Recherche de nouveaux biomarqueurs sériques de dépistage précoce du cancer de l’ovaire

La Lettre du Gynécologue 344 - septembre 2009 | 29
DOSSIER
Recherche de nouveaux
biomarqueurs sériques
de dépistage précoce
du cancer de l’ovaire
en spectrométrie de masse
Study of potential new markers in the screening of ovarian cancer
A. Jacquet*, M. El Ayed**, P. Collinet*, J.P. Lucot*, I. Fournier**, M. Salzet**, D. Vinatier*
L
es biomarqueurs ou marqueurs tumoraux sont
des indicateurs biologiques des changements
moléculaires survenant lors d’un processus
tumoral, leur expression variant selon l’état général,
les traitements et l’évolution du processus au cours
du temps. Ils correspondent généralement à des
protéines sécrétées directement par les cellules
cancéreuses dans un espace vasculaire de diffusion
à proximité de la tumeur.
Les nouvelles technologies, fondées sur l’étude du
protéome, ouvrent actuellement des voies promet-
teuses pour la découverte de nouveaux biomar-
queurs. On désigne par protéome l’ensemble des
protéines sécrétées à un instant t par une cellule
ou un tissu : le protéome reflète donc les change-
ments génétiques et épigénétiques mais aussi les
modifications posttraductionnelles (inaccessibles par
l’étude du génome seul) survenant lors du processus
tumoral, définissant une “signature protéique du
cancer”.
Or, si le génome humain comporte 30 000 gènes,
le protéome exprime de 1,5 à 100 millions d’unités
différentes : les techniques conventionnelles d’ana-
lyse des protéines ne sont pas adaptées à cet ordre
de grandeur.
Parmi les nouvelles technologies, la spectrométrie
de masse est actuellement l’outil de référence de
l’étude du protéome. Le principe de la spectrométrie
de masse est d’établir un profil peptidique à partir
d’échantillons biologiques, ce profil étant exprimé
sous forme de spectre dans lequel chaque peptide
est caractérisé par son rapport masse moléculaire/
charge électrique (m/z). Chaque pic du spectre
est défini par le m/z du peptide correspondant
en abscisse, l’intensité du pic en ordonnée étant
proportionnel à la concentration du peptide dans
l’échantillon biologique.
Toute technique de spectrométrie de masse fait appel
à plusieurs étapes : la séparation des peptides (sous
forme d’ions en phase gazeuse) du reste de l’échantillon
biologique par une source ; un analyseur qui sépare
les peptides ainsi obtenus en fonction de leur m/z ; un
détecteur et un traitement informatique du signal qui
restituent les résultats sous forme de spectre.
Il existe différents types de source et d’analyseur :
dans cette étude, la principale méthode utilisée est
le MALDI-TOF (source MALDI et analyseur TOF),
avec une approche complémentaire selon une autre
technique : la nanoLC-ITMS.
Après obtention du spectre, les peptides de m/z d’in-
térêt sont fractionnés en mode lift afin de reconstituer
leur séquence en acides aminés, permettant ainsi
l’identification de la protéine d’origine grâce à l’inter-
rogation de banques de données informatiques.
La technique de MALDI-TOF est compatible avec
une application en imagerie simple (permettant de
localiser sur une coupe le m/z par un signal coloré),
mais également en imagerie couplée à la technique
* Clinique de gynécologie de l’hôpital
Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille,
avenue Eugène-Avinée, 59037 Lille.
** Groupe MALDI, CNRS de Lille.
30 | La Lettre du Gynécologue 344 - septembre 2009
Résumé
»
Bien que peu fréquent avec une prévalence de 40 cas pour 100 000 femmes, le cancer de l’ovaire est responsable
d’une importante mortalité, au point d’être la première cause de décès par cancer gynécologique en France. Cela
s’explique essentiellement par l’absence de moyens de dépistage précoce, tels qu’il en existe pour d’autres cancers
(notamment sein ou côlon), alors que le pronostic est conditionné par la précocité du diagnostic (90 % de survie
à 5 ans en cas de diagnostic au stade I contre seulement 10 à 15 % au stade IV). En effet, les signes cliniques sont
tardifs et très peu spécifiques, et l’échographie est peu performante en raison du faible volume ovarien à un stade
précoce chez les femmes ménopausées, population le plus exposée à ce type de cancer. Le biomarqueur actuelle-
ment utilisé, le CA 125, présente une sensibilité et une spécificité trop faibles pour son utilisation en dépistage de
masse, alors que sa valeur prédictive le rend très intéressant en évaluation de la réponse au traitement ou dans
le dépistage de récidives. L’enjeu dans le dépistage du cancer de l’ovaire à un stade précoce repose donc sur la
découverte de nouveaux biomarqueurs, facilement accessibles par test sérique.
du tag-mass. Cette dernière utilise le principe de l’im-
munohistochimie : limagerie tecte alors un m/z très
spécifique, correspondant à un peptide de synthèse l
par un groupe photoclivable à un anticorps secondaire
qui reconnaît un anticorps primaire compmentaire de
la protéine dintérêt. Cela permet non seulement la loca-
lisation sur la coupe de la protéine, mais également la
validation de sa présence, avec une sensibilité surieure
aux techniques d’immunohistochimie classiques.
Dans cette étude, nous avons réalisé une analyse diffé-
rentielle (par outil statistique informatique de type PCA)
des spectres obtenus à partir déchantillons de tumeurs
ovariennes épithéliales, en comparant les profils pepti-
diques des tumeurs bénignes à ceux des tumeurs malignes.
Chaque tumeur ovarienne épitliale orée au CHRU
de Lille a fait ainsi l’objet, après information et consen-
tement des patientes, d’une analyse MALDI-TOF, soit
directement à partir de coupes tissulaires de la tumeur
ovarienne, soit aps extraction chimique et digestion
trypsique des proines présentes sur ces coupes. Lanalyse
de chaque coupe ou liquide d’extraction a été coupe à
une vérication sur les coupes immédiatement adjacentes
de la présence de cellules tumorales en coloration HES.
Le choix de travailler directement sur tissu tumoral et
non à partir du sérum des patientes a été retenu pour
deux raisons : d’une part, limiter la présence de proines
majoritaires telles que l’hémoglobine (pour démasquer les
pics beaucoup plus faibles des biomarqueurs potentiels),
d’autre part, favoriser l’approche tissulaire permettant
despérer la découverte de marqueurs plus précoces, la
sécrétion initiale des marqueurs tumoraux se faisant dans
le micro-environnement tumoral.
Cette étude se poursuit depuis 2005 avec une évolu-
tion technologique importante, en particulier en ce qui
concerne la sensibilité des outils de spectrométrie, la
performance de fragmentation pour la reconstitution des
séquences en acides amis et la performance de l’ima-
gerie, sormais spécifique par association à la technique
de tag-mass. La technique de digestion in silico permet
également de simuler la digestion trypsique dune proine
connue pour en rechercher les peptides sur un spectre.
Un premier biomarqueur candidat avait été proposé après
profiling en MALDI-TOF s 2005 : le m/z 9744, corres-
pondant au fragment C-terminal de la protéine REG-alpha,
laquelle participe, via le protéasome, à la présentation par
le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe
I des antines du soi. Sa présence sous forme tronquée
dans les cancers ovariens épithéliaux avait fait évoquer
lhypotse d’une torance immunologique du cancer.
Les travaux réalis en 2007-2008 sur un échantillon de
30 tumeurs nignes et 30 tumeurs malignes ont en effet
retrouvé la présence du m/z 9744 dans 72 % des tumeurs
malignes et dans aucune des tumeurs bénignes, ce m/z
ayant été sysmatiquement identifié comme fragment
de REG-alpha (différence statistiquement significative).
Ces mêmes travaux ont mis en évidence la présence d’un
pic de m/z 1 160 présent dans 72 % des tumeurs malignes
et 12 % des tumeurs bénignes : ce peptide a été iden-
tié dans chacun des échantillons concernés comme un
fragment C-terminal de la protéine alpha-1-acide glyco-
proine ou orosomucoïde (différence statistiquement
signicative).
Cette protéine de la phase aiguë est synthétisée par les
hépatocytes en réponse à certaines situations, en parti-
culier les réactions inflammatoires et les néoplasies, avec
une concentrationrique multipliée par un facteur de
1,6 chez les femmes atteintes de néoplasie ovarienne,
ce sultat étant également statistiquement significatif.
Son rôle immunomodulateur est connu, avec en particulier
une inhibition de la prolifération lymphocytaire, ce qui est
cohérent avec l’hypotse de torance immunitaire du
cancer formue à propos de REG-alpha.
L’analyse des échantillons malins en nanoLC-ITMS a
confirmé la présence de l’orosomucoïde et retrouvé
d’autres biomarqueurs potentiels, certains étant déjà
connus comme biomarqueurs cancéreux (vimentine),
dautres étant totalement inédits.
Ces dernières années, d’autres auteurs (1, 2) qui ont
proposé des tests de dépistage rique du cancer de lovaire
par la recherche de biomarqueurs issus du profiling en
spectrométrie de masse se sont heurtés à d’importants
problèmes de reproductibilité : il est désormais admis
qu’avant toute application clinique, les biomarqueurs
candidats propos par lanalyse proomique doivent
être validés par des thodes classiques.
Ainsi, depuis 2005, la protéine REG-alpha a fait lobjet
d’une recherche en immuno-histochimie, montrant un
marquage de toutes les tumeurs épithéliales ovariennes
analysées en MALDI-TOF avec une différence de localisa-
tion cellulaire selon la nature de la tumeur : le marquage
est cytoplasmique (parfois associé à un marquage
nucléaire) dans les tumeurs malignes et strictement
nucléaire dans les tumeurs bénignes. Ces travaux de
validation se poursuivent avec des résultats identiques,
Références
bibliographiques
1. Petricoin EF, Ardekani AM, Hitt
BA. Use of proteomic patterns in
serum to identify ovarian cancer.
Lancet 2002;359(9306):572-7.
2. Wang Z, Xie Y, Wang H. Changes
in survivin messenger RNA level
during chemotherapy treatment
in ovarian cancer cells. Cancer Biol
Ther 2005;4(7):716-9.
Mots-clés
Cancer de l'ovaire
Biomarqueurs
Proteomique
Dépistage
Keywords
Ovarian cancer
Markers
Proteomic
Screening
Communiqués des conférences de presse, symposiums,
manifestations organisés par l’industrie pharmaceutique
La Lettre du Gynécologue 344 - septembre 2009 | 31
DOSSIER
parallement au profiling protéomique pour REG-alpha
; leme protocole d’immunohistochimie n’a pu être
mis au point à ce jour pour lorosomucde, en raison de
la difficulté du choix de l’isoforme glycosy.
Les deux biomarqueurs candidats ont é retrouvés par
RT-PCR sur des liges de cultures cellulaires dadénocar-
cinome ovarien (cellules SKOV3).
Les premiers travaux d’imagerie MALDI non spécifique
menés en 2006 avaient mont une localisation du m/z
9744 sur les coupes de tumeurs malignes, localisa-
tion superposable à la zone tumorale.
Les travaux réalisés en 2007-2008 grâce à la tech-
nique du tag-mass ont permis de valider la présence
des deux protéines sur les coupes d’échantillons
cancéreux, avec des localisations qui ne sont pas tout
à fait superposables entre elles : on obtient ainsi en
mode multiplexe une bonne couverture de la tota-
lité de la zone tumorale par les deux biomarqueurs
conjugués, ce qui appuie la nécessité du caractère
multiprotéique d’un test de dépistage.
En conclusion, deux biomarqueurs sont actuellement
validés, d’autres (notamment issus de la nanoLC-
ITMS) devant faire l’objet des mêmes travaux de
validation. En vue d’un test multiprotéique, l’étape
de profiling doit néanmoins se poursuivre parallè-
lement à ces travaux de validation.
La protéine REG-alpha fait désormais l’objet d’une
recherche systématique en immunohistochimie par
le service d’anatomopathologie du CHRU de Dijon
pour toutes les tumeurs ovariennes analysées par
ce service.
Après obtention en profiling d’un nombre suffisant de
biomarqueurs et après validation, ces biomarqueurs
seront recherchés dans le rum des patientes incluses
dans l’étude, avant de proposer une application
clinique en dépistage sérique de masse organisé.
Lutte contre le cancer du col
de l’utérus: Qiagen fait don
d’un million de tests HPV
aux pays émergents
Les résultats d’une étude de huit ans sur 130 000 femmes dans
l’État de Maharashtra en Inde, financée par la Fondation Bill et
Melinda Gates et parue dans le New England Journal of Medicine
montre que dans un contexte de ressources réduites, un seul
test HPV réduit significativement le nombre de cancers du col de
l’utérus (y compris à un stade avancé) et de décès, par rapport
au frottis cervico-utérin ou au dépistage par l’inspection visuelle
à l’aide de l’acide acétique (VIA). L’étude a été réalisée avec le
test HPV digene du laboratoire Qiagen qui détecte les types de
papillomavirus humain à haut risque impliqués dans le cancer
du col de l’utérus.
Le cancer du col de l’utérus est donc une maladie que l’on peut
facilement éviter et guérir lorsque les femmes ont accès à des
programmes de prévention.
Cependant, l’Organisation mondiale de la santé estime que seules
cinq pour cent des femmes vivant dans les pays en voie de ve-
loppement ont été dépistées au cours des cinq dernières années,
contre 40 à 50 % dans les pays dévelops.
C’est pourquoi Qiagen s’engage dans l’élargissement de l’accès
au dépistage HPV aux femmes du monde entier par le biais d’un
don d’un million de tests HPV s’inscrivant dans un programme
de responsabilisociale de l’entreprise baptisé QIAGENcares. En
partenariat avec les institutions de santé publique leaders et les
ONG travaillant dans le domaine de la santé, Qiagen développe
également les prochaines nérations de test HPV, incluant le test
care HPV, cou spécifiquement pour les pays à faibles ressources,
test qui peut-être réalisans électricini eau courante et donne
un résultat en quelques heures seulement. De plus, le laboratoire
pratique une politique de prix adaptés aux pays émergents.
Enfin, sur le terrain, Qiagen s’investit dans des projets pilotes
comme une clinique mobile de dépistage du cancer cervical en
Inde ou son partenariat avec la Fondation chinoise du cancer
dans le cadre de leur campagne nationale.
Pour plus d’information sur QIAGENcares et le programme de
donation : QIAGEN.cares@qiagen.com C.P.
La contraception d’urgence :
10 ans de mise en vente libre
Après 10 ans de mise en vente libre de la contraception d’ur-
gence, le laboratoire HRA Pharma dresse un premier bilan qui
confirme des retombées positives.
La mise en vente libre de cette contraception favorise le recours
à celle-ci. Les utilisatrices l’emploient de façon responsable ; elles
ont recours à la contraception d’urgence de façon ponctuelle
et cela n’entraîne pas de modification des pratiques contra-
ceptives habituelles.
Par ailleurs, les pharmaciens, qui sont en première ligne lors
d’une demande de contraception d’urgence, jouent plutôt
bien leur rôle d’information sur
la contraception et les infections
sexuellement transmissibles.
Cependant, la contraception d’ur-
gence reste largement sous-utilisée
en France et dans les autres pays. La
connaissance de son existence
et l’absence de prise de conscience
du risque de grossesse lors d’un
rapport non ou mal protégé en
sont les principales causes.
En effet, chaque année, une
femme sur trois est potentielle-
ment exposée au risque d’une
grossesse non prévue, mais seules
11 % d'entre elles ont recours à
la contraception d’urgence. On
estime également à 24 millions par
an le nombre de rapports à risque
de grossesse suite à un oubli de
pilule ou à un accident de préser-
vatif, alors que les ventes de contra-
ception d’urgence ne dépassent
pas 1,2 million d’unis en 2008.
L’information demeure donc la
clé de voûte de l’accès libre à la
contraception d’urgence. C.P.
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