La Lettre du Gynécologue - n° 325 - octobre 2007
Gynéco venue d’ailleurs
Gynéco venue d’ailleurs
9
(5,3 %) tandis que quinze (94,7 %) ont mené leur grossesse jus-
qu’à terme et accouché normalement. Après l’accouchement,
les patientes ont été mises sous contraception, dix-huit ont opté
pour une méthode “barrière” et une patiente de 37 ans ayant
sept enfants vivants a bénéficié d’une stérilisation tubaire.
Pronostic périnatal
Toutes les patientes enceintes ont donné naissance à un
enfant vivant. Le poids moyen des nouveau-nés était de
2 472 grammes avec des extrêmes de 1 600 et 3 200 grammes ;
les nouveau-nés de faible poids de naissance (inférieur à 2 500
grammes) représentaient 26,3 % des cas, aucun n’a présenté
une anomalie morphologique. Un examen anatomopatholo-
gique du placenta a été effectué chez 13 patientes, il a montré
l’absence de lésions spécifiques.
Après une mise en observation de quelques jours à l’écart de
la mère, tous les nouveau-nés ont finalement bénéficié d’un
allaitement maternel. Les nouveau-nés de mère encore bacilli-
fère au moment de l’accouchement (deux cas) ont été mis sous
chimioprophylaxie à base d’isoniazide à raison de 5 mg/kg par
jour pendant six mois ; tandis que ceux dont la mère n’était
plus bacillifère et qui étaient bien portants (seize cas) ont été
vaccinés avec le BCG. Nous n’avons noté aucun cas de tuber-
culose congénitale ou néonatale.
Un seul décès a été enregistré, il s’agissait d’un prématuré de
1 600 grammes qui est décédé à la suite d’une infection néona-
tale non spécifique au neuvième jour de vie.
DISCUSSION
Avec une fréquence de 1,3 pour 1 000 grossesses, nos résultats
montrent que l’association tuberculose et grossesse reste une
entité relativement rare malgré la résurgence de la tuberculose
en générale et de la tuberculose active chez les femmes encein-
tes en particulier (5). En effet, le nombre de cas rapportés dans
notre étude semble être la série la plus importante retrouvée
dans la littérature récente consacrée à cette association. Les
deux autres séries qui suivent concernaient treize cas enregis-
trés en dix-huit mois chez des femmes enceintes immigrées
vivants en France (6) et neuf cas colligés en quatre ans au CHU
de Fann à Dakar (7) ; les autres publications étaient plutôt rela-
tives à des cas cliniques anecdotiques (8-10).
Nos résultats, ainsi que ceux d’autres auteurs, montrent éga-
lement que les femmes enceintes développant une maladie
tuberculeuse ne présentent pas un profil particulier par rap-
port aux autres gestantes d’une manière générale, si ce n’est
la grande précarité de leurs conditions socio-économiques et
leur très jeune âge (5-7, 11).
Dans notre étude, comme dans la majorité des cas rapportés,
le diagnostic de la maladie tuberculeuse est faite tardivement,
alors que la grossesse est déjà très évoluée et que la patiente
a bénéficié auparavant de trois consultations prénatales en
moyenne. En effet, le délai moyen du diagnostic est de 30 semai-
nes après le début de la grossesse. Dans notre contexte, ce long
délai peut s’expliquer par plusieurs facteurs :
– le dépistage de la tuberculose chez la femme enceinte ne fait
pas partie des objectifs assignés au personnel soignant lors des
consultations prénatales, comme c’est le cas par exemple pour
la syphilis ;
– les moyens d’un tel dépistage sont en réalité très limités, car
soit relativement contre-indiqués, comme la radiographie pul-
monaire, soit inconstamment contributifs, comme le test à la
tuberculine et la bacilloscopie ;
– enfin, pour des raisons épidémiologiques et à cause de cer-
taines habitudes de travail en maternité, le personnel soignant
a tendance à évoquer d’autres maladies infectieuses plus fré-
quentes chez la femme enceinte et ayant quelques similitudes
sur le plan de la symptomatologie avec la maladie tubercu-
leuse (paludisme, infection urinaire).
Ainsi, c’est seulement au décours de l’échec d’un premier test
thérapeutique à base d’antibiotiques et/ou d’antipaludéens,
souvent répété plusieurs fois, ou devant une aggravation des
signes que la maladie tuberculeuse est finalement évoquée.
Le tableau clinique est alors fortement évocateur. Comme
dans notre série, les cas rapportés concernent presque tou-
jours une tuberculose à localisation pulmonaire avec une pré-
dominance des lésions unilatérales (5-8, 10) ; les localisations
extra-pulmonaires sont plus rares (7, 9, 12).
Malgré l’émergence de souches résistantes de Mycobacterium
tuberculosis, les médicaments antituberculeux conservent
encore une efficacité remarquable dans notre contexte, quel
que soit le stade évolutif de la maladie (13). Ils sont également
accessibles gratuitement dans le cadre du programme national
de lutte contre la tuberculose. Dans notre étude, le protocole
utilisé est celui qui est le plus recommandé actuellement chez
la femme enceinte, il s’agit de l’association rifampicine plus
isoniazide plus éthambutol (5, 8, 9, 11, 14-16). Ces médica-
ments antituberculeux de première ligne sont actuellement
considérés comme dénués de risque fœtal (16-18).
Cette innocuité est corroborée par le fait que, dans notre série,
comme dans celles de Touré (7) et de Ciraru-Vigneron (6),
aucun cas de malformation fœtale n’a été retrouvé.
Il est admis également que la maladie tuberculeuse en elle-
même n’induit pas un risque tératogène supplémentaire par
rapport aux autres gestantes en général. En présence d’une
souche résistante, le pronostic maternel doit primer sur le
pronostic fœtal, il est alors licite de recourir à des antitubercu-
leux de deuxième choix dont la toxicité fœtale est connue ou
supposée (16).
En dehors de ce risque tératogène lié au traitement, le fœtus
est aussi exposé au risque de tuberculoses congénitale ou néo-
natale qui sont parfois difficiles à différencier (19-21).
Pour faciliter la distinction entre ces deux pathologies, des
critères stricts ont été définis récemment pour retenir le dia-
gnostic de tuberculose congénitale. Il s’agit de la présence de
Mycobacterium tuberculosis chez le nouveau-né, associée à
une lésion granulomateuse hépatique spécifique, à une infec-
tion placentaire, à une infection du tractus génital maternel
ou à l’absence de contagion postnatale (21). Nous n’avons pas
enregistré de tuberculose congénitale dans notre série.