L Cardiologie interventionnelle et athérome coronaire I

a dernière réunion du groupe de travail de la SFC sur la
cardiologie interventionnelle et l’athérome coronaire
s’est tenue à Paris récemment. Comme de coutume, ces
journées se sont déroulées sous la forme d’ateliers de travail, de
groupes de discussion et de conférences.
Concernant le cathétérisme interventionnel, les sujets abordés ont
été l’échographie endocoronaire et la rupture de plaque dans les
syndromes coronaires aigus, la resténose intrastent et sa prise en
charge vue par deux équipes différentes.
Le symposium s’est intéressé à l’épidémiologie actuelle de la
coronarographie et de l’angioplastie sur une période de dix ans.
Le traitement du coronarien a ensuite été débattu, notamment
avec la place des médicaments face au cathétérisme, et en parti-
culier celle des inhibiteurs calciques.
ÉCHOGRAPHIE ENDOCORONAIRE
(G. Rioufol)
Le SCA (syndrome coronaire aigu) regroupe l’ensemble des évé-
nements coronariens. Il associe plusieurs mécanismes. La rup-
ture de la plaque d’athérome, plus ou moins complète, est connue
et décrite depuis longtemps ; elle peut être unique ou multiple,
portant alors sur la même artère, ou sur plusieurs artères. Plus
récemment, l’inflammation a été incriminée dans la physio-
pathologie de la rupture de plaque. Ce facteur semble être pré-
pondérant dans la pathologie coronaire.
L’échographie endocoronaire reste encore une technique peu
répandue. L’expérience lyonnaise nous montre son intérêt dans
le diagnostic du SCA. En effet, elle apporte une analyse quanti-
tative avec le nombre de lésions, mais aussi qualitative avec la
visualisation de plaques rompues ou de cavités intrapariétales et
d’excavation (figures 1a et 1b).
L’étude lyonnaise porte sur 24 patients de 61 ans (± 10 ans) pré-
sentant un SCA, avec 61 coronaires échographiées. Dans 100 %
des cas, la lésion coupable est identifiée, la moitié des cas pré-
sentant une rupture de la plaque. D’autre part, dans trois cas sur
quatre, une autre artère présente des arguments échographiques
en faveur d’une rupture de plaque. Les vaisseaux incriminés sont
le tronc commun dans 10 % des cas, l’interventriculaire anté-
rieure (25 %), la circonflexe (30 %) et la coronaire droite (25 %).
Au total, l’échographie endocoronaire permet de confirmer le dia-
gnostic de syndrome coronaire aigu en désignant l’artère cou-
pable. Elle rend possible une analyse du reste du réseau coronaire
avec la mise en évidence de plusieurs ruptures de plaques dans
75 % des cas et de patients tritronculaires une fois sur quatre.
La Lettre du Cardiologue - n° 343 - mars 2001
13
INFORMATIONS
Cardiologie interventionnelle et athérome coronaire
L
Figure 1a.
Échographie
endocoronaire :
excavation intrapariétale.
Figure 1b.
Sténose non serrée
de CD1.
La Lettre du Cardiologue - n° 343 - mars 2001
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RESTÉNOSE INTRASTENT
(E. Van Belle)
Décrit par certains comme le cancer de la cardiologie, la resté-
nose intrastent constitue pour l’angioplasticien un véritable
fléau et, pour le patient, un risque mortel. De façon concomi-
tante, le nombre d’endoprothèses coronaires implantées va crois-
sant. Complétant 3,3 % des procédures d’angioplastie en 1991,
le stenting représente 57 % des procédures en 1996 et 80 % en
1999. La resténose a parfois été sous-estimée dans certaines
études BENESTENT 2, PILOT 2 (respectivement 17 et 12 %).
Cela peut s’expliquer par les critères d’exclusion regroupant, entre
autres, les artères de petit calibre et les lésions complexes.
De mécanisme complexe, cette resténose associe une endothé-
lialisation excessive avec l’hyperplasie intimale, une lésion throm-
botique servant de support à la matrice extracellulaire et enfin un
remodelage de la paroi au niveau des berges dilatées par le bal-
lon et aux extrémités de l’endoprothèse (figure 2).
Von Dahl a établi une classification des resténoses (Am J Cardiol
1999 ; 83 : 862-7) avec les lésions focales inférieures à 10 mm,
centrales ou marginales, et les lésions diffuses de plus de 10 mm.
Le taux de récidive après une nouvelle angioplastie réalisée devant
une resténose est directement lié à l’étendue de celle-ci : 9 % dans
le cas des lésions focales et près de quatre cinquièmes de réci-
dives lorsque la lésion est supérieure à 40 mm de longueur. Ces
chiffres sont superposables dans l’étude de Yoko et al. (JACC
1998 ; 31 : 307-13). Il existe une différence significative de réin-
terventions dans les lésions diffuses par rapport aux focales (42 %
versus 14 %, p = 0,006). En revanche, la resténose se présente le
plus souvent sous une forme focale avec un meilleur pronostic à
long terme (tableau I).
L’aspect de la resténose constitue donc un réel facteur prédictif
de récidive. Le risque global est approximativement de 30 %,
avec un taux de succès après nouvelle angioplastie de 70 %.
Quelle méthode thérapeutique utiliser en cas de resténose
intrastent ? La méthode du rotablator n’apporte pas de bénéfice
d’après l’étude ARTIST (ESC 1999), avec un taux de récidive à
29 %, identique à celui de l’angioplastie seule. Concernant la
curiethérapie, l’étude SCRIPPS portant sur 35 patients semble
montrer un bénéfice avec l’utilisation des rayons γ, ainsi que
l’étude WRIST (respectivement 11 % de resténoses avec l’utili-
sation de la radiothérapie versus 70 % et 22 % vs 59 %). Les
rayons ß semblent moins néfastes pour l’artère à long terme. Chez
476 patients de l’étude START, la proportion de nouvelle angio-
plastie passe de 22 % à 13 % (p = 0,08). Mais, à l’heure actuelle,
l’évolution à plus ou moins long terme de la curiethérapie reste
méconnue. Des effets néfastes sont déjà identifiés avec la consti-
tution d’anévrysmes sur les sites ayant reçu une irradiation exces-
sive : un nombre d’occlusions nettement supérieur (9 à 14 %) en
étroite relation avec une vitesse d’endothélialisation trop rapide ;
la formation de sténoses très serrées sur les bords marginaux des
stents ; le risque d’occlusion qui persiste à distance (de 8 % à
6 mois et 26 % à 2 ans).
LA RESTÉNOSE VUE PAR DEUX ÉQUIPES
L’équipe de Toulouse à la clinique Pasteur a pratiqué 5 258 pro-
cédures d’angioplastie entre 1995 et 1998 pour des artères dont
le MLD était inférieur à 50 %. Par la suite, 239 patients présen-
tèrent une resténose intrastent (tableau I). Globalement,
234 patients ont été suivis pendant 156 jours en moyenne (84 %
d’hommes, 65 ans d’âge moyen, avec deux tiers de tritronculaires
et 14 % de diabétiques). Les lésions étaient en moyenne de 15 mm
avec 1,5 lésion par patient. La présentation clinique de ces patients
ayant eu une resténose se répartit de façon équitable, avec 43 %
d’angor stable et 54 % d’angor instable, les 3 % restants ayant
fait une nécrose. Quatre-vingt-neuf pour cent ont bénéficié d’une
angioplastie seule à 14 atmosphères contre 11 % avec mise en
place d’une nouvelle prothèse endocoronaire. Lors de la sur-
veillance, un quart des patients (53) a nécessité une nouvelle
revascularisation (40, soit 75 % par ATL ; 13, soit 25 % par pon-
tage). D’autre part, 6 décès (2,6 %) et 4 infarctus (1,7 %) sont à
déplorer.
I
NFORMATIONS
FOCALE
DIFFUSE
OCCLUSIVE
PROLIFÉRATIVE
FOCALE MARGINALE
Figure 2. Aspect des resténoses.
Tableau I. Resténoses : expérience toulousaine.
Resténoses Récidive après nouvelle dilatation
Aspect Répartition à 6 mois à 1 an
focal 38 10 % 12 %
diffus 29
prolifératif 29 21 % 31 %
occlusif 4
La Lettre du Cardiologue - n° 343 - mars 2001
15
L’équipe de Massy relate une activité d’angioplastie pour resté-
nose chez 68 patients présentant 81 lésions. Une population repré-
sentative est constituée de 73 % d’hommes, avec des atteintes sur
l’IVA dans 35 % des cas et la CD dans 40 %. Quarante angio-
plasties au ballon seul et 41 avec mise en place d’une nouvelle
endoprothèse furent pratiquées. Le suivi permet de constater une
récidive de la sténose dans 30 % des cas quelle que soit la tech-
nique utilisée. En revanche, l’équipe de recherche retrouve une
tendance à la significativité en ce qui concerne l’aspect des lésions
qui semblent plus diffuses et prolifératives dans le groupe “bal-
lon seul”.
Au total, la resténose après angioplastie reste un réel problème
étant donné la crainte d’une nouvelle récidive dans un tiers des
cas. Cette dernière semble favorisée par le tableau clinique ini-
tial (75 % des angors instables présentent une resténose), l’as-
pect diffus de la lésion intrastent, le pourcentage de sténose rési-
duelle après nouvelle angioplastie et le calibre plus petit des
artères.
ANGIOPLASTIES EN FRANCE EN 2000
(D. Blanchard)
Depuis 1991, la cardiologie interventionnelle a connu une forte
croissance. En dix ans, le nombre de coronarographies a doublé
(tableau II). L’analyse de cette croissance spectaculaire nous
amène à constater une disparité entre les secteurs public et privé.
Ce phénomène est expliqué par la logique budgétaire de limita-
tion des dépenses dans le secteur public. Cette différence d’acti-
vité est actuellement corrigée.
L’état actuel de l’activité interventionnelle révèle un nombre de
procédures en phase aiguë d’infarctus toujours en pleine crois-
sance, supérieur à 10 % (7 % en 1997). Le stenting direct est réa-
lisé dans un tiers des procédures. Les angioplasties dites “ad hoc”
représentent 33 %. En moyenne, 1,4 stent est utilisé par procé-
dure. Les autres techniques restent peu utilisées, dans moins de
1 % des cas, avec une exception pour le rotablator qui serait uti-
lisé dans 2 % des cas. Enfin, les angioplasties pour resténoses
représentent 10 % des procédures de dilatation.
Disparité des centres
Ceux considérés comme importants, effectuant au moins
800 angioplasties (et 2 000 coronarographies), semblent avoir
une croissance atténuée depuis 1998, contrairement aux centres
dits “petits”, pratiquant moins de 400 actes par an. En 1998, 24 %
des centres faisaient moins de 200 dilatations par an et 50 %
moins de 400. D’autre part, le nombre de centres de cathétérisme
(210 actuellement) a augmenté de 20 % en dix ans. Enfin, on note
une répartition géographique disparate avec une prépondérance
d’actes réalisés dans la région Midi-Pyrénées et en Lorraine.
L’analyse de la répartition de la population n’explique pas ces
différences et d’autres phénomènes interviennent en effet : l’ef-
fet “pool” de la région lié à son dynamisme économique et à ses
activités professionnelles ; un effet “offre” émanant de centres
cardiologiques importants et connus du grand public ; enfin, un
rapport direct entre le nombre de cathétériseurs et le nombre
d’actes accomplis.
Position de la France
Actuellement, l’accroissement des angioplasties reste stable (à
9 %) dans notre pays, contrairement à nos voisins, cela étant lié
à un retard relatif dans leur pratique de la coronarographie (12 %
en Allemagne, 29 % en Grande-Bretagne et 42 % en Espagne).
Toutefois, les Français utilisent plus fréquemment les endopro-
thèses (87 % des cas).
Par ailleurs, la France se situe dans la moyenne quant à l’usage
de la coronographie rapportée à la densité de la population, mais
avec moins de la moitié de procédures par rapport aux États-Unis
(1 400 actes avec stent par million d’habitants par an versus
3 000).
Au total, l’angioplastie coronaire en France continue à croître
avec un usage accru des endoprothèses, sans différence entre les
secteurs privé et public. En revanche, une différence entre les
régions est notable, partiellement explicable par plusieurs phé-
nomènes.
SYNDROME CORONARIEN AIGU : ANGIOPLASTIE ET/OU
MÉDICAMENTS
(J. Puel, N. Danchin)
La validation des actes et des pratiques combine l’état et les symp-
tômes du patient, l’efficacité et la sécurité des moyens mis en jeu
et les dépenses de santé. Par ailleurs, une nette distinction est faite
entre les lésions de petit calibre sujettes à l’inflammation (connues
pour leur instabilité et un risque important de rupture) et les
lésions de gros calibre plus ou moins fibrosées, athéromateuses,
qui sont considérées comme stables.
L’étude FRISC II a mis en évidence l’intérêt de l’angioplastie par
rapport au traitement médical dans les SCA instables. En
revanche, dans la prise en charge de l’angor stable, le traitement
médical reste prioritaire. Dans les nécroses myocardiques, la
prise en charge est combinée et complémentaire. Rappelons qu’un
des objectifs reste la prévention secondaire des récidives et des
complications. Concernant les médicaments, l’usage de l’Aspi-
rine comme antiagrégant plaquettaire a largement été validé ainsi
que les bêtabloquants et l’héparine. Les anti-GpIIb/IIIa font
encore l’objet de nombreuses études. Pourtant, dans GUSTO IV
ACS, aucune différence n’a été rapportée concernant le pronos-
tic et les symptômes des patients. Les grosses séries en cours per-
mettront probablement de trancher la question de l’usage des anti-
GpIIb/IIIa dans les infarctus. Les statines concernent à la fois la
I
NFORMATIONS
Tableau II. Évolution de la cardiologie interventionnelle en France.
Années Nombre Nombre Nombre
de coronarographies d’angioplasties de stentings
1991 132 000 3 000
1992 1 000
1998 61 000
1999 228 000 84 000
2000 73 000
La Lettre du Cardiologue - n° 343 - mars 2001
16
prévention primaire et secondaire. Actuellement, se pose le pro-
blème de leur éventuel rôle curatif et anti-inflammatoire sur les
lésions de petit calibre dites “instables”. Les études MIRA et
PURSUIT vont dans ce sens, mais la posologie recommandée et
nécessaire reste à déterminer. L’étude MIRACL, menée avec
l’atorvastatine, ne montre pas de différence significative concer-
nant les critères combinés (décès, AVC, IDM), mais un nombre
significativement moins important de procédures d’angioplastie
chez les patients traités (80 mg d’atorvastatine vs placebo), au
prix d’effets indésirables plus fréquents (crampes, élévations
enzymatiques). Concernant les inhibiteurs calciques, de nom-
breuses études ont tenté de montrer leur intérêt dans l’infarctus
et le post-infarctus. Récemment, dans l’étude CAPARES (JACC
2000 ; 35), aucune différence significative ne fut établie pour ce
qui est de la resténose coronaire après angioplastie grâce à un
traitement par amlodipine, contrairement aux critères composites
(infarctus et événements coronaires, décès). Ces résultats sont
superposables dans l’étude VESPA, comparant l’usage du véra-
pamil à un placebo, après angioplastie.
Actuellement, la prise en charge du SCA fait appel aux méthodes
de cathétérisme combinées aux médicaments.
J.B. Berneau, service de cardiologie,
hôpital Beaujon, Clichy
I
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