La Lettre du Gynécologue - n° 325 - octobre 2007
Gynéco et société
Gynéco et société
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La traversée de la maladie peut s’accompagner de perte d’espoir
et de réactions de détresse. Une même possibilité d’écoute s’offre
aux proches dans l’après-cancer. L’attitude de l’entourage peut
être une aide ou, au contraire, un handicap, surtout lorsqu’il y a
injonction à se battre, à accepter, à être fort, à garder le moral.
Cette période est, en effet, déstabilisante sur le plan psycholo-
gique. La femme peut se poser la question du sens de sa vie, et
ses réactions de défense traduisent son mode d’adaptation à l’an-
goisse. La crise existentielle où désormais rien n’est plus comme
avant, a remis en cause le rapport à soi-même et aux autres. Les
femmes peuvent se sentir incompétentes à gérer leurs difficultés.
Persuadées d’être seules à les vivre, elles sont rassurées d’entendre
que ce qu’elles ressentent, d’autres le vivent également. Le niveau
de détresse psychologique (troubles anxieux et dépression) est
maximal chez les patientes quel que soit leur âge durant l’année
qui suit le diagnostic (13). À un degré identique de sévérité de la
maladie, le niveau de détresse est plus important chez les patien-
tes jeunes. La fin du ou des traitements s’accompagne d’une
angoisse importante comme si le risque de récidive n’était plus
maîtrisé. Quitter alors le statut de “personne malade” peut soule-
ver d’autres questions, d’autant que les contraintes domestiques
et professionnelles resurgissent.
Les psycho-oncologues sont en mesure de proposer plusieurs
modalités de prise en charge selon les difficultés identifiées : au
cours du traitement, entre les cures, ou en fin de traitement durant
la phase de surveillance, entretien individuel et/ou familial et/ou
en couple ponctuel ou en suivi régulier. Durant la phase de réha-
bilitation, l’angoisse et les peurs sont incontournables. Il est possi-
ble pour la femme de confronter son vécu à celui d’autres femmes
afin de trouver, dans un groupe, des possibilités de réponses à
ses problèmes selon qu’il s’agisse de modifications de l’image du
corps, de séquelles physiques secondaires au(x) traitement(s), de
modifications de sa place et de son rôle au niveau familial et/ou
professionnel. Proposer de les informer et de les orienter vers des
associations où des groupes de paroles leur permettront d’échan-
ger sans s’enfermer dans la solitude liée à leurs difficultés. Il leur est
nécessaire de rétablir du lien entre l’avant et l’après-cancer, et cette
approche leur permet de partager avec d’autres femmes ayant vécu
des situations similaires. Le psychiatre, quant à lui, interviendra
auprès de la patiente si l’intensité des symptômes anxieux, dépres-
sifs, cognitifs ou psychotiques est importante, en précisant l’indica-
tion d’une prescription médicamenteuse.
L’après-traitement oblige la femme à quitter les équipes médicales
et soignantes et l’on observe fréquemment une résurgence de son
angoisse, difficile à expliquer pour elle-même. La guérison psychi-
que consiste à apprendre à vivre avec la menace que représente une
récidive possible du cancer. Bien souvent le hasard et l’aléa n’ont
pas trouvé de sens dans l’histoire de la femme. Certaines patientes
expriment un sentiment d’étrangeté qui correspond au moment où
l’annonce du diagnostic les a fait basculer dans le monde des mala-
des du cancer. La question de la place revient régulièrement dans
leur questionnement, soulignant leur difficulté à se situer au sein
de leur entourage familial, social et professionnel.
Les difficultés psychologiques sont le plus souvent transitoires.
Elles sont une réalité pour une partie des femmes ayant été trai-
tées pour un cancer du sein. Pour les autres, l’après cancer est l’oc-
casion de tout effacer en tournant une page et de se reconstruire
dans des projets tout en goûtant pleinement l’instant. Le temps
est un facteur déterminant de restauration psychique. Une telle
traversée dans la maladie ne laissera pas la femme indifférente. La
vie n’est et ne sera plus la même qu’avant (14). Avoir un pronostic
favorable n’empêche nullement la femme de s’interroger sur son
avenir et sur la perte de son sentiment d’immortalité.
La femme s’en est remise aux mains du médecin dont elle attend
sa guérison. L’échange avec les professionnels est essentiel dans la
mesure où une écoute et une disponibilité ont maintenu la rela-
tion de confiance établie dès le diagnostic.
Le rôle des différents professionnels est d’écouter et d’entendre la
demande de toute patiente et de lui répondre afin qu’elle puisse
retrouver son autonomie et reprendre la place qu’elle souhaite occu-
per dès la fin de ses traitements. Il s’agit dans une perspective de tra-
vail en équipe, d’aider la femme, fréquemment porteuse de séquelles
physiques et psychiques, à évoluer progressivement vers un retour
à une vie normale en intégrant la menace du cancer. Une bonne
connaissance du retentissement psychologique du cancer du sein
chez la femme doit permettre de la questionner sur son vécu émo-
tionnel sans attendre des signes majeurs de détresse psychologique,
de lui proposer une aide psychologique adaptée et de rester attentif à
ses réactions à des moments clés du traitement, notamment lorsque
celui-ci touche à sa fin. Une prise en charge pluridisciplinaire satis-
faisante permet idéalement à toute patiente de retrouver son ou un
nouvel équilibre de vie dans l’après-cancer.
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