J'étais mineur, mais j'avais l'accord de mes parents pour recevoir et héberger les agents de liaison
nationaux, venant pour la plus part de Paris et que j'allais chercher soit en gare de Morcenx, ou
encore de Rion ou de Dax. Ces agents avaient forcément des faux noms et je ne les connaissais que
sous des prénoms qui n'étaient pas les leurs. Par exemple: "Jean-Claude", "Marcel", "Gaston", etc. Je
ne pouvais les recevoir que s'ils avaient un nom de "passe" prévu à l'avance et qui changeait tous les
mois. De plus, à compter de Juin 1942, le mot de passe seul ne suffisait pas, il fallait un autre signe
de reconnaissance; soit tel journal ou tel crayon de couleur ou autre.
Moi-même, dès le mois de Juin, après l'arrestation de Gilbert, j'avais deux pseudonymes; quand
j'allais à Morcenx ou à Rion chercher les agents de liaison, c'était "Zézé"; quand j'allais à Dax, c'était
"Paulette".
D'ailleurs ce "Paulette" me valut des coups de nerfs de boeuf et autres sévices lors des
interrogatoires, car les inspecteurs voulaient savoir qui était cette fille et d'où elle venait! Cela me
confirma en tout cas que la police de Vichy ne m'avait pas identifié pour mes liaisons à Dax!
Après nos actions du 1er Mai1942, ces sabotages ont eu des conséquences.
Le chef de groupe arrêté!!
Gilbert Dupau, mon chef de groupe déjà fiché par la police de Vichy comme communiste fût arrêté
très vite après. Mais Gilbert ne parla pas, malgré des interrogatoires" musclés". Ce qui me permit de
continuer [a Résistance comme Chef de groupe des F.T.P. Nos actions se poursuivirent bien qu'il ne
fût pas possible de renouer le contact avec une partie des Résistants de Carcens-Ponson qui se firent
"oublier". Je continuais donc avec mon propre groupe.
Le 14 Juillet 1942, sabotage de trois wagons allemands stationnés en gare de Laluque et destruction
"partielle" d'une usine à Laluque. J'y fus aidé par un cheminot de la gare en question et aussi pour
l'usine par Jean-Degret, lequel coiffait le sous-groupe de Laluque. Tout se passa bien, sauf que l'usine
ne fût pas totalement mise hors-service.
De plus, courant Juillet, nous sommes entrés en contact avec un Résistant de Buglose qui, via
Degret, nous acheminait des prisonniers de guerre africains qui s'évadaient du camp d'internement de
Buglose. Je me chargeais de les faire passer en zone libre, par Tartas.
L'objectif du 20 Septembre 1942 (date anniversaire de la bataille de Valmy du 20 Septembre 1792)
était pour nous primordial. L'organisation Nationale avait donné des ordres précis pour marquer cette
date, par des actions programmées dans toute la France occupée. Pour ce qui me concerne, je
devais recevoir des explosifs à cet effet, je m'étais donc fixé deux objectifs principaux. Premièrement,
le sabotage du poste électrique des chemins de fer " Cougnala " à Lesgor et deuxièmement, le
sabotage d'une grue en gare de Laluque qui servait surtout aux allemands sur la zone de
stationnement des convois de matériel militaire nazi, là où déjà nous avions saboté trois wagons de
l'armée allemande le 14 Juillet dernier.
Mon plan était prêt, avec l'aide des camarades dirigés par le sous-chef de groupe Degert pour l'action
en gare de Laluque. Il ne manquait plus que les explosifs et les détonateurs promis qu'un agent de
liaison devait me faire parvenir.
Dans le courant du mois d'Août, un agent de liaison est venu avec un homme parlant anglais pour
rechercher près de chez moi, un terrain propice à des parachutages d'armes et de munitions. Je leur
ai proposé le champ situé au Nord de notre ferme et qui avait semblé favorable à l'homme qui
accompagnait l'agent de liaison.
Nota: Après mon arrestation, il y a bien eu des armes parachutées, mais pas exactement dans le
champ que j'avais proposé, mais tout prés, à quelques deux cents mètres plus au Nord; dans un autre
terrain, au lieu-dit" Le Cassou ".
Mes liaisons clandestines avec les agents de transmission sont devenues de plus en plus difficiles.
Dès le mois d'Août, il n'était plus question de liaison sans au moins deux signes de reconnaissance.
En plus du mot de passe, il fallait un deuxième élément, tel journal par exemple ou un crayon de
couleur.
A la fin du mois d'Août, je reçus l'ordre de me rendre le 30, à une réunion clandestine à Dax. Notre
point de rencontre était fixé au bar Hontaréde, prés de la gare vers 15 heures.