Je m`appelle Pierre Créquy, je suis né à Bourgogne le 3 février 1909

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Je m’appelle Pierre Créquy, je suis né à Bourgogne le 3 février 1909 et je suis le fils de Jules Créquy et Jeanne
Loiller. J’ai épousé Hélène Marotte et je suis le père d’une petite fille Andrée, née à la fin de 1936. J’exerce le
métier d’agriculteur.
Je suis mobilisé le 24 août 1939. Le temps passe lentement entre donner des cours de conduite, les gardes et les
parties de pêche. Je pense vraiment que je serai plus utile dans ma ferme.
En avril 1940, la menace d’invasion se fait plus précise et je suis envoyé dans un village du Nord, près de la
frontière belge. Devant la poussée ennemie, mon unité se replie sur Dunkerque où Je suis fait prisonnier le 4 juin.
C’est à pied, en ayant traversé la Belgique que je rejoins l’Allemagne.
Du 10 août 1940 au 16 juin 1941, je suis affecté au stalag VI de Düren.
Là, nous sommes bien traités par les Allemands mais cela fait 5 mois que je suis sans nouvelles de ma famille.
Enfin, en novembre, j’apprends qu’elle a été évacuée et je me demande si Bourgogne a subi des dégâts.
Début 1941, je suis affecté à un commando de travail dans une ferme. Je peux acheter ce dont j’ai besoin et les
colis arrivent régulièrement. Mon moral est meilleur. Avec l’été, les évasions commencent et les représailles ne
se font pas attendre : soupes claires, tabac interdit, fouilles régulières. Les clôtures du camp doivent être
renforcées : je reste donc au stalag à poser des barbelés.
Le 22 juin, je peux enfin retourner travailler en ferme : lever 5h30 le matin et retour le soir vers 20h30. Ceci tous
les jours sauf le dimanche après-midi.
Fin novembre 1941, je suis affecté à un commando de travail à Bonn-Duisdorf. Je travaille toujours dans une
ferme. Le patron et les employés sont braves et la patronne parle même français. Heureusement, nous disposons
d’une pièce chauffée car en février 1942, le trajet du camp à la ferme est coupé par des congères de 1 mètre et
nous devons déblayer la neige. Je dois rester trois jours au camp car j’ai un pied gelé. J’ai peur d’être obligé
d’aller travailler en usine car elles sont régulièrement bombardées. Heureusement pour moi, la vachère est tombée
malade et je reste pour traire les bêtes.
Les méfaits de la guerre commencent à se faire sentir maintenant en Allemagne autant pour la population que
pour nous prisonniers. Les produits d’hygiène manquent. Beaucoup de personnes âgées allemandes meurent.
Dans les champs, l’engrais est rare et je dois étendre en remplacement de la chaux et du sulfate d’ammoniaque
qui me brûlent la peau malgré la combinaison et les lunettes. Les chevaux travaillent avec un sac sur la tête et ont
eux aussi les naseaux et les yeux brûlés.
A partir d’août 1942, la chaleur mais surtout les bombardements nous empêchent de dormir dans les baraques.
Nous sommes envoyés dans les villages bombardés pour sauver les meubles et le bétail des fermes en feu. La
discipline au camp se durcit
En février 1943, les bombardements s’intensifient de jour comme de nuit. Il y a beaucoup de morts dans la
population, tous mes camarades sont envoyés en usine, je suis seul à rester à la ferme.
Le 26 avril 1943 je suis transféré dans un camp à 47 km de Cologne : tous les prisonniers sont Russes. Je travaille
toujours dans une ferme mais les conditions de travail et la nourriture sont mauvaises. Sur une photo, j’ai l’air
d’un bagnard et je ne me reconnais pas. Le travail devient de plus en plus harassant, j’étends toujours de la chaux
et du salpêtre et j’ai les yeux brûlés.
Le 9 septembre 1944, le camp est évacué. Après quatre jours de marche, nous sommes entassés dans un train qui
au bout de deux jours nous amène dans un camp au Sud de Berlin. Nous partageons un seau pour 14 hommes
pour la toilette et la lessive. Nous installons des voies ferrées et nous construisons des silos.
Le 7 janvier 1945, nous sommes ensuite envoyés dans une caserne à Wreschen en Pologne. C’est là que les Russes
me libéreront le 24 mars. Le 18 juillet, je suis de retour en Allemagne, aux mains des Anglais. Le 24 juillet,
j’arrive enfin à Bourgogne, je suis le dernier Bourguignon à revenir dans mon village.
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