La nouvelle construction dans son époque
Au début du XIXe siècle l’usage du fer et de la fonte se généralise dans la construction des
bâtiments, cette évolution aboutira à ce symbole qu’est la tour Eiel érigée à l’occasion de l’exposition
universelle de 1889. Labrouste, lorsqu’il reçoit mission d’élaborer la nouvelle Bibliothèque sainte-
Geneviève, a connaissance des réalisations entreprises depuis le début du siècle comme à l’époque
précédente. Il fait néanmoins œuvre de novateur à tous les titres. Non seulement il laisse la fonte
apparente en conciliant fonction et décor, mais plus largement la bibliothèque qu’il conçoit
dans une autonomie spatiale inédite a sens de manifeste. Son œuvre donne le coup d’envoi de la
modernité en architecture. Il repense les exemples du passé et invente des solutions nouvelles en
adéquation à ce projet particulier.
L’œuvre de Labrouste se situe dans un contexte historique local bien précis. Un conit oppose
la bibliothèque, restée sur place à la révolution sous les combles des anciens bâtiments de l’abbaye,
et le lycée qui occupe depuis le début du siècle les étages inférieurs. Dès 1838, décision est prise
de déplacer la bibliothèque et Labrouste reçoit la charge de l’opération. L’ancien collège de
Montaigu, un temps prison, est partiellement transformé pour recevoir dès le mois d’octobre 1842
les collections les plus utilisées. Le reste de l’édice est démoli an de permettre la construction
nouvelle. Ce projet s’inscrit dans le vaste plan d’urbanisme généré autour de l’église sainte-Geneviève
de Souot, devenue le panthéon. La loi du 5 juillet 1844 prévoit notamment le percement de la
rue Souot et la construction de la mairie, réplique de l’école de droit. La nouvelle bibliothèque
est citée comme partie de l’ensemble alors que la face sud de la place est laissée à l’initiative privée.
La première pierre du bâtiment fut posée en août 1844, les travaux se poursuivant pour le gros
œuvre jusqu’en 1847. Le parti adopté pour la façade est celui d’une annonce de l’intérieur. Le rez-
de-chaussée, relativement fermé, donne une impression de puissance, il fait contraste avec l’étage
largement ouvert. Cette distinction correspond à une réalité fonctionnelle. Le rez-de-chaussée,
voué aux livres peu consultés ou précieux, s’orne d’une guirlande continue et mouvante. Les
fenêtres comme la porte d’entrée semblent se découper dans la muraille, leur forme même est leur
principal ornement. L’étage, destiné à recevoir la salle de lecture, s’éclaire de 41 fenêtres qui se
succèdent presque en continu et ont pour soubassement un catalogue monumental gravé. La liste
des 810 noms d’auteurs célèbres qui le composent commence avec Moïse et s’achève avec Berzélius,
savant suédois mort en 1848. Les noms répondent sur la façade aux livres placés juste derrière dans
la salle de lecture. Le caractère plan de cette façade est le signe de sa modernité, les frises, pilastres
et gravures y ajoutent une discrète élégance.
Le vestibule d’entrée
Labrouste aurait voulu aménager un jardin le long de la façade principale du bâtiment
pour «l’éloigner du bruit et de la voie publique et préparer au recueillement les personnes qui
le équentent». Un tel projet ne put voir le jour faute de place. Ce jardin a été transposé par
Alexandre Desgoe dans les peintures du pourtour qui représentent des arbres et des végétations
de tous les pays.
La pièce, tamisée, se prête à une autre interprétation, en souvenir de Dante ou dans la proximité
des convictions d’Auguste Comte. Le vestibule est alors la forêt obscure de l’ignorance, dont le
lecteur s’arrache au fur et à mesure qu’il gravit l’escalier pour atteindre la salle de lecture, temple du
savoir. Ce cheminement est encore accompagné par vingt bustes de personnages symbolisant les
diérentes disciplines représentées dans les collections de la Bibliothèque. Ils sont l’œuvre de Carle