
Cependant, nous dit le rapport, les conséquences de la crise ne seraient pas uniquement d’ordre
économique. Elles seraient également, et plus fondamentalement, d’ordre politique. En effet, les
deux conséquences évoquées ci-dessus auraient été pour la Cour des comptes le révélateur des
limites d’un modèle de financement de l’économie excessivement fondé sur l’endettement de ses
acteurs. Celles-ci auraient en effet démenti l’hypothèse de la nature conjoncturelle de la crise au
profit d’une lecture structurelle -pour ne pas dire paradigmatique- de celle-ci.
La crise aurait en effet rendu manifeste l’obsolescence des leviers traditionnels dont disposait l’Etat
jusqu’à aujourd’hui pour assurer le bon financement de l’économie du pays, exigeant ainsi selon le
rapport la formulation d’une véritable « nouvelle donne » devant déterminer les contours que devrait
prendre désormais l’action publique. C’est donc, toujours de manière implicite, une nouvelle théorie
politique du rôle de l’Etat que se propose de nous exposer la Cour des comptes.
I.III La nouvelle donne : pour une économie « de fonds propres »
Si l’intervention de l’Etat, en permettant aux agents économiques de poursuivre leur activité, se
serait avérée salutaire pendant la crise, elle apparait désormais pour la Cour des comptes non
seulement inopérante, mais surtout contreproductive sur le moyen-long terme.
Le recours accru aux dépenses fiscales, aux partenariats public-privé, à l’apport de garantie par l’Etat
ou encore à l’intervention de la sphère financière publique (via notamment la Caisse des dépôts, le
Fond stratégique d’investissement et Oséo) serait, nous dit le rapport, devenu contreproductif dans le
contexte actuel dans la mesure où, creusant la dette, il grèverait un peu plus les finances publiques
tout en faisant prendre des risques supplémentaires à l’Etat (celui-ci s’étant progressivement engagé
depuis dix ans dans une multiplicité croissante de dispositifs privés ou semi-privés, disséminant ainsi
les sources de risques sans que ceux-ci ne soient suffisamment accompagnés de mesures
prudentielles).
Par ailleurs, les nouvelles normes visant à encadrer l’émission des crédits (Bâle III pour les banques
et Solvabilité II pour les assureurs), auraient grippé les sources traditionnelles de financement en
exigeant de la part des établissements dédiés un certain ratio de fonds propres pour le maintien de
leur exercice, laissant ainsi nombre d’agents économiques, notamment les PME -fortement
dépendantes de l’intermédiation bancaire- sans alternative sérieuse quant au financement de leur
activité.
Aussi s’agirait-il pour l’Etat de réorienter le financement de l’économie, notamment celui des PME,
vers les marchés, afin d’endiguer l’endettement bancaire. C’est pourquoi, selon le rapport, l’action de
l’Etat devrait désormais « principalement viser à pallier les défaillances de marché caractérisées ».
Dans les faits, cette nouvelle donne, qui du propre aveu de la Cour des comptes n’est autre que la
transition vers une « meilleure gouvernance » des politiques économiques à venir, se décline en deux
principaux volets : d’une part une politique fiscale devant favoriser un modèle de financement de
l’économie fondé sur les fonds propres et l’autofinancement plutôt que sur l’endettement, et d’autre
part une politique que l’on qualifiera de « prudentielle », devant quant à elle assurer la bonne
transition vers ce nouveau paradigme politico-économique.