La Lettre du Cardiologue - n° 386 - juin 2005
6
Insuffisance mitrale asymptomatique : la quantification échocardiographique
de la régurgitation est un facteur prédictif de l’évolution
O
Point du sujet. L’évolution clinique des insuffisances
mitrales (IM) asymptomatiques est mal connue et leur trai-
tement n’est pas codifié.
But. L’objectif de cette étude a été d’apprécier la relation entre
la quantification de l’IM, selon les recommandations de l’Ame-
rican Society of Echocardiography, et le pronostic.
Patients et méthodes. L’étude a porté sur 456 patients ayant une
IM pure et isolée, organique, holosystolique, au moins modérée,
et asymptomatique. L’IM était en rapport avec un prolapsus mitral
dans 80 % des cas. La quantification de l’IM était fondée sur le
calcul de la surface de l’orifice régurgitant (SOR) et du volume
régurgitant.
Résultats. La survie à 5 ans chez les patients traités médicale-
ment était de 91 ± 3 % en cas de SOR < 20 mm
2
,de 66 ± 6 % en
cas de SOR comprise entre 20 et 39 mm
2
,et de 58 ± 9 % en cas
de SOR ≥40 mm
2
(p < 0,01). Les patients ayant une SOR
≥40 mm
2
avaient une survie à 5 ans inférieure à celle attendue
dans la population générale (58 ± 9 % versus 78 % ; p = 0,03).
La mortalité cardiaque à 5 ans était de 3 ± 2 % en cas de SOR
<20mm
2
,de 20 ± 6 % en cas de SOR comprise entre 20 et
39 mm
2
,et de 36 ± 9 % en cas de SOR ≥40 mm
2
(p < 0,01).
La survenue d’événements cardiaques à 5 ans (décès de cause
cardiaque, insuffisance cardiaque ou apparition d’une fibrillation
atriale) était de 15 ± 4 % en cas de SOR < 20 mm
2
,de 40 ± 7 %
en cas de SOR comprise entre 20 et 39 mm
2
,et de 62 ± 8 % en
cas de SOR ≥40 mm
2
(p < 0,01).
En analyse multidimensionnelle, les facteurs prédictifs de la sur-
vie étaient l’âge, le diabète et la SOR. Le risque de décès était
plus élevé chez les patients ayant une SOR ≥40 mm
2
que chez
ceux ayant une SOR < 20 mm
2
(rapport de risque à 2,9 ; p < 0,01).
Il en était de même pour le risque de décès cardiaque (rapport de
risque à 5,2 ; p < 0,01) et d’événements cardiaques (rapport de
risque à 5,7 ; p < 0,01).
Une intervention chirurgicale mitrale a été pratiquée chez 230 pa-
tients, dont 209 ont eu une plastie mitrale. En analyse multidi-
mensionnelle, la chirurgie était associée à une réduction du risque
de décès (rapport de risque à 0,28 ; p < 0,01), de la mortalité car-
diaque (rapport de risque à 0,31 ; p < 0,01) et du risque d’insuf-
fisance cardiaque (rapport de risque à 0,37 ; p < 0,01), mais à une
augmentation du risque de fibrillation atriale (rapport de risque
à 5,9 ; p < 0,01).
Conclusion. Les patients ayant une IM asymptomatique impor-
tante avec une SOR ≥40 mm
2
ont un risque de décès trois fois
plus élevé, un risque de mortalité cardiaque cinq fois plus élevé
et un risque d’événements cardiaques six fois plus élevé que ceux
ayant une IM modérée. L’intervention chirurgicale améliore la
survie, mais augmente le risque de fibrillation atriale. Ces résul-
tats sont un argument important pour envisager la correction chi-
rurgicale des IM asymptomatiques ayant une SOR ≥40 mm
2
,
mais cette attitude demande à être validée par une étude clinique
prospective randomisée comparant une stratégie chirurgicale pré-
coce à une stratégie conventionnelle, d’autant que la chirurgie
majore le risque de fibrillation atriale dans cette étude. Par
ailleurs, une chirurgie prophylactique de l’IM chez un patient
asymptomatique et sans dysfonction ventriculaire gauche ne se
conçoit que si une plastie est réalisable et que le risque opéra-
toire est faible, ainsi que le rappelle l’éditorial de C.M. Otto
accompagnant l’article.
B. Gallet, service de cardiologie, CH Argenteuil
Quantitative determinants of the outcome of asymptomatic
mitral regurgitation.
Enriquez-Sarano M, Avierinos JF, Messika-Zeitoun D et al.
N Engl J Med 2005;352:875-83.
ABSTRACTS
Résumés de la littérature
Combinaison de l’échocardiographie transœsophagienne et de la cardioversion
transœsophagienne au moyen d’une même sonde : aspects techniques
O
Point du sujet. La cardioversion de la fibrillation atriale
peut être réalisée selon une stratégie conventionnelle ou
selon une stratégie guidée par échocardiographie transœsopha-
gienne (ETO), comme l’a montré l’étude ACUTE. La logistique
de la cardioversion guidée par ETO est parfois complexe, puis-
qu’elle peut nécessiter l’intervention de deux équipes différentes
(échocardiographistes et rythmologues), et conduit parfois à
deux procédures d’anesthésie différentes (l’une pour l’ETO et
l’autre pour la cardioversion). La possibilité de cardioversion
électrique par voie transœsophagienne, utilisant une électrode
œsophagienne et une électrode placée sur la paroi thoracique, a
été rapportée il y a plus de 10 ans mais n’a pas connu de déve-
loppement important en raison de son caractère semi-invasif.
But. L’objectif de cette étude a été de rapporter une expérience
préliminaire utilisant une sonde d’ETO modifiée permettant la
réalisation simultanée de l’ETO et de la cardioversion trans-
œsophagienne.
Patients et méthodes. Le matériel utilisé était une sonde d’ETO
modifiée par l’adjonction de deux électrodes en titane de 110 mm
2
,
placées à l’extrémité distale de la sonde près du capteur ultra-