Traitement n°1-13:nouvelles AFIC n°1vol5 21/02/13 18:23 Page33 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. T traitement La radiothérapie intra-opératoire des cancers du sein Étienne Martin, oncologue radiothérapeute Centre Georges François Leclerc, 1, rue du Pr Marion, 21 000 Dijon, France C haque année, plus de 53 000 cancers infiltrants du sein sont diagnostiqués en France, en particulier grâce à la mammographie de dépistage, qui permet de détecter en grande majorité des petites lésions accessibles à un traitement curatif. Une fois le diagnostic de cancer confirmé, la première étape de traitement repose sur la chirurgie, qui lorsque la lésion mesure moins de 3 cm, est dite « conservatrice », ce qui consiste à enlever uniquement la tumeur avec des marges de sécurité, tout en conservant le reste du sein. Cette chirurgie conservatrice est complétée de façon systématique par une radiothérapie externe de l’ensemble du sein à la dose de 50 Gy en 25 fractions suivie chez les patientes de moins de 70 ans d’un complément de dose localisé au niveau du lit tumoral de 16 Gy en 8 fractions pour une durée totale de six semaines et demie environ. Cette irradiation permet de diminuer le risque de récidive locale de plus de 70 %. Une hormonothérapie complémentaire pourra éventuellement être prescrite si la tumeur exprime les récepteurs aux œstrogènes et/ou à la progestérone. De même, une chimiothérapie pourra s’avérer nécessaire s’il existe des facteurs de mauvais pronostic, pour diminuer le risque de récidive métastatique. Cependant, pour les petites tumeurs de moins de 2 cm, de faible grade (1 ou 2), d’histologie canalaire, sans atteinte ganglionnaire axillaire, exprimant les récepBulletin Infirmier du Cancer Figure 1. teurs hormonaux, le risque de récidive locale est faible et se situe dans plus de 90 % des cas au niveau du site tumoral initial, ce qui amène à se poser cette question : pour ce type de tumeur ne pourrait-on pas irradier uniquement le lit tumoral au lieu de la glande mammaire en totalité (concept d’irradiation partielle). 33 Vol.13-n°1-janvier-février-mars 2013 Traitement n°1-13:nouvelles AFIC n°1vol5 21/02/13 18:23 Page34 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. T traitement En 2010, le Lancet a publié les résultats d’une étude multicentrique internationale appelée TARGIT-A ayant inclus plus de 2 200 patientes de plus de 45 ans porteuses d’un cancer infiltrant du sein présentant les mêmes critères que ci-dessus, et comparant après chirurgie conservatrice une radiothérapie externe classique de l’ensemble du sein à une radiothérapie intra-opératoire (c’est-à-dire au cours de l’intervention chirurgicale) du lit tumoral. Avec un suivi médian de 4 ans, il n’y a aucune différence en termes de récidive locale et de récidive axillaire. Cette radiothérapie intra-opératoire permet, d’une part, d’irradier moins de tissu mammaire sain ce qui engendre donc moins d’effets secondaires cutanés et, d’autre part, permet d’éviter une radiothérapie externe de plus d’un mois et demi, avec le concept de traitement « en un seul temps » (chirurgie + radiothérapie). Cette radiothérapie intra-opératoire est réalisée grâce à un appareil appelé Intrabeam® (Société Carl Zeiss). Ce dispositif (figure 1) comprend : - un accélérateur miniaturisé de 1,6 kg permettant de délivrer des rayons de basse énergie (50 kV) sur lequel on adapte un applicateur sphérique de diamètre adapté à la cavité opératoire. Chaque applicateur est stérilisable 100 fois ; - un support mobile à six degrés de liberté avec freins électromagnétiques, permettant le positionnement et le maintien précis de la source émettrice dans le lit tumoral ; - un chariot avec moniteur et système de commande permettant la prescription de l’irradiation et le contrôle en temps réel de la délivrance du traitement. Figure 2. Figure 3. - L’applicateur sphérique, dont le diamètre a été choisi conjointement par le chirurgien et le radiothérapeute en fonction de la taille de la cavité opératoire, est ensuite inséré dans la cavité opératoire au contact de la cupule. Les berges opératoires sont rapprochées au contact de l’applicateur au moyen de trois bourses. En revanche, la peau est éloignée de l’applicateur par des pinces orthogonales de manière à éviter la toxicité cutanée (figure 2). - Une dose de 20 Gy est prescrite à la surface de l’applicateur, délivrée en moyenne entre 20 et 30 minutes selon la taille de l’applicateur (figure 3). L’irradiation est sphérique et focalisée sur les premiers centimètres des berges opératoires. La dose décroît très rapidement puisqu’à 2 cm, il n’y a plus que 2,6 Gy qui sont délivrés. Le bon déroulement de l’irradiation est contrôlé en temps réel sur le moniteur. - Une fois l’irradiation terminée, l’applicateur, les bourses et la cupule sont retirés, et le chirurgien procède au remodelage de la glande mammaire et à la fermeture cutanée (figure 4). Le déroulement du traitement peropératoire est le suivant. - Le chirurgien pratique une tumorectomie large jusqu’au contact du muscle pectoral. La pièce opératoire est adressée immédiatement en anatomopathologie pour vérifier que la tumeur est bien à distance des berges chirurgicales et afin de s’assurer de l’absence de nécessité de réaliser des recoupes supplémentaires. De même, le chirurgien pratique l’exérèse du ou des ganglions axillaires sentinelles (qui sont les premiers relais de la tumeur) qui sont analysés aussi immédiatement en extemporané pour vérifier l’absence d’envahissement tumoral, ce qui contre-indiquerait la radiothérapie peropératoire. - Ensuite, une cupule équivalent plomb est suturée au muscle pectoral, pour le protéger ainsi que le poumon sous-jacent de l’irradiation. Bulletin Infirmier du Cancer Dans le cadre d’un appel à projets en 2011, l’Institut national du cancer (INCa) a financé en partie l’installation du système Intrabeam dans huit centres français (Bordeaux, Brest, Dijon, Lyon, Montpellier, Marseille, Nantes, Hôpital Saint-Louis Paris). Une étude pilote 34 Vol.13-n°1-janvier-février-mars 2013 Traitement n°1-13:nouvelles AFIC n°1vol5 21/02/13 18:23 Page35 T traitement Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. En résumé La radiothérapie intra-opératoire, qui s’adresse à des petites tumeurs du sein de bon pronostic chez des patientes ménopausées de plus de 55 ans, permet lors de l’intervention chirurgicale d’irradier à haute dose et de façon ciblée le lit opératoire, permettant, d’une part, d’épargner plus de tissu sain et donc de diminuer les effets secondaires potentiels et, d’autre part, de s’affranchir des six semaines et demie de radiothérapie externe, ce qui n’est pas négligeable en termes de qualité de vie et de coût pour la société. Il est important de noter que le recul de cette technique est encore modeste et qu’elle nécessite d’être validée à plus long terme. Il est donc impératif de bien sélectionner les patientes et si possible de les traiter dans le cadre d’études cliniques contrôlées. Figure 4. médico-économique est actuellement en cours dans ces huit centres de façon à évaluer le coût de cette nouvelle technique, l’objectif étant de pouvoir diffuser cette modalité d’irradiation dans tout le territoire français. Bulletin Infirmier du Cancer 35 Vol.13-n°1-janvier-février-mars 2013