DOSSIER Les thérapies fœtales Thérapie fœtale : goitre fœtal Fetal goiter Bérénice Depont*, Dominique Luton* L a mise en évidence d’un goitre fœtal à l’échographie est une pathologie rare et potentiellement grave. Elle résulte d’un déséquilibre hormonal chez le fœtus qui, en l’absence de traitement, peut se révéler très préjudiciable pour son développement psychomoteur futur. Le goitre fœtal est généralement la conséquence d’une pathologie thyroïdienne maternelle. Il faudra alors dissocier les effets délétères de l’hyper- ou de l’hypothyroïdie maternelle sur le déroulement de la grossesse, des perturbations hormonales chez le fœtus, plus souvent secondaires à un traitement maternel ou à ses auto-anticorps, et responsables d’un goitre et d’un éventuel retard de développement. Thyroïde fœtale et hormones thyroïdiennes Thyroïde fœtale Le développement embryonnaire de la thyroïde fœtale commence dès la 3e semaine, sous forme d’un épaississement du plancher de l’intestin pharyngien sur la ligne médiane. Par la suite, l’ébauche thyroïdienne descend en avant de l’intestin pharyngien, pour atteindre, à 7 semaines, sa situation définitive en avant de la trachée. Elle sera rejointe par un dérivé de la 4e poche pharyngobranchiale, qui donnera naissance aux cellules parafolliculaires C. La synthèse de thyroglobuline commence dès 12 SA. La maturité structurale de la glande est complète vers 18 SA, date à laquelle les premiers follicules remplis de colloïde deviennent visibles, la synthèse d’hormones thyroïdiennes devenant significative vers 20-22 SA. Hormones thyroïdiennes maternelles et fœtales * Hôpital Beaujon, AP-HP, université Paris 7. La thyroïde fœtale est partiellement soumise aux différents paramètres thyroïdiens maternels, par l’intermédiaire du placenta partiellement perméable à l’iode et à la thyroxine (T4) maternelle, mais parfaitement imperméable à la thyréostimuline (TSH). Pour autant, si la T4 traverse le placenta à un taux 30 | La Lettre du Gynécologue ̐ n° 367 - décembre 2011 physiologiquement significatif, celui-ci peux rester insuffisant pour compenser une hypothyroïdie fœtale (1, 2), et, à l’inverse, les désiodinases présentes dans le placenta permettent d’éviter une thyréotoxicose fœtale secondaire à une hyperthyroïdie maternelle. De même, le placenta est perméable aux anticorps maternels, dont les anticorps antirécepteurs à la TSH (TRAK), qui passent librement, soumettant ainsi la thyroïde fœtale à leur action activatrice (ou exceptionnellement inhibitrice). Enfin, les antithyroïdiens de synthèse (ATS) pris par la mère peuvent également freiner la thyroïde fœtale, tandis que la lévothyroxine ne traverse que très faiblement le placenta. Or, les hormones thyroïdiennes ont un rôle fondamental dans le développement cérébral fœtal, du point de vue structurel d’une part (organisation tissulaire, migration neuronale), et du point de vue fonctionnel d’autre part (acquisition de l’intelligence, capacité d’apprentissage) [3]. Bien que le dépistage systématique en post-natal permette un diagnostic et un traitement précoce de l’hypothyroïdie, avec développement neurodéveloppemental normal dans la plupart des cas, certains déficits neurologiques et intellectuels ont malgré tout été décrits chez des enfants traités précocement pour hypothyroïdie. En effet, la sévérité de l’hypothyroïdie fœtale semble corrélée avec le devenir intellectuel de ces enfants (2, 4, 5). Le dépistage et le traitement d’un goitre hypothyroïdien fœtal pourraient donc prévenir ces déficits. Par ailleurs, si la contribution maternelle en T4 fœtale est indispensable au développement du fœtus, une hyperthyroïdie fœtale (via les TRAK maternels dans 10 % des cas de maladie de Basedow) peut avoir des conséquences développementales aussi dramatiques que l’hypothyroïdie fœtale. Conséquences obstétricales et fœtales des dysthyroïdies maternelles ◆ Hypothyroïdie maternelle L’hypothyroïdie peut avoir des répercussions majeures sur le déroulement de la grossesse, avec risque accru d’accouchement prématuré, de prééclampsie, de petit poids de naissance, de fausse Points forts Mots-clés » Les hormones thyroïdiennes ont un rôle fondamental dans le développement cérébral fœtal. » Un goitre fœtal peut être associé à une hyper- ou à une hypothyroïdie fœtale. » La cordocentèse n'est pas systématique. Elle est réalisée lorsqu'un doute persiste sur l'origine du goitre selon le contexte clinique et l'échographie. » En cas d'hypothyroïdie fœtale, un traitement substitutif devra être considéré après avoir arrêté ou réduit au minimum les antithyroïdiens de synthèse (ATS). » Le fœtus hyperthyroïdien pourra être traité par ATS. » La prise en charge périnatale nécessite une équipe pluridisciplinaire expérimentée. couche spontanée et de retard psychomoteur de l’enfant (3). En effet, les enfants dont la mère présentait une TSH élevée pendant la grossesse auraient un QI significativement plus bas que les enfants de mères euthyroïdiennes (6), de même chez les enfants dont la mère avait une T4 basse (7). ◆ Hyperthyroïdie maternelle Comme l’hypothyroïdie, l’hyperthyroïdie majore certains risques obstétricaux : fausse couche, anomalies congénitales mineures (craniosténose), prééclampsie, accouchement prématuré, petit poids de naissance, dysfonction thyroïdienne néonatale et mortalité périnatale. Les complications maternelles de l’hyperthyroïdie sont liées au risque de crise aiguë thyréotoxique, comme l’arythmie, voire l’insuffisance cardiaque. Goitre fœtal Circonstances de découverte Un goitre fœtal peut être associé à une hypo- ou, plus rarement, à une hyperthyroïdie fœtale, ellesmêmes pouvant être secondaires à une pathologie thyroïdienne maternelle. C’est un faisceau d’arguments cliniques, biologiques, échographiques, maternels et fœtaux, qui permettra à l’obstétricien d’évoquer une origine hypo- ou hyperthyroïdienne à ce goitre, et de traiter le fœtus in utero. ◆ Dysthyroïdie maternelle connue Hypothyroïdies On n’a pas décrit de goitre lié au retentissement fœtal d’une hypothyroïdie maternelle, telle qu’une thyroïdite auto-immune non ou mal substituée (thyroïdite de Hashimoto) [8]. En revanche, une hypertrophie de la glande thyroïdienne a pu être observée (9). Hyperthyroïdies L’étiologie principale est la maladie de Basedow, pour laquelle la présence d’auto-anticorps activateurs (TRAK) et/ou d’un traitement par ATS (tous 2 passant la barrière placentaire) expose le fœtus aux risques d’une hypo- ou d’une hyperthyroïdie anténatale et néonatale. Les situations à risque sont donc multiples : – maladie de Basedow traitée par ATS ; – maladie de Basedow avec TRAK positifs ; – patientes ayant été traitées de leur Basedow par chirurgie ou iode radioactif mais gardant des TRAK positifs ; – autres hyperthyroïdies traitées par ATS. ◆ Goitre échographique Devant une image cervicale, il faut avant tout éliminer les diagnostics différentiels tels que les tératomes, hémangiomes ou neuroblastomes (10). ➤ Techniques de mesure de la thyroïde fœtale. La thyroïde est caractérisée échographiquement par une image tissulaire de la partie antérieure du cou. Sa mesure est standardisée, permettant un monitorage tout au long de la grossesse, en se reportant à la courbe du périmètre thyroïdien publiée par Ranzini (11). Elle sera facilitée en présence d’un goitre, cependant, elle reste difficile avant 18-20 SA. Elle sera réalisée sur une coupe transversale du cou, à fort grossissement, dont le plan orthogonal sera objectivé par la présence d’une vertèbre symétrique (en “V”) et de la trachée en avant. La hauteur du plan de coupe sera ajustée après avoir repéré le cartilage cricoïde (ligne anéchogène en “C” en arrière de la trachée) : la thyroïde se trouve juste en dessous, entourant la trachée (de forme ronde à ce niveau), et limitée latéralement par les carotides, qui pourront être repérées au Doppler couleur. Le périmètre, incluant la trachée, peut être tracé manuellement ou grâce au mode ellipse. Un goitre se définit par une mesure supérieure à 2 MoM (ou > 95e percentile) [9]. Goitre fœtal Hypothyroïdie Hyperthyroïdie Highlights – Thyroid hormones play an essential role in fetal brain development. – Fetal goiter can be associated with fetal hyper- or hypothyroidism. – Cordocentesis is not indicated in every case. It is performed when there is doubt regarding the origin of the goiter, based on the clinical picture and the ultrasound. – In case of fetal hypothyroidism, hormone replacement treatment should be considered, once treatment with synthetic antithyroid agents (SATs) has been stopped or reduced to a minimum. – Fetal hyperthyroidism can be treated using SATs. – Perinatal management requires an experienced multidisciplinary team. Keywords Fetal Goiter Hypothyroidism Hyperthyroidism Prise en charge initiale La découverte fortuite d’un goitre hypothyroïdien en l’absence de traitement maternel par ATS ou de contexte immun est le plus souvent associée à un trouble de l’hormonogenèse (1/40 000 naissances) [13]. En revanche, un goitre hyperthyroïdien a jusqu’à présent toujours été associé à une pathologie maternelle. Même s’il existe de très rares cas d’hyperthyroïdies congénitales sévères par mutation activatrice de novo dans le gène du récepteur à la TSH, ils n’ont pas été décrits in utero. La découverte d’un goitre fœtal nécessite la mise en place d’une prise en charge multidisciplinaire. L’obstétricien devra agir en concertation avec l’endocrinologue afin d’optimiser ses choix thérapeutiques tout en respectant l’équilibre de la fonction thyroïdienne La Lettre du Gynécologue ̐ n°367 - décembre 2011 | 31 DOSSIER Les thérapies fœtales Références bibliographiques 1. Kempers MJ, van der Sluijs Veer L et al. Neonatal screening for congenital hypothyroidism in the Netherlands: cognitive and motor outcome at 10 years of age. J Clin Endocrinol Metab 2007;92:919-24. 2. Glorieux J, Dussault J, Van Vliet G. 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Molecular genetics of congenital hypothyroidism. Curr Opin Genet Dev 1999;9:289-94. 1 4 . Z a k a r i j a M , M c Ke n z i e maternelle. Dans un second temps, il devra préparer avec le pédiatre la prise en charge post-natale de l’enfant. Un bilan thyroïdien sera systématiquement dosé au cordon. ◆ Bilan maternel C’est la première étape de l’exploration d’un goitre fœtal. ➤ L’interrogatoire recherchera des arguments en faveur d’une pathologie thyroïdienne antérieure à la grossesse (notamment des signes de maladie de Basedow), et pourra identifier une éventuelle surcharge en iode, par le biais de certains traitements maternels en particulier. ➤ Le bilan thyroïdien initial comprend les dosages de T3, T4, TSH, des TRAK et des anticorps anti-TPO. ➤ L’échographie thyroïdienne maternelle sera décidé en fonction du bilan, de la clinique et de l’avis d’un endocrinologue (goitre vasculaire, goitre multinodulaire, nodule toxique, etc.). ◆ Bilan échographique fœtal en cas de goitre avéré ➤ Le Doppler couleur (13 cm/sec) de la thyroïde n’a d’intérêt qu’en cas de goitre, il sera interprété en l’absence totale du moindre mouvement fœtal (risque de faux positif, d’hypervascularisation globale due aux mouvements incessants de la gorge du fœtus hypothyroïdien) et selon le contexte général maternel. ➤ Maturation osseuse. Selon l’état d’imprégnation hormonale fœtale, la vitesse de maturation osseuse pourra être modifiée. Les points de Béclard, Todt et huméral supérieur seront recherchés et analysés en fonction de l’âge gestationnel, dès 25 SA si les TRAK sont positifs et à partir de 32 SA si traitement par ATS seul. ➤ La fréquence cardiaque est rarement modifiée, mais retenons que la constatation d’une tachycardie fœtale constitue un signe d’alarme. ◆ But du traitement Le but premier du traitement est de maintenir l’euthyroïdie maternelle, voire une légère hyperthyroïdie, afin de minimiser les conséquences obstétricales d’une hypo- ou d’une hyperthyroïdie maternelle. Le traitement a également pour but de restaurer l’euthyroïdie fœtale afin d’éviter les complications néonatales liées à une dysthyroïdie et à un éventuel retentissement sur le développement psychomoteur à long terme. En cas de goitre hypothyroïdien, la mise en place d’un traitement substitutif fœtal devra être considérée, et le fœtus hyperthyroïdien pourra être traité par ATS. Enfin, le traitement permet le plus souvent de faire régresser le goitre fœtal et d’éviter les complications obstétricales mécaniques qui en découlent. 32 | La Lettre du Gynécologue ̐ n° 367 - décembre 2011 Goitre hypo- ou goitre hyperthyroïdien ? ◆ Arguments cliniques et biologiques maternels En faveur d’un goitre hypothyroïdien : la mise en évidence d’une exposition fœtale à des agents ou médicaments goitrogènes : ATS chez une hyperthyroïdienne à TRAK négatifs ou T4 basse (2 tiers inférieurs de la normale, témoignant d’un traitement par ATS trop important), ou surcharge iodée iatrogène. En faveur d’un goitre hyperthyroïdien : il s’agit dans ce cas d’une mère ayant ou ayant eu une maladie de Basedow (antécédents et/ou tachycardie de repos, tremblements, éclat du regard, paupières rétractées, exophtalmie et goitre vasculaire) avec des TRAK positifs (14). ◆ Arguments échographiques ➤ Doppler couleur : en cas de goitre hypothyroïdien, le flash sera périphérique, tandis qu’en cas de goitre hyperthyroïdien, le flash sera total par hypervascularisation parenchymateuse. ➤ Maturation osseuse : un retard d’apparition des points d’ossification sera en faveur d’un goitre hypothyroïdien. À l’inverse, une avance de maturation sera en faveur d’un goitre hyperthyroïdien. ➤ Mobilité fœtale : une hyperactivité fœtale (mouvements incessants) est paradoxalement retrouvée en cas de goitre hypothyroïdien, alors qu’elle est normale en cas de goitre hyperthyroïdien. ➤ Fréquence cardiaque : normale, elle n’oriente pas le diagnostic ; en particulier, il n’y a pas de bradycardie en cas de goitre hypothyroïdien. En revanche, une tachycardie est un signe tardif d’alarme évocateur d’un goitre associé à une hyperthyroïdie fœtale. ◆ Cordocentèse Sa réalisation n’est pas systématique, mais plutôt lorsqu’un doute persiste sur l’origine du goitre fœtal, afin d’effectuer un dosage des hormones thyroïdiennes chez le fœtus, et des TRAK s’ils sont présents chez la mère. Les risques de iatrogénie (hémorragie, infection, bradycardie, rupture prématurée des membranes, voire mort fœtale in utero dans 0,5 à 9 % des cas) [15] doivent être mis en balance avec les possibilités d’un traitement empirique sur les arguments sus-cités. L’apport de l’échographie dans l’identification du type de dysthyroïdie fœtale est donc fondamental, certaines équipes proposant même l’utilisation de scores échographiques. En pratique, la cordocentèse est réalisée dans environ 50 % des cas (16). Le dosage de la TSH dans le liquide amniotique est possible, mais les taux, d’une grande variabilité, ne permettent pas de suivi précis (16) et, bien souvent, ne reflètent pas la fonction thyroïdienne fœtale (17). DOSSIER Conséquences obstétricales Un goitre fœtal peut entraîner une gène à la déglutition du fœtus et être responsable d’un hydramnios, luimême responsable d’un risque de rupture prématurée des membranes et d’accouchement prématuré. De plus, un goitre volumineux peut également être source de compression trachéale, avec un risque d’asphyxie et de décès à l’accouchement. Enfin, le goitre pourra également être source de dystocie en per-partum par le biais de l’hyperextension du cou, et donc empêcher l’accouchement par voie vaginale (17, 18). Ces complications potentielles soulignent l’importance du traitement in utero du goitre, indépendamment des complications associées à la dysfonction thyroïdienne fœtale. Prise en charge d’un goitre hypothyroïdien En premier lieu, une adaptation du traitement par ATS sera réalisée avec le concours de l’endocrinologue. Cette adaptation consiste à réduire les doses au maximum et, si possible, arrêter les ATS afin de limiter le freinage de la thyroïde fœtale. Dans le cas d’une hypothyroïdie antérieure, connue et traitée par L-thyroxine, une augmentation des doses est nécessaire au cours de la grossesse, ainsi qu’une surveillance de la TSH, commencée le plus précocement possible. Lorsque l’hypothyroïdie n’est pas traitée, un traitement par L-thyroxine sera mis en place afin de diminuer les risques de complications obstétricales et pédiatriques, comme cela a été démontré dans certaines études (6, 20). Ce premier temps peut suffire à réduire le goitre fœtal. Dans un second temps, en cas de persistance du goitre et/ou de mauvaise tolérance maternelle, un traitement par L-thyroxine en injection intra-amniotique pourra être débuté. Cette méthode, mise en place par Weiner il y a 30 ans (21), est désormais largement utilisée. Mais les cas publiés (16, 22) témoignent d’une grande variabilité des modalités thérapeutiques, en termes de doses de L-thyroxine (de 50 à 800 mg/ injection, correspondant aux besoins fœtaux estimés à 10 mg/kg/j), mais également en termes de nombre d’injections (de 1 à 6) et de fréquence des injections (toutes les 1 à 4 semaines). La L-thyroxine est avalée par le fœtus, et l’on constate une augmentation des taux circulants de T4 dans les études contrôlant le bilan thyroïdien fœtal par cordocentèses itératives (22, 23). Le suivi sera réalisé par monitorage hebdomadaire de la taille échographique du goitre fœtal (12), afin d’évaluer l’efficacité du traitement et d’ajuster la prise en charge (dose et fréquence des injections). Le bilan thyroïdien maternel sera également surveillé de façon adaptée. Les résultats de cette prise en charge sont le plus souvent satisfaisants en ce qui concerne la réduction de la taille du goitre, y compris dans les cas de goitres, souvent volumineux, associés à un trouble de l’hormonogenèse. En revanche, les résultats sont plus hasardeux pour ce qui est de la normalisation du bilan thyroïdien fœtal et néonatal (16, 21). À long terme, des études sont nécessaires afin de comparer le développement psychomoteur de ces fœtus hypothyroïdiens avec ou sans traitement par L-thyroxine, et de déterminer si celui-ci permet d’éviter certains déficits, même mineurs, que l’on peut encore observer actuellement. Prise en charge d’un goitre hyperthyroïdien Le premier temps du traitement sera le même que pour le goitre hypothyroïdien, avec adaptation thérapeutique, de concert avec l’endocrinologue. Cet ajustement du traitement maternel par ATS permettra de traiter à la fois la mère et le fœtus, puisque les ATS traversent le placenta . Un traitement par injection intra-amniotique ne sera donc pas nécessaire dans ce cas. Les doses d’ATS seront initialement adaptées au statut thyroïdien maternel, en commençant par 150 mg/j de propylthiouracil (PTU), voire 300 mg/j si la mère est hyperthyroïdienne. Les doses pourront être augmentées par la suite, jusqu’à 450 mg/j, en fonction de la réponse thérapeutique évaluée sur la taille du goitre. Dans de rares cas, la dose d’ATS nécessaire au fœtus peut nécessiter une substitution maternelle par L-thyroxine. Le suivi sera le même qu’en cas de goitre hypothyroïdien, et permettra d’adapter les doses maternelles d’ATS. Les résultats de cette prise en charge dans la littérature sont satisfaisants, avec régression du goitre in utero et euthyroïdie fœtale néonatale dans la plupart des cas (8, 24). Conclusion Les enjeux de la prise en charge d’un goitre fœtal sont donc importants et nécessitent que les situations à risque soient reconnues et prises en charge au sein d’une équipe médicale multidisciplinaire expérimentée. Le pivot central de cette prise en charge est l’échographie de la thyroïde fœtale, tant à l’échelle du dépistage des fœtus à risque et du diagnostic de la dysfonction thyroïdienne fœtale, que lors de la surveillance d’un goitre en cours de traitement. La prise en charge néonatale requiert également une grande expertise médicale. ■ Références bibliographiques JM.Pregnancy-associated changes in the thyroid-stimulating antibody of Graves’ disease and the relationship to neonatal hyperthyroidism. J Clin Endocrinol Metab 1983; 57:1036-40. 15. Perrotin F, Sembely-Taveau C, Haddad G et al. Prenatal diagnosis and early in utero management of fetal dyshormonogenetic goiter. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2001; 94:309-14. 16. Volumenie JL, Polak M, Guibourdenche J et al. Management of feta thyroid goiters. A reportof eleven cases in a single perinatal unit. Prenat Diagn 2000; 20:799-806 17. Ribault V, Castanet M, Bertrand AM et al. 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