A Grossesse et cancer du sein DOSSIER THÉMATIQUE Pregnancy and breast cancer

6 | La Lettre du Sénologue ̐ n° 55 - janvier-février-mars 2012
DOSSIER THÉMATIQUE Grossesse et cancer du sein
* Service de gynécologie obsté-
trique, hôpital Robert-Debré, Paris.
** Président de l'AFACS, Paris.
*** Département de chirurgie onco-
logique, institut Curie, Paris.
Grossesse et cancer du sein
Pregnancy and breast cancer
Brigitte Raccah-Tebeka*, Christian Jamin**, Virginie Fourchotte***
A
border le thème de ce dossier “Grossesse
et cancer du sein”, c’est d’emblée toucher
à des points sensibles avec les connota-
tions émotionnelles évidentes que ce sujet suscite.
S’y mêlent des notions aussi antinomiques que
la jeunesse, la maladie grave, le projet d’enfant.
L’association grossesse et cancer du sein fait aussi
appel au lien étroit entre le cancer du sein et les
hormones, souvent diabolisées. De plus, la grossesse
précoce est encensée comme étant quasiment le
seul facteur protecteur de la maladie alors qu’une
grossesse tardive créerait un surrisque de la voir
apparaître. Ainsi, les natalistes se servent du cancer
du sein comme d’un levier pour inciter les femmes
à devenir mère au plus vite : quelle est la réalité de
telles assertions ?
Cette entité soulève donc un intérêt croissant pour
de nombreuses communautés médicales : les séno-
logues ne sont plus les seuls impliqués partageant
désormais la prise en charge des patientes avec les
gynécologues, les obstétriciens, les chirurgiens, les
généralistes, les psychologues, les médecins de
la fertilité, les biologistes… Les questions posées
autour de ce dossier “Grossesse et cancer du sein”
sont d’ailleurs l’occasion d’échanges fructueux entre
tous ces acteurs menant une réflexion commune
dans l’intérêt des patientes.
Des évolutions importantes expliquent la fréquence
croissante des relations liant la grossesse au cancer
du sein :
– l’incidence du cancer du sein augmente faiblement,
y compris chez la femme jeune ;
– près de 10 % des cancers du sein surviennent avant
l’âge de 40 ans ;
– les grossesses tardives sont de plus en plus
fréquentes.
Des réflexions et des prises en charge nouvelles vont
ainsi s’imposer d’une façon toute naturelle.
La survenue d’un cancer du sein lors d’une grossesse,
outre le problème du diagnostic souvent délicat et
tardif, pose des questions à la fois sur le devenir
obstétrical et sur le choix thérapeutique. Une telle
association implique une approche pluridisciplinaire
adaptée à chaque cas.
À l’opposé, un projet de grossesse peut être formulé par
une femme jeune après traitement pour un cancer du
sein. Les études épidémiologiques donnent des résul-
tats rassurants en termes de risque de récidive et de
survie globale. La question du délai entre la fin des
traitements et “l’autorisation” de grossesse est toujours
débattue par l’équipe médicale et est souvent révisée
par la femme elle-même. Cependant, bien souvent,
la fertilité des patientes est compromise du fait de
la chimiothérapie. La connaissance des molécules
progresse permettant de limiter les risques d’atteinte
de la fonction ovarienne. De plus, diverses techniques
de préservation de la fertilité peuvent être proposées,
dans certains cas, avant même le début des traitements
du cancer. Si malgré tous ces efforts la femme souffre
d’infertilité, ou l’était avant le cancer, quelle prise en
charge peut-elle lui être permise sans risque ?
Le sujet tabou de la grossesse après un cancer du
sein étant levé, la participation de nombreux acteurs
est impérative afin de permettre à la femme de se
projeter dans l’avenir avec un espoir non seulement
de guérir mais aussi de faire et d’élever un enfant.
Les questions posées sur les relations entre la gros-
sesse et le cancer du sein sont d’une extrême diver-
sité, générant des débats souvent passionnés. Ce
numéro de La Lettre du Sénologue tente de trans-
crire les principaux sujets de réflexion évoqués et
les solutions actuelles. ■