Claude Tresmontant
Correspondant de lInstitut
Lhistoire de lUnivers
Et le sens de la Création
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En cette fin du XXe siècle, le premier problème qui simpose au monothéisme, annoncé aux
Hébreux et achevé par le Christ, cest dabord la question de savoir sil va finir par être intelligible
pour les nations païennes auxquelles il est destiné. Cest un problème de langue.
La Révélation qui a constitué le monothéisme hébreu a été communiquée en hébreu, puis
traduite en grec, puis traduite en latin, puis dans les langues des nations. Je ne sais pas ce qui se
passe ailleurs, mais je sais quen France la plupart du temps les enfants comme leurs aînés ne
comprennent pas le sens dès mots et des termes dans lesquels et par lesquels est formulé le message
du monothéisme chrétien.
Immédiatement après se pose la deuxième question : ce message a-t-il un intérêt ? Est-il
désirable pour les païens de toutes les nations ? Car toutes les nations sont aujourdhui
comme hier païennes.
Pour que le monothéisme hébreu et chrétien soit désirable, encore faut-il quil soit présenté
dans lintégralité de son contenu, cest-à-dire quil manifeste et fasse connaître la finalité de la
Création, qui est la finalité de lUnivers. Cest cette finalité qui est lobjet du désir naturel de
lhomme.
Enfin, troisième point essentiel, lhumanité est de plus en plus tonnée par les sciences
expérimentales et cest un grand bien pour elle. Lintelligence humaine apprend à distinguer le réel
du fantasme, lexpérience du mythe, la pensée rationnelle du délire. Elle apprend quels sont les
critères de la vérité et les critères de la certitude.
Non seulement le message que constitue le monothéisme chrétien doit être présenté en sorte
quil soit intelligible; non seulement il doit être présenté en sorte quil soit désirable, mais de plus il
doit être exposé de telle sorte que lintelligence humaine puisse sassurer quil est vrai.
La question centrale, cest dintégrer les connaissances que nous sommes en train dacquérir
par les sciences de lUnivers et de la Nature, et les connaissances qui nous sont communiquées par
la vélation, autrement dit dintégrer lenseignement de la Création et lenseignement de la
Révélation dans lunité dune vision du monde intelligible, désirable et vérifiable.
Nous avons réuni ici sept conférences données dans les sept dernières années. Elles portent
sur ces problèmes.
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Claude Tresmontant
Correspondant de lInstitut
LHISTOIRE DE LUNIVERS
ET LE SENS DE LA CRÉATION
Sept conférences
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AVANT-PROPOS
Le problème numéro un qui simpose au monothéisme hébreu en cette fin du XXe siècle, cest
dabord la question de savoir sil va finir par être intelligible pour les nations païennes auxquelles il
est destiné. Cest un probme de langue. La lation qui a constitué le monothéisme breu a été
communiquée en hébreu, puis traduite en grec, puis traduite en latin, puis dans les langues des nations.
Je ne sais pas ce qui se passe ailleurs, mais je sais quen France lenfant des villes et lenfant des
campagnes ne comprend pas le sens des mots, des termes dans lesquels et par lesquels est formu le
message du monothéisme chrétien.
Cest un premier point. Le second, cest que le message que constitue le monotisme
chrétien présente un intérêt, quil soit désirable pour les pens des nations, et toutes les nations
sont aujourdhui comme hier païennes. Pour que le monothéisme breu et chrétien soit sirable,
encore faut-il quil soit présenté dans lintégralité de son contenu, cest-à-dire quil manifeste et fasse
conntre la finalité de la Cation, qui est la finalité de lUnivers. Cest cette finalité qui est lobjet
du désir naturel de lHomme.
Le troisième point. Lhumanité est de plus en plus fore par les sciences exrimentales, et
cest un grand bien pour elle. Lintelligence humaine apprend à distinguer le réel du fantasme,
lexpérience du mythe, la pensée rationnelle du délire. Elle apprend quels sont les critères de la
vérité et les critères de la certitude. Non seulement le message que constitue le monothéisme
chrétien doit être présenté en sorte quil soit intelligible ; non seulement il doit être présenté en sorte
quil soit désirable, mais de plus il doit être exposé de telle sorte que lintelligence humaine puisse
sassurer quil est vrai.
Le problème numéro un, pour le monothéisme hébreu en cette fin du XXe siècle, cest dintégrer
les connaissances que nous sommes en train dacquérir par les sciences de lUnivers et de la Nature,
et les connaissances qui nous sont communiquées par la Rélation, autrement dit dintégrer
lenseignement de la Création et lenseignement de la Révélation dans lunité dune vision du monde
intelligible, désirable et vérifiable.
Nous avons réuni ici sept conférences que nous avons données dans les sept années pases.
Elles portent sur ces problèmes.
Paris, le 25 mars 1985.
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I- LES SCIENCES EXPERIMENTALES ET LE POINT DE DÉPART DE LANALYSE
PHILOSOPHIQUE 1
Comme vous le savez, dans lhistoire de la pensée humaine, pour autant quelle nous est
connue, on distingue plusieurs démarches fondamentales, plusieurs points de départ pour lanalyse et
le traitement des problèmes philosophiques.
1. Un premier point de départ est celui que lon observe par exemple dans la grande tradition
taphysique et théosophique de lInde, qui remonte au moins au Xe siècle avant notre ère. Dans cette
grande tradition métaphysique, le point de départ, ce sont des textes sacs suppos lés, le da,
les Upanishad ; et toute la tradition taphysique de lInde à travers les siècles va commenter ces textes
fondamentaux, puis commenter les commentaires et ainsi de suite. Pour nous qui sommes rationalistes,
la première question bien évidemment est de savoir ce que valent ces textes initiaux dont on part et
qui sont suppos rés. Nous voulons savoir comment on établit que ces textes contiennent une
révélation. Nous portons un examen critique aux sources de toute la tradition métaphysique et
théosophique de lInde et cela dautant plus que cette tradition, dans son ensemble, se caractérise
par un mépris décidé et systématique pour lenseignement de lexpérience, qui est qualifié
dillusoire. Entre lexpérience et des textes supposés révélés, il nous faut choisir et, quant à nous, le
choix est fait : mais les maîtres de la tradition moniste de lInde ont fait le choix inverse : ils ont
choisi les textes supposés révélés contre lexpérience.
2. Un deuxième point de départ pour lanalyse philosophique, inverse du précédent,
est justement le point de départ expérimental, lexpérience elle-même. On ne commence pas par
déclarer que la réalité objective connue dans notre expérience est illusoire. On part de cette réalité
objective et on en essaie lanalyse rationnelle jusquau bout.
Cest cette méthode expérimentale quont choisi des philosophes comme Aristote au IVe
siècle avant notre ère, ou, à lautre bout de lhistoire de la philosophie, Henri Bergson à la fin du
XIXe et au début du XXe siècle. Remarquons quils étaient lun et lautre des naturalistes, des
hommes de formation biologique, fascinés durant leur vie entière par la réalité biologique.
3. Un troisième point de départ et une troisième méthode pour faire de la philosophie,
cest la construction à priori, la construction dun système sans base expérimentale. On part de
quelques principes posés à priori et on procède par déduction. Au lieu de procéder, comme le
faisait Aristote et comme le voulut aussi Bergson, à partir de lexpérience et dune manière
inductive, on procède dune manière déductive. Toute la question est de savoir quels sont ces
principes dlon part, quelles sont les intuitions originelles dont on procède pour construire tout
le système et ce quelles valent... Les grands systèmes de lidéalisme allemand montrent quen fait
les intuitions originelles sont encore, tout comme dans la première méthode ou démarche, des
intuitions de type théosophique et initiatique.
Lavènement des sciences expérimentales, dans les temps modernes, constitue certainement
lune des révolutions les plus importantes dans lhistoire de la pensée humaine. Avec les sciences
expérimentales, lhumanité apprend à penser correctement. Elle apprend ce quest le rationalisme à
base expérimentale. Elle apprend à distinguer la pensée contrôlée par lexpérience, et la pensée
1 Conférence donnée au Centre dÉtudes et de Recherches Nucléaires, Genève, le 19 octobre 1977.
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