Alcool et sport : Contre performance

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Alcool et sport :
Contre performance
Dr Daniel Mathelin (Saint-Raphaël [83])
Le sportif entretient avec l'alcool une étrange histoire d'attirance et de rejet.
Nous faisons le point en suivant trois axes principaux:
•
L’alcool utilisé comme dopant;
•
L’alcool dans la vie quotidienne du sportif [page 10];
•
La relation à double sens de l'alcoolo-dépendance et des activités sportives [page 11].
•
Le médecin peut aider sportifs et sportives à garder ou à reprendre possession de leur corps et de leur tête [page 12].
L'alcool dopant
Depuis l'Antiquité, l'alcool est utilisé par les compétiteurs pratiquants
d'activités physiques diverses pour améliorer leurs performances.
N 1919, Suzanne Lenglen gagne son premier Wimbledon grâce à un cognac bu avant le troisième set. En 1988, Y. Noah déclarait prendre
parfois un peu d'alcool avant de rentrer sur le cours. En 1976, le
champion cycliste belge Maertens avouait avoir souvent bu un demi-bidon de
champagne avec une ampoule de caféine et du fructose à trente kilomètres
de l'arrivée. Les grands rendez-vous sportifs sont ainsi marqués par des
anecdotes sur le sujet, avec des témoignages de sportifs connus.
Mais le florilège continue. En 1962, le Guide pratique de la montagne conseillait un peu d'alcool pour un dernier coup de collier... En 1971, nous avons connu
un professeur d'éducation physique de lycée qui faisait boire de l'eau de vie
de poire à ses élèves, footballeurs (17 à 18 ans), quarante-cinq minutes avant
une finale d'académie, victoire à la clé...
La légende de l'alcool est toujours vivace dans le milieu du sport: « Il donne
des forces, réchauffe, étanche la soif, etc. »
E
Qu'en attendent-ils ?
Les sportifs recherchent la désinhibition, un effet anxiolytique (anti-stress),
une certaine euphorie. Certains athlètes voient leur « capital confiance »
augmenter après une prise d'alcool et se sentent mieux pour finir une
épreuve.
L’effet « anti tremblement » est lui aussi très souvent recherché par les
adeptes des sports de précision, comme le tir, le golf ou la pétanque. L’effet
« anticrampes » est quelquefois souhaité. Certains pensent mieux lutter
contre le froid en absorbant de l'alcool. Enfin pour quelques-uns l'alcool augmente les forces, stimule la circulation sanguine et tue les bactéries...
A Vos cannettes !
De nombreux sports sont « touchés »
par l'alcool, en particulier les sports de
précision (tir, biathlon, pentathlon).
On peut citer également les sports automobiles, l'alpinisme, le motocyclisme,
le plongeon, l'escrime, la boxe, le cyclisme, le football, le bobsleigh, la luge,
etc.
Qu'en obtiennent-ils
Le grand tennisman Andreï Chesnokov
déclarait, il y a quelques années, après un
très mauvais- début de saison: « J'en
avais un peu marre du tennis et j'ai bu
beaucoup trop d'alcool pendant deux
mois... A la reprise j’étais complètement
hors forme. »
Nous ne reviendrons pas ici sur tous les aspects négatifs de la prise d'alcool,
mais nous rappellerons, que la boisson alcoolisée
- est l'ennemie du muscle (acide lactique, perturbation du métabolisme aérobie) ;
- abolit la sensation de fatigue, mais pas la fatigue;
- affaiblit les facultés de coordination gestuelle avec des temps de réaction
modifiés;
- active la sudation, avec un risque de déshydratation plus rapide;
- entraîne une dépendance. Dans un travail récent, on a demandé à un groupe
d'athlètes australiens de bon niveau (spécialistes du 100, 200, 400, 800 ou
1500 mètres) d'effectuer des tests sur leur distance de prédilection selon
qu'ils
- buvaient du jus d'orange avant l'effort;
- ingéraient de la vodka à l'orange à des teneurs variables. L’ordre dans lequel
s'effectuaient ces essais dépendait d'un choix aléatoire.
Les résultats de cette expérience sont très significatifs : si le 100 mètres
n'était pas affecté par la prise préalable d'alcool, tous les autres chronos se
sont dégradés après consommation de vodka ; en outre, plus les quantités administrées étaient importantes, plus les résultats étaient mauvais.
Des tests d'endurance pratiqués sur des randonneurs chevronnés ayant
consommé de l'alcool à des fins
Reconnu dopant
L'éthanol est un produit dopant de la catégorie 3. expérimentales
(alcoolémies
C'est une substance soumise à certaines restric- comprises entre 0,4 et 1,1
tions, comme les corticoïdes, les bêtabloquants,
gramme par litre) ont montré,
les cannabincides ou les anesthésiques locaux.
après une nuit de repos, une
La recherche d'un dopage à l'alcool est décidée
par chaque fédération avant les épreuves. On uti- chute des performances de 10
lise l'alcoolémie ou l'éthylotest.
% par rapport aux résultats habituels.
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L'alcool dans la vie quotidienne du
sportif
L'alcool dans la vie du sportif, et surtout des jeunes sportifs, est un
sujet qui préoccupe beaucoup les autorités françaises. Trois études récentes, de grande importance, ont permis de mieux situer le problème et
de comparer les habitudes des sportifs et des non-sportifs.
L
Es travaux de l'Inserm (M. Choquet) sur les sports et conduites à
risque (12 000 cas), du Dr Lowenstein et coll. sur les sports et
conduites addictives (11 111 cas [voir encadré]), du Service de santé des
armées françaises sur les habitudes de 4 975 sportifs, ont dégagé quelques conclusions très significatives
• sportifs et non-sportifs présentent une alcoolisation semblable
mais le sportif intensif est plus alcoolisé que le sportif modéré ;
• la consommation d'alcool croît avec l'augmentation du temps
hebdomadaire de sport ;
• l'alcoolisation, plus importante dans le sexe masculin, touche
aussi les sportives ;
• la bière est le premier alcool consommé par les sportifs; ils en
boivent plus que les non-sportifs ; un pratiquant de sport collectif boit deux fois plus de bière qu'un pratiquant de sport individuel;
• Les ivresses répétées sont plus nombreuses chez le sportif intensif que chez le non-sportif ;
• les ivresses multiples annuelles du sportif sont caractéristiques
des sports collectifs; elles sont plus fréquentes que chez les
non-sportifs et que dans les sports individuels.
Quelques explications
La pratique d'un sport collectif amène à « faire comme les autres, comme les
copains », donc aussi à boire.
Passé un certain niveau, les adolescents n'ont plus de raison valable pour répéter les heures d'entraînement, si ce n'est de poursuivre ce qui est commencé. Leur plaisir diminue, les difficultés augmentent.
Alors, pourquoi pas l'alcool?
L’ivresse
du
sportif
trouverait aussi une exL'étude « dépendance » (Dr Lowenstein et coll.) a obplication dans le fait,
jectivé les éléments suivants :
• sur I III sujets pris en charge pour addictions
l'athlète s'étant isolé,
dans des centres ou des consultations spécialisés
concentré sur sa prépadans le traitement de la maladie alcoolique, 117
étaient des sportifs de niveau national ou internaration physique et mentional ;
tale ou sur une épreuve,
• 75 % de ces athlètes sont devenus alcoolo dépendant un an après l'arrêt du sport ;
qu'il souhaite revenir en
• 50 % avaient déjà été traités pour un problème lié
société, comme tout le
à l'alcool quand ils pratiquaient leur sport;
• 15 % ont eu recours à l'alcool comme dopant penmonde. Ce n'est pas une
dant leur carrière sportive ;il y avait souvent une
ivresse qui mène à
association: alcool-drogue-dopage.
l'évasion
mais,
au
L’étude conclut qu'une activité sportive modérée entraîne une consommation alcoolique modérée, alors
contraire, à la réintéqu'une activité sportive intensive peut conduire à une
gration sociale.
consommation alcoolique abusive, parfois à une dépendance.
L’arrêt du sport (blessure grave retraite, début de la fin de carrière; amène le sujet dans le « désert » l'ennui, l'état de manque: fini les états seconds, les sensations fortes,
la communion avec le public, la griserie du sport ; celle de l'alcool va redonner à « l'ancien sportif » toutes ces sensations perdues et cet état second.
Celui qui avait l'habitude de prendre des produits divers pour être en forme
(vitamines, dopants, stimulants physiques et psychiques) ne trouve que plus
aisément le chemin de l'alcool.
Trop de sport, trop d'alcool ?
Quelques similitudes
Certaines similitudes sont troublantes, comme
• le cérémonial autour d'une bouteille ou d'un ballon;
• l'arrosage d'une « occasion » ou d'une victoire;
• l'alcool « ciment » du groupe, que ce soit au bistro ou au sein d'une
équipe;
• la réunion autour du pilier de bar ou du pilier de l'équipe,
• les « je te paie un verre » ou « je te fais une passe ».
On y réfléchira au « Café des Sports » ou à la buvette du stade...
Quelques conseils
Classiquement, la prise de boissons alcoolisées est fortement déconseillée
vingt-quatre heures avant une compétition ou un effort intense.
En conséquence, nous déconseillons la prise d'alcool lors du repas qui précède un match ou une compétition. Ce point de vue est parfois contesté,
surtout par certains pratiquants qui réclament du vin ou un autre alcool
(bière) à ce repas. Ces athlètes, souvent d'expérience, utilisent des argu-
ments plutôt psychologiques, avec une note de superstition: « La dernière
fois, j'ai bu du vin et j'ai bien joué... il y a quinze jours on n'a pas bu d'alcool au repas et on a perdu... », « Avant ma victoire dans le tournoi j'avais
bu... »
Dans cette « négociation » entre corps médical et sportifs, l'avis et le vécu de l'entraîneur seront déterminants (c'est d'ailleurs souvent lui qui décide).
Nous conseillerons également aux « médicaux » de montrer l'exemple et
d'éviter une situation de ce type: une table de sportifs buvant de l'eau et
une table de dirigeants et « médicaux » avec une bonne bouteille...
L’alcool sera interdit aux pratiquants ayant eu des problèmes hépatiques
récents (hépatites virales, mononucléose infectieuse avec atteinte hépatique) ; une période d'abstinence de soixante à quatre-vingt dix jours semble
raisonnable.
il convient de se méfier de certaines associations alcool-médicaments et
de ne pas oublier que certaines ampoules buvables contiennent de l'alcool
(attention aux contrôles).
Enfin les athlètes qui ont un poids à surveiller de façon précise et régulière doivent tenir compte de l'apport calorique important des boissons alcoolisées.
SPORT ET ALCOOLODEPENDANCE
Taurine a gogo
La relation entre sport et alcoolodépendance est à double sens, du
sport à l'alcool et retour: une activité sportive suffisamment soutenue
peut entrer dans le cadre de la prise en charge d'une alcoolodépendance.
Les deux stimulent la production de taurine par l'organisme.
L du monde en même temps, 3 000 mètres plat, 3 000 mètres steeple,
‘histoire de l'athlète kenyan Henri Rono, détenteur de quatre records
5 000 mètres et 10 000 mètres, qui a sombré dans l'alcoolisme un peu
avant la fin de sa carrière, est caractéristique. De même que la mort à 49 ans
de l'un des plus grands footballeurs brésiliens, Garrincha, victime d'un alcoolisme ravageur. Il y a aussi l'évolution de ce joueur de football français, professionnel modèle entre 18 et 34 ans, puis alcoolodépendant. En France, le
Chalet de Thianty [74] est une structure spécialisée dans l'aide et l'assistance aux sportifs (de tous niveaux) connaissant des problèmes liés à l'alcool
ou au dopage. Les sportifs fortunés ayant les mêmes problèmes vont dans des
structures de luxe en suisse.
Retour à la case départ
Le football ayant été diffusé initialement, vers 1870, par des pasteurs anglicans soucieux de combattre l'alcoolisme des ouvriers des Middlands britanniques, il était logique que, dans le cadre de la lutte contre l'alcoolisme et
de la recherche de nouveaux traitements, le Pr De Witte, neurobiologiste au
laboratoire de biologie du comportement à l'université catholique de Louvain
(Belgique), propose une approche fondée sur la pratique intense du sport
pour accompagner le patient en centre de cure et lui permettre de « décrocher » plus rapidement.
De Witte établit que la prise d'alcool bouleverse rapidement la transmission de l'influx nerveux et constitue un stress cellulaire dans l'organisme. Ce
stress cellulaire provoque la sécrétion d'un acide aminé, la taurine, qui régule
l'information nerveuse. De Witte montre que l'administration régulière d'alcool entraîne une forte augmentation de la concentration en taurine dans le
cerveau; selon ses conclusions, cette élévation de taurine intracérébrale a un
effet régulateur sur la prise d'alcool.
A la lumière de ces résultats, De Witte a vérifié si d'autres situations de
stress cellulaire, comme l'effort musculaire intense, n'entraînaient pas une
sécrétion excessive de taurine. Des dosages du taux sanguin de taurine ont
donc été effectués après des courses à pied sur des distances variables (entraînement en endurance, 42 kilomètres, 100 kilomètres) ; les taux sanguins
de taurine se sont élevés à des niveaux importants, avec une augmentation
significative dès la trentième minute d'entraînement physique intense en endurance.
Alcool et sport, même
cerveau
Un sport de substitution
Certains sportifs de haut niveau qui abandonnent leur sport
favori pourraient sombrer dans l'alcoolodépendance pour compenser la perte de taurine que le sport leur procurait.
Il semblerait donc que
l'alcool et le sport créent
un stress cellulaire simiLa fin de carrière, la « retraite sportive », une blessure grave,
une longue suspension, une mise sur la touche, des mauvais ré- laire. Le cerveau des athsultats seront des facteurs favorisant le passage vers une
lètes d'endurance et celui
consommation anormale d'alcool et une éventuelle dépendance.
des consommateurs d'alcool
II serait opportun d'aider certains athlètes qui se trouvent dans
fonctionnerait de manière
ces situations en leur conseillant un entraînement ou un sport
identique en augmentant le
de substitution pour éviter une perte trop soudaine de taurine
dans l'organisme.
taux de taurine dans l'organisme.
La pratique intensive du sport pourrait donc être envisagée pour compenser les effets produits par l'alcool. En partant de ces constatations, plusieurs équipes ont évalué l'impact de la pratique du sport d'endurance dans
le traitement de l'alcoolisme; course à pied, vélo tout-terrain, randonnées
sérieuses, basket sont proposes à des patients volontaires et motivés, dans
des centres de postcure.
Les résultats sont spectaculaires et l'amélioration est à la fois physique
(meilleure condition physique et coordination) et psychique avec trois sortes
de bénéfices
• social: meilleure intégration;
• psychologique: meilleure estime de soi;
• biologique: réduction de l'envie compulsive de boire (taurine).
En moyenne, chez 80 % des sujets « sportifs », on note très rapidement une
diminution importante de la consommation de médicaments voire l'arrêt. Certains affirment même que, six à douze mois après leur sortie de postcure,
50 % des ex-patients sportifs ont réussi leur insertion contre 6 % des nonsportifs. La réussite de ce mode de traitement dé l'alcoolodépendance est
importante, mais il faut tenir compte du volontariat et de la motivation des
sujets traités.
SPORT FÉMININ ET ALCOOL
Discrétion et culpabilité
fréquente qu'au sein de la gente masculine, la consommation réguM OINS
lière d'alcool est plus difficile à aborder et à dépister chez la sportive.
On ne retrouve pas ici les rituels du café, de la buvette ou autres épanchements collectifs, mais plutôt la discrétion et la culpabilité. L'alcool sera utilisé essentiellement comme anxiolytique, quelquefois comme « médicament »
ou comme drogue.
Les périodes précompétitives sont propices à la consommation des produits
alcoolisés, qui peut aussi augmenter avant les règles (syndrome prémenstruel) ou pendant les règles (affects dépressifs). L'étude de Gutgesell
(1998), sur 398 coureuses à pied participant à une course de 20 kilomètres,
montrait que 10 % des sportives avaient des problèmes liés à l'alcool. Cette
même étude relevait la fréquence de la triade: boulimie-alcool-sport. Chez la
femme sportive, il faut donc être attentif à ce que le sport ne soit pas utilisé comme solution à un problème sous-jacent.
Les résultats d'une étude américaine (Bower) objectivent une consommation
de boissons alcoolisées chez 77 % des cinquante basketteuses professionnelles d'origine africaine de première division US étudiées, 46 % d'entre elles
ayant connu des états d'ivresse. La consommation d'alcool était moins importante en période de compétition. Les joueuses avouaient l'importance du rôle
de l'entraîneur dans le problème de leur relation avec l'alcool.
La fin de carrière d'une sportive (surtout professionnelle) est, comme chez
l'homme, une période délicate et génératrice d'angoisse, au cours de laquelle
le risque de recourir à l'alcool n'est pas négligeable. Mais certaines jeunes
sportives peuvent avoir une relation difficile avec l'alcool: on note, en effet,
un pic de grande fréquence d'alcoolisation entre 18 et 24 ans.
Reprendre possession de son corps
Le médecin se doit de penser à l'alcool chez le sportif (surtout dans
les sports collectifs) et d'en parler quand il a un doute.
E médecin doit se méfier d'une association: sport intensif-alcooldopage. Dans certains cas, le dosage biologique de la gamma GT peut
être utile et renouvelé si nécessaire. Devant un sportif en fin de carrière ou en difficulté, le praticien peut proposer un sport de substitution ou
la recherche de nouveaux pôles d'intérêt (monitorat, dirigeant). La surveillance médicale d'un adolescent sportif intensif doit intégrer l'aspect psychologique avec, parfois, des questions posées sur une possible consommation
anormale d'alcool et l'existence d'éventuelles ivresses répétées.
Dans un cadre plus général, le médecin s'occupant de sportifs essaiera de
reconnaître les personnalités à risque comme les chercheurs de sensations
fortes (« stress-seekers »), qui sont des candidats potentiels à l'abus d'alcool. Le médecin peut aider l'athlète à garder ou à reprendre possession de
son corps et de sa tête qui, souvent, « appartiennent » à son entraîneur, à
son club, à sa fédération.
L
Sensations fortes s'abstenir
Face à une sportive un peu trop anxieuse, le praticien sera vigilant et portera
une écoute attentive afin de savoir si l'alcool ne devient pas, en certaines
occasions, une solution à des problèmes d'angoisse ou d'anxiété. Enfin, face
à une alcoolodépendance, il convient de proposer au « malade » le sport comme élément de traitement et de l'orienter vers une structure adaptée si la
personne est volontaire et motivée.
En sélectionnant des sportifs de plus en plus performants et en les entraînant de plus en plus durement, ne sélectionne-t-on pas des personnes plus
attirées par les sensations fortes en tous genres? La question peut se poser...
Les différentes enquêtes sur les habitudes des sportifs et les travaux sur
les méthodes de traitement de l’alcoolodépendance nous amènent à conclure
sur un paradoxe. Le sport est à la fois un problème et une solution :
• un problème pour le sportif intensif, qui peut devenir alcoolodépendant...
• une solution pour l'alcoolodépendant qui peut devenir un sportif intensif...
Sport et alcool: à consommer avec modération?
Travail présenté au cours de la Dix huitième Journée raphaëloise de médecine, rhumatologie et traumatologie
sportive, Saint-Raphaël, le 20 octobre 2001.
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