O B S E R V A T I O N D I A L O G U É E Grossesse et autre “grosseur” ! N. Laroussi*, M. Cuilleron**, J.G. Balique***, C. Barthélémy*, J.F. Mosnier**** et J.C. Audigier* ne jeune femme de 24 ans, caucasienne, présentant une grossesse de 11,5 semaines d’aménorrhée, est adressée en mars 1999 pour des douleurs de la fosse iliaque gauche irradiant dans la cuisse. Dans ses antécédents, on retrouvait une appendicectomie à l’âge de 10 ans et une prise de contraceptifs oraux pendant 3 ans (arrêt en juillet 1998). Une échographie abdominale était réalisée (figure 1), qui permettait de visualiser une tumeur solide, échogène, homogène, bien limitée, de l’isthme du pancréas, de petite taille (30 mm). L’imagerie par résonance magnétique (IRM) confirmait la nature solide de la lésion sur la seule séquence réalisée fortement pondérée en T2. Le diagnostic de tumeur endocrine non sécrétante du pancréas était évoqué. La glycémie était normale. Les dosages des hormones : peptide C, gastrine, glucagon, insuline, calcitonine et des marqueurs tumoraux (CA 19-9, CA 50, CA 125) étaient normaux. Une simple surveillance échographique de la tumeur a été proposée au cours des derniers mois de la grossesse, qui s’est bien déroulée jusqu’à l’accouchement, le 17 septembre 1999. Sur les différentes échographies, ni l’aspect, ni la taille de la lésion ne se modifiaient. Une nouvelle IRM pancréatique et une cholangiopancréaticographie rétrograde magnétique (CPRM) ont été réalisées le 11 octobre 1999, avec des séquences en écho de gradient T1 FAT SAT sans et avec injection de gadolinium (figures 2a-c). La tumeur était isthmique, à développement endo- et surtout exopancréatique, solide, bien limitée, avec un signal intermédiaire, discrètement hétérogène, contenant deux éléments punctiformes très hyperintenses (liquidiens), hypovascularisée, avec une prise de contraste tardive plutôt périphérique, hétérogène. Une laparotomie bi sous-costale a été pratiquée le 25 octobre 1999. Une isthmectomie était réalisée avec anastomose pancréatico-jéjunale. La péritonite postopératoire précoce par pancréatite aiguë se produisit le 27 octobre 1999, nécessitant une nouvelle laparotomie avec lavage et drainage. Les suites ultérieures étaient simples. La malade, vue le 20 janvier 2000, ne signalait aucun symptôme. L’anatomopathologiste décrivait une tumeur solide de couleur jaune beige, incomplètement limitée par une capsule U * Service de gastroentérologie et d'hépatologie. ** Service de radiologie, hôpital Nord. ** * Service de chirurgie générale. ** ** Service d'anatomopathologie, hôpital de Bellevue, CHU de Saint-Étienne. 204 Figure 1. Échographie. Masse solide, échogène, bien limitée de l’isthme du pancréas. fibreuse dense, mesurant 30 x 20 x 20 mm, siégeant dans l’isthme pancréatique, sans envahissement ganglionnaire (figures 3a, b). L’étude immuno-histochimique avec expression de la vimentine, de l’énolase neurospécifique et partielle de l’alpha-1 antitrypsine conduisait au diagnostic de tumeur pseudo-papillaire et solide. DISCUSSION Décrites pour la première fois en 1959, les tumeurs pseudopapillaires et solides du pancréas sont définies par l’association de zones solides et de zones kystiques pseudo-papillaires au sein d’une prolifération de cellules monomorphes (1). Il s’agit de tumeurs rares, survenant le plus souvent chez la femme jeune et de race noire. Leur évolution est lente, de découverte fortuite, comme dans notre cas, et de bon pronostic après traitement chirurgical, sans traitement adjuvant (2). La prédominance féminine a soulevé l’hypothèse d’un rôle des hormones sexuelles dans la pathogénie de la lésion (3). Dans le cas décrit, la malade avait pris des contraceptifs oraux pendant 3 ans et était à sa 11e semaine de grossesse. Mais, tout au long de celle-ci, la taille de la tumeur ne s’était pas modifiée. Les examens biologiques sont sans utilité. Le diagnostic doit être évoqué en imagerie (4). L’échographie permet de déceler la La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2001 O B S E R V A T I O N D I A L O G U É E b a Figure 2a. Coupe axiale en pondération T1 avec saturation de graisse avant injection de contraste. Masse isthmique bien limitée avec un signal intermédiaire discrètement hétérogène. Figure 2b. Coupe axiale en pondération T1 avec saturation de graisse au temps artériel précoce après injection de contraste. Masse peu vascularisée. c a Figure 3a. Macroscopie. Tumeur solide de couleur jaune beige. Figure 2c. Coupe axiale en pondération T1 avec saturation de graisse au temps artériel parenchymateux après injection de produit de contraste. Prise de contraste tardive, plutôt périphérique, hétérogène. b Figure 3b. Microscopie. Aspect pseudo-papillaire et kystique. La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2001 205 O B S E R V A T I O N D I A L O G U É E tumeur ; la tomodensitométrie (TDM) et surtout l’IRM mettent en évidence la faible vascularisation, contrairement aux tumeurs endocrines, qui représentent le premier diagnostic différentiel (5). L’aspect hétérogène avec composantes solides et kystiques, l’existence de foyers hémorragiques ou de nécrose et d’une capsule aident au diagnostic. Des niveaux liquides ou des calcifications soit périphériques, soit punctiformes (28 % des cas) peuvent également guider ce diagnostic. Dans notre cas, l’aspect radiologique était atypique par la petite taille de la tumeur (médiane : 9 cm dans la littérature), l’absence de capsule en imagerie, d’aspect pseudo-kystique et de foyer hémorragique ou de nécrose. Il n’a pas été réalisé de cytoponction, car celle-ci est peu informative et non dénuée de risque de dissémination (6). L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire est essentiel pour l’établissement du diagnostic. L’absence d’expression des marqueurs neuroendocriniens, comme la chromographine A et la synaptophysine, est un argument décisif, tout comme la présence de l’expression des marqueurs vimentine et énolase neurospécifique (7). L’évolution générale après exérèse chirurgicale est bonne mais imprévisible. L’existence de métastases péritonéales et/ou hépatiques, bien qu’exceptionnelles et généralement synchrones, impose une surveillance. Les tumeurs pseudo-papillaires et solides du pancréas sont rares et de diagnostic difficile. Leur aspect morphologique est très variable. Il faut savoir y penser devant toute tumeur pancréatique chez la femme jeune. Le risque de dissémination contre-indique la biopsie percutanée. L’exérèse chirurgicale permet l’examen histologique. Elle entraîne le plus souvent une guérison. Une surveillance s’impose toutefois. " Mots clés : Tumeur pseudo-papillaire et solide du pancréas – Imagerie par résonance magnétique. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Frantz VK. Tumors of the pancreas. Atlas of tumors pathology. Washington DC : Frantz VK ed, 1959, fascicles 27-28 : 32-3. 2. Pasquiou C, Scoazec JY, Gentil-Perret A et al. Tumeurs pseudo-papillaires et solides du pancréas. Étude anatomo-clinique de 13 cas. Gastroenterol Clin Biol 1999 ; 23 : 207-14. 3. Wrba F, Chott A, Ludvik B et al. Solid and cystic tumor of the pancreas : a hormonal-dependent neoplasm ? Histopathology 1988 ; 12 : 338-40. 4. Buetow PC, Buck JL, Pantongrag-Brown L et al. Solid and papillary epithelial neoplasm of the pancreas : Imaging-pathologic correlation on 56 cases. Radiology 1996 ; 199 : 707-11. 5. De Calan L, Le Bodic MF, Vilgrain V. Les tumeurs pseudo-papillaires et solides. Les tumeurs kystiques du pancréas. Paris : Arnette ed, 1997 : 109-17. 6. Levy P, Bougaran J, Gayet V. Carcinose péritonéale diffuse d’une tumeur pseudopapillaire et solide du pancréas : rôle d’un traumatisme abdominal. Gastroenterol Clin Biol 1997 ; 21 : 789-93. 7. Moroshi T, Kanda M, Horie A et al. Immunocytochemical markers of uncommon pancreatic tumors. Acinar cell carcinoma, pancreatoblastoma and solid cystic (papillary-cystic) tumor. Cancer 1987 ; 59 : 739-7. CESSIM : Les Lettres et Les Actualités sur le podium! Les résultats annuels du CESSIM, organisme de mesure d’audience des revues médicales, ont été publiés dans le courant de l’été. Les Lettr es et Les A ctualités Lettres ctualités éditées par notre groupe de presse sont sur le podium dans les spécialités étudiées : # La Lettr e de l’Hépato-g astroentér oentérologue ologue : Lettre l’Hépato-gastr # La Lettr e d’ORL : Lettre # La Lettr e du Rhumatologue Lettre Rhumatologue : # La Lettr e du Cardiologue Lettre Cardiologue : # Les A ctualités ologie : ctualités en Gastroentér Gastroentérologie # La Lettr e du Gynécologue : Lettre 1re 1re (sur 9 revues*) 2e 3e (sur 10 revues*) 3e 3e (sur 9 revues*) (sur 9 revues*) (sur 18 revues*) (sur 11 revues*) * revues qui remplissent les conditions minimum de classement édictées par le CESSIM 206 La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2001