DOSSIER Épidémiologie de l'infection par HPV Risque de nouvelle infection et de maladie génitale à HPV chez les femmes de plus de 26 ans Risk of HPV new infection and genital disease among women over 26 years of age F. Guyon* E * Département de chirurgie, Institut Bergonié, Centre régional de lutte contre le cancer de Bordeaux et du Sud-Ouest, 229, cours de l’Argonne, 33076 Bordeaux Cedex. n France, l’âge médian du premier rapport sexuel est de 17,2 ans pour les garçons et de 17,6 ans pour les filles. Parmi les filles de 16 à 20 ans, respectivement 35 % et 79 % déclarent avoir déjà eu des rapports sexuels (1). C’est pourquoi le calendrier vaccinal 2010 (2) recommande la vaccination contre les infections à papillomavirus humain (HPV) "pour toutes les jeunes filles âgées de 14 ans, afin de les immuniser avant qu’elles soient exposées au risque d’infection". La vaccination peut également être proposée "aux jeunes filles et jeunes femmes de 15 à 23 ans qui n’auraient pas eu de rapports sexuels ou, au plus tard, dans l’année suivant le début de leur vie sexuelle". Pourtant, le risque de contamination par HPV ne s’arrête probablement pas après les premiers rapports sexuels, d’autant plus que, depuis quelques années, les jeunes femmes déclarent davantage de partenaires sexuels au cours de leur vie (4,4 en moyenne en 2006 contre 1,8 en moyenne en 1970) [1]. Nous présentons ici les données recueillies dans la littérature sur le risque de contamination par les HPV et le risque de lésions, y compris cancéreuses, dues aux HPV chez les femmes en fonction de l’âge, afin de déterminer l’intérêt de mesures de dépistage ou de mesures prophylactiques spécifiques pour les femmes plus âgées, notamment celles de 26 ans et plus. Risque, prévalence et incidence de l’infection par les HPV en fonction de l’âge Le risque chez toutes les femmes sexuellement actives de développer au cours de la vie une infection due à un HPV est de 80 % (3). Le risque d’infection et/ou de réinfection par un HPV reste permanent tout au long de la vie. Toutefois, le risque d’acquérir une nouvelle infection par un HPV diminue avec l’âge (4). La prévalence globale de l’infection – tout type d’HPV confondu – chez les femmes de moins de 25 ans est supérieure à 20 % ; elle varie entre 5 et 15 % chez les 25-44 ans (5-7). Chaque année, 5 à 15 % des femmes de plus de 25 ans sexuellement actives développent une nouvelle infection par un HPV oncogène, et environ 1 à 2 % de ces infections sont dues à un HPV-16 ou à un HPV-18 (5). Le principal facteur de risque de l’infection par HPV est le nombre de partenaires sexuels (3). Risque de néoplasie intraépithéliale cervicale et de cancer en fonction de l’âge L’infection par les HPV est le plus souvent bénigne et, dans 90 % des cas, disparaît spontanément en 8 | La Lettre du Gynécologue • n° 362 - mai 2011 LG 2011-05 bonne version.indd 8 17/05/11 16:41 Mots-clés Âge Épidémiologie Maladie génitale Femme Infection Papillomavirus humain Keywords Age Epidemiology Genital disease Female Infection Human papillomavirus Points forts »» 80 % des femmes sexuellement actives ont un risque de contracter une infection par HPV pouvant évoluer, dans certains cas rares, vers un cancer du col de l’utérus. »» Le risque d’infection et/ou de réinfection par HPV reste permanent tout au long de la vie, mais le risque de nouvelle infection par HPV diminue avec l’âge. »» Le risque de développer une néoplasie intraépithéliale cervicale ou un cancer du col de l’utérus augmente avec l’âge et est maximal vers 30 ans ; l’âge au moment de l’infection proprement dite est néanmoins indéterminé. »» Les nouvelles infections chez les femmes plus âgées ne progressent pas davantage vers des lésions précancéreuses ou cancéreuses, ce qui permet de penser que ces femmes n’ont pas plus que les autres besoin d’être suivies ou vaccinées. 1 à 2 ans. Mais elle peut aussi persister et devenir responsable du développement d’une lésion. Une infection découverte à 35 ans aura davantage de risque de persister qu’une infection découverte chez une jeune fille (4). Le pic de survenue des lésions de haut grade du col est observé après 30 ans, mais le moment de l’infection reste indéterminée. Un dépistage irrégulier, le tabagisme, les contraceptifs, des facteurs génétiques, la multiparité et une première grossesse à un âge jeune sont des cofacteurs augmentant potentiellement le risque de développement d’un cancer cervical, en plus d’une infection à HPV (3). Références bibliographiques 1. Bajos N, Bozon M, Beltzer N et al. Changes in sexual behaviours: from secular trends to public health policies. AIDS 2010;24:1219-20. 2. Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Le calendrier des vaccinations et les recommandations vaccinales 2010 selon l’avis du Haut conseil de la santé publique. Bull Epidemiol Hebd 2010;14-15:127-8. Accessible sur : www.invs.sante.fr/beh/2010/14_15/beh_14_15.pdf. 3. Munoz N, Jacquard AC. Quelles données épidémiologiques sont nécessaires pour la mise en place de la vaccination contre le papillomavirus humain ? Presse Med 2008;37:1377-90. 4. Castle PE, Schiffman M, Herrero R et al. A prospective study of age trends in cervical human papillomavirus acquisition and persistence in Guanacaste, Costa Rica. J Infect Dis 2005;191:1808-16. 5. Castellsague X, Schneider A, Kaufmann AM, Bosch FX. HPV vaccination against cervical cancer in women above 25 years of age: key considerations and current perspectives. Gynecol Oncol 2009;115(Suppl.1):S15-S23. 6. Smith JS, Melendy A, Rana RK, Pimenta JM. Age-specific prevalence of infection with human papillomavirus in females: a global review. J Adolesc Health 2008;43(Suppl.1):S5-S25. 7. Skinner SR, Garland SM, Stanley MA, Pitts M, Quinn MA. Human papillomavirus vaccination for the prevention of cervical neoplasia: is it appropriate to vaccinate women older than 26? Med J Aust 2008;188:238-42. 8. Rodríguez AC, Schiffman M, Herrero R et al. Longitudinal study of human papillomavirus persistence and cervical intraepithelial neoplasia grade 2/3: critical role of duration of infection. J Natl Cancer Inst 2010;102:315-24. 9. Monsonego J, Breugelmans JG, Bouee S, Lafuma A, Benard S, Remy V. Incidence, prise en charge et coût des condylomes acuminés anogénitaux chez les femmes consultant leur gynécologue en France. Gynecol Obstet Fertil 2007;35:107-13. Le risque de développer au moins une lésion de type CIN3 après infection est de 14 % chez les 20-32 ans et de 21 % chez les 40-50 ans (5). Rodriguez et al. ont cependant montré que les nouvelles infections par HPV chez les patientes plus âgées ont peu de risque d’évoluer vers des lésions CIN2+ (8). Risque de verrue génitale en fonction de l’âge En France, les taux d’incidence de verrues génitales les plus élevés ont été observés dans la classe d’âge des 20-24 ans, suivie de celles des 25-29 ans et des 30-34 ans, avec 95 % de patientes âgées de 15 à 49 ans. Le taux d’incidence chez les femmes âgées de 25 à 44 ans est compris entre 100 et 360 pour 100 000 (9). Conclusion Toutes les femmes sexuellement actives sont exposées au risque de contracter une nouvelle infection à HPV, qui peut évoluer dans certains cas vers un cancer du col de l’utérus. Le risque de nouvelle infection par HPV diminue cependant avec l’âge, alors que la survenue d’un cancer est observée essentiellement chez les femmes les plus âgées. Les facteurs de risque de voir évoluer une infection vers une lésion précancéreuse ou un cancer sont un dépistage irrégulier, le tabagisme, les contraceptifs, des facteurs génétiques, la multiparité et une première grossesse à un âge jeune. ■ Abonnez-vous en ligne ! www.edimark.fr Bulletin d’abonnement disponible page 43 10 | La Lettre du Gynécologue • n° 362 - mai 2011 LG 2011-05 bonne version.indd 10 17/05/11 16:41