Bey P, Peiffert D et al. Factors affecting local control and survival after treatment of carcinoma of the rectum by endocavitary radiation : a retrospective study of 97 cases. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2001 ; 49 : 117-24. 7. Schild SE, Martenson JA, Gunderson LL. Endocavitary radiotherapy of rectal cancer. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1996 ; 34 : 677-82. 8. Mendenhall WM, Rout WR, Vauthey JN et al. 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