La radiothérapie intra-opératoire des cancers du sein

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T traitement
La radiothérapie
intra-opératoire
des cancers du sein
Étienne Martin, oncologue radiothérapeute
Centre Georges François Leclerc, 1, rue du Pr Marion, 21 000 Dijon, France
C
haque année, plus de 53 000 cancers infiltrants
du sein sont diagnostiqués en France, en particulier grâce à la mammographie de dépistage,
qui permet de détecter en grande majorité des petites
lésions accessibles à un traitement curatif. Une fois le
diagnostic de cancer confirmé, la première étape de traitement repose sur la chirurgie, qui lorsque la lésion
mesure moins de 3 cm, est dite « conservatrice », ce qui
consiste à enlever uniquement la tumeur avec des
marges de sécurité, tout en conservant le reste du sein.
Cette chirurgie conservatrice est complétée de façon systématique par une radiothérapie externe de l’ensemble
du sein à la dose de 50 Gy en 25 fractions suivie chez
les patientes de moins de 70 ans d’un complément de
dose localisé au niveau du lit tumoral de 16 Gy en 8 fractions pour une durée totale de six semaines et demie
environ. Cette irradiation permet de diminuer le risque
de récidive locale de plus de 70 %. Une hormonothérapie complémentaire pourra éventuellement être prescrite si la tumeur exprime les récepteurs aux œstrogènes
et/ou à la progestérone. De même, une chimiothérapie
pourra s’avérer nécessaire s’il existe des facteurs de mauvais pronostic, pour diminuer le risque de récidive métastatique.
Cependant, pour les petites tumeurs de moins de
2 cm, de faible grade (1 ou 2), d’histologie canalaire,
sans atteinte ganglionnaire axillaire, exprimant les récepBulletin Infirmier du Cancer
Figure 1.
teurs hormonaux, le risque de récidive locale est faible
et se situe dans plus de 90 % des cas au niveau du site
tumoral initial, ce qui amène à se poser cette question :
pour ce type de tumeur ne pourrait-on pas irradier uniquement le lit tumoral au lieu de la glande mammaire
en totalité (concept d’irradiation partielle).
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En 2010, le Lancet a publié les résultats d’une étude
multicentrique internationale appelée TARGIT-A ayant
inclus plus de 2 200 patientes de plus de 45 ans porteuses d’un cancer infiltrant du sein présentant les mêmes
critères que ci-dessus, et comparant après chirurgie
conservatrice une radiothérapie externe classique de
l’ensemble du sein à une radiothérapie intra-opératoire
(c’est-à-dire au cours de l’intervention chirurgicale) du
lit tumoral. Avec un suivi médian de 4 ans, il n’y a aucune
différence en termes de récidive locale et de récidive
axillaire. Cette radiothérapie intra-opératoire permet,
d’une part, d’irradier moins de tissu mammaire sain ce
qui engendre donc moins d’effets secondaires cutanés
et, d’autre part, permet d’éviter une radiothérapie externe
de plus d’un mois et demi, avec le concept de traitement
« en un seul temps » (chirurgie + radiothérapie).
Cette radiothérapie intra-opératoire est réalisée grâce
à un appareil appelé Intrabeam® (Société Carl Zeiss). Ce
dispositif (figure 1) comprend :
- un accélérateur miniaturisé de 1,6 kg permettant
de délivrer des rayons de basse énergie (50 kV) sur
lequel on adapte un applicateur sphérique de diamètre
adapté à la cavité opératoire. Chaque applicateur est stérilisable 100 fois ;
- un support mobile à six degrés de liberté avec freins
électromagnétiques, permettant le positionnement et le
maintien précis de la source émettrice dans le lit tumoral ;
- un chariot avec moniteur et système de commande
permettant la prescription de l’irradiation et le contrôle
en temps réel de la délivrance du traitement.
Figure 2.
Figure 3.
- L’applicateur sphérique, dont le diamètre a été
choisi conjointement par le chirurgien et le radiothérapeute en fonction de la taille de la cavité opératoire, est
ensuite inséré dans la cavité opératoire au contact de la
cupule. Les berges opératoires sont rapprochées au
contact de l’applicateur au moyen de trois bourses. En
revanche, la peau est éloignée de l’applicateur par des
pinces orthogonales de manière à éviter la toxicité cutanée (figure 2).
- Une dose de 20 Gy est prescrite à la surface de l’applicateur, délivrée en moyenne entre 20 et 30 minutes
selon la taille de l’applicateur (figure 3). L’irradiation est
sphérique et focalisée sur les premiers centimètres des
berges opératoires. La dose décroît très rapidement puisqu’à 2 cm, il n’y a plus que 2,6 Gy qui sont délivrés. Le
bon déroulement de l’irradiation est contrôlé en temps
réel sur le moniteur.
- Une fois l’irradiation terminée, l’applicateur, les
bourses et la cupule sont retirés, et le chirurgien procède au remodelage de la glande mammaire et à la fermeture cutanée (figure 4).
Le déroulement du traitement peropératoire est le
suivant.
- Le chirurgien pratique une tumorectomie large jusqu’au contact du muscle pectoral. La pièce opératoire
est adressée immédiatement en anatomopathologie pour
vérifier que la tumeur est bien à distance des berges chirurgicales et afin de s’assurer de l’absence de nécessité
de réaliser des recoupes supplémentaires. De même, le
chirurgien pratique l’exérèse du ou des ganglions axillaires sentinelles (qui sont les premiers relais de la
tumeur) qui sont analysés aussi immédiatement en
extemporané pour vérifier l’absence d’envahissement
tumoral, ce qui contre-indiquerait la radiothérapie peropératoire.
- Ensuite, une cupule équivalent plomb est suturée
au muscle pectoral, pour le protéger ainsi que le poumon sous-jacent de l’irradiation.
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Dans le cadre d’un appel à projets en 2011, l’Institut
national du cancer (INCa) a financé en partie l’installation du système Intrabeam dans huit centres français
(Bordeaux, Brest, Dijon, Lyon, Montpellier, Marseille,
Nantes, Hôpital Saint-Louis Paris). Une étude pilote
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En résumé
La radiothérapie intra-opératoire, qui s’adresse à des
petites tumeurs du sein de bon pronostic chez des
patientes ménopausées de plus de 55 ans, permet lors
de l’intervention chirurgicale d’irradier à haute dose et
de façon ciblée le lit opératoire, permettant, d’une part,
d’épargner plus de tissu sain et donc de diminuer les
effets secondaires potentiels et, d’autre part, de s’affranchir des six semaines et demie de radiothérapie
externe, ce qui n’est pas négligeable en termes de qualité de vie et de coût pour la société. Il est important de
noter que le recul de cette technique est encore modeste
et qu’elle nécessite d’être validée à plus long terme. Il
est donc impératif de bien sélectionner les patientes et
si possible de les traiter dans le cadre d’études cliniques
contrôlées.
Figure 4.
médico-économique est actuellement en cours dans ces
huit centres de façon à évaluer le coût de cette nouvelle
technique, l’objectif étant de pouvoir diffuser cette modalité d’irradiation dans tout le territoire français.
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