La Lettre du Cardiologue - n° 354 - avril 2002
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▲PRÉVENTION DES ACCIDENTS CORONAIRES
PAR LES ANTITHROMBOTIQUES
T. Lecompte (Nancy) a rappelé les recommandations actuelles
(6econsensus nord-américain d’experts, European Society of Car-
diology, SFAR), qui sont de traiter par un inhibiteur plaquettaire
tous les malades avec athérothrombose symptomatique. En pra-
tique, le traitement repose en première intention sur l’aspirine, à
la dose quotidienne d’au moins 75 mg par jour, et, dans les situa-
tions aiguës, à une dose de charge de 160 mg. Cette stratégie évite
38 infarctus du myocarde pour 1 000 patients traités (évaluation
à un mois de traitement dans ISIS 2), 50 angors instables pour
1000 patients traités (suivi : 6 mois de traitement), au prix de la
survenue d’un ou deux événements secondaires sévères pour
1000 patients traités (hémorragies digestives, intracrâniennes).
Les AVK restent un traitement complémentaire de l’aspirine chez
les patients à haut risque thromboembolique (IDM étendu, ané-
vrisme du VG ou thrombus, tachyarythmie, insuffisance cardiaque
chronique). Seules des données issues de larges essais randomi-
sés permettraient de mieux préciser leur indication.
La méta-analyse de l’Anti-Platelet Trialist Collaborative Group
a confirmé la place centrale de l’aspirine dans la prévention secon-
daire comme la prévention primaire, au moins chez les sujets à
risque. Ces résultats ont pu être étendus à d’autres antiagrégants
plaquettaires, tels que les thiénopyridines. Ph.G. Steg (Paris)
a ainsi rappelé les résultats de l’étude CAPRIE, qui a démontré,
en prévention secondaire, l’efficacité du clopidogrel pour préve-
nir les accidents coronaires, avec une diminution du risque rela-
tif de l’ordre de 8 à 9 %. La tolérance était meilleure que celle de
l’aspirine, mais le coût en était sensiblement plus élevé. L’inté-
rêt de la combinaison aspirine-clopidogrel, largement démontré
dans la prévention des thromboses de stents, a été précisé après
un syndrome coronaire aigu (angor instable ou IDM sans sus-
décalage du segment ST) dans les études CURE et PCI-CURE.
Ces deux études ont montré le bénéfice d’une telle association
dans la prévention à moyen terme des récurrences, au prix d’un
accroissement du risque hémorragique. Cet effet protecteur sur-
venait précocement et semblait se prolonger, même s’il était non
significatif sur le plan statistique, après le premier mois (dans
PCI-CURE). Le bénéfice d’une telle association chez les malades
ayant bénéficié d’une revascularisation complète (dans PCI-
CURE notamment) se discute : l’intérêt du traitement est alors
moindre et doit être mis en balance avec son coût et l’excès d’ac-
cidents hémorragiques. L’essai CREDO, actuellement en cours,
devrait pouvoir répondre à cette question.
Les thiénopyridines sont donc efficaces en prévention secondaire
des accidents coronaires, et peuvent même constituer une alter-
native à l’aspirine. En association avec l’aspirine, elles permet-
tent de prévenir non seulement les thromboses après mise en place
d’un stent, mais aussi le risque de récurrence dans les syndromes
coronaires aigus sans sus-décalage du segment ST.
Quant aux anti-GPIIb/IIIa oraux, une récente méta-analyse (Chew
et al. Circulation 2001) n’a montré aucun bénéfice, et a même
révélé une augmentation des accidents hémorragiques.
Ainsi, les moyens de prévention secondaire après un syndrome
coronaire aigu augmentent, mais leur application en clinique reste
parfois difficile. G. Montalescot (Paris) a plaidé pour une utili-
sation raisonnée, adaptée à chaque patient, à partir des données
scientifiques disponibles. Pour l’angor instable, le traitement de
référence reste à définir. À la phase aiguë, outre l’aspirine, plu-
sieurs alternatives existent : l’anticoagulation peut se faire par
l’héparine non fractionnée ou l’emploi d’une héparine de bas
poids moléculaire (HBPM) ; si une trithérapie est envisagée, on
utilisera le clopidogrel ou un inhibiteur de GPIIb/IIIa. Le pro-
blème de la posologie se posera alors devant ces associations. La
stratégie de traitement intervient également : ainsi, la décision
d’une stratégie invasive précoce entraînera nécessairement une
utilisation différente de ces antithrombotiques, afin de minimi-
ser le risque hémorragique (avec les anti-GPIIb/IIIa et les HBPM
notamment). Il faut aussi envisager le problème des “doubles indi-
cations”, par exemple chez un patient qui nécessite la prise d’un
AVK (prothèse mécanique, ACFA...) et qui se présente pour un
syndrome coronaire aigu : on peut ainsi proposer, par exemple,
le remplacement transitoire de l’AVK par une HBPM, en asso-
ciation avec de l’aspirine, auxquelles sera ajouté le clopidogrel
après la mise en place d’un stent. Ce traitement sera poursuivi
pendant quatre semaines, puis les AVK seront repris à l’arrêt du
clopidogrel, les HBPM étant arrêtées une fois l’INR cible atteint.
La difficulté, souligne G. Montalescot, réside dans la diversité
des situations rencontrées et la richesse des choix thérapeutiques.
La mise en place d’un traitement antithrombotique doit donc se
faire avec bon sens, sur la base des données scientifiques dispo-
nibles, pour un patient donné, le meilleur traitement étant celui
qui permet d’obtenir le meilleur rapport tolérance/contrainte pour
le patient au prix d’un rapport efficacité/contrainte acceptable
pour le praticien. A. Scheublé
▲PRISE EN CHARGE NON PHARMACOLOGIQUE
DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE TERMINALE
Traitement chirurgical de la cardiopathie ischémique avec dys-
fonction ventriculaire gauche systolique
Si des résultats significatifs sont obtenus en termes de mortalité
hospitalière par insuffisance cardiaque ou événements corona-
riens aigus (6,6 % chez les moins de 70 ans) et s’il existe une
amélioration de la FEVG (de 23 à 39 %), on note en revanche
que la chirurgie de pontage ne diminue pas le risque d’arythmies
ventriculaires graves.
L’enjeu principal reste la sélection des patients de façon à conser-
ver un bénéfice à l’intervention. Les critères défavorables à une
approche chirurgicale proposés sont : un âge supérieur à 70 ans, un
diamètre télédiastolique du ventricule gauche (DTDVG) supérieur
à 80 mm, un index cardiaque bas (< 1,6 l/mn/m2), des pressions pul-
monaires élevées (PAPS > 40 mmHg), et surtout l’absence de via-
bilité résiduelle, dont l’évaluation semble déterminante par les dif-
férentes méthodes disponibles, qui sont, dans l’ordre préférentiel
proposé : l’échographie dobutamine, l’IRM avec injection de gado-
linium, la scintigraphie au thallium de repos avec redistribution et
le PET scan.