30 | La Lettre du Gynécologue • n° 344 - septembre 2009
Résumé
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Bien que peu fréquent avec une prévalence de 40 cas pour 100 000 femmes, le cancer de l’ovaire est responsable
d’une importante mortalité, au point d’être la première cause de décès par cancer gynécologique en France. Cela
s’explique essentiellement par l’absence de moyens de dépistage précoce, tels qu’il en existe pour d’autres cancers
(notamment sein ou côlon), alors que le pronostic est conditionné par la précocité du diagnostic (90 % de survie
à 5 ans en cas de diagnostic au stade I contre seulement 10 à 15 % au stade IV). En effet, les signes cliniques sont
tardifs et très peu spécifiques, et l’échographie est peu performante en raison du faible volume ovarien à un stade
précoce chez les femmes ménopausées, population le plus exposée à ce type de cancer. Le biomarqueur actuelle-
ment utilisé, le CA 125, présente une sensibilité et une spécificité trop faibles pour son utilisation en dépistage de
masse, alors que sa valeur prédictive le rend très intéressant en évaluation de la réponse au traitement ou dans
le dépistage de récidives. L’enjeu dans le dépistage du cancer de l’ovaire à un stade précoce repose donc sur la
découverte de nouveaux biomarqueurs, facilement accessibles par test sérique.
du tag-mass. Cette dernière utilise le principe de l’im-
munohistochimie : l’imagerie détecte alors un m/z très
spécifique, correspondant à un peptide de synthèse lié
par un groupe photoclivable à un anticorps secondaire
qui reconnaît un anticorps primaire complémentaire de
la protéine d’intérêt. Cela permet non seulement la loca-
lisation sur la coupe de la protéine, mais également la
validation de sa présence, avec une sensibilité supérieure
aux techniques d’immunohistochimie classiques.
Dans cette étude, nous avons réalisé une analyse diffé-
rentielle (par outil statistique informatique de type PCA)
des spectres obtenus à partir d’échantillons de tumeurs
ovariennes épithéliales, en comparant les profils pepti-
diques des tumeurs bénignes à ceux des tumeurs malignes.
Chaque tumeur ovarienne épithéliale opérée au CHRU
de Lille a fait ainsi l’objet, après information et consen-
tement des patientes, d’une analyse MALDI-TOF, soit
directement à partir de coupes tissulaires de la tumeur
ovarienne, soit après extraction chimique et digestion
trypsique des protéines présentes sur ces coupes. L’analyse
de chaque coupe ou liquide d’extraction a été couplée à
une vérification sur les coupes immédiatement adjacentes
de la présence de cellules tumorales en coloration HES.
Le choix de travailler directement sur tissu tumoral et
non à partir du sérum des patientes a été retenu pour
deux raisons : d’une part, limiter la présence de protéines
majoritaires telles que l’hémoglobine (pour démasquer les
pics beaucoup plus faibles des biomarqueurs potentiels),
d’autre part, favoriser l’approche tissulaire permettant
d’espérer la découverte de marqueurs plus précoces, la
sécrétion initiale des marqueurs tumoraux se faisant dans
le micro-environnement tumoral.
Cette étude se poursuit depuis 2005 avec une évolu-
tion technologique importante, en particulier en ce qui
concerne la sensibilité des outils de spectrométrie, la
performance de fragmentation pour la reconstitution des
séquences en acides aminés et la performance de l’ima-
gerie, désormais spécifique par association à la technique
de tag-mass. La technique de digestion in silico permet
également de simuler la digestion trypsique d’une protéine
connue pour en rechercher les peptides sur un spectre.
Un premier biomarqueur candidat avait été proposé après
profiling en MALDI-TOF dès 2005 : le m/z 9744, corres-
pondant au fragment C-terminal de la protéine REG-alpha,
laquelle participe, via le protéasome, à la présentation par
le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe
I des antigènes du soi. Sa présence sous forme tronquée
dans les cancers ovariens épithéliaux avait fait évoquer
l’hypothèse d’une tolérance immunologique du cancer.
Les travaux réalisés en 2007-2008 sur un échantillon de
30 tumeurs bénignes et 30 tumeurs malignes ont en effet
retrouvé la présence du m/z 9744 dans 72 % des tumeurs
malignes et dans aucune des tumeurs bénignes, ce m/z
ayant été systématiquement identifié comme fragment
de REG-alpha (différence statistiquement significative).
Ces mêmes travaux ont mis en évidence la présence d’un
pic de m/z 1 160 présent dans 72 % des tumeurs malignes
et 12 % des tumeurs bénignes : ce peptide a été iden-
tifié dans chacun des échantillons concernés comme un
fragment C-terminal de la protéine alpha-1-acide glyco-
protéine ou orosomucoïde (différence statistiquement
significative).
Cette protéine de la phase aiguë est synthétisée par les
hépatocytes en réponse à certaines situations, en parti-
culier les réactions inflammatoires et les néoplasies, avec
une concentration sérique multipliée par un facteur de
1,6 chez les femmes atteintes de néoplasie ovarienne,
ce résultat étant également statistiquement significatif.
Son rôle immunomodulateur est connu, avec en particulier
une inhibition de la prolifération lymphocytaire, ce qui est
cohérent avec l’hypothèse de tolérance immunitaire du
cancer formulée à propos de REG-alpha.
L’analyse des échantillons malins en nanoLC-ITMS a
confirmé la présence de l’orosomucoïde et retrouvé
d’autres biomarqueurs potentiels, certains étant déjà
connus comme biomarqueurs cancéreux (vimentine),
d’autres étant totalement inédits.
Ces dernières années, d’autres auteurs (1, 2) qui ont
proposé des tests de dépistage sérique du cancer de l’ovaire
par la recherche de biomarqueurs issus du profiling en
spectrométrie de masse se sont heurtés à d’importants
problèmes de reproductibilité : il est désormais admis
qu’avant toute application clinique, les biomarqueurs
candidats proposés par l’analyse protéomique doivent
être validés par des méthodes classiques.
Ainsi, depuis 2005, la protéine REG-alpha a fait l’objet
d’une recherche en immuno-histochimie, montrant un
marquage de toutes les tumeurs épithéliales ovariennes
analysées en MALDI-TOF avec une différence de localisa-
tion cellulaire selon la nature de la tumeur : le marquage
est cytoplasmique (parfois associé à un marquage
nucléaire) dans les tumeurs malignes et strictement
nucléaire dans les tumeurs bénignes. Ces travaux de
validation se poursuivent avec des résultats identiques,
Références
bibliographiques
1. Petricoin EF, Ardekani AM, Hitt
BA. Use of proteomic patterns in
serum to identify ovarian cancer.
Lancet 2002;359(9306):572-7.
2. Wang Z, Xie Y, Wang H. Changes
in survivin messenger RNA level
during chemotherapy treatment
in ovarian cancer cells. Cancer Biol
Ther 2005;4(7):716-9.
Mots-clés
Cancer de l'ovaire
Biomarqueurs
Proteomique
Dépistage
Keywords
Ovarian cancer
Markers
Proteomic
Screening