EVIDENCE-BASED MEDICINE Proctologie Incontinence anale et traitement par Transcutaneous Electrical Tibial Nerve Stimulation Agnès Senéjoux, Saint-Grégoire. Ce qu’il faut retenir Le traitement par Transcutaneous Electrical Tibial Nerve Stimulation (TENS) n’est pas plus efficace que la stimulation factice. niveau de preuve 1a L’ incontinence anale affecte jusqu’à 10 % de la population, et de 1 à 2 % pour l’incontinence fécale sévère (1). Elle a de lourdes répercussions sur la qualité de vie. Les options thérapeutiques sont multiples : régularisation du transit, rééducation par biofeedback, réparation sphinctérienne et neuromodulation des racines sacrées. La stimulation électrique du nerf tibial postérieur au niveau de la malléole interne a été proposée comme alternative thérapeutique à la neuromodulation des racines Figure. TENS (Transcutaneous Electrical Tibial Nerve Stimulation). 36 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 sacrées : il est supposé que la stimulation de ce nerf, une branche du plexus sacré, par voie percutanée ou transcutanée (à l’électrode aiguille), pourrait avoir le même type d’action que la neuromodulation, sans en avoir les effets indésirables iatrogènes potentiels (sepsis, douleurs, migration ou panne d’électrode ou de stimulateur, etc.) et le coût important (figure). Le mode d’action précis de la technique reste cependant assez mal connu, si ce n'est mystérieux. Les résultats de cette technique, initialement proposée par les urologues pour traiter l’incontinence urinaire, ont été rapportés avec des résultats encourageants dans plusieurs séries de faible niveau de preuve (2, 3) : le traitement a une bonne acceptabilité et une excellente tolérance, et il est réalisable par le patient lui-même à son domicile. Un essai multicentrique français a comparé le traitement par TENS à la stimulation factice (le boîtier étant réglé, à l’insu du malade, de façon à ne délivrer aucune stimulation électrique), pendant 3 mois dans un essai contrôlé en double aveugle chez 144 malades souffrant d’incontinence anale (4). Le critère de jugement principal était la réponse thérapeutique évaluée sur le nombre d’accidents d’incontinence et de phénomènes d’urgence défécatoire. Les critères de jugement secondaires étaient les scores de sévérité et de qualité de vie, l’appréciation subjective de l’amélioration par le patient et le médecin, les paramètres manométriques et les effets indésirables. Malheureusement, ce travail n’est pas parvenu à démontrer une efficacité du traitement par TENS sur son critère de jugement principal. En revanche, le score de continence de Jorge et Wexner diminuait significativement dans les 2 groupes à 3 mois : dans 47 % des cas pour le groupe TENS et dans 27 % des cas pour le groupe stimulation factice, avec une diminution médiane plus importante pour le groupe TENS. La TENS et la stimulation factice amélioraient l’une comme l’autre le score de qualité de vie et la pression maximale lors de la contraction volontaire en manométrie. Le traitement était bien toléré dans les 2 groupes, avec 2 effets secondaires Proctologie attribués au traitement (1 constipation et 1 sensation d’irritation au niveau de la jambe). Les auteurs de ce travail soulignent que les résultats de leur étude peuvent avoir été faussés par le fait que 20 % des malades n’ont pas rempli intégralement leur calendrier des selles, sur lequel se fondait le critère de jugement principal. Ils considèrent que la technique peut conserver quelques indications potentielles chez les patients ne rele■ vant pas de la neuromodulation sacrée… EVIDENCE-BASED MEDICINE Références bibliographiques 1. Johanson JF, Lafferty J. Epidemiology of fecal incontinence: the silent affliction. Am J Gastroenterol 1996;91(1):33-6. 2. Goldstone SE, Hundert JS, Huyett JW. Infrared coagulator ablation of high-grade anal squamous intraepithelial lesions in HIV-negative males who have sex with males. Dis Colon Rectum 2007;50(5):565-75. 3. Eleouet M, Siproudhis L, Guillou N et al. Chronic posterior tibial nerve transcutaneous electrical nerve stimulation (TENS) to treat fecal incontinence (FI). Int J Colorectal Dis 2010;25(9):1127-32. 4. Leroi AM, Siproudhis L, Etienney I et al. Transcutaneous electrical tibial nerve stimulation in the treatment of fecal incontinence: a randomized trial (CONSORT 1a). Am J Gastroenterol 2012;107(12):1888-96. Question non résolue » Le mécanisme d’action de la TENS reste inconnu. Traitement de la dysplasie anale chez les malades VIH : l’électrocoagulation fait mieux que les traitements chimiques Agnès Sénéjoux, Saint-Grégoire. I Ce qu’il faut retenir La vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) des garçons est conseillée aux États-Unis (vaccin quadrivalent) mais pas en France. Le vaccin anti-HPV prévient 86 % des lésions induites par ces virus. 60 % des cas dans les 5 ans suivant le début de la vie sexuelle (2). Chez l’homme, l’HPV est impliqué dans la survenue des cancers du pénis, de l’anus et de l’oropharynx. L’incidence du cancer de l’anus est élevée chez les homosexuels masculins. Aux États-Unis, en 2010, la Food and Drug Administration (FDA) a accordé, pour le vaccin quadrivalent, une extension d’indication aux jeunes garçons pour prévenir les condylomes anogénitaux. Un essai contrôlé portant sur 4 065 hommes âgés de 16 à 26 ans a en effet récemment démontré que ce vaccin avait une efficacité de 86 % pour prévenir les lésions induites par un HPV (figure, p. 38) [3]. niveau de preuve nfection sexuellement transmissible la plus répandue, l’infection à papillomavirus humain (HPV) est le plus souvent asymptomatique. Un travail utilisant un modèle mathématique a estimé que 80 % des femmes de plus de 50 ans ont été infectées par un HPV (1). La vaccination contre les HPV oncogènes est actuellement indiquée chez les jeunes filles pour prévenir la survenue du cancer du col utérin. C’est dans la population féminine que la filiation entre infection à HPV, dysplasie et cancer du col utérin a été pour la première fois mise en évidence. Dans 70 % des cas, le cancer du col est lié à une infection par HPV 16 ou HPV 18. Il existe actuellement 2 vaccins commercialisés : un vaccin bivalent protégeant contre les HPV 16 et 18, et un vaccin quadrivalent actif également sur HPV 6 et 11 (génotypes les plus souvent à l’origine des condylomes). La recommandation actuelle en France est de vacciner les jeunes filles à l’âge de 14 ans, ou entre 15 et 26 ans pour celles qui n'auraient pas eu de rapports sexuels, et au plus tard dans la première année suivant les premiers rapports. La contamination virale est en effet précoce, survenant dans 1a La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 37