Enfin une alternative RÉFLEXION SUR… … l’étude RE-LY

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RÉFLEXION SUR…
… l’étude RE-LY
Enfin une alternative
aux AVK !
Gérard Helft, Michel Komajda (Institut de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)
L’
étude RE-LY, communiquée et publiée en septembre 2009, a évalué un nouvel anticoagulant, le dabigatran, comparativement au
traitement de référence représenté par les anti-vitamines K (AVK), chez des patients en fibrillation auriculaire (FA) avec au moins
un facteur de risque thrombo-embolique. Les deux posologies testées (110 mg et 150 mg x 2/j) ont chacune démontré un bénéfice
clinique par rapport à l’AVK de référence, la warfarine, la posologie la plus faible (110 mg x 2/j) permettant de réduire significativement
le risque hémorragique tout en ayant la même efficacité que les AVK, la posologie la plus forte (150 mg x 2/j) permettant de réduire
significativement le risque embolique d’accident vasculaire cérébral (AVC) sans augmenter le risque hémorragique.
Il s’agit incontestablement d’une avancée majeure
dans le traitement préventif des complications
de la FA. La mise à disposition prochaine du dabigatran mérite que nous rappelions dans quel
contexte s’inscrit cette innovation thérapeutique.
Les données épidémiologiques nous enseignent que la
fibrillation auriculaire est une pathologie dont l’incidence
augmente avec l’âge (près de 10 % des sujets de 80 ans
font de la FA paroxystique ou permanente, silencieuse ou
non). La gravité de la FA ne doit pas être sous-estimée car
sa présence augmente le risque de décès et d’AVC. Les AVK
réduisent ce risque d’environ 60 %, mais ils augmentent
parallèlement le risque hémorragique. Compte tenu du
rapport bénéfice/risque, les AVK sont indiqués chez les
patients en FA à risque embolique élevé, c’est-à-dire dès
que le score CHADS2 est supérieur ou égal à 2 (tableau).
Tableau. Score CHADS2.
Réflexion de...
Score attribué
Antécédent d’AVC ou d’AIT
2
Âge > 75 ans
1
HTA
1
Diabète
1
Insuffisance cardiaque
1
Cependant, les AVK ont des inconvénients car ils sont
sujets à de nombreuses interactions médicamenteuses et
alimentaires. D’autre part, ils nécessitent des contrôles
biologiques fréquents pour faire en sorte que l’INR soit
entre 2,0 et 3,0. Ces difficultés d’utilisation expliquent
la sous-utilisation élevée des AVK chez les sujets âgés.
32 | La Lettre du Cardiologue • n° 435 - mai 2010 Dans la pratique quotidienne, le temps relativement
court passé dans la fourchette thérapeutique (INR entre
2,0 et 3,0 : dans 50 % des cas seulement) explique les
risques de non-protection thrombotique et d’hémorragie.
C’est dans ce contexte que se situe une recherche intensive de nouveaux antithrombotiques actifs par voie orale.
Le ximélagatran avait réussi à démontrer son intérêt et
était sur le point de pouvoir être utilisé en prévention
des accidents thrombo-emboliques de la FA, lorsqu’une
hépatotoxicité rarissime mais sévère a entraîné son retrait.
Le dabigatran, nouvel anti-thrombine, est donc l’objet de
toutes les attentions pour détecter une éventuelle hépatotoxicité. L’étude RE-LY et l’ensemble des travaux concernant cette molécule semblent écarter cette crainte, aucune
élévation des enzymes hépatiques ou perturbation hépatobilaire ne survenant plus fréquemment que sous AVK.
Les avantages du dabigatran sont multiples. C’est un puissant inhibiteur direct de la thrombine, excrété principalement (80 %) par le rein. Il s’agit d’une prodrogue orale
qui est convertie en dabigatran par une estérase. Et, ce
qui est important, il ne nécessite ni ajustement de dose,
ni surveillance de la coagulation. Il est déjà connu de nos
collègues anesthésistes et chirurgiens, car il est d’ores et
déjà indiqué dans la prévention primaire des événements
thrombo-emboliques veineux lors de la mise en place d’une
prothèse totale de hanche ou de genou, à raison d’une prise
orale par jour à la posologie de 220 mg (sauf chez le sujet
de plus 75 ans, l’insuffisant rénal modéré ou celui traité par
amiodarone, chez lesquels la posologie est de 150 mg/j).
L’étude RE-LY est un grand essai de non-infériorité qui a
inclus plus de 18 000 patients en FA ayant un facteur de
risque thrombo-embolique : AVC ancien, fraction d’éjec-
RÉFLEXION SUR…
… l’étude RE-LY
d’un décès, de celle d’un événement vasculaire et de celle
d’une hémorragie grave est significativement augmenté
par l’utilisation du dabigatran à la posologie la plus élevée.
En résumé, l’étude RE-LY a montré que les deux posologies de dabigatran testées ont objectivé des avantages
substantiels par rapport aux AVK. L’absence de contrôles
biologiques répétés est en particulier une petite révolution dans le suivi de ces patients. En revanche, RE-LY
ne répond pas à la question de savoir quelle posologie
est nécessaire pour quels patients. Les deux posologies ont des avantages, la posologie la plus faible sera
sans doute choisie chez les patients considérés comme
étant à risque hémorragique élevé ou les patients
très âgés. Les excellents résultats du dabigatran vont
permettre la mise à disposition prochaine de cette
molécule dans l’indication de la fibrillation auriculaire.
Nous entrons dans une nouvelle ère des traitements anticoagulants au long cours. Le dabigatran sera le premier
antithrombotique que nous pourrons utiliser comme
alternative aux AVK, à moins que les AVK ne deviennent
l’alternative au dabigatran…
Réflexion de...
tion (FE) inférieure à 40 %, dyspnée NYHA supérieure ou
égale à 2, patient âgé de plus de 75 ans, ou entre 65 et
74 ans s’il est diabétique, hypertendu ou coronarien. Le
critère principal de l’étude était la survenue d’un AVC
ou d’une embolie systémique. Le résultat de l’essai est
sans ambiguïté. La survenue d’une embolie systémique
ou cérébrale est réduite par le dabigatran à la posologie
la plus forte (150 mg x 2/j) : non seulement sa non-infériorité par rapport à la warfarine est démontrée, mais
sa supériorité l’est également. À cette posologie, il n’y
a pas de différence significative entre le dabigatran et
la warfarine en ce qui concerne les événements hémorragiques graves indésirables. Avec la posologie la plus
faible de dabigatran (110 mg x 2/j), les hémorragies graves
sont réduites significativement par rapport à la warfarine,
avec un risque d’AVC équivalent à celui existant sous AVK.
Ces excellents résultats ne doivent pas occulter le fait que
la tolérance digestive du dabigatran est inférieure à celle
des AVK, ce qui se traduit par la survenue de dyspepsies
chez 11,5 % de patients (versus 5,8 % sous AVK) et celle
d’hémorragies digestives plus fréquentes. Cependant, le
bénéfice clinique net, associant la diminution de la survenue
Pour en savoir plus...
onnolly SJ, Ezekowitz MD, Yusuf S et al. Dabigatran versus
C
warfarin in patients with atrial fibrillation. N Engl J Med 2009;
361(12):1139-51.
Conflit d’intérêts. Gérard Helft et Michel Komajda déclarent avoir
participé à des symposiums organisés par Boehringer Ingelheim
en tant qu’orateurs.
La Lettre du Cardiologue • n° 435 - mai 2010 | 33 
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