MISE AU POINT Le dosage du peptide natriurétique de type B est-il utile pour le suivi ? Serial BNP testing: is it helpful in chronic heart failure? D. Logeart* P ourquoi essayer d’utiliser le dosage du peptide natriurétique de type B (BNP et NT-proBNP) dans le suivi de l’insuffisance cardiaque (IC) ? La question concerne plus largement tout nouveau biomarqueur, biologique ou non, dans le suivi. L’IC se caractérise par une mortalité élevée et par un taux élevé de décompensations et d’hospitalisations (1). Ces dernières sont bien sûr multifactorielles, mais il est possible qu’un suivi fin évite de nombreuses hospitalisations (2). L’appréciation clinique de la volémie et de la congestion a ses limites, et les stades précoces de décompensation sont souvent ignorés. Une attitude extrême pourrait être de surveiller le secteur extracellulaire et/ou les pressions intracardiaques grâce à des capteurs d’impédancemétrie et/ou de pression implantés. De façon plus simple et réaliste, le dosage sanguin des taux de peptides natriurétiques, qui sont assurément un très bon reflet de la sévérité de l’IC, pourrait être utile au clinicien au cours du suivi. Déterminants physiopathologiques et valeur pronostique des taux de peptides natriurétiques * Service de cardiologie et Inserm U942 “Biomarqueurs et insuffisances cardiaques”, hôpital Lariboisière, Paris. Les peptides natriurétiques sont synthétisés par la paroi ventriculaire à partir d’un même précurseur, le préproBNP, qui est transformé en proBNP par clivage enzymatique d’un petit fragment. Leur concentration plasmatique, faible en l’absence de cardiopathie, augmente en situation pathologique lors de la mise en tension anormale de la paroi myocardique (3). L’hypoxie, l’étirement myocardique ainsi que divers stimuli hormonaux (angiotensine II, endothéline 1, 16 | La Lettre du Cardiologue • n° 443 - mars 2011 catécholamines) en stimulent la sécrétion en quelques heures (le proBNP n’est pas stocké). C’est lors de sa sécrétion dans la circulation que le proBNP est clivé en 2 fragments : le fragment N-terminal, ou NT-proBNP (76 acides aminés), biologiquement inactif, et le BNP (32 acides aminés), doué d’une activité biologique. Leurs masses moléculaires différentes expliquent que leurs taux soient très différents pour un même patient. La demi-vie du BNP est de 10 à 20 mn environ, contre 60 à 120 mn pour le NT-proBNP. L’élimination se fait par 3 mécanismes : internalisation à l’intérieur des cellules par un récepteur spécifique (NPR-C), dégradation par une endopeptidase neutre ancrée à la surface des cellules endothéliales et élimination par voie rénale. Les taux de BNP et de NT-proBNP sont donc augmentés dans l’IC, et leur dosage est d’ailleurs recommandé dans le diagnostic de l’IC. Ils sont corrélés à la sévérité de l’IC, au degré de dysfonction ventriculaire gauche systolique et diastolique, à l’augmentation des pressions de remplissage et aux contraintes pariétales ventriculaire gauche. Également sécrétés par le ventricule droit, ils peuvent être élevés lors d’une embolie pulmonaire, d’une hypertension artérielle pulmonaire ou d’une BPCO sévère. L’insuffisance rénale et le vieillissement s’accompagnent d’une élévation des taux de peptides natriurétiques indépendamment de toute atteinte cardiaque. Il existe une relation négative entre les taux de peptides natriurétiques et l’indice de masse corporelle. Si tous ces paramètres extracardiaques sont à prendre en compte dans leur utilisation, les taux de peptides natriurétiques reflètent une forme de statut instantané de l’IC, intégrant à la fois la volémie, les pressions de remplissage, l’importance du remodelage ventriculaire et le degré de stimulation hormonale. Résumé L’insuffisance cardiaque se caractérise par une mortalité élevée et un taux élevé de décompensations et d’hospitalisations. Les taux sanguins de peptides natriurétiques ont une puissante valeur pronostique et la diminution des taux sous traitement est associée à une amélioration du pronostic. L’apport de dosages répétés au cours du suivi, pour aider à optimiser le traitement et éviter les hospitalisations, fait l’objet de nombreux travaux dont plusieurs essais randomisés contrôlés. Les premiers résultats sont globalement en faveur de leur utilité, mais avec des divergences selon les protocoles utilisés et les sous-groupes de patients, pointant des questions incomplètement résolues sur la façon d’exploiter au mieux le potentiel de ces biomarqueurs. Rationnel pour une utilisation et un bénéfice dans le suivi de l’IC Le rationnel pour l’utilisation des peptides natriurétiques au cours du suivi est fondé sur plusieurs arguments : ➤ les peptides natriurétiques ont une puissante valeur pronostique ; ➤ la diminution de leur taux est associée à une amélioration du pronostic ; ➤ le traitement de l’IC fait diminuer ces taux ; ➤ des taux élevés de peptides natriurétiques aident à identifier les patients requérant un traitement plus agressif. Peptides natriurétiques et stratification pronostique De très nombreuses études ont démontré la valeur pronostique des taux de BNP ou de NT-proBNP dans l’IC aiguë ou chronique. Cette valeur pronostique s’ajoute à l’évaluation clinique et elle est indépendante des nombreux autres “pronosticateurs” cliniques, biologiques, échographiques ou issus du test d’effort. C’est cette valeur qui donne au simple dosage du BNP ou du NT-proBNP tout son intérêt pour aider à préciser la gravité de l’état d’un patient donné. Dans l’IC aiguë, plusieurs études ont montré que les taux à l’admission étaient nettement plus pertinents que l’évaluation clinique dans l’appréciation à court terme de la gravité de l’état du patient et pouvaient, in fine, être plus pertinents pour juger de la décision d’hospitaliser ou non par exemple (4). Le degré de diminution des taux en cours d’hospitalisation et, peut-être plus encore, des taux obtenus à la sortie sont des facteurs prédictifs très puissants du risque à court et à moyen terme (5). Dans l’IC chronique, les études ont démontré avec une remarquable cohérence que les taux de BNP ou de NT-proBNP prédisaient le risque de décès ou de réhospitalisations en sus des critères de pronostic tels les scores cliniques, de la FEVG et de la VO2max (6, 7). C’est actuellement le paramètre biologique, utilisable en routine, le plus puissant. Cette valeur prédictive vaut aussi pour le risque de mort subite (8). Quand ce dosage est répété au cours du suivi, la variation du taux et, plus encore, le dernier taux mesuré ont une valeur prédictive prééminente (9). Des valeurs seuils de stratification pronostique ont été proposées mais méritent d’être affinées, et c’est d’ailleurs un des problèmes de l’utilisation de ces dosages pour adapter le traitement. En fin d’hospitalisation, des taux de BNP à 350 pg/ml ou de NT-proBNP à 2 000 pg/ml ont été proposés pour distinguer 2 populations à risques très différents. De façon simple, plus les valeurs sont basses, meilleur est le pronostic… Peptides natriurétiques et traitements de l’IC Les peptides natriurétiques ont un rôle physiologique bénéfique dans l’IC ; la diminution de leur taux ne reflète donc qu’une amélioration générale de l’IC. Tous les traitements efficaces dans l’IC – diurétiques, IEC, ARA II, bêtabloquants, antialdostérone, resynchronisation – diminuent les taux de peptides natriurétiques. Seuls les bêtabloquants ont une réponse qui a été décrite comme biphasique avec une (légère) augmentation au moment de l’introduction. Le suivi des taux donne donc une idée de la réponse aux traitements introduits. Mots-clés Insuffisance cardiaque Biomarqueurs Peptides natriurétiques Summary Heart failure is associated with high mortality as well as a high rate of hospitalizations. The prognostic value of blood levels of natriuretic peptides is very high and the treatmentrelated decrease in their levels is associated with the improvement of outcome. The usefulness of serial testing, in order to guide treatment as well as to avoid hospitalizations, has been challenged in several RCTs. First published results are globally positive but are inhomogeneous according to subgroups as well as procedures, pointing out some unresolved issues about the best use of these biomarkers. Keywords Heart failure Biomarkers Natriuretic peptides Utilité du dosage du BNP/NTproBNP dans le suivi de l’IC décompensée en cours d’hospitalisation Il peut être difficile d’évaluer finement l’état de stabilité obtenu en cours d’hospitalisation, de préciser si le patient est à nouveau en euvolémie, à son “poids sec”, s’il faudrait ou non insister encore sur tel ou tel traitement avant la sortie ou immédiatement après l’hospitalisation. Dans ce contexte, la valeur pronostique importante des variations des taux de BNP ou des taux de sortie suggèrent qu’il est utile de doser ces peptides en cours d’hospitalisation, au moins à la sortie ou juste avant. Un suivi renforcé immédiatement après l’hospitalisation, en fonction notam- La Lettre du Cardiologue • n° 443 - mars 2011 | 17 MISE AU POINT Le dosage du peptide natriurétique de type B est-il utile pour le suivi ? ment de taux de BNP ou de NT-proBNP restant très augmentés à la sortie, pourrait être proposé, et certains résultats le suggèrent déjà (10). Pour ce qui est du suivi hospitalier de la décompensation, une corrélation intéressante entre les variations des taux de BNP et la pression capillaire pulmonaire a également pu être montrée. Néanmoins, aucune étude n’a évalué ou comparé différentes stratégies de prise en charge de la décompensation selon les taux de BNP, et on ne peut donc recommander des dosages répétés. Évaluation du dosage du BNP/ NT-proBNP dans le suivi ambulatoire de l’IC : plusieurs essais randomisés contrôlés Le dosage ponctuel du BNP ou du NT-proBNP donne une information pertinente sur la gravité de l’état du patient. L’intérêt est simple s’il s’agit de l’évaluation d’un patient sévèrement atteint pour lequel se discutent des traitements lourds, comme une transplantation. En dehors de ces situations assez marginales, l’intérêt peut se situer : ➤ dans l’aide à l’optimisation du traitement via des dosages répétés : ajustement des doses de diurétiques, majoration ou diminution des doses des autres traitements. Il est recommandé de prescrire systématiquement les doses maximales tolérées… cliniquement, mais les registres montrent que de nombreux patients restent insuffisamment traités. Les raisons sont multiples, allant de la sous-estimation de la sévérité de la maladie à la crainte des effets secondaires ; ➤ dans la détection plus précoce des décompensations, au moins dans les cas où celles-ci surviennent de façon très progressive. Plusieurs études randomisées contrôlées ont essayé d’évaluer si la répétition de ces dosages était utile et permettait notamment de meilleurs ajustements thérapeutiques. Ces essais comparent classiquement 2 stratégies : la stratégie dite “conventionnelle” et la stratégie “guidée par le BNP ou le NT-proBNP” avec un dosage du BNP ou du NT-proBNP avant chaque consultation et un algorithme thérapeutique fondé sur une valeur cible de BNP/NT-proBNP. Cette valeur cible est non consensuelle et varie d’une étude à l’autre. Dès 1999, 2 petites études pilotes (11, 12) ont montré des résultats encourageants mais dans une relative indifférence, car il n’y avait pas encore de kits de 18 | La Lettre du Cardiologue • n° 443 - mars 2011 dosage accessibles à tous. Cinq essais ont été publiés au cours des 3 dernières années ; nous les résumons dans l’ordre chronologique de publication. STARS-BNP (13). Essai multicentrique français où 220 patients en ambulatoire, âgés en moyenne de 65 ans, de classe NYHA 2 à 3 et ayant une FEVG inférieure à 35 % sous traitement optimal furent randomisés entre la stratégie “conventionnelle” et celle “guidée par le BNP” − où l’objectif était de baisser le BNP à moins de 100 pg/ml (visites tous les mois, puis tous les 3 mois après le troisième mois). Le risque de décès ou d’hospitalisations pour IC a été réduit de 52 % (groupe témoin) à 24 % (groupe BNP) à la fin d’un suivi de 15 mois (p < 0,001). Les doses d’IEC et de bêtabloquants étaient modifiées plus souvent dans le groupe BNP, où les doses atteintes étaient les plus importantes. TIME-CHF (14). Essai multicentrique suisse ayant randomisé 499 patients de plus de 60 ans, de classe NYHA 2 à 4 avec une FEVG inférieure ou égale à 45 % entre les bras “conventionnel” et “guidé par le NT-proBNP”. Le suivi en consultation était à 3, 6, 12 et 18 mois. La cible de NT-proBNP était de 400 pg/ml et de 800 pg/ml chez les plus de 75 ans. Le critère primaire de jugement était l’hospitalisation toute cause et la qualité de vie. Le taux de NT-proBNP diminua de façon identique dans les 2 bras mais la dose cible d’IEC ou de bêtabloquants fut quand même plus souvent atteinte dans le groupe NT-proBNP. Sur les critères primaires de jugement – hospitalisation toute cause et qualité de vie –, il n’y eut aucune différence entre les 2 groupes. Seule l’analyse préspécifiée en fonction de l’âge montra une réduction significative de 30 % (HR : 0,49-1,01 ; p = 0,05) chez les patients de moins de 75 ans. PRIMA (ACC 2009, non publié). Essai multicentrique néerlandais mené chez 345 patients randomisés à la sortie d’une hospitalisation entre suivi conventionnel et suivi aidé par NT-proBNP dans l’optimisation du traitement au cours du suivi avec des consultations à 3, 6, 12 et 18 mois. La valeur cible de NT-proBNP était individualisée : elle était la valeur la plus basse observée pour chaque patient entre un dosage à la sortie et un dosage 15 jours plus tard. Le critère principal était le nombre de jours en vie et en dehors de l’hôpital. Il n’y eut aucune différence significative entre les 2 groupes. À nouveau, seule une analyse en sous-groupe montrait un bénéfice, à savoir chez les patients chez qui la “cible” de NT-proBNP était atteinte. BATTLESCARRED (15). Essai monocentrique néo-zélandais où 364 patients avec IC aiguë, sans MISE AU POINT limite de FEVG et âgés en moyenne de 76 ans furent randomisés 2 semaines après la sortie de l’hôpital en 3 stratégies sur une période de 2 ans : suivi “conventionnel” sans consigne stricte, suivi “intensif” avec consultation tous les 3 mois et optimisation systématique du traitement, suivi “guidé par le NT-proBNP” tous les 3 mois avec cible à 1 300 pg/ml. Les critères primaires de jugement étaient la mortalité toute cause et un critère composite associant décès et hospitalisation pour IC. Les stratégies “intensif” et “guidé par le NT-proBNP” eurent le même bénéfice par rapport au suivi “conventionnel” sur la mortalité à 1 an (9,1 versus 18,9 % ; p : 0,028), bénéfice qui s’estompait progressivement au cours des 2 années suivantes. Il n’y eut pas de différence non plus sur les questionnaires de qualité de vie. Finalement, c’est dans l’analyse préspécifiée selon l’âge que la stratégie “guidée par le NT-proBNP” montra un avantage sur les 2 autres stratégies chez les patients de moins de 75 ans : mortalité à 1, 2 et 3 ans respectivement de 1,7, 7,3 et 15,5 % dans le groupe “guidé par le NT-proBNP” contre 7,3, 20,0 et 30,9 %, et 20,3, 23,4 et 31,3 % dans les groupes “intensif” et “conventionnel” respectivement. Une récente méta-analyse (16) a été réalisée sur ces premiers essais (1 726 patients) et a montré une réduction de 24 % de la mortalité toute cause dans la stratégie “guidée par le BNP” (RR : 0,76 ; IC95 : 0,630,91 ; p = 0,003), cela uniquement au bénéfice des patients de moins de 75 ans. En revanche, le risque de réhospitalisation toute cause n’était pas diminué (RR : 0,82 ; IC95 : 0,64-1,05 ; p = 0,12). Viennese study (10). Essai multicentrique autrichien mené chez 278 patients IC, majoritairement avec une FEVG altérée, qui a comparé, pendant 12 mois, 3 stratégies à la sortie d’une hospitalisation pour décompensation : suivi “conventionnel” sans consigne stricte, suivi “multidisciplinaire” avec 4 visites à domicile d’une infirmière spécialisée et au moins 2 visites auprès d’un cardiologue spécialisé, suivi “guidé par le NT-proBNP” avec stratification à la sortie selon un seuil de 2 200 pg/ml et, en cas de valeur supérieure à 2 200, suivi intensif par un cardiologue spécialisé tous les 15 jours, voire davantage, tant que le taux de NT-proBNP reste supérieur à 2 200 pg/ml. Sur le taux de réhospitalisations ou le nombre de jours cumulés à l’hôpital pour IC, le suivi “guidé par le NT-proBNP” présentait de meilleurs résultats que le suivi “multidisciplinaire”, qui était plus bénéfique que le suivi “conventionnel” (28 versus 40 versus 61 %, et 488 versus 1 254 versus 1 588 jours ; p < 0,001). En revanche, le taux de décès était diminué de façon identique dans les 2 premiers groupes (22 versus 39 %). Le nombre de visites médicales était finalement identique dans les 2 premiers groupes. Une adaptation et une optimisation du traitement étaient plus fréquentes dans le groupe “guidé par le NT-proBNP”, et enfin les taux de NT-proBNP diminuaient davantage dans ce dernier groupe. PROTECT (AHA 2010, non publié). Essai monocentrique américain qui a comparé chez 151 patients IC avec FEVG inférieure à 40 % 2 stratégies d’optimisation thérapeutique, selon une prise en charge usuelle ou guidée par le NT-proBNP (cible de NT-proBNP à 1 000 pg/ml). Lors de la communication orale des résultats, il fut annoncé que le risque d’événements cardiaques (aggravation de l’IC aboutissant ou non à une hospitalisation, à un syndrome coronarien, à des troubles du rythme, à un AVC ou à un décès) était réduit de 52 % dans le groupe “prise en charge guidée par le NT-proBNP” (p = 0,009), essentiellement du fait des réductions des insuffisances cardiaques. L’effet était observé quel que soit l’âge, même après 75 ans. Ces résultats sont finalement assez nuancés, avec des protocoles de prise en charge comportant de nombreuses variantes et correspondant plus ou moins à la “vraie vie” mais, globalement, ils suggèrent que la prise en compte du dosage du BNP dans le suivi est bénéfique (figure 1, p. 20). En cas de taux élevé, le médecin est incité à majorer le traitement jusqu’à la dose optimale plus qu’en l’absence de dosage, avec des conséquences cliniques plutôt favorables, au moins chez les patients les moins âgés. L’étude autrichienne est peut-être la plus intéressante, car elle montre l’intérêt potentiel d’un double usage du dosage du BNP : à la sortie de l’hôpital, pour sélectionner les patients les plus à risque et nécessitant immédiatement un suivi renforcé, puis en cours de suivi pour guider l’optimisation du traitement. Elle ne répond néanmoins pas complètement à la question, car il n’est pas précisé si ce sont les patients les plus sévèrement atteints qui tirent le plus profit de cette stratégie, ce qui aurait pu être le message espéré. Reste à déterminer la façon “idéale” d’utiliser ces biomarqueurs dans le suivi, sachant qu’un protocole unique est probablement illusoire et que cela différera d’un environnement médico-social ou médico-économique à l’autre, d’une catégorie de patients à l’autre (sortie d’hôpital ou à distance, FEVG altérée ou non, patient très âgé ou non, etc.). De nombreuses questions persistent : quelles valeurs cibles, quelles périodicités des dosages, quel algorithme thérapeutique, etc., et donc de nombreux travaux restent à faire (figure 2, p. 20). "ANMMDY UNTR DMKHFMD #TKKDSHM C¢@ANMMDLDMS CHRONMHAKD O@FD www.edimark.fr La Lettre du Cardiologue • n° 443 - mars 2011 | 19 MISE AU POINT Le dosage du peptide natriurétique de type B est-il utile pour le suivi ? Pour répondre à ces questions et dans l’attente d’autres études en cours, la HAS a proposé des recommandations en juillet 2010 (http://www.has-sante.fr/ portail/jcms/c_927325/marqueurs-cardiaques-dansla-maladie-coronarienne-et-linsuffisance-cardiaqueen-medecine-ambulatoire-rapport-d-evaluation) assez restrictives qui ne conseillent pas de répéter le dosage dans le suivi d’un patient jugé cliniquement stable avec un traitement optimal. Une place est laissée pour le patient instable avec des symptômes atypiques. A Source RR (IC95) R.W. Troughton et al. (12) 0,16 (0,02-1,20) L. Beck-da Silva et al. 0,48 (0,05-4,85) F. Esteban et al. 1,25 (0,37-4,21) STARS-BNP (13) 0,64 (0,26-1,58) TIME-CHF (14) 0,75 (0,58-0,96) BATTLESCARRED (15) 1,00 (0,45-2,22) PRIMA 0,79 (0,57-1,10) SIGNAL-HF 0,79 (0,22-2,86) Total (IC95) Poids (%) 3,5 1,1 2,1 5,7 49,6 5,7 29,8 2,6 0,76 (0,63-0,91) 0,02 B 1,00 RR (IC95) 49,41 En pratique 0,75 BM n = 92 MC n = 96 p < 0,0001 0,50 p < 0,05 p = 0,04 Hospitalisation pour insuffisance cardiaque 1,00 UC n = 90 0,25 0,00 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 Mois Figure 1. A. Résultats de la méta-analyse de P. Porapakkham et al. (16) sur la mortalité toute cause. B. Bénéfice sur le taux de réhospitalisations pour IC par une prise en charge multidisciplinaire, amplifié par l’apport du dosage du NT-proBNP et des consultations répétées dès la sortie chez les patients les plus sévèrement atteints, dans l’étude de R. Berger et al. (10). BNP Le dosage des peptides natriurétiques a une place croissante dans le suivi du patient IC. Plus sensible que la clinique et plus accessible que l’échocardiographie, la surveillance du taux de BNP est souvent d’une grande aide, couplée à la mesure de la fonction rénale. Au cours de l’hospitalisation pour décompensation cardiaque aiguë, l’absence de diminution ou l’augmentation des taux de BNP doivent remettre en question la stratégie thérapeutique utilisée. Le taux de BNP à la sortie de l’hospitalisation permet d’avoir une valeur de référence utile pour le suivi. En période de relative stabilité, plus qu’une diminution espérée, c’est l’augmentation des taux de peptides natriurétiques qu’il faut redouter. Par ailleurs, les taux de BNP ou de NT-proBNP, comme tout biomarqueur, ont une variabilité intraindividuelle et il est important de signaler, dans le cadre d’un suivi, que seules des variations d’au moins 30 % sont à considérer comme cliniquement pertinentes (17). Enfin, il existe une courbe d’apprentissage et on peut s’attendre à une période de “sagesse” (utilisation raisonnée et raisonnable) succédant à une utilisation parfois “intempestive”. Sévérité sous-jacente ? BNP idéal ? “Humide” “Décompensé” “Instable” “Haut risque” Conclusion Quelles valeurs cibles ? Rôle de l’insuffisance rénale ? Variabilité intra-individuelle ? “Sec” “Stabilisé” “Faible risque” Quand répéter le BNP ? Quel algorithme thérapeutique ? Figure 2. Dosage répété du BNP et problèmes à résoudre pour une utilisation consensuelle. 20 | La Lettre du Cardiologue • n° 443 - mars 2011 Un défi majeur pour réduire la morbidité de l’IC réside dans notre capacité à trouver des modes de suivi à la fois réalistes et plus efficaces qu’un suivi encore trop souvent fondé sur quelques consultations espacées et trop d’inertie médicale. Un rationnel et des premiers résultats encourageants issus d’essais randomisés permettent de considérer que le dosage du BNP est utile dans ce suivi, au moins chez les patients les plus sévèrement atteints, avec une FEVG altérée et peu âgés. Les raisons de ce bénéfice restent une source de discussion, y compris MISE AU POINT après la publication de plusieurs essais randomisés. En effet, les taux de BNP semblent surtout un stimulus à maximiser le traitement alors qu’il est recommandé d’optimiser ce traitement chez tous, en fonction de la tolérance clinique. Certains considèrent donc avec scepticisme la valeur ajoutée de ces taux dans une prise en charge “vraiment” intensive et sans BNP. Il est également simpliste d’imaginer qu’un seul (bio)marqueur donnera une information suffisante sur une pathologie aux mécanismes aussi complexes. D’autres outils de surveillance – autres biomarqueurs, impédancemétrie, capteurs de pression implantés – sont en cours d’évaluation. Une force des biomarqueurs réside dans leurs résultats quantifiables, numériques, qui, mieux que l’évaluation clinique, devraient s’intégrer idéalement dans ■ une télémédecine en devenir. Conflit d’intérêts. En rapport avec cet article, l’auteur déclare avoir reçu des honoraires de Roche Diagnostics. Références bibliographiques 1. Task Force for Diagnosis and Treatment of Acute and Chronic Heart Failure 2008 of European Society of Cardiology, Dickstein K, Cohen-Solal A et al. ESC guidelines for diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure 2008: the Task Force for the Diagnosis and Treatment of Acute and Chronic Heart Failure 2008 of the European Society of Cardiology. Developed in collaboration with the Heart Failure Association of the ESC (HFA) and endorsed by the European Society of Intensive Care Medicine (ESICM). Eur Heart J 2008;29:2388-442. 2. Michalsen A, König G, Thimme W. 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