Mise au point
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e diabète est une affection chronique
caractérisée par une insuffisance, absolue
ou relative, de la sécrétion d’insuline par les
cellules βdu pancréas. Le diabète de type 1,
ou diabète insulino-dépendant, est dû à une
carence en insuline du fait de la destruction
des cellules βdu pancréas. Dans le diabète de
type 2, ou diabète non insulino-dépendant, le
pancréas ne sécrète plus suffisamment d'in-
suline et/ou l’insuline libérée est mal utilisée
par ces récepteurs : il y a une carence relative
en insuline. Dans tous les cas, les thérapies
standards ne suffisent pas toujours à normali-
ser les concentrations plasmatiques de gluco-
se et les problèmes cliniques majeurs associés
au diabète résultent des effets à long terme de
l’hyperglycémie. Les principales complica-
tions observées sont le réarrangement chi-
mique de certaines molécules, ou advanced
glycation end-products (AGE) à l’origine de
pathologies vasculaire, rénale et de neuropa-
thie (1). Un traitement insulinique intensif
permet de réduire ces risques avec malheu-
reusement, dans certain cas, la survenue
d’épisodes hypoglycémiques. Ainsi, le traite-
ment idéal du diabète serait, comme le font
les cellules β,de normaliser la concentration
plasmatique de glucose en utilisant cette gly-
cémie comme détecteur et déclencheur de la
sécrétion rapide et adaptée d’insuline (1, 2).
Le diabète de type 1 est une maladie
auto-immune caractérisée par la destruction
complète des cellules β. Ce phénomène,
encore mal compris, fait vraisemblablement
intervenir les cellules T, qui induisent la mort
des cellules βpar apoptose via des
mécanismes dans lesquels l’interleukine-1β
et le monoxyde d’azote (NO) jouent des rôles
importants. Différentes approches expéri-
mentales ont été envisagées afin de suppléer
au déficit de production d’insuline et sont
présentées schématiquement sur la
figure 1
.
L’objet de cet article est de faire le point sur
quelques réussites récentes en matière de
technologies nouvelles appliquées au
traitement du diabète. Au cours de l’année
2000, plusieurs travaux rapportent en effet
des avancées importantes dans ce domaine,
concernant soit la transplantation des îlots de
Langerhans, soit la modification génique de
cellules autres que les cellules β.
Transplantation des îlots
de Langerhans
Depuis une vingtaine d’années, la trans-
plantation des îlots de Langerhans est
envisagée dans le traitement du diabète de
type 1 avec, il faut bien le reconnaître, assez
peu de succès. En effet, les données montrent
que 92 % des patients qui ont subi une
transplantation des îlots de Langerhans ont
recours à un traitement à l’insuline un an
après l’intervention (3). De nombreux
Le traitement du diabète de type 1 au XXIesiècle :
transplantation des îlots de Langerhans
et thérapie génique
V. Contesse *
207
* Institut fédératif de recherches multidiscipli-
naires sur les peptides (IFRMP 23), laboratoi-
re de neuroendocrinologie cellulaire et molé-
culaire, INSERM U413, UA CNRS,
Université de Rouen.
L
L’apport de nouvelles technologies
en termes de transplantation des îlots
de Langerhans et de thérapie génique
laisse entrevoir de nouveaux espoirs
dans le traitement du diabète de type 1.
Une nouvelle technique d’isolation
et de transplantation des îlots a permis
d’obtenir chez tous les patients traités
une indépendance à l’insuline exogène
plus d’un an après l’intervention.
Les objectifs de la thérapie génique
sont de faire produire de l’insuline à
une cellule autre que la cellule β; cette
production d’insuline doit, en outre,
être régulée par les taux de glucose
circulant.
Chez l’animal, le transfert de gènes
spécifiques du tissu pancréatique à des
hépatocytes permet de faire produire
de l’insuline à ces cellules.
De la même manière, les cellules K,
présentes dans le tractus gastro-intestinal,
sont d’excellentes cibles pour le traite-
ment génique du diabète de type 1.
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facteurs contribuent au relatif échec des
essais de transplantation, parmi lesquels
les difficultés techniques d’isolation des
îlots, la transplantation de quantités
insuffisantes d’îlots – et donc de cellules β
mais, également, les effets antagonistes
des molécules utilisées dans le traite-
ment immunosuppresseur associé, telles
les inhibiteurs de la calcineurine et
les glucocorticoïdes (4). Cependant, une
publication parue en juillet 2000 dans le
New England Journal of Medicine et
rédigée par une équipe d’Edmonton
(Alberta, Canada), rapporte d’ostensibles
modifications dans le protocole
technique d’isolation des îlots et relance
de ce fait l’intérêt de cette technique
dans le traitement du diabète de type 1
(5).
Le protocole d’Edmonton
Le désormais célèbre “protocole d’Edmonton”
(5) est basé sur les principales modifications
et/ou améliorations suivantes. Premièrement,
J. Shapiro et ses collègues se sont concentrés
sur la qualité de l’isolation des îlots en modi-
fiant, notamment, la température de prélève-
ment ainsi que la digestion enzymatique et la
séparation des cellules sur gradient de poly-
saccharide (FicollTM). De plus, les cellules β
ont été injectées dans la veine porte hépatique
immédiatement après avoir été isolées, sans
être cultivées plusieurs jours in vitro comme
cela était le cas auparavant. Deuxièmement,
les auteurs ont transplanté une quantité plus
importante d’îlots, prélevés à partir de deux,
voire de trois pancréas, dans le but d’injecter
une masse suffisante de cellules β. La quanti-
té nécessaire, calculée par ces auteurs, est
de l’ordre de 11 000 îlots par kg de masse
corporelle. Enfin, troisièmement, le régime
immunosuppresseur associé a été profondé-
ment modifié, avec l’élimination des gluco-
corticoïdes. Le nouveau traitement est fondé
sur le blocage, à différents niveaux, de l’acti-
vation et de la prolifération des cellules T
(
figure 2
). L’induction se fait par le daclizu-
mab, un anticorps monoclonal dirigé contre le
récepteur de l’interleukine-2 (R-IL-2), afin de
prévenir la prolifération des cellules T.
L’immuno-suppression est maintenue par le
sirolimus (rapamycine) qui bloque la prolifé-
ration des cellules T en aval du R-IL-2. Une
faible dose de tacrolimus (FK506) est égale-
ment utilisée pour inhiber la production d’IL-
2 (
figure 2
) (5).
Les résultats et les perspectives
À la date de la publication, sept patients (sur
sept) transplantés selon cette méthode présentent
une indépendance à l’insuline depuis 17 mois
(5). Après l’opération, les taux moyens
d’hémoglobine glycosylée sont normaux
chez tous les patients et aucun épisode de
coma hypoglycémique n’a été observé.
Aucun d’entre eux ne présente une hyperlipi-
démie associée au traitement par le sirolimus
(5). Le protocole d’Edmonton, associé à un
traitement immunosuppresseur sans gluco-
corticoïde, apparaît donc comme une voie
prometteuse dans le traitement du diabète.
Des essais cliniques sont actuellement en
cours pour reproduire et étendre ce résultat
avec un plus grand nombre de patients. Cette
étude multicentrique pilotée par J. Shapiro,
qui implique une dizaine de centres nord-
américains et européens, prévoit quarante
transplantations selon la méthode décrite
ci-dessus. En Europe, c’est l’hôpital
universitaire de Genève qui prend part à
l’étude. Ce vaste programme est financé par
l’ITN, Immune Tolerance Network
(http://www.immunotolerance.org), un consor-
tium impliquant les National Institutes of
Health (NIH) américains et le Juvenile
Diabetes Foundation (JDF).
208
Mise au point
Transformation des cellules des îlots de Langerhans in vivo
- Anticorps anti-CD40
(une protéine membranaire impliq uée dans la réponse
auto-immune)
- gène BCL-2
Régénération des cellules β , transfert de gènes reg
Montana E et al. Adv Exp Med Biol 1997 ; 426 : 421.
Bone AJ et al. Adv Exp Med Biol 1997 ; 426 : 321.
Transfert du gène de l’insuline et des nes des enzymes impliquées dans sa
maturation dans des cellules
autres que les cellules β
Mitanchez D et al. Endocr Rev 1997 ; 18 : 520.
Modification génique de cellules avant transplantation,
allogreffes ou xénogreffes (porc)
- Différenciation et croissance des cellules β
Platt JL. Nature 1998 ; 392 : 11.
Wilmut et al. Nature 1997 ; 385 : 810.
- Transformation avec un gène anti-apoptotique BCL-2
Liu Y et al. Hum Gene Ther 1996 ; 7 : 1719.
Davalli et al. Diabetes 1996 ; 45 : 1161.
Pancréas Foie
Vecteur de transf ert génique
Îlots de Langerhans isolés
Figure 1.
Représentation schématique des différentes approches expérimentales de thérapies géniques dans
le traitement du diabète de type 1.
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 5, septembre-octobre 2001
Les apports de la thérapie
génique
Qu’est ce que la thérapie
génique ?
La thérapie génique, dans le cas du diabète,
peut être définie comme l’ensemble des
modalités thérapeutiques qui utilisent une
technologie de transfert de gène, dans le but
de traiter des patients diabétiques. Cela inclut
les thérapies visant à corriger la production
déficiente d’insuline ainsi que les thérapies
dirigées vers les organes cibles endommagés
par une hyperglycémie prolongée (1).
Différentes stratégies expérimentales ex vivo
ou in vivo sont envisagées (
figure 1
). Parmi
celles-ci, nous pouvons citer les modifications
géniques des cellules βhumaines (en provenance
de cadavres ou de fœtus et constituant des
allogreffes) ou animales (d’origine essentiellement
porcine et permettant des xénogreffes) avant
la transplantation pour en améliorer le rendement.
Une autre approche consiste à transférer, dans
une cellule cible, le gène de l’insuline et/ou
des gènes codant des protéines impliquées en
aval telles que les enzymes prohormones
convertases (PC) responsables de la maturation
de la pré-proinsuline ou encore des sous-unités
de canaux potassiques, éléments clés dans les
processus de libération de l’insuline (1).
Quelle que soit la stratégie retenue, la difficulté
réside dans le fait que la production d’insuline
doit être régulée par les taux de glucose
circulant. Pour tenter de satisfaire cette
exigence d’apparence simple, différentes
approches ont récemment été proposées.
La thérapie génique
ou comment transformer
un hépatocyte en cellule β
La protéine codée par le gène PDX-1 est
exprimée de façon spécifique dans le tissu
pancréatique. Ce facteur de transcription
PDX-1 joue un rôle central dans le dévelop-
pement et le maintien des fonctions des
cellules des îlots de Langerhans en régulant,
notamment, l’expression du gène de l’insuline,
ainsi que différents autres gènes. Des
chercheurs
israéliens ont
récemment
testé l’hypothèse
selon laquelle
l’apport du
gène codant
PDX-1 à des
cellules “non β
pouvait leur
conférer le carac-
tère “cellule β
(6). C’est ainsi
qu’en utilisant
la souris comme
modèle, les
auteurs ont
démontré que
la transfection
du gène PDX-1
dans le foie, à
l’aide d’un
adénovirus
recombinant,
rend possible
l’expression
des enzymes
PC 1/3 jus-
qu’alors non exprimées dans ce tissu.
L’expression de PDX-1 dans le tissu hépatique
s’accompagne d’une forte production d’insuline
chez les animaux transfectés, détectable dans
le foie et dans le plasma. De plus, l’insuline
ainsi produite est biologiquement active ; elle
améliore l’hyperglycémie de souris rendues
diabétiques par un traitement pharmacolo-
gique, la streptozotocine (6). Ces résultats encou-
rageants suggèrent que la “re”-programmation
de cellules – ici les cellules hépatiques – en
cellules avec un phénotype “cellule βest une
approche intéressante dans le traitement du
diabète de type 1.
Un autre travail, plus élégant encore, publié
dans Nature,et également effectué chez les
rongeurs, a permis une rémission à long
terme de diabètes de type 1. Les auteurs, deux
équipes de Séoul (Corée) et de Calgary
(Canada), ont utilisé cette fois un gène codant
un analogue “simple chaîne” de l’insuline
(SIA), possédant l’activité biologique de
celle-ci, sous le contrôle du promoteur de la
L-pyruvate kinase (LPK), une enzyme spécifique
des hépatocytes (7). Ce système présente
l’avantage de réguler l’expression de SIA en
réponse au taux de glucose sanguin. Le vecteur
de type adénovirus, contenant la construction
décrite ci-dessus, a été administré dans la
veine porte du rat, ce qui a permis l’intégration
du gène codant la SIA au sein de l’ADN des
hépatocytes. Les résultats montrent une
diminution graduelle de la glycémie chez des
animaux rendus diabétiques par une injection
de streptozotocine. La glycémie atteint alors
un taux normal en quelques jours et celui-ci
est maintenu pendant plus de huit mois. De
plus, l’expression de SIA est étroitement
corrélée à la glycémie. Parallèlement, les
auteurs ont voulu savoir si la même approche
expérimentale permettrait une rémission du
diabète auto-immun chez des souris diabétiques
209
Mise au point
R-IL-2
Daclizumab
Prolifération
Sirolimus Tacrolimus
R-T
calcineurine
Production d’IL-2
IL-2
Apoptose des cellules T
Tolérance de la greffe
Figure 2.
Représentation schématique de la stratégie d’immunosuppression utilisée par
Shapiro et al. (5). IL-2 : interleukine-2 ; R-IL-2 : récepteur de l’interleukine-2 ; R-T :
récepteur des cellules T.
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 5, septembre-octobre 2001
non obèses (NOD). Comme pour les rats
rendus diabétiques, la transfection du vecteur
LPK-SIA permet de normaliser la glycémie
sept jours après le traitement chez les souris
NOD. Cette glycémie normale est maintenue
pendant plus de cinq mois. Les auteurs ont
donc montré que la transfection d’un gène,
codant un analogue simple chaîne de l’insuline,
peut produire une rémission du diabète pour
une période prolongée sans effet secondaire
apparent (7) ; cette nouvelle approche présente
une valeur thérapeutique potentielle dans le
traitement du diabète auto-immun chez
l’homme.
La thérapie génique ou comment
transformer une cellule K en
cellule β
Les cellules K, localisées principalement
dans l'estomac, le duodénum et le jéjunum,
sont connues pour sécréter l'hormone GIP
(Gastric Inhibitory Polypeptide). Au cours
d’un repas, le GIP, normalement libéré par les
cellules K, stimule la production d'insuline
par les cellules βdu pancréas. Trois observations
inattendues permettent d’envisager la cellule
K comme un outil de choix dans le traitement
génique du diabète (8). En effet, ce type
cellulaire exprime de façon constitutive un
transporteur du glucose (probablement
GLUT2), une glucokinase, véritable glucose
sensor (détecteur de glucose) identique à
celui des cellules βet les PC 1/3 et 2, pro-
hormones convertases impliquées dans la
maturation de la pré-proinsuline (
figure 3
).
La cellule K serait donc capable, moyennant
le transfert du gène de l’insuline, de synthétiser
cette hormone sous le contrôle de la
glycémie.
C’est à cette gageure que les auteurs d’un
article publié récemment dans la revue
Science se sont attaqués (9). Dans un premier
temps, ils ont couplé la séquence régulatrice,
le promoteur du gène codant le GIP, au gène
de la pré-proinsuline humaine. Les expériences
in vitro ont permis de montrer que cette
construction produit effectivement la synthèse
d'insuline en réponse au taux de glucose.
L'étape suivante a consisté à évaluer ce système
à l'échelle de l’animal entier. Les chercheurs
ont donc généré des souris transgéniques
capables d'exprimer la construction promoteur
du GIP/pré-proinsuline humaine (
figure 3
).
Ces souris n'expriment l'insuline humaine que
dans les cellules K et pas dans les autres
tissus. Cette stratégie a été couronnée de
succès puisque la production d'insuline
humaine a permis de protéger les souris du
développement d'un diabète après la destruction
des cellules βdu pancréas par la streptozotocine.
De plus, la tolérance au glucose est maintenue
(9).
Les cellules K apparaissent donc comme de
bons candidats pour le traitement génique du
diabète de type 1. Même si les techniques de
transfert de gènes dans le tractus gastro-
intestinal ne sont pas encore développées,
potentiellement, les cellules K sont facilement
accessibles par des méthodes non invasives
telles que des formulations orales ou encore
par des approches endoscopiques.
Conclusion
Si l’apport des nouvelles technologies, telle la
transplantation des îlots de Langerhans et/ou la
thérapie génique, reste indéniablement une voie
prometteuse dans le traitement du diabète de type 1,
plusieurs questions restent cependant ouvertes.
Relevant du protocole d’Edmonton, quelques-
unes de ces questions s’inscrivent plus particuliè-
rement dans le domaine de l’immunologie et
de la biologie cellulaire. Parallèlement, peut-on
prévenir les risques liés à une xénogreffe ? À
l’égard de la thérapie génique, de nombreuses
questions restent également en suspens :
quels sont les gènes importants dans le déve-
loppement des cellules β? Quel est le rôle précis
des phénomènes apoptotiques des cellules β
dans le diabète de type 1 (et dans celui de type 2) ?
Quelles sont les meilleures cellules, autres que
les cellules β,candidates à la production d’in-
suline ? Reste qu’en dépit de nombreuses
questions qui demeurent encore sans réponse, le
remplacement physiologique de la production
d’insuline semble désormais accessible.
210
Mise au point
Cellule K
Localisation :
Estomac,
Duodénum,
Jéjunum
glucose GLUT2(?)
Promoteur du GIP Gène humain
de l’insuline
Pré-proinsuline
PC 1/3 et PC 2
insuline
PC 1/3
PC 2
glucokinase
GK
Figure 3.
Représentation schématique des cellules K, présentes dans le tractus gastro-intestinal, modifiées
génétiquement pour produire de l’insuline. Seul le gène codant l’insuline, flanqué du promoteur du GIP, a
été inséré dans ces cellules, les autres constituants représentés sur ce schéma sont normalement exprimés par
la cellule K.
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 5, septembre-octobre 2001
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