Le renforcement musculaire isocinétique sur le membre inférieur

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Institut de formation régional aux métiers de la rééducation et
réadaptation
54, rue de la Baugerie - 44230 SAINT- SEBASTIEN SUR LOIRE
Le renforcement musculaire isocinétique sur le
membre inférieur parétique chez les patients
hémiplégiques et l’impact sur la qualité de marche.
Royer Maude
2011-2012
REGION DES PAYS DE LA LOIRE
Résumé :
Le renforcement musculaire en neurologie centrale est une nouvelle approche de la
rééducation du patient hémiplégique. La littérature fait un lien entre l’augmentation de la
force musculaire et les capacités fonctionnelles à la marche des personnes hémiplégiques.
C’est pourquoi nous avons étudié l’application du renforcement musculaire isocinétique
excentrique sur trois patients hémiplégiques, au vu de l’amélioration de leur qualité de
marche. Nous avons renforcé les muscles du genou, sur machine d’isocinétisme, pendant
quatre semaines. Dans l’étude présentée, ce type de renforcement musculaire n’a pas
démontré de corrélation avec l’amélioration des défauts de marche des patients. En revanche,
au regard de la littérature, des arguments sont en faveur d’une éventuelle modification de la
qualité de marche, par l’application de cette méthode de rééducation.
Mots clefs:




Isocinétisme

Isokinetics

Hemiplegia

Walking

Strength training
Hémiplégie
Marche
Renforcement
musculaire
Sommaire
Introduction : ........................................................................................................................................... 1
1-Approche théorique : ............................................................................................................................ 2
1.1)
L’hémiplégie : .......................................................................................................................... 2
1.2)
Les différentes approches rééducatives pour les patients hémiplégiques :.............................. 3
1.3)
Les différents types de contraction musculaire ....................................................................... 5
1.4)
Les appareils d’isocinétisme : ................................................................................................. 6
1.5)
Biofeedback visuel et plasticité cérébrale : ............................................................................. 7
1.6)
Qualité de marche et marche du patient hémiplégique : ......................................................... 8
2-Analyse d’études : .............................................................................................................................. 10
3-Etude de cas : ..................................................................................................................................... 13
3.1.Introduction : ............................................................................................................................... 13
3.2. Matériel et méthode : .................................................................................................................. 14
3.2.1. Population étudiée : ............................................................................................................. 14
3.2.2. Présentation de l’étude : ...................................................................................................... 15
Le protocole :............................................................................................................................. 15
Les évaluations cliniques :......................................................................................................... 15
3.3. Résultats : ................................................................................................................................... 18
4-Discussion : ........................................................................................................................................ 23
Conclusion :........................................................................................................................................... 27
Références ............................................................................................................................................. 29
Annexes ................................................................................................................................................. 34
Introduction :
« Dans les pays occidentaux, l’AVC (accident vasculaire cérébral) est la première
cause de handicap acquis de l’adulte, la deuxième cause de démence après la maladie
d’Alzheimer et la troisième cause de mortalité. En France, l’incidence annuelle est de 1,6 à
2,4/1 000 personnes tous âges confondus, soit de 100 000 à 145 000 AVC par an, avec 15 à
20 % de décès au terme du premier mois et 75 % de patients survivant avec des séquelles; la
prévalence annuelle des AVC est de 4 à 6/1 000 personnes tous âges confondus » [1].
Les conséquences de l’AVC sont variables. Tout dépend de la localisation de la lésion
dans le cerveau et de son importance. L’AVC peut toucher les zones du cerveau ayant pour
fonction d’activer la motricité et entraîner une paralysie totale ou partielle de la moitié du
corps, du côté opposé à la lésion. Lorsque tout l’hémicorps est touché, nous désignons cette
pathologie sous le vocable « hémiplégie ». D’autre part, la lésion peut toucher les zones
sensorielles et engendrer des troubles du langage, des aphasies, des troubles de l’écriture, de
la vision, des troubles cognitifs, du comportement.
Il faut savoir que parmi les patients atteints d’un AVC, 50% retournent à leur
domicile, ce sont des patients ayant fait un accident ischémique transitoire ou ayant des
séquelles légères d’emblée , 25% relèvent d’une hospitalisation en médecine physique et
réadaptation; et enfin 15% relèvent d’une autre prise en charge, ils peuvent soit être affectés
dans un service de soins de suite médicalisés, soit être placés dans une unité gériatrique, ou
bien dans une unité de soins de longue durée en fonction de leur âge et de leurs besoins [2].
Par ailleurs, les AVC sont un véritable problème de santé publique en France dans la
mesure où les dépenses sanitaires et médico-sociales annuelles sont estimées à 8,4 milliards
d’euros. À titre indicatif, sur la période 2010-2014, le plan d’action national AVC mobilise
près de 134 millions d’euros [3].
Lors de mon stage de septembre-octobre 2011 au centre de rééducation et réadaptation
de Saint Hélier à Rennes, j’ai été amenée à rééduquer des patients atteints de cette pathologie.
La rééducation kinésithérapique menée pour ces patients différait de celles que j’avais déjà
vues dans d’autres centres. En effet, cet établissement est muni d’appareils d’isocinétisme.
Lorsque j’ai cherché à savoir quel type de patients en bénéficiait, l’équipe de
kinésithérapeutes m’a appris que les patients atteints d’hémiplégie, faisaient partie du groupe
1
de malades pour lequel ces appareils étaient destinés. Or dans l’enseignement et parmi les
professionnels, la question du renforcement musculaire chez les patients hémiplégiques se
pose encore. J’ai donc voulu approfondir cette problématique, en m’intéressant aux bénéfices
que pouvait apporter cette machine dans la rééducation du patient hémiplégique. C’est au
cours de mes lectures que je me suis rendue compte que plusieurs études faisaient un lien
entre la faiblesse de la force musculaire et le handicap à la marche chez le patient
hémiplégique. Ainsi j’ai décidé de me centrer sur la thématique suivante : dans quelle mesure
le renforcement musculaire isocinétique excentrique sur le membre inférieur parétique chez
les patients hémiplégiques a-t-il un impact sur la qualité de marche ?
Dans la première partie du mémoire, nous expliquerons les notions théoriques
nécessaires à la compréhension de l’ensemble du sujet. Dans la seconde partie, nous
exposerons le fruit de nos recherches à propos du renforcement musculaire isocinétique chez
les patients hémiplégiques. Enfin, dans la troisième partie, nous nous intéresserons à l’étude
menée sur trois patients hémiplégiques sur le lieu de stage ; ce qui permettra de se faire une
idée de l’utilité de cette machine.
1- Approche théorique :
1.1) L’hémiplégie :
L’hémiplégie est la paralysie d’un hémicorps. L’hémiplégie est une atteinte centrale,
due à une lésion du faisceau pyramidal. L’atteinte pyramidale se traduit par la perte de la
motricité volontaire, une hypertonie spastique, une exagération des réflexes tendineux et une
abolition des réflexes cutanés d’un hémicorps. Il existe différents tableaux cliniques qui
dépendent de la localisation de la lésion au niveau de la voie pyramidale. Le faisceau de la
voie pyramidale se rassemble dans le centre ovale du cerveau, puis gagne la capsule interne,
le pied du pédoncule cérébral, décusse à la partie basse des pyramides bulbaires et descend
ensuite dans les cordons antérolatéraux de la moelle épinière (cf. fig.1). En ce qui concerne
l’hémiplégie la lésion peut se faire à différents niveaux : hémisphère cérébral, capsule interne,
tronc cérébral ou encore moelle épinière. Lors d’une lésion au-dessus du tronc cérébral les
symptômes sont controlatéraux à la lésion, du fait de la décussation de la voie pyramidale
dans le tronc cérébral. Les causes principales des hémiplégies sont les traumatismes crâniens,
les AVC et les tumeurs [4]. Au début de la prise en charge le muscle en périphérie reste sain,
2
c’est la commande motrice qui est déficitaire. « Cependant, l’atteinte musculaire secondaire à
la sous-utilisation du membre déficient devient très rapidement un élément important à
considérer » [5]. En rééducation, les moyens mis en œuvre pour pallier ces déficits sont
multiples et divers.
Fig.1 : Trajet de la voie pyramidale
1.2)
Les différentes approches rééducatives pour les patients hémiplégiques :
La rééducation est basée sur des concepts, comme celui de Perfetti ou encore celui de
Bobath.
La rééducation de type Perfetti, correspond à un exercice thérapeutique cognitif où le
patient doit reconnaitre des formes, des trajectoires, des textures… Il existe trois degrés
d’exercice. Le premier degré consiste en la mobilisation du patient par le thérapeute, le
deuxième implique une participation du sujet au mouvement et le troisième conduit le patient
à exécuter seul le mouvement. Pour les trois niveaux le patient a les yeux fermés. « La
rééducation devient alors un processus d'apprentissage où les exercices sont considérés
comme des " problèmes " à résoudre qui, par l'activation de ces différentes opérations
mentales, conduisent au fractionnement correct du corps » [6]. De cette manière la
récupération motrice serait influencée par des processus cognitifs comme l’attention, la
mémoire, la perception, la résolution de problème, qui donnent à l’homme la capacité
d’interagir sur le monde. Les principaux éléments pathologiques fondamentaux traités par
cette méthode de rééducation sont la réaction anormale à l’étirement (la spasticité), le déficit
3
de recrutement des unités motrices, l’irradiation anormale et la présence de schèmes
élémentaires. La prise en charge de ces différents symptômes par la méthode Perfetti peut
donc améliorer la marche du patient hémiplégique. Qu’en est-il de la rééducation selon le
concept de Bobath ?
La rééducation de Bobath peut être comparée à l’Ecole de la qualité du geste ; c’est
« ressentir le mouvement normal pour apprendre ou retrouver le mouvement normal » [7].
C’est une technique neuromotrice facilitatrice. Cela se fait par l’inhibition des phénomènes
sensitivomoteurs parasites. C’est le masseur kinésithérapeute qui va, par la stimulation de
certains points clefs du corps, inhiber la spasticité afin de faciliter le mouvement. Le but de
cette technique est bel et bien d’améliorer la qualité du geste et de ce fait d’améliorer le
schéma de marche du patient hémiplégique [8]. En quoi ces deux méthodes de rééducation
sont-elles remises en cause à l’heure actuelle ?
La rééducation de Bobath et de Perfetti exclut le renforcement musculaire en
neurologie centrale, et cela a été appliqué pendant des années. Les raisons se veulent pleines
de bon sens clinique. En effet, selon eux, non seulement le renforcement musculaire
augmenterait la spasticité, mais de plus, il n’est pas nécessaire car, la lésion étant cérébrale,
elle touche la commande motrice volontaire, le muscle périphérique est sain, il retrouvera sa
force lorsque la commande sera présente. Enfin, ils considèrent que cette pratique fatigue
inutilement le malade [9].
À l’heure actuelle, les approches diffèrent. Aujourd’hui, nous prenons en
considération d’une part les troubles directement en rapport avec la lésion cérébrale et d’autre
part les troubles en lien avec la pathologie musculaire secondaire. En effet, selon S. Rouleaud
nous observons chez les patients hémiplégiques une atrophie musculaire, en particulier
l’atrophie des fibres rapides du muscle (fibre de type II), une perturbation dans le recrutement
des unités motrices et dans leur mode de décharge, des modifications ultrastructurales et
électrophysiologiques des muscles parésiés [10]. D’où l’importance de traiter cette pathologie
musculaire secondaire par un travail musculaire adapté. Les concepts de Bobath et de Perfetti
sont deux méthodes de rééducation qui ne peuvent pas prévenir cette anomalie musculaire. En
effet, elles « mettent l’accent uniquement sur le contrôle du mouvement, ce qui amène à une
négligence de l'importance de la force musculaire, de la production de la force et de la vitesse
4
du mouvement » [7]. Ce constat nous invite à engager une réflexion sur les techniques de
renforcement musculaire connues à l’heure actuelle.
1.3)
Les différents types de contraction musculaire [11] :
Les modes de contractions musculaires utilisés en rééducation sont soit l’isométrique
(le statique) ou l’anisométrique (le dynamique). Le mode anisométrique comprend le
concentrique, l’excentrique ou le pliométrique.
Le renforcement musculaire concentrique consiste à un rapprochement des insertions
du muscle. Tandis qu’en excentrique les insertions du muscle s’éloignent, la résistance
opposée au mouvement est supérieure à la force développée par le muscle, il s’agit d’un
travail freinateur de la part du patient. Enfin, le travail pliométrique opère l’enchaînement,
pour un même muscle, d’une contraction excentrique suivie d’une contraction concentrique,
l’exemple qui l’illustre est un saut sur place.
D’autre part, il existe le travail musculaire isocinétique. Il se définit comme étant un
travail musculaire dynamique effectué à vitesse constante. Il se fait par l’intermédiaire d’un
procédé instrumental ; qui permet d’adapter la résistance à la force développée par le groupe
musculaire. De plus, avec ce type de machine, nous pouvons travailler un muscle ou un
groupe musculaire en concentrique, excentrique ou isométrique.
Dans le cadre de l’étude menée lors de mon stage, les trois patients hémiplégiques ont
eu à effectuer un travail musculaire isocinétique excentrique.
L’intérêt du renforcement musculaire excentrique est multiple. Le mode de
contraction excentrique est présent dans de nombreuses activités de la vie courante. En effet
lors de la marche, les muscles se contractent préférentiellement sur un mode excentrique. De
plus, chez des patients hémiplégiques spastiques, le travail excentrique semble plus adapté,
car lors d’une contraction musculaire en concentrique le muscle antagoniste au mouvement
est étiré. Chez des sujets spastiques, cet allongement peut déclencher le réflexe à l’étirement,
d’autant plus que la vitesse sera élevée. Lors du mouvement excentrique ce réflexe est
déclenché dans le muscle agoniste, et le patient lutte contre les rétractions par le travail
freinateur, de ce fait, le réflexe à l’étirement ne se déclenche pas. Prenons l’exemple du travail
du quadriceps en isocinétique excentrique ; le patient lutte contre la résistance de la machine à
5
vouloir plier son genou, et par conséquent il combat contre les rétractions du muscle agoniste.
Par ailleurs, le travail excentrique requiert moins d’énergie que le travail concentrique [10].
Dans le cadre de ce renforcement musculaire, nous avons choisi d’associer, pour ces
trois patients, un travail musculaire excentrique à un travail isocinétique.
Les avantages de ce mode de contraction musculaire sont nombreux. Il permet
d’adapter la force musculaire maximale à la force du sujet à l'instant "t" en ajustant la
résistance via le système informatique. De plus, il favorise une augmentation harmonieuse de
la force sur l'ensemble de la relation Tension / Longueur. Par ailleurs, il sollicite plus
sélectivement les fibres rapides, qui sont atrophiées chez la personne hémiplégique [12].
Enfin, il permet de s’adapter à la fatigue musculaire [13].
Les inconvénients majeurs de ce type de renforcement musculaire, sont la nécessité
d’effectuer une formation à l'appareil pour le masseur kinésithérapeute, ainsi que son coût
financier élevé [13]. Pour mettre en place le protocole de renforcement musculaire
isocinétique excentrique nous avons eu recours à la machine Cybex (cf. fig.2). Intéressonsnous maintenant au principe d’utilisation de celle-ci.
Fig. 2 : Machine Cybex.
1.4)
Les appareils d’isocinétisme :
Les appareils d’isocinétisme sont décrits en trois modules : le dynamomètre, les
accessoires et le système informatique. Le système informatique permet au patient de
visualiser sur un écran sa contraction musculaire de manière immédiate, ce que l’on peut
nommer rétrocontrôle visuel. « Le fonctionnement des appareils d’isocinétisme repose sur
deux principes de biomécanique qui sont la maîtrise de la vitesse et l’asservissement de la
6
résistance » [14]. Lors de la maîtrise de la vitesse, la machine impose une vitesse constante au
mouvement du segment de membre, au lieu de lui imposer une résistance fixe. Lors de
l’asservissement de la résistance, celle-ci varie et s’auto-adapte en tous points du mouvement,
pour être égale à la force développée par le muscle, lorsque la vitesse présélectionnée est
atteinte. Ces machines permettent une évaluation quantitative de la force musculaire, ainsi
qu’un renforcement sélectif de groupes musculaires. « Les paramètres mesurés par
isocinétisme ont une reproductibilité satisfaisante si les tests sont réalisés pour un même sujet,
sur le même appareil et par un seul et même examinateur expérimenté » [14].
Il existe des contre-indications relatives et absolues à l’utilisation de ces machines,
comme la douleur invalidante, les pathologies cardio-vasculaires non équilibrées, les
épilepsies, les troubles cognitifs et les troubles de la compréhension [14].
La description du type de renforcement musculaire utilisé pour cette réflexion nous
replace au cœur de la problématique : quel est le lien avec une amélioration possible de la
qualité de marche du patient hémiplégique ? Pour cela, l’explication de certaines notions
spécifiques aux patients hémiplégiques est nécessaire.
1.5)
Biofeedback visuel et plasticité cérébrale :
Suite à un AVC, certaines zones du cerveau se retrouvent lésées. Il existe un
mécanisme naturel de la reconstruction du cerveau que l’on nomme : plasticité cérébrale. La
plasticité cérébrale est la capacité du cerveau à se modifier lui-même par une réorganisation
des réseaux neuronaux. Cette modification est possible par l’entrainement et la répétition du
geste déficitaire. De ce fait, la rééducation stimule cette plasticité cérébrale, car elle sollicite le
cerveau de plusieurs manières par les différents exercices proposés, pour favoriser la
récupération de la commande motrice [15], [16].
En quoi le biofeedback visuel, de la machine d’isocinétisme, peut-il avoir un rôle sur
la plasticité cérébrale ?
Le biofeedback est une méthode permettant à un individu de prendre conscience de
certains processus physiologiques dont il est habituellement inconscient par l’intermédiaire
d’une instrumentalisation électronique, qui fournit une information immédiate et continue
par des signaux auditifs ou visuels. C’est une technique qui permet d’objectiver les
performances du patient [17]. Il pourra ainsi corriger ses défauts et améliorer son potentiel.
7
« Dans la rééducation de la commande motrice, le biofeedback permet de révéler puis de
renforcer certains mouvements déficitaires» [18]. « Lorsqu'un signal de rétroaction avertit le
patient, l'accroissement de sa performance motrice est meilleure» [19]. Prendre conscience
c’est donc prendre contrôle. Le biofeedback par lui-même ne fait rien à l’individu, il n’est
qu’un instrument qui permet au patient de se dépasser (cf. annexe n°4).
« Basmajian a déterminé qu'il permet le développement de nouvelles voies de
transmission et la sollicitation de voies de transmission cérébrale existantes. Wolf évoque
l'activation de synapses inactives ou sous-utilisées par les signaux de rétroaction lors de
l'exécution de commandes motrices » [19]. Ainsi il se peut que la pratique répétée et
intensive de ce type d’exercice ait un rôle à jouer dans la plasticité cérébrale et donc de la
récupération motrice.
Les machines d’isocinétisme sont dotées de ce système. Par conséquent, nous
pouvons envisager qu’une rééducation isocinétique ait une incidence sur la plasticité
cérébrale. Le biofeedback permettant une meilleure performance motrice et optimisant le
recrutement des unités motrices concernées, nous pouvons postuler que le renforcement
musculaire isocinétique soit capable d’intervenir sur la qualité motrice. Mais comment
définir « la qualité motrice » ?
1.6)
Qualité de marche et marche du patient hémiplégique :
La marche physiologique :
Par convention, le cycle de marche normal débute lorsque le talon d'un pied se pose et
se termine lorsque ce même talon se pose à nouveau de manière consécutive sur le sol. Il
comprend deux phases essentielles que sont la phase d'appui et la phase oscillante, et il dure
environ une seconde. La phase d’appui dure 60% du cycle et la phase oscillante dure 40%
du cycle de marche.
La phase d’appui se découpe en trois temps. Le premier temps correspond à l’attaque
du talon au sol (roulement talonnier), le deuxième temps correspond à l’équilibre sur un pied
(roulement talaire), et enfin le troisième temps correspond au décollement du pied
(roulement métatarsien et phalangien). La phase oscillante correspond au passage du pas
[20], [21]. La figure 3 représente un cycle de marche physiologique.
8
Marche du patient hémiplégique :
La marche du patient hémiplégique présente de nombreux défauts qui la rendent
inesthétique et non fonctionnelle. Les principaux paramètres temporaux spatiaux altérés
sont, la vitesse de marche, qui est souvent réduite par rapport à la norme ; la longueur du pas
qui est restreinte du côté hémiplégique. Le temps portant du côté sain est plus long que le
temps portant du côté hémiplégique. Enfin la durée du double appui est fréquemment accrue.
En ce qui concerne les données cinématiques, nous retrouvons généralement une insuffisance
d’extension de hanche lors du temps portant et de flexion lors du temps oscillant. Au niveau
du genou, nous remarquons régulièrement une insuffisance de flexion, voire un recurvatum,
au temps portant et une insuffisance de flexion au temps oscillant. Enfin au niveau de la
cheville, lors du temps portant nous avons personnellement plus fréquemment observé une
insuffisance de flexion dorsale, contrairement à ce que décrit E. Viel, et un excès de flexion
plantaire à l’attaque du pas [20].
Qualité de marche :
Nous parlons de « qualité de marche », quand toutes les phases du cycle de marche
sont respectées et que rien ne vient altérer à la réalisation du mouvement. La qualité de
marche, que le patient hémiplégique souhaite acquérir, peut être définie comme une marche
étant la plus physiologique possible (cf. fig.3).
Fig.3 : Cycle de marche physiologique
« La récupération du membre inférieur hémiplégique après AVC est souvent
favorable, 80% des patients retrouveront une marche indépendante, avec ou sans aide.
L’objectif de la rééducation de la marche est l’autonomie ambulatoire et l’amélioration des
performances : en sécurité, en vitesse, en efficacité, et en esthétique » [10].
9
Nous avons compris que la rééducation de la marche après un AVC a été identifiée
comme l’un des objectifs majeurs de la prise en charge de la personne hémiplégique. Les
concepts classiques de rééducation (Bobath et Perfetti) ne semblent pas montrer un gain
significativement différent en fonction de la technique induite [22]. C’est pourquoi, des
concepts de rééducation plus modernes ont fait leur apparition. Le renforcement musculaire
isocinétique fait partie de ces nouvelles approches. Il est cependant nécessaire que le mode de
contraction choisi soit l’excentrique et que la machine soit munie du rétrocontrôle visuel pour
intervenir sur la plasticité cérébrale. Ce qui nous a amené à émettre l’hypothèse selon laquelle
ce type de renforcement musculaire puisse intervenir dans la récupération de la marche du
patient hémiplégique. Nous avons voulu comparer nos hypothèses à ce qui se disait dans la
littérature.
2-Analyse d’études :
La littérature scientifique présente un certain nombre d’études sur le renforcement
musculaire isocinétique sur les patients hémiplégiques. Dans le chapitre ci-après, nous
présenterons les articles qui ont retenu notre attention.
D’après l’article : Isocinétisme et rééducation de la marche de l’hémiplégique [10]:
L’objectif de cette étude, est d’évaluer les effets du renforcement musculaire
isocinétique excentrique des muscles du genou, sur la vitesse de marche et la montée des
escaliers, chez des patients hémiplégiques ambulatoires par AVC, datant de plus de six mois.
Dix patients ont participé à cette étude. Le protocole comprend un programme de
renforcement musculaire excentrique du genou à 3 vitesses déterminées : 60, 120 et 150° /s ;
sur un appareil isocinétique de type Biodex côté sain et côté hémiplégique. Ces séances se
déroulaient trois fois par semaine, à la place d’une séance de rééducation classique, pendant
six semaines.
Les résultats montrent que les performances musculaires isocinétiques et la vitesse de
marche confortable s’améliorent de façon significative. Le temps nécessaire pour monter cinq
marches progresse mais pas de manière sensible. Ainsi, cette technique peut être proposée en
complément d’une rééducation classique.
10
Les limites de cette étude sont nombreuses. L’échantillon de l’étude est réduit,
seulement dix patients ont participé à cette expérience, les résultats ainsi obtenus ne peuvent
pas représenter l’ensemble de la population hémiplégique. De plus, les patients sont à 6 mois
post AVC, or à partir de ce délai on peut penser que la récupération motrice des membres
inférieurs a atteint son maximum ou presque. Par ailleurs, un critère d’inclusion est de
marcher avec ou sans aide sur 10 mètres. On peut concevoir que l’évolution d’un patient qui
marche avec aide sera plus grande que celui sans aide. En outre, le protocole ne préconise pas
l’utilisation du rétrocontrôle visuel, à cause des troubles visuels de certains patients. Or,
l’intérêt du rétrocontrôle visuel est primordial pour améliorer la marche du patient car il
stimule la plasticité cérébrale, et de ce fait la qualité motrice. Enfin, il n’y a pas de groupe
contrôle ce qui n’autorise pas à affirmer l’intérêt du renforcement isocinétique intégré dans un
programme de rééducation classique.
D’après l’article: Isokinetic strength training of hémiparetic knee: effects on function
and spasticity [23]:
L’étude consiste à déterminer si le renforcement musculaire isocinétique sur les
groupes musculaires du genou hémiparétique peut influencer la force, la marche et d’évaluer
son effet sur la spasticité. L’étude comprend 15 patients dont l’AVC date de plus de 6 mois.
Le protocole comprend un programme de renforcement musculaire isocinétique sur les
quadriceps et ischio-jambiers, d’une durée de six semaines. La séance dure 40 minutes à
raison de 3 fois par semaine. Elle commence par un échauffement sur un vélo, ensuite le
patient effectue 3 séries de 6 à 8 répétitions pour chacune des 3 vitesses : 30, 60 et 120°/sec.
Les résultats montrent une augmentation significative de la vitesse de marche mais une
faible amélioration de la vitesse de montée des escaliers et du time up and go test. De plus,
nous observons une amélioration significative de la force musculaire. Enfin, la spasticité ne
semble pas avoir augmentée.
Les limites de cette étude sont multiples. Elle n’est pas randomisée, il s’agit de 15
sujets volontaires, ce qui peut influencer les résultats de l’étude de par leur enthousiasme. De
plus, c’est une étude qui date de 1997, la fiabilité des résultats peut donc être remise en cause
en raison de son ancienneté.
11
Ainsi, ces deux études dont le protocole et l’objectif sont similaires, montrent bien
l’intérêt du renforcement musculaire isocinétique pour améliorer la vitesse de marche, qui est
l’un des paramètres très déficitaire chez les patients hémiplégiques. Par ailleurs, nous
retrouvons peu d’impact dans l’amélioration de la vitesse à monter les escaliers.
D’après l’article: Effects of isokinetic strength training on walking in Persons [24]:
L’objectif de cette étude est de déterminer l’effet du renforcement musculaire
isocinétique sur les performances de la marche, la force musculaire et l’impact sur la qualité
de vie. C’est une étude randomisée en double aveugle, composée d’un groupe contrôle et d’un
groupe expérimental ; chaque groupe est composé de dix patients. Ils sont en phase chronique
soit en moyenne 4.9 ans après leur AVC, pour le groupe expérimental, et 3.2 ans pour le
groupe contrôle. Le protocole pour le groupe expérimental comporte 5 minutes
d’échauffement, suivi de 5 minutes d’étirement du membre inférieur. La séance se poursuit
par 3 séries de 10 répétitions de contraction musculaire isocinétique concentrique maximale,
sur les fléchisseurs et extenseurs de hanche, de genou et de cheville pendant environ 30
minutes. Enfin, la séance se termine par 5 minutes de retour au calme à base d’étirements. Le
groupe contrôle a subi le même protocole à l’exception que le renforcement musculaire
isocinétique a été remplacé par des gammes passives de mouvements, sur la même machine
que celle utilisée dans le groupe expérimental. Ce protocole a duré six semaines à une
fréquence de 3 fois par semaine.
Les résultats ne montrent pas de différence d’amélioration de la vitesse de marche
entre les deux groupes. En revanche, la force musculaire a nettement augmenté pour le groupe
expérimental par rapport au groupe contrôle. Cela prouve que le renforcement musculaire à
lui seul n’est pas suffisant pour améliorer les performances fonctionnelles. Par ailleurs, il n’y
a aucun changement en ce qui concerne le score de la qualité de vie. Ainsi, apparait
l’importance d’un groupe contrôle dans une étude expérimentale pour mesurer la supériorité
d’une technique de rééducation par rapport à une autre.
Les limites de cette étude sont le petit échantillon qui ne sera pas représentatif de
l’ensemble de la population des personnes hémiplégiques. Par ailleurs, nous pouvons induire
que le score de la qualité de vie n’a pas augmenté du fait que les scores étaient hauts à la base,
donnant peu de marge à l’amélioration. Enfin, la longue durée post AVC peut motiver
l’absence d’amélioration significative de la vitesse de marche.
12
La base de données sur la physiothérapie fondée sur les preuves dite “PEDro” attribue
un score de 7/10 à cette étude. Nous pouvons donc estimer que cet essai clinique est de bonne
qualité. Par ailleurs la revue de littérature, Physical fitness training for stroke patients,
énumère un certain nombre de points faibles et points forts concernant cette étude [25]. Le
principal point faible est la courte durée du protocole. De plus, Kim a informé les participants
qu'ils recevraient une des deux différentes interventions. Ce n’est donc pas une participation
aveugle. De surcroît, il a effectué un biais de sélection car il a impliqué une base de données
de bénévoles. Ce qui rend cette étude susceptible d’être biaisée par l’enthousiasme des
participants et donc affecte la généralisation de leurs conclusions. En revanche, le point fort
de cet article, est que les critères de l'ACSM (American College of Sports Medicin) ont été
utilisés. Ainsi, le protocole de renforcement musculaire s’appuie sur des recommandations de
qualité.
Voici deux études qui préconisent le renforcement musculaire isocinétique pour
améliorer la vitesse de marche du patient hémiplégique, et une étude qui démontre que cela
n’aurait pas d’impact sur celle-ci. Notons que ces trois études n’évaluent pas l’influence de ce
type de renforcement musculaire sur la qualité de marche.
Comme le lien entre le travail isocinétique et la qualité de marche n’a pas été établi
dans la littérature étudiée, nous avons voulu présenter les résultats obtenus suite à la mise en
place d’un protocole de renforcement musculaire isocinétique sur trois patients
hémiplégiques, sur le lieu de stage.
3-Etude de cas :
3.1. Introduction :
Nous nous sommes intéressés à l’application de ce type de renforcement musculaire
sur trois patients hémiplégiques, au regard de l’amélioration de la qualité de marche. C’est un
paramètre qui est trop peu étudié dans la littérature, lien certainement avec son caractère
subjectif. Nous apporterons ici notre expérience d’un programme de renforcement musculaire
isocinétique excentrique, d’une durée de quatre semaines, sur des patients hémiplégiques se
plaignant de l’altération de la qualité de marche.
13
3.2. Matériel et méthode :
3.2.1. Population étudiée :
L’étude a porté sur trois patients hémiplégiques, Mr J, Mr P et Mr L dont les
principales caractéristiques sont présentées dans le tableau I.
3
0
63.7 (59-68)
Age (ans)
4.7 (3-7)
Délais post AVC (en mois)
Droit
1
Côté AVC
gauche
2
Ischémique
3
Type AVC
hémorragique
0
Sexe
Homme
Femme
Tableau I : caractéristiques de la population étudiée
Mr J est hémiplégique droit et est en phase séquellaire, tandis que Mr P et Mr L sont
hémiplégiques gauche et sont en phase de récupération. Il faut savoir que nous avons choisi
un patient à plus de 6 mois post AVC, pour étudier l’effet sur un patient hémiplégique
chronique du renforcement musculaire isocinétique, par rapport aux deux autres patients qui
sont respectivement à 3 et 4 mois post AVC.
Critères d’inclusions :

Le sujet présente une hémiplégie droite ou gauche, suite à un AVC (ischémique ou
hémorragique) et c’est un premier épisode.

Le patient est en phase de séquelle ou en phase de récupération.

Marche avec ou sans aide sur dix mètres.

Le patient est capable de développer un pic de force lors d’un travail musculaire
excentrique sur dynamomètre isocinétique pour les extenseurs et les fléchisseurs de
genou.

Le sujet est capable de comprendre les instructions.

Le sujet a bénéficié d’une prise en charge classique de rééducation de l’hémiplégie
vasculaire.
14
3.2.2. Présentation de l’étude :
L’objectif de l’étude est de démontrer l’intérêt du renforcement musculaire isocinétique en
lien avec l’amélioration du schéma de marche du patient hémiplégique. De plus, le but est de
comparer la différence d’efficacité de cette technique, entre un patient en phase de séquelle et
deux patients en phase de récupération.
Le protocole :
Nous avons mis en place un protocole de rééducation d’une durée de 4 semaines. Le
programme de renforcement musculaire isocinétique concernait les muscles du genou. Les
ischio-jambiers et le quadriceps ont été renforcés pour Mr P et Mr L, tandis que pour Mr J
seuls les ischio-jambiers ont été renforcés. Une séance type consiste à effectuer 7 séries de 8
répétitions, entre 15 et 25°s-1 en excentrique, de 70 à 90% de la résistance maximale, sur
l’appareil d’isocinétisme de type Cybex avec biofeedback visuel. Le masseur kinésithérapeute
effectue des encouragements verbaux tel que : « luttez contre la machine le plus fort
possible ! ». Une pause d’une minute est effectuée entre chaque série. Chaque patient
bénéficie de 3 séances par semaine. Ce renforcement est associé à une rééducation
neuromotrice classique de la marche.
Les évaluations cliniques :
Les paramètres temporaux et spatiaux de la marche :
La vitesse confortable sur dix mètres et sur deux minutes pour chacun des patients, et
le périmètre de marche du patient lors du test de six minutes, sont les paramètres que nous
avons choisi d’évaluer car ils sont utilisés dans de nombreuses études [10], [26] et sont
recommandés par la HAS (Haute Autorité de Santé) pour évaluer les performances de marche
du patient hémiplégique [27]. De plus, la vitesse de marche est « pour beaucoup d’auteurs un
bon critère d’évolution de la qualité de la récupération de l’hémiplégique » [17].
Une étude quantitative de la marche:
Pour quantifier la marche du patient hémiplégique nous avons utilisé le locomètre de
Bessou. Cet outil permet de calculer certains paramètres temporaux spatiaux de la marche qui
15
ont une bonne répétabilité dans le temps [28]. La HAS le préconise pour l’analyse
métrologique de la locomotion [29].
C’est un dispositif simple d’utilisation. Les pieds du patient hémiplégique sont reliés à
un potentiomètre grâce à un fil inextensible. Le patient doit marcher droit sur une distance de
huit mètres. Le potentiomètre envoie les données à un système informatique qui les analyse
[30] (cf. annexe n°1). Nous avons examiné pour l’analyse de la marche les éléments suivants :

Longueur d'enjambée, correspondant en fait à la distance parcourue entre le moment où la
personne pose son talon au sol et la deuxième fois où elle pose ce même talon au sol.

Longueur de pas, c’est une demi-enjambée.

La vitesse de marche.

L’organisation du cycle locomoteur :
-
Le pourcentage de temps d'appui à droite et à gauche.
-
Le pourcentage de temps de balancement à droite et à gauche.
Nous allons ainsi apprécier l’asymétrie des pas, le manque d’appui sur le membre
inférieur parétique et la diminution de la vitesse de marche.
Les conditions de réalisation du test de marche à partir du locomètre de Bessou sont
les suivantes :

Mr J : hémiplégique droit, l’examen a été réalisé avec une canne palmée à gauche, une
écharpe, et des chaussures de ville.

Mr P : hémiplégique gauche, l’examen a été réalisé avec des chaussures de ville.

Mr L : hémiplégique gauche, l’examen a été réalisé avec un releveur à gauche, une canne
tripode, une écharpe, et des chaussures de sport à semelle fine.

L’évaluation a été réalisée sur sol dur, sur une distance de huit mètres.
Evaluation qualitative de la marche [27]:
Pour évaluer la qualité de marche, nous avons filmé chacun des patients, de face, de
derrière et de profil. Ceci permet de garder une trace de l’examen et de pouvoir comparer les
deux films, avant et après le protocole de renforcement musculaire, pour objectiver
l’évolution.
16
Indice de satisfaction de la marche :
Les patients quantifiaient leur degré de satisfaction de la marche sur une échelle
visuelle analogique cotée de un à quatre. La cotation 1 correspond à « pas satisfait », 2 à « peu
satisfait », 3 à «satisfait » et 4 à « très satisfait » [10].
Evaluation de la force musculaire isocinétique du genou :
Un test isocinétique des ischio-jambiers et du quadriceps sur Cybex Norm a été réalisé
au début et à la fin du protocole. « Les paramètres mesurés par isocinétisme ont une
reproductibilité satisfaisante, et tout particulièrement le moment de force maximal, quand les
modalités optimales de standardisation de l’évaluation sont respectées avec rigueur : test sur
le même appareil, avec un même examinateur entraîné à la technique, dans la même situation
de test (position du sujet, amplitude et vitesse du mouvement, nombre de répétitions) » [14].
L’installation du patient pour la réalisation du test est la suivante (cf. fig.4) :

Installation du module membre en position assise.

Flexion du dossier de 85°.

Profondeur d’assise d’une largeur de deux travers de doigts au niveau du
genou.

Axe du dynamomètre en regard des condyles fémoraux.

Sangle fémorale ajustée au-dessus du genou.

Adaptateur genou positionné au niveau tibial, à deux travers de doigts audessus de l’axe bimalléolaire.

Butée contro latérale en regard de l’articulation talo crurale.

Poignée à disposition du patient.
Fig.4 : Installation du patient
17
Le test comprenait 3 séries de 5 répétitions :

5 répétitions à 180°.s-1 en concentrique : permet de voir le comportement moteur à
vitesse rapide, c'est-à-dire le retentissement de la spasticité.

5 répétitions à 60°.s-1 en concentrique: évaluation de la force maximale.

5 répétions à 15°.s-1 en excentrique.

pause de 60 secondes entre chaque série.
Nous nous sommes intéressés au pic de couple (encore appelé couple de force, ou
moment de force maximale, ou moment maximum), exprimé en Newton-mètre (Nm), il
correspond au moment de force le plus élevé, développé au cours du mouvement [29].
Evaluation de la commande motrice :
La commande motrice a été cotée avec l’échelle de Held et Pierrot Desseilligny (cf.
annexe n°2). Cette échelle est préconisée par la cofemer [31] et la HAS [27]. Elle permet de
rendre compte des capacités du sujet à effectuer un mouvement volontaire. La marche étant
une succession de mouvements volontaires chez le patient hémiplégique, tout du moins au
début, nous pouvons en déduire qu’un défaut de la commande motrice peut expliquer un
défaut de marche.
Evaluation de la spasticité :
La spasticité a été évaluée avec l’échelle d’Ashworth modifiée (cf. annexe n°2). De
même, cette échelle est validée par la cofemer [32] et la HAS [27]. La spasticité a été estimée
pour vérifier que le renforcement musculaire n’augmente pas celle-ci.
L’ensemble des critères de jugement ont été appréciés avant et après le protocole de
rééducation, dans des conditions les plus similaires possibles.
3.3. Résultats :
Les paramètres temporaux et spatiaux de la marche :
La vitesse confortable sur le test des dix mètres et le test des deux minutes de marche a
augmenté pour Mr L et Mr P, de manière moins importante pour Mr L. Remarquons le déficit
de la vitesse de marche plus important pour Mr L au départ. La vitesse s’est améliorée
davantage sur le test des dix mètres que sur le test des deux minutes pour les deux patients.
18
Pour Mr J la vitesse de marche sur le test des deux minutes a diminué légèrement. Elle a
augmenté inconsidérément sur le test des dix mètres (cf. graphe 1).
0,8
0,71
0,67
0,7
0,6
0,58
0,58
0,5
0,46
0,48
0,46
0,42
0,4
avant
0,3
après
0,17
0,2
0,12
0,12 0,14
0,1
0
V conf s/
10m
v conf s/
2min
v conf s/
10m
v conf s/
2min
v conf
s/10m
v conf
s/2min
Mr P
Mr P
Mr L
Mr L
Mr J
Mr J
Graphe 1: Evolution de la vitesse confortable au test des 10 mètres et au test des deux
minutes (en m /s) pour Mr P, Mr L et Mr J.
Quant au périmètre de marche, nous remarquons qu’il a augmenté de manière
significative pour Mr P et Mr J, respectivement à quatre et six mois post AVC. Tandis que le
périmètre de Mr L a très peu évolué (cf. graphe 2).
200
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
185
130
100
70
20
avant
après
25
Mr L
Mr P
Mr J
Graphe 2: Evolution du périmètre de marche (en mètre) de Mr L, Mr P et Mr J.
19
Une étude quantitative de la marche à partir du locomètre de Bessou :
Après le protocole de renforcement musculaire, les différents paramètres de marche
évalués par le locomètre de Bessou ne se sont pas améliorés que ce soit pour Mr J, Mr P et Mr
L (cf. tableau II). La vitesse de marche de Mr J a même diminué après les quatre semaines de
protocole. Pour Mr P et Mr L il n’y a pas eu de réelles évolutions. Pour Mr P la prédominance
d’appui sur sa jambe droite perpétue. Pour Mr L la prédilection des phases d’appui persiste
toujours au détriment des phases de balancement. Enfin, l’asymétrie des pas perdure pour Mr
J et Mr L. Les pas gauches étant plus courts que les pas droits pour Mr J, et inversement pour
Mr L. Quant à Mr P, la longueur de ses pas est symétrique.
Mr J
après
avant
après
avant
après
0.97
0.96
0.86
0.93
0.50
0.51
A droite
0.62
0.61
0.45
0.43
0.26
0.28
A
gauche
0.48
0.49
0.42
0.41
0.34
0.37
0.72
0.66
0.58
0.58
0.18
0.21
A droite
59
67
66
67
83
84
A
gauche
64
65
49
47
77
78
A droite
41
33
34
33
17
16
A
gauche
36
35
51
53
23
22
Vitesse de marche (m/s)
% de temps d’appui
% de temps de balancement
Mr L
avant
Longueur d’enjambée (en m)
Longueur de pas (en m)
Mr P
Tableau II : Evolution de l’évaluation de la marche sur le locomètre de Bessou.
Evaluation qualitative de la marche :
Les défauts de marche ont été évalués par l’œil du masseur kinésithérapeute et nous
avons réalisé un film pour chaque patient avant et après le protocole. Voici l’analyse de
marche des trois patients au début du protocole :
Mr J, hémiplégique droit, a effectué ce test avec une écharpe et une canne palmée.
Nous remarquons qu’il attaque le pied à plat et avec le genou fléchi. De plus, il a un léger
fauchage à droite lors de la phase de balancement, le pied est en abduction. En ce qui
concerne la symétrie des pas, nous notons que le pas droit est plus long que le pas gauche.
20
Mr P, hémiplégique gauche, n’a besoin d’aucune aide technique ni accessoire pour
déambuler. Pendant la phase d’oscillation, il a sa pointe de pied qui accroche. Il attaque avec
le pied à plat. Pendant la phase d’appui, nous notons un déficit du quadriceps, le genou restant
fléchi et il est en attitude de flexion du tronc pour compenser l’absence du pas postérieur. De
plus, nous remarquons une diminution du ballant du bras gauche. La symétrie des pas est
correcte, la longueur du pas gauche est légèrement plus courte que celle du pas droit. Enfin, le
temps d’appui semble plus court sur le membre inférieur gauche.
Le test a été réalisé, pour Mr L, hémiplégique gauche, avec une écharpe et une canne
tripode. Lors de la phase d’appui, le genou gauche part en recurvatum, Mr L ne contrôle pas
son genou. De plus, il est en flexion de tronc pour compenser la perte du pas postérieur. Il a
un équilibre précaire, il part en antépulsion ou en rétropulsion. Concernant la symétrie des
pas, le pied droit ne dépasse pas le pied gauche, les pas droits sont plus courts que les pas
gauches du fait du manque d’appui sur sa jambe gauche.
Les aides techniques pour marcher n’ont pas changé pour les patients après les quatre
semaines de protocoles. Nous avons retrouvé les mêmes défauts de marche qu’au début de
l’expérience pour Mr J et Mr P. En revanche, nous notons une amélioration de la qualité de
marche pour Mr L, avec un équilibre meilleur, la longueur du pas droit légèrement allongée,
en revanche le recurvatum à gauche est toujours présent.
Indice de satisfaction de la marche :
Les trois patients au début de leur prise en charge cotaient leur qualité de marche à 2,
ils étaient peu satisfaits. Cette appréciation reste inchangée après le protocole pour Mr P et Mr
L, ils la cotent toujours à 2. Tandis qu’elle augmente d’un point pour Mr J, il est satisfait de sa
déambulation d’un point de vue esthétique.
Evaluation de la force musculaire du genou :
Après quatre semaines de renforcement musculaire isocinétique, la force musculaire
des ischio-jambiers et du quadriceps a augmenté de manière générale pour les trois patients,
hormis pour le quadriceps de Mr J (cf. graphe 3). Cela s’observe davantage à 60°/s, vitesse à
laquelle on développe plus de force, car la force développée en concentrique est inversement
proportionnelle à la vitesse d’après la courbe de Hill (cf. annexe n°3).
21
60
52,3 51
50
43,1
40
44,9
32,3
29,4
30
19,2
17,8
20
23,3
18,8
11,4
7,7
10
avant
après
0
Q 60°
IJ 60°
Q 60°
IJ 60°
Q 60°
IJ 60°
Mr J
Mr J
Mr P
Mr P
Mr L
Mr L
Graphe 3 : Evolution du couple de force du quadriceps et des ischio-jambiers à 60°/s (en
newton mètre) pour Mr J, Mr P et Mr L.
Mr J a augmenté sa force des ischio-jambiers de 131%, Mr P de 21% et Mr L de 65%.
Nous notons que l’amélioration de la force des ischio-jambiers est plus importante pour Mr J
que pour Mr P et L. En ce qui concerne les quadriceps, la force a augmenté de 33% pour Mr
P, de 53% pour Mr L, et a diminué de 2% pour Mr J.
Evaluation de la commande motrice :
Le renforcement musculaire isocinétique sur les muscles du genou semble avoir
augmenté la commande motrice du genou d’un point sur l’échelle de Held et Pierrot pour Mr
P et Mr L (cf. tableau III). Nous ne notons aucune amélioration de la commande motrice pour
Mr J, qui est à six mois post AVC.
Mr J
Mr P
Mr L
Genou
avant
après
flexion
4
4
extension
4
4
flexion
extension
3
3
4
4
flexion
2
3
extension
3
4
Tableau III : Evolution de la commande motrice
22
Evaluation de la spasticité :
Le renforcement musculaire ne paraît pas avoir exagéré la spasticité chez ces trois
patients (cf. tableau IV). Elle a même diminué pour Mr J et Mr L, d’après l’échelle
d’Ashworth modifiée. Quant à Mr P, elle est restée identique.
Mr J
avant
après
Fléchisseur de genou
Extenseur de genou
2
2
2
1
Fléchisseur plantaire
1
0
Fléchisseur de genou
0
0
Extenseur de genou
Fléchisseur plantaire
0
2
0
2
Fléchisseur de genou
1+
1
Extenseur de genou
1
0
Mr P
Mr L
Fléchisseur plantaire
1
Tableau IV : Evolution de la spasticité
1
4-Discussion :

Analyse des résultats :
Corrélation entre l’augmentation de la force musculaire et la vitesse de marche :
L’étude montre après quatre semaines de renforcement musculaire sur machine
d’isocinétisme une augmentation de la force musculaire des muscles du genou pour les trois
patients (cf. graphe 3). De plus, la vitesse confortable au test des dix mètres et au test des
deux minutes s’est améliorée (cf. graphe 1). De ce fait, nous pouvons penser qu’il existe un
lien entre l’augmentation de la force musculaire et la vitesse de marche. D’après JeanFrançois Aubry et col., il existe effectivement une corrélation entre le déficit de certains
groupes musculaires et la vitesse de marche : « les ischio-jambiers semblent déterminants
pour la vitesse de marche confort et le déficit des quadriceps influencerait la vitesse de
marche rapide chez les patients présentant un handicap élevé » [5]. De même, l’étude de
Bohannon met en évidence une corrélation significative entre la vitesse de marche et la force
des muscles extenseurs de genou [33].
23
Cependant, il est à noter que la vitesse de marche augmente de manière plus
importante au test des dix mètres qu’au test des deux minutes. Il en résulte que sur
l’endurance le gain de la vitesse de marche ne se maintient pas.
Corrélation entre l’augmentation de la force musculaire et la qualité de marche :
Les défauts de marche des patients ne semblent pas avoir évolués d’après l’évaluation
du masseur kinésithérapeute. Nous remarquons uniquement une faible amélioration du
schéma de marche chez Mr L, l’équilibre est moins précaire. Cela prouve qu’il n’y a pas de
corrélation significative entre l’augmentation de la force musculaire et l’amélioration de la
qualité de la marche.
Isocinétisme et amélioration de la commande motrice :
La commande motrice du genou s’est améliorée pour deux patients (cf. tableau III).
Probablement que le troisième ne progresse plus parce qu’il est entré dans la phase
séquellaire. Ce renforcement de la commande motrice volontaire du genou est à mettre en lien
avec la machine d’isocinétisme. En effet, cette machine est munie d’un ordinateur, qui
objective les performances du patient. L’écran de l’ordinateur permet au patient d’observer en
direct sa contraction musculaire, ce qui l’aide à se corriger lui-même, pour obtenir une
contraction musculaire la plus parfaite possible. Ceci est comparable à un rétrocontrôle visuel,
encore appelé biofeedback visuel [17]. Ce système permet, comme nous l’avons expliqué
auparavant d’intervenir sur la plasticité cérébrale. Rappelons que la plasticité cérébrale est
l’établissement de nouvelles connexions neuronales sous l’effet de la stimulation, comme par
exemple ici la contraction musculaire répétée des muscles du genou. L’établissement de ces
nouvelles liaisons permet une amélioration de la performance motrice [34].
Augmentation de la spasticité et renforcement musculaire:
Les concepts comme Bobath ou Perfetti bannissaient le renforcement musculaire en
neurologie centrale du fait d’une augmentation de la spasticité chez leurs patients. Dans
l’étude menée sur les trois patients hémiplégiques, nous ne retrouvons aucune augmentation
de la spasticité. Elle diminue même d’un point pour deux des patients. Cela peut s’expliquer
par le choix du mode excentrique. Celui-ci « ne sollicite pas l’antagoniste en étirement mais
en raccourcissement » [35] et de ce fait le réflexe à l’étirement ne se déclenche pas. De même
Sharp et al., dont les patients hémiplégiques avaient une spasticité faible, n’a pas noté de
corrélation entre la spasticité et le pic de force développé par chacun des patients [36]. De
24
plus, la revue de littérature sur l’évaluation et le renforcement isocinétique en neurologie
centrale [5], démontre que le renforcement musculaire isocinétique n’a pas d’incidence sur la
spasticité. Par conséquent, si nous choisissons des patients avec une faible spasticité et un
travail musculaire excentrique, il ne semble pas que le renforcement musculaire puisse
augmenter la spasticité.
Différence entre des patients en phase de récupération et en phase séquellaire:
L’efficacité du programme de renforcement musculaire entre des sujets en phase de
récupération, c'est-à-dire trois mois post AVC et des sujets en phase de séquelles, montre
quelques spécificités dans l’étude. En effet, Mr J, patient en phase séquellaire, a amélioré son
périmètre de marche de manière plus importante que Mr P et Mr L, patients en phase de
récupération (cf. graphe 2). En revanche la vitesse confortable sur le test des deux minutes
s’est trouvée diminuée après le protocole pour Mr J (cf. graphe1), cela est surement dû à l’état
de fatigue du patient le jour du bilan. De surcroit, c’est le seul patient qui a augmenté d’un
point l’auto-évaluation de sa qualité de marche. L’augmentation de la force des ischiojambiers est plus importante pour lui, probablement en raison d’un déficit plus sévère de ce
groupe musculaire au point de départ. Enfin, nous ne notons aucune amélioration de la
commande motrice contrairement aux deux autres patients. Ainsi, hormis un périmètre de
marche plus important, l’efficacité du renforcement musculaire sur des patients
hémiplégiques chroniques ne semble pas être plus probante que pour des patients en phase de
récupération, dans l’étude. Pourtant dans la littérature, les études relatives au renforcement
musculaire isocinétique chez les patients hémiplégiques, concernent des patients en phase
chronique.

Fiabilité des résultats :
Revenons sur la réalisation de l’étude et la fiabilité des résultats. Il faut savoir que la
durée d’une séance était de trente minutes pour chaque patient. De ce fait, la réalisation des
bilans initiaux s’est étalée sur une semaine, ce qui peut biaiser les résultats. D’autre part, les
résultats ne peuvent pas refléter l’ensemble de la population hémiplégique en raison du très
faible échantillon. Effectivement pour l’étude nous avons choisi comme critères d’inclusion,
des patients qui se situent en phase de récupération ou en phase de séquelles. Or les patients
en phase de séquelles sont souvent sortis du centre de rééducation, ce qui justifie que nous
n’ayons qu’un patient rentrant dans cette catégorie. Les autres patients en phase de
25
récupération présents dans le centre à cette période, ne pouvaient pas encore bénéficier de ce
type de rééducation du fait d’une commande motrice volontaire encore trop faible.
Par ailleurs, les bilans finaux ont été réalisés lors d’une période de grande chaleur, ce
qui a pu altérer les résultats, les patients étant plus fatigables. De surcroit la durée du
protocole est courte, elle n’est seulement que de quatre semaines, ce qui peut légitimer que
nous n’avons pas eu de résultats probants quant à l’amélioration de la qualité de marche.
Enfin, il n’existe pas de groupe contrôle, c'est-à-dire un groupe de patients bénéficiant
uniquement d’une rééducation neuromotrice classique, pour pouvoir mettre en avant
l’efficacité du renforcement musculaire isocinétique par rapport à une rééducation
traditionnelle.
Ainsi il aurait été essentiel de disposer d’un échantillon plus important, d’un groupe
contrôle, d’un protocole d’une durée plus longue, et davantage de temps pour réaliser les
bilans ; afin de mettre en évidence l’intérêt du renforcement musculaire isocinétique chez les
patients hémiplégiques.
Enfin le problème majeur, à la réalisation de l’étude, a été le manque d’outils fiables
pour analyser la qualité de marche du patient hémiplégique. En effet, celle-ci a été réalisée par
l’observation clinique du patient à déambuler, sous l’œil du masseur kinésithérapeute et
dépend donc de l’expérience de celui-ci à analyser la marche. C’est une évaluation dont la
finesse est kiné-dépendante. Cependant, pour garder une trace de l’évaluation et pour pouvoir
les comparer, nous avons filmé chacun des patients, avant et après le protocole de
rééducation. De plus, nous avons utilisé le locomètre de Bessou pour évaluer la marche du
patient hémiplégique. Il permet de rendre objectif des données subjectives comme l’asymétrie
des pas, le temps d’appui plus long sur le côté sain et la vitesse de marche diminuée. Cet outil
semble intéressant pour évaluer la marche du patient hémiplégique. Toutefois, il ne permettra
pas de mettre en avant un recurvatum de genou, un fauchage, une mauvaise dissociation de
ceinture…

L’intérêt du renforcement musculaire isocinétique excentrique :
La problématique de cette étude était de démontrer l’intérêt du renforcement
musculaire isocinétique chez les patients hémiplégiques et l’impact sur la qualité de marche.
L’étude menée sur les trois patients n’a pas mis en évidence une amélioration significative de
leur schéma de marche. Cependant, nous pouvons justifier l’intérêt de cette technique au vu
26
de nos recherches bibliographiques. En effet, si nous nous intéressons à la physiologie du
muscle, lors d’une contraction musculaire isocinétique excentrique, nous constatons que ce
type d’entraînement renforce les fibres musculaires de types IIb [10], [12], fibres rapides,
dites fibres phasiques, peu vascularisées, à métabolisme anaérobie [37]. Or d’après J. Ramas
et col., elles seraient atrophiées chez les patients hémiplégiques par l’inactivité musculaire
[12]. Les fibres IIb seraient impliquées dans l’exercice physique et le mouvement [37]. Par
« mouvement », nous pouvons sous-entendre la marche. De ce fait, si ces fibres musculaires
sont impliquées dans la marche et que le renforcement musculaire isocinétique excentrique
renforcent ces fibres alors nous pouvons supposer que ce type d’entraînement musculaire
puisse améliorer la qualité de marche du patient hémiplégique.
D’autre part, comme nous l’avons expliqué auparavant ce type de renforcement
musculaire améliore la commande motrice par l’intermédiaire du rétrocontrôle visuel de la
machine d’isocinétisme. En sachant que les principaux défauts de marche chez les patients
hémiplégiques sont en partie dus à une insuffisance de commande motrice au niveau de la
hanche, du genou et de la cheville, nous formulons l’hypothèse que le renforcement
musculaire isocinétique peut avoir un effet sur la qualité de marche. Cependant, pour espérer
avoir un résultat sur les trois patients étudiés, il aurait été nécessaire de renforcer d’autres
groupes musculaires, pas exclusivement celui du genou. Par ailleurs, nous n’avons trouvé
aucune étude à l’heure actuelle qui fait un lien entre le biofeedback visuel de la machine
d’isocinétisme et l’amélioration de la qualité de marche.
Voici deux arguments en faveur de l’amélioration de la qualité de marche par un
renforcement musculaire isocinétique excentrique.
Conclusion :
La mise en place d’un protocole de renforcement musculaire isocinétique excentrique,
peut d’après ce que nous venons de démonter, avoir un impact sur la qualité de marche. D’une
part, par le rétrocontrôle visuel de la machine d’isocinétisme, qui stimule la plasticité
cérébrale et de ce fait augmente les performances motrices. D’autre part, par la sollicitation
des fibres musculaires de type IIb, qui sont atrophiées chez les personnes hémiplégiques et
qui sont impliquées dans le mouvement. La marche étant une succession de mouvements,
27
nous en déduisons que le renforcement de ce type de fibre a un impact sur la qualité de
marche.
De ce fait, malgré les aprioris des grands fondateurs de la rééducation de l’hémiplégie,
sur le renforcement musculaire en neurologie centrale, nous venons de démontrer l’intérêt tout
particulier à prendre en compte la pathologie musculaire secondaire à l’AVC.
Cependant, « il n’existe pas de consensus dans l’élaboration des protocoles de
renforcement qui sont très variés en termes de vitesses utilisées, de répétitions et de séries »
[5].
À l’heure actuelle, aucune étude scientifique n’a encore démontré l’intérêt de ce type
de renforcement musculaire sur la qualité de marche de patients d’hémiplégiques. Il reste
alors beaucoup à faire pour prouver l’intérêt de cette technique en neurologie centrale.
La machine d’isocinétisme est en définitif un outil complémentaire à la prise en
charge de la rééducation de la marche du patient hémiplégique mais qui ne remplace en aucun
cas le travail manuel du masseur kinésithérapeute ainsi que son œil expert.
28
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33
Annexe n°1
Fiche d’analyse de la marche à partir du locomètre de Bessou :
34
Annexe n°2
Cotation de Held et Pierrot-Desseilligny [31]:
La force est appréciée selon une cotation de 0 à 5 :
0 : Absence de contraction.
1 : Contraction perceptible sans déplacement du segment.
2 : Contraction entraînant un déplacement quel que soit l’angle parcouru.
3 : Le déplacement peut s’effectuer contre une légère résistance.
4 : Le déplacement s’effectue contre une résistance plus importante.
5 : Le mouvement est d’une force identique au côté sain.
Préciser la position du patient et le cas échéant, la position de facilitation.
Préciser si le mouvement est sélectif ou s’il y a apparition de syncinésies.
Echelle d’Ashworth Modifiée [32]:
0 : pas d’augmentation du tonus musculaire.
1 : Légère augmentation du tonus musculaire avec simple « sensation d’accrochage » ou
minime résistance en fin de course.
1+ : Légère augmentation du tonus musculaire avec simple « sensation d’accrochage » suivi
d’une minime résistance au cours de la première moitié de la course musculaire.
2 : Augmentation importante du tonus musculaire durant toute la course musculaire, mais le
segment de membre reste facilement mobilisable.
3 : Augmentation considérable du tonus musculaire. Le mouvement passif est difficile.
4 : Hypertonie majeure. Mouvement passif impossible.
35
Annexe n°3
La courbe de Hill:
La courbe montre que la force développée en concentrique est inversement
proportionnelle à la vitesse, alors qu’en excentrique la force est proportionnelle à celle-ci.
C’est pourquoi, pour l’évaluation de la force musculaire en concentrique nous avons retenu la
vitesse testée la plus faible, soit 60°/s, car le sujet développe plus de force en comparaison à
180° /s, d’après cette loi.
36
Annexe n°4
Le fonctionnement du biofeedback visuel [43] :
On part du principe que les réactions physiologiques peuvent être contrôlées
volontairement par un entraînement approprié ou que l'on peut percevoir des événements qui
sont autonomes, involontaires et acquérir la capacité de les contrôler. Durant une séance de
biofeedback, le sujet reçoit des informations en temps réel sur son état et ses réactions
psychophysiologiques, il en prend conscience et apprend à les interpréter. Puis, par des
exercices il va pouvoir modifier ses réactions psychophysiologiques jusqu'à atteindre
l'objectif fixé au départ.
En 1, un ou des capteurs (électrode, sonde...) sont chargés de récupérer des signaux sur votre
corps.
En 2, les signaux sont traités (encodés) par l'appareil de biofeedback.
En 3, les signaux sont analysés par un ordinateur afin d'obtenir de multiples informations ainsi
que des représentations plus complexes (animations multimédias par exemple).
En 4, vous recevez ces différentes informations visuelles et/ou auditives et en prenez
conscience.
En 5, à l'aide d'exercices mentaux et/ou musculaires et/ou respiratoires (indiqués par le
praticien), vous agissez sur votre corps.
En 1, le capteur récupère à nouveau les réponses de votre corps aux différents exercices...
En 2, ces signaux sont convertis et amplifiés...
En 3, ils sont envoyés vers l'ordinateur et analysés...
En 4, vous recevez ces nouvelles informations en provenance de votre corps et prenez
conscience des modifications obtenues.
En 5, à l'aide des exercices vous pouvez agir à nouveau...Ce processus sera répété durant toute
la séance.
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