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MISE AU POINT
Le dosage du peptide natriurétique
de type B est-il utile pour le suivi ?
Serial BNP testing: is it helpful in chronic heart failure?
D. Logeart*
P
ourquoi essayer d’utiliser le dosage du peptide
natriurétique de type B (BNP et NT-proBNP)
dans le suivi de l’insuffisance cardiaque (IC) ?
La question concerne plus largement tout nouveau
biomarqueur, biologique ou non, dans le suivi. L’IC se
caractérise par une mortalité élevée et par un taux
élevé de décompensations et d’hospitalisations (1).
Ces dernières sont bien sûr multifactorielles, mais
il est possible qu’un suivi fin évite de nombreuses
hospitalisations (2). L’appréciation clinique de la
volémie et de la congestion a ses limites, et les stades
précoces de décompensation sont souvent ignorés.
Une attitude extrême pourrait être de surveiller le
secteur extracellulaire et/ou les pressions intracardiaques grâce à des capteurs d’impédancemétrie
et/ou de pression implantés. De façon plus simple
et réaliste, le dosage sanguin des taux de peptides
natriurétiques, qui sont assurément un très bon reflet
de la sévérité de l’IC, pourrait être utile au clinicien
au cours du suivi.
Déterminants
physiopathologiques
et valeur pronostique des taux
de peptides natriurétiques
* Service de cardiologie et Inserm
U942 “Biomarqueurs et insuffisances
cardiaques”, hôpital Lariboisière,
Paris.
Les peptides natriurétiques sont synthétisés par la
paroi ventriculaire à partir d’un même précurseur, le
préproBNP, qui est transformé en proBNP par clivage
enzymatique d’un petit fragment. Leur concentration
plasmatique, faible en l’absence de cardiopathie,
augmente en situation pathologique lors de la mise
en tension anormale de la paroi myocardique (3).
L’hypoxie, l’étirement myocardique ainsi que divers
stimuli hormonaux (angiotensine II, endothéline 1,
16 | La Lettre du Cardiologue • n° 443 - mars 2011
catécholamines) en stimulent la sécrétion en
quelques heures (le proBNP n’est pas stocké). C’est
lors de sa sécrétion dans la circulation que le proBNP
est clivé en 2 fragments : le fragment N-terminal,
ou NT-proBNP (76 acides aminés), biologiquement
inactif, et le BNP (32 acides aminés), doué d’une
activité biologique. Leurs masses moléculaires
différentes expliquent que leurs taux soient très
différents pour un même patient. La demi-vie du
BNP est de 10 à 20 mn environ, contre 60 à 120 mn
pour le NT-proBNP. L’élimination se fait par 3 mécanismes : internalisation à l’intérieur des cellules par
un récepteur spécifique (NPR-C), dégradation par
une endopeptidase neutre ancrée à la surface des
cellules endothéliales et élimination par voie rénale.
Les taux de BNP et de NT-proBNP sont donc
augmentés dans l’IC, et leur dosage est d’ailleurs
recommandé dans le diagnostic de l’IC. Ils sont
corrélés à la sévérité de l’IC, au degré de dysfonction ventriculaire gauche systolique et diastolique, à
l’augmentation des pressions de remplissage et aux
contraintes pariétales ventriculaire gauche. Également sécrétés par le ventricule droit, ils peuvent
être élevés lors d’une embolie pulmonaire, d’une
hypertension artérielle pulmonaire ou d’une BPCO
sévère. L’insuffisance rénale et le vieillissement s’accompagnent d’une élévation des taux de peptides
natriurétiques indépendamment de toute atteinte
cardiaque. Il existe une relation négative entre les
taux de peptides natriurétiques et l’indice de masse
corporelle. Si tous ces paramètres extracardiaques
sont à prendre en compte dans leur utilisation, les
taux de peptides natriurétiques reflètent une forme
de statut instantané de l’IC, intégrant à la fois la
volémie, les pressions de remplissage, l’importance
du remodelage ventriculaire et le degré de stimulation hormonale.
Résumé
L’insuffisance cardiaque se caractérise par une mortalité élevée et un taux élevé de décompensations et
d’hospitalisations. Les taux sanguins de peptides natriurétiques ont une puissante valeur pronostique et
la diminution des taux sous traitement est associée à une amélioration du pronostic. L’apport de dosages
répétés au cours du suivi, pour aider à optimiser le traitement et éviter les hospitalisations, fait l’objet de
nombreux travaux dont plusieurs essais randomisés contrôlés. Les premiers résultats sont globalement
en faveur de leur utilité, mais avec des divergences selon les protocoles utilisés et les sous-groupes de
patients, pointant des questions incomplètement résolues sur la façon d’exploiter au mieux le potentiel
de ces biomarqueurs.
Rationnel pour une utilisation
et un bénéfice
dans le suivi de l’IC
Le rationnel pour l’utilisation des peptides natriurétiques au cours du suivi est fondé sur plusieurs
arguments :
➤ les peptides natriurétiques ont une puissante
valeur pronostique ;
➤ la diminution de leur taux est associée à une
amélioration du pronostic ;
➤ le traitement de l’IC fait diminuer ces taux ;
➤ des taux élevés de peptides natriurétiques aident
à identifier les patients requérant un traitement
plus agressif.
Peptides natriurétiques et stratification
pronostique
De très nombreuses études ont démontré la valeur
pronostique des taux de BNP ou de NT-proBNP dans
l’IC aiguë ou chronique. Cette valeur pronostique
s’ajoute à l’évaluation clinique et elle est indépendante
des nombreux autres “pronosticateurs” cliniques,
biologiques, échographiques ou issus du test d’effort.
C’est cette valeur qui donne au simple dosage du
BNP ou du NT-proBNP tout son intérêt pour aider à
préciser la gravité de l’état d’un patient donné.
Dans l’IC aiguë, plusieurs études ont montré que les
taux à l’admission étaient nettement plus pertinents
que l’évaluation clinique dans l’appréciation à court
terme de la gravité de l’état du patient et pouvaient,
in fine, être plus pertinents pour juger de la décision
d’hospitaliser ou non par exemple (4). Le degré de
diminution des taux en cours d’hospitalisation et,
peut-être plus encore, des taux obtenus à la sortie
sont des facteurs prédictifs très puissants du risque
à court et à moyen terme (5).
Dans l’IC chronique, les études ont démontré avec
une remarquable cohérence que les taux de BNP ou
de NT-proBNP prédisaient le risque de décès ou de
réhospitalisations en sus des critères de pronostic tels
les scores cliniques, de la FEVG et de la VO2max (6, 7).
C’est actuellement le paramètre biologique, utilisable
en routine, le plus puissant. Cette valeur prédictive
vaut aussi pour le risque de mort subite (8). Quand
ce dosage est répété au cours du suivi, la variation
du taux et, plus encore, le dernier taux mesuré ont
une valeur prédictive prééminente (9).
Des valeurs seuils de stratification pronostique ont
été proposées mais méritent d’être affinées, et c’est
d’ailleurs un des problèmes de l’utilisation de ces
dosages pour adapter le traitement. En fin d’hospitalisation, des taux de BNP à 350 pg/ml ou de
NT-proBNP à 2 000 pg/ml ont été proposés pour
distinguer 2 populations à risques très différents. De
façon simple, plus les valeurs sont basses, meilleur
est le pronostic…
Peptides natriurétiques
et traitements de l’IC
Les peptides natriurétiques ont un rôle physiologique
bénéfique dans l’IC ; la diminution de leur taux ne
reflète donc qu’une amélioration générale de l’IC.
Tous les traitements efficaces dans l’IC – diurétiques,
IEC, ARA II, bêtabloquants, antialdostérone, resynchronisation – diminuent les taux de peptides natriurétiques. Seuls les bêtabloquants ont une réponse
qui a été décrite comme biphasique avec une (légère)
augmentation au moment de l’introduction. Le suivi
des taux donne donc une idée de la réponse aux
traitements introduits.
Mots-clés
Insuffisance cardiaque
Biomarqueurs
Peptides
natriurétiques
Summary
Heart failure is associated
with high mortality as well as
a high rate of hospitalizations.
The prognostic value of blood
levels of natriuretic peptides is
very high and the treatmentrelated decrease in their levels
is associated with the improvement of outcome. The usefulness of serial testing, in order
to guide treatment as well as
to avoid hospitalizations, has
been challenged in several
RCTs. First published results are
globally positive but are inhomogeneous according to subgroups as well as procedures,
pointing out some unresolved
issues about the best use of
these biomarkers.
Keywords
Heart failure
Biomarkers
Natriuretic peptides
Utilité du dosage du BNP/NTproBNP dans le suivi
de l’IC décompensée
en cours d’hospitalisation
Il peut être difficile d’évaluer finement l’état de stabilité obtenu en cours d’hospitalisation, de préciser si
le patient est à nouveau en euvolémie, à son “poids
sec”, s’il faudrait ou non insister encore sur tel ou tel
traitement avant la sortie ou immédiatement après
l’hospitalisation. Dans ce contexte, la valeur pronostique importante des variations des taux de BNP ou
des taux de sortie suggèrent qu’il est utile de doser
ces peptides en cours d’hospitalisation, au moins à
la sortie ou juste avant. Un suivi renforcé immédiatement après l’hospitalisation, en fonction notam-
La Lettre du Cardiologue • n° 443 - mars 2011 |
17
MISE AU POINT
Le dosage du peptide natriurétique de type B est-il utile pour le suivi ?
ment de taux de BNP ou de NT-proBNP restant
très augmentés à la sortie, pourrait être proposé,
et certains résultats le suggèrent déjà (10). Pour ce
qui est du suivi hospitalier de la décompensation,
une corrélation intéressante entre les variations des
taux de BNP et la pression capillaire pulmonaire a
également pu être montrée. Néanmoins, aucune
étude n’a évalué ou comparé différentes stratégies
de prise en charge de la décompensation selon les
taux de BNP, et on ne peut donc recommander des
dosages répétés.
Évaluation du dosage du BNP/
NT-proBNP dans le suivi
ambulatoire de l’IC : plusieurs
essais randomisés contrôlés
Le dosage ponctuel du BNP ou du NT-proBNP donne
une information pertinente sur la gravité de l’état
du patient. L’intérêt est simple s’il s’agit de l’évaluation d’un patient sévèrement atteint pour lequel
se discutent des traitements lourds, comme une
transplantation. En dehors de ces situations assez
marginales, l’intérêt peut se situer :
➤ dans l’aide à l’optimisation du traitement via des
dosages répétés : ajustement des doses de diurétiques, majoration ou diminution des doses des
autres traitements. Il est recommandé de prescrire
systématiquement les doses maximales tolérées…
cliniquement, mais les registres montrent que de
nombreux patients restent insuffisamment traités.
Les raisons sont multiples, allant de la sous-estimation de la sévérité de la maladie à la crainte des
effets secondaires ;
➤ dans la détection plus précoce des décompensations, au moins dans les cas où celles-ci surviennent
de façon très progressive.
Plusieurs études randomisées contrôlées ont essayé
d’évaluer si la répétition de ces dosages était utile
et permettait notamment de meilleurs ajustements
thérapeutiques. Ces essais comparent classiquement
2 stratégies : la stratégie dite “conventionnelle” et la
stratégie “guidée par le BNP ou le NT-proBNP” avec
un dosage du BNP ou du NT-proBNP avant chaque
consultation et un algorithme thérapeutique fondé
sur une valeur cible de BNP/NT-proBNP. Cette valeur
cible est non consensuelle et varie d’une étude à
l’autre.
Dès 1999, 2 petites études pilotes (11, 12) ont montré
des résultats encourageants mais dans une relative
indifférence, car il n’y avait pas encore de kits de
18 | La Lettre du Cardiologue • n° 443 - mars 2011
dosage accessibles à tous. Cinq essais ont été publiés
au cours des 3 dernières années ; nous les résumons
dans l’ordre chronologique de publication.
STARS-BNP (13). Essai multicentrique français où
220 patients en ambulatoire, âgés en moyenne de
65 ans, de classe NYHA 2 à 3 et ayant une FEVG
inférieure à 35 % sous traitement optimal furent
randomisés entre la stratégie “conventionnelle” et
celle “guidée par le BNP” − où l’objectif était de
baisser le BNP à moins de 100 pg/ml (visites tous les
mois, puis tous les 3 mois après le troisième mois).
Le risque de décès ou d’hospitalisations pour IC a été
réduit de 52 % (groupe témoin) à 24 % (groupe BNP)
à la fin d’un suivi de 15 mois (p < 0,001). Les doses
d’IEC et de bêtabloquants étaient modifiées plus
souvent dans le groupe BNP, où les doses atteintes
étaient les plus importantes.
TIME-CHF (14). Essai multicentrique suisse ayant
randomisé 499 patients de plus de 60 ans, de classe
NYHA 2 à 4 avec une FEVG inférieure ou égale à
45 % entre les bras “conventionnel” et “guidé par
le NT-proBNP”. Le suivi en consultation était à 3,
6, 12 et 18 mois. La cible de NT-proBNP était de
400 pg/ml et de 800 pg/ml chez les plus de 75 ans.
Le critère primaire de jugement était l’hospitalisation toute cause et la qualité de vie. Le taux de
NT-proBNP diminua de façon identique dans les
2 bras mais la dose cible d’IEC ou de bêtabloquants
fut quand même plus souvent atteinte dans le
groupe NT-proBNP. Sur les critères primaires de
jugement – hospitalisation toute cause et qualité
de vie –, il n’y eut aucune différence entre les
2 groupes. Seule l’analyse préspécifiée en fonction de l’âge montra une réduction significative de
30 % (HR : 0,49-1,01 ; p = 0,05) chez les patients
de moins de 75 ans.
PRIMA (ACC 2009, non publié). Essai multicentrique
néerlandais mené chez 345 patients randomisés à la
sortie d’une hospitalisation entre suivi conventionnel
et suivi aidé par NT-proBNP dans l’optimisation du
traitement au cours du suivi avec des consultations
à 3, 6, 12 et 18 mois. La valeur cible de NT-proBNP
était individualisée : elle était la valeur la plus basse
observée pour chaque patient entre un dosage à
la sortie et un dosage 15 jours plus tard. Le critère
principal était le nombre de jours en vie et en dehors
de l’hôpital. Il n’y eut aucune différence significative
entre les 2 groupes. À nouveau, seule une analyse
en sous-groupe montrait un bénéfice, à savoir chez
les patients chez qui la “cible” de NT-proBNP était
atteinte.
BATTLESCARRED (15). Essai monocentrique
néo-zélandais où 364 patients avec IC aiguë, sans
MISE AU POINT
limite de FEVG et âgés en moyenne de 76 ans furent
randomisés 2 semaines après la sortie de l’hôpital
en 3 stratégies sur une période de 2 ans : suivi
“conventionnel” sans consigne stricte, suivi “intensif”
avec consultation tous les 3 mois et optimisation
systématique du traitement, suivi “guidé par le
NT-proBNP” tous les 3 mois avec cible à 1 300 pg/ml.
Les critères primaires de jugement étaient la mortalité toute cause et un critère composite associant
décès et hospitalisation pour IC. Les stratégies
“intensif” et “guidé par le NT-proBNP” eurent le
même bénéfice par rapport au suivi “conventionnel”
sur la mortalité à 1 an (9,1 versus 18,9 % ; p : 0,028),
bénéfice qui s’estompait progressivement au cours
des 2 années suivantes. Il n’y eut pas de différence
non plus sur les questionnaires de qualité de vie.
Finalement, c’est dans l’analyse préspécifiée selon
l’âge que la stratégie “guidée par le NT-proBNP”
montra un avantage sur les 2 autres stratégies chez
les patients de moins de 75 ans : mortalité à 1, 2 et
3 ans respectivement de 1,7, 7,3 et 15,5 % dans le
groupe “guidé par le NT-proBNP” contre 7,3, 20,0
et 30,9 %, et 20,3, 23,4 et 31,3 % dans les groupes
“intensif” et “conventionnel” respectivement.
Une récente méta-analyse (16) a été réalisée sur
ces premiers essais (1 726 patients) et a montré une
réduction de 24 % de la mortalité toute cause dans la
stratégie “guidée par le BNP” (RR : 0,76 ; IC95 : 0,630,91 ; p = 0,003), cela uniquement au bénéfice des
patients de moins de 75 ans. En revanche, le risque
de réhospitalisation toute cause n’était pas diminué
(RR : 0,82 ; IC95 : 0,64-1,05 ; p = 0,12).
Viennese study (10). Essai multicentrique autrichien mené chez 278 patients IC, majoritairement
avec une FEVG altérée, qui a comparé, pendant
12 mois, 3 stratégies à la sortie d’une hospitalisation pour décompensation : suivi “conventionnel”
sans consigne stricte, suivi “multidisciplinaire” avec
4 visites à domicile d’une infirmière spécialisée et
au moins 2 visites auprès d’un cardiologue spécialisé, suivi “guidé par le NT-proBNP” avec stratification à la sortie selon un seuil de 2 200 pg/ml et, en
cas de valeur supérieure à 2 200, suivi intensif par
un cardiologue spécialisé tous les 15 jours, voire
davantage, tant que le taux de NT-proBNP reste
supérieur à 2 200 pg/ml. Sur le taux de réhospitalisations ou le nombre de jours cumulés à l’hôpital
pour IC, le suivi “guidé par le NT-proBNP” présentait
de meilleurs résultats que le suivi “multidisciplinaire”, qui était plus bénéfique que le suivi “conventionnel” (28 versus 40 versus 61 %, et 488 versus
1 254 versus 1 588 jours ; p < 0,001). En revanche, le
taux de décès était diminué de façon identique dans
les 2 premiers groupes (22 versus 39 %). Le nombre
de visites médicales était finalement identique dans
les 2 premiers groupes. Une adaptation et une optimisation du traitement étaient plus fréquentes dans
le groupe “guidé par le NT-proBNP”, et enfin les
taux de NT-proBNP diminuaient davantage dans
ce dernier groupe.
PROTECT (AHA 2010, non publié). Essai monocentrique américain qui a comparé chez 151 patients IC
avec FEVG inférieure à 40 % 2 stratégies d’optimisation thérapeutique, selon une prise en charge usuelle
ou guidée par le NT-proBNP (cible de NT-proBNP à
1 000 pg/ml). Lors de la communication orale des
résultats, il fut annoncé que le risque d’événements
cardiaques (aggravation de l’IC aboutissant ou non à
une hospitalisation, à un syndrome coronarien, à des
troubles du rythme, à un AVC ou à un décès) était
réduit de 52 % dans le groupe “prise en charge guidée
par le NT-proBNP” (p = 0,009), essentiellement du
fait des réductions des insuffisances cardiaques. L’effet
était observé quel que soit l’âge, même après 75 ans.
Ces résultats sont finalement assez nuancés, avec
des protocoles de prise en charge comportant de
nombreuses variantes et correspondant plus ou
moins à la “vraie vie” mais, globalement, ils suggèrent que la prise en compte du dosage du BNP dans
le suivi est bénéfique (figure 1, p. 20). En cas de taux
élevé, le médecin est incité à majorer le traitement
jusqu’à la dose optimale plus qu’en l’absence de
dosage, avec des conséquences cliniques plutôt favorables, au moins chez les patients les moins âgés.
L’étude autrichienne est peut-être la plus intéressante, car elle montre l’intérêt potentiel d’un double
usage du dosage du BNP : à la sortie de l’hôpital,
pour sélectionner les patients les plus à risque et
nécessitant immédiatement un suivi renforcé, puis
en cours de suivi pour guider l’optimisation du traitement. Elle ne répond néanmoins pas complètement
à la question, car il n’est pas précisé si ce sont les
patients les plus sévèrement atteints qui tirent le
plus profit de cette stratégie, ce qui aurait pu être
le message espéré.
Reste à déterminer la façon “idéale” d’utiliser ces
biomarqueurs dans le suivi, sachant qu’un protocole unique est probablement illusoire et que cela
différera d’un environnement médico-social ou
médico-économique à l’autre, d’une catégorie de
patients à l’autre (sortie d’hôpital ou à distance,
FEVG altérée ou non, patient très âgé ou non, etc.).
De nombreuses questions persistent : quelles valeurs
cibles, quelles périodicités des dosages, quel algorithme thérapeutique, etc., et donc de nombreux
travaux restent à faire (figure 2, p. 20).
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www.edimark.fr
La Lettre du Cardiologue • n° 443 - mars 2011 |
19
MISE AU POINT
Le dosage du peptide natriurétique de type B est-il utile pour le suivi ?
Pour répondre à ces questions et dans l’attente
d’autres études en cours, la HAS a proposé des recommandations en juillet 2010 (http://www.has-sante.fr/
portail/jcms/c_927325/marqueurs-cardiaques-dansla-maladie-coronarienne-et-linsuffisance-cardiaqueen-medecine-ambulatoire-rapport-d-evaluation)
assez restrictives qui ne conseillent pas de répéter
le dosage dans le suivi d’un patient jugé cliniquement
stable avec un traitement optimal. Une place est
laissée pour le patient instable avec des symptômes
atypiques.
A
Source
RR (IC95)
R.W. Troughton et al. (12) 0,16 (0,02-1,20)
L. Beck-da Silva et al. 0,48 (0,05-4,85)
F. Esteban et al.
1,25 (0,37-4,21)
STARS-BNP (13)
0,64 (0,26-1,58)
TIME-CHF (14)
0,75 (0,58-0,96)
BATTLESCARRED (15) 1,00 (0,45-2,22)
PRIMA
0,79 (0,57-1,10)
SIGNAL-HF
0,79 (0,22-2,86)
Total (IC95)
Poids (%)
3,5
1,1
2,1
5,7
49,6
5,7
29,8
2,6
0,76 (0,63-0,91)
0,02
B
1,00
RR (IC95)
49,41
En pratique
0,75
BM n = 92
MC n = 96
p < 0,0001
0,50
p < 0,05 p = 0,04
Hospitalisation pour insuffisance cardiaque
1,00
UC n = 90
0,25
0,00
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
Mois
Figure 1. A. Résultats de la méta-analyse de P. Porapakkham et al. (16) sur la mortalité
toute cause. B. Bénéfice sur le taux de réhospitalisations pour IC par une prise en charge
multidisciplinaire, amplifié par l’apport du dosage du NT-proBNP et des consultations
répétées dès la sortie chez les patients les plus sévèrement atteints, dans l’étude de
R. Berger et al. (10).
BNP
Le dosage des peptides natriurétiques a une place
croissante dans le suivi du patient IC. Plus sensible
que la clinique et plus accessible que l’échocardiographie, la surveillance du taux de BNP est souvent
d’une grande aide, couplée à la mesure de la fonction
rénale. Au cours de l’hospitalisation pour décompensation cardiaque aiguë, l’absence de diminution ou
l’augmentation des taux de BNP doivent remettre
en question la stratégie thérapeutique utilisée. Le
taux de BNP à la sortie de l’hospitalisation permet
d’avoir une valeur de référence utile pour le suivi. En
période de relative stabilité, plus qu’une diminution
espérée, c’est l’augmentation des taux de peptides
natriurétiques qu’il faut redouter.
Par ailleurs, les taux de BNP ou de NT-proBNP,
comme tout biomarqueur, ont une variabilité intraindividuelle et il est important de signaler, dans le
cadre d’un suivi, que seules des variations d’au moins
30 % sont à considérer comme cliniquement pertinentes (17). Enfin, il existe une courbe d’apprentissage et on peut s’attendre à une période de “sagesse”
(utilisation raisonnée et raisonnable) succédant à
une utilisation parfois “intempestive”.
Sévérité sous-jacente ?
BNP idéal ?
“Humide”
“Décompensé”
“Instable”
“Haut risque”
Conclusion
Quelles valeurs cibles ?
Rôle de l’insuffisance rénale ?
Variabilité
intra-individuelle ?
“Sec”
“Stabilisé”
“Faible risque”
Quand répéter le BNP ?
Quel algorithme
thérapeutique ?
Figure 2. Dosage répété du BNP et problèmes à résoudre pour une utilisation consensuelle.
20 | La Lettre du Cardiologue • n° 443 - mars 2011
Un défi majeur pour réduire la morbidité de l’IC
réside dans notre capacité à trouver des modes de
suivi à la fois réalistes et plus efficaces qu’un suivi
encore trop souvent fondé sur quelques consultations espacées et trop d’inertie médicale. Un
rationnel et des premiers résultats encourageants
issus d’essais randomisés permettent de considérer
que le dosage du BNP est utile dans ce suivi, au
moins chez les patients les plus sévèrement atteints,
avec une FEVG altérée et peu âgés. Les raisons de ce
bénéfice restent une source de discussion, y compris
MISE AU POINT
après la publication de plusieurs essais randomisés.
En effet, les taux de BNP semblent surtout un
stimulus à maximiser le traitement alors qu’il est
recommandé d’optimiser ce traitement chez tous, en
fonction de la tolérance clinique. Certains considèrent donc avec scepticisme la valeur ajoutée de ces
taux dans une prise en charge “vraiment” intensive
et sans BNP. Il est également simpliste d’imaginer
qu’un seul (bio)marqueur donnera une information
suffisante sur une pathologie aux mécanismes aussi
complexes. D’autres outils de surveillance – autres
biomarqueurs, impédancemétrie, capteurs de pression implantés – sont en cours d’évaluation. Une
force des biomarqueurs réside dans leurs résultats
quantifiables, numériques, qui, mieux que l’évaluation clinique, devraient s’intégrer idéalement dans
■
une télémédecine en devenir.
Conflit d’intérêts. En rapport avec cet article, l’auteur déclare
avoir reçu des honoraires de Roche Diagnostics.
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La Lettre du Cardiologue • n° 443 - mars 2011 |
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