La Lettre du Gynécologue - n° 332 - mai 2008
Gynéco venue d’ailleurs
Gynéco venue d’ailleurs
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une traction excessive sur le cordon ou des expressions utéri-
nes comme c’est le cas dans nos deux observations.
Le diagnostic des inversions utérines puerpérales est clinique,
effectué lors de la délivrance ou rapidement après, devant
trois principaux signes qui sont l’hémorragie, le choc et les
douleurs pelviennes. L’IUP est rarement de découverte tar-
dive au stade subaigu ou chronique comme le cas de nos deux
observations, du fait de la méconnaissance du diagnostic due
à une symptomatologie fruste ou à une surveillance inappro-
priée du post-partum. Cependant, son apparition secondaire
ne peut être écartée. Cette découverte tardive expose à l’in-
fection et à la nécrose utérine, en plus des difficultés de la
réintégration de l’utérus malgré les techniques sanglantes,
conduisant à la réalisation d’une hystérectomie très difficile
techniquement et dangereuse dans cette situation.
La prise en charge des inversions utérines puerpérales doit être
immédiate associant une réanimation médicale, pour corriger
le choc, une réduction manuelle rapide et une antibiothérapie.
La réduction manuelle par voie basse est la méthode idéale.
Elle peut être réalisée soit par taxis, procédé de Johnson, soit
par réduction hydrolique (méthode de O’Sullivan). En cas
d’échec de tous les moyens de réduction manuelle, le recours
à la chirurgie s’impose et différentes techniques ont été décri-
tes. Oboro (4) rapporte quatre techniques chirurgicales :
l’intervention par voie vaginale (Spinelli) qui consiste en une
colpohystérotomie médiane antérieure totale ;
l’intervention par voie abdominale (Huntington) qui consiste
en une traction légère et continue sur les ligaments ronds pen-
dant qu’un aide tente une réduction manuelle par voie basse ;
la procédure de Hautain qui consiste en une hystérotomie
médiane postérieure, facilitant le replacement de l’utérus par
la méthode de Huntington ;
et l’hystérectomie.
Cette dernière intervention chirurgicale demeure exception-
nelle dans l’IUP. Morini (5) rapporte, après revue et analyse de
la littérature internationale sur une période de 50 ans – de 1939
à 1989 – 14 cas d’IUP, ayant subi une hystérectomie sur un total
de 358 cas d’IUP, soit 4,24 % des cas. Hussain (6) trouve un seul
cas d’hystérectomie dans sa série de 36 cas d’IUP, soit 2,77 %.
Shah-Hosseini (7) rapporte aussi un seul cas sur sa série de
11 IUP. Plusieurs auteurs (8, 9) ne constatent aucun cas d’hysté-
rectomie dans leur série. La fréquence des hystérectomies sur le
nombre d’IUP est rapportée dans le tableau.
La majorité des auteurs (6, 7, 10-12) avait eu recours à l’hys-
térectomie dans les cas d’IUP aiguë devant une hémorragie
rebelle associée à un placenta accreta. Romo (13) a eu recours
à cette intervention dans le cas d’inversion subaiguë où l’utérus
était nécrosé. Dans nos deux cas, une hystérectomie pour IUP
subaiguë a été effectuée après échec des tentatives de réduction
manuelle et chirurgicale, mais l’examen anatomopathologique
a révélé rétrospectivement une nécrose partielle de l’utérus,
situation qui devait conduire d’emblée à l’hystérectomie.
Cependant, il est difficile dans ces situations de s’assurer de
la nécrose effective de l’utérus avant l’examen anatomopatho-
logique. La technique de Romo (13) permet d’étayer le dia-
gnostic de nécrose utérine et de guider le choix thérapeutique.
Il rapporte un cas d’inversion utérine subaiguë diagnostiquée
au cinquième jour post-partum. Après réduction chirurgicale
par laparotomie selon la technique de Huntington, l’injection
intraveineuse de fluorescéine avec examen de l’utérus à la lampe
fluorescente a montré une nette ligne de démarcation entre
myomètre sain et myomètre nécrotique, conduisant à une hys-
térectomie.
L’hystérectomie peut être effectuée par voie basse ou par voie
haute selon les habitudes de l’opérateur, mais aussi selon les
conditions chirurgicales. Hussain (6) a eu recours à une hys-
térectomie abdominale dans sa série de 36 cas d’IUP aiguë,
devant des métrorragies rebelles au traitement médical. Dans
notre premier cas, nous avons réalisé une hystérectomie totale
par voie haute après morcellement et réintégration de l’utérus
par voie vaginale devant l’échec des tentatives de réduction par
voies mixtes. Dans le deuxième cas, nous avons eu recours à
l’hystérectomie par voie basse après échec de tentative de
réduction par la méthode de Spinelli.
Le pronostic maternel lié à l’hystérectomie est difficile à éva-
luer du fait du faible nombre de cas rapporté dans la littérature.
Cependant, cette intervention est responsable d’une morbidité
maternelle non négligeable. Elle est due surtout aux compli-
cations hémorragiques souvent sévères justifiant le recours à
la transfusion sanguine. Le risque de complications viscérales
traumatiques et infectieuses pourrait être augmenté. Quant à
la mortalité maternelle liée à l’hystérectomie, les séries récentes
ne rapportent aucun décès (6, 7, 12).
Globalement, le pronostic de cette pathologie dépend du fac-
teur temps. Un diagnostic immédiat puis un traitement rapide
permettent d’éviter l’hystérectomie et ses complications.
CONCLUSION
L’hystérectomie pour IUP est une intervention rarement pra-
tiquée de nos jours. Ses principales indications restent les
hémorragies incoercibles après échec des tentatives de réduc-
tion classique et la nécrose utérine due aux inversions consta-
tées tardivement. Elle peut être réalisée par voie haute ou par
voie basse selon l’expérience de l’opérateur et les conditions
chirurgicales. Le pronostic maternel est difficile à évaluer dans
ces situations, du fait du nombre insuffisant de cas publiés.
n
Tableau.
Fréquence de l’hystérectomie dans la littérature.
Auteurs Période Nombre
d’IUP
Nombre de cas
d’hystérectomie
Morini (5), Italie (1994) 1939-1989 358 14
Hussain (6), Karachi (2004) 1995-2002 36 1
Shah-Hosseini (7), Providence (1989) 10 ans 11 1
Brar (8), États-Unis (1989) 1977-1986 56 0
Abouleish (9), États-Unis (1995) 1987-1993 18 0
Achanna (10), Malaisie (2006) 2002-2005 4 1