laGouvernance:
Lechainonmanquant?
Versuneanalysesociohistorique
JAIDIALI
UNIVERSITEDECARTHAGE
iNSTITUTnATIONALDUTRAVAIL
ETDESETUDESSOCIALES
TUNISIE
2005
Introduction:LaGouvernancelechaînonmanquant?[1].
Il est important, au départ, de constater la profusion phénoménale de la
littérature consacrée à la gouvernance et à son rapport au développement
et à la lutte contre la pauvreté, en tant que thème de réflexion et d’action,
malgré qu’il soit relativement frais, si on admet avec Bonnie Compbell[2]  
que son débarquement effectif dans la pensée sociopolitique et
économique internationale date de l’année 1992 avec l’apparition du
premier document complet sur le sujet à savoir le rapport de la Banque
Mondialeintitulé«GovernanceandDevelopment»[3].
Deux chapitres du rapport du PNUD sur la pauvreté pour l’année 2000
reflètent nettement cette nouvelle vague et mettent au premier plan «la
gouvernance» et en font le facteur capital déterminant dans la réussite de
toute stratégie de lutte contre la pauvreté. Selon le rapport, elle constitue
donc le chaînon manquant qui aurait souvent biaisé les efforts consentis
pour réduire la pauvreté. Selon d’autres études, le rapport est plus
fondamental entre, d'une part, la nature et la qualité de la gouvernance
d'un pays et, d'autre part, la réussite ou l'échec des efforts que celuici
déploiepourpromouvoirledéveloppementhumain.
Il semble donc que l’on est toujours interné dans une sorte de discours
simpliste et réducteur établissant un lien de causalité entre une variable
dépendante, en l’occurrence la persistance de la pauvreté, et une variable
indépendante à charge explicative qui a toujours changé selon
l’implication théoriquoscientifique et/ou socioidéologique du chercheur
oudel’intervenant.
En effet, à mesure que le phénomène apparaissait plus résistant, on a été
amené à reconsidérer l’explication et les méthodes de lutte contre la
pauvreté. Dominées par les conceptions émanant des institutions de
«Bretton woods», les stratégies des pays en développement en matière
de lutte contre la pauvreté sont passées d’un modèle axé sur les gros
investissements dans le capital physique et les infrastructures dans les
années 60, à un modèle, dans les années 70, qui accordait plus
d’importance à la santé et à l’éducation en tant que facteurs
d’augmentation du revenu des pauvres et de valorisation du capital
humainengénéral[4].
Dans les années 80, avec l‘apparition des problèmes de l’endettement, et
de la récession, une autre perception prend place stipulant qu’il fallait
réformer la gestion économique, redonner aux lois du marché leurs
forces originales dans la régulation de la dynamique économique et
sociale et donner une priorité plus prononcée aux équilibres économiques
et financiers. C’est dans le cadre de cette optique que vont apparaître les
programmesd’ajustementstructurel.
Dans les années 90, alors que les P.A.S. sont en pleine phase
d’exécution et d’évaluation, on découvre déjà que sousdéveloppement et
pauvreté sont aussi connectés aux problèmes relatifs à la gestion des
affaires publiques et aux réformes institutionnelles. Une nouvelle variable
vient d’être identifiée et introduite dans la lexique du développement : le  
chaînon manquant serait donc «la gouvernance» et plus précisément «la
bonnegouvernance»[5].
Alors, quand on constate au terme d’une histoire assez riche
d’expériences et de réflexions l’échec des politiques, des stratégies et
des plans de lutte contre la pauvreté, il serait légitime de se demander
quel serait l’intérêt et l’apport réels de ce nouveau principe dans le
redéfinition des stratégies de développement et des politiques
d’éradication de la pauvreté et dans la réalisation des objectifs escomptés
?[6].
Partant de ce souci, le présent article essayera d’étudier et d’analyser le
concept de gouvernance ; c’est une notion qui se pose pour notre
réflexion en tant que problématique et non seulement en tant que principe
de politique publique rationnelle. Ainsi, notre problématique soumet à
l‘analyselesdeuxidéessuivantes:
(1) La gouvernance, telle qu’elle est proposée pour tous les pays,
notamment ceux en développement, dans le but de réaliser des résultats
concluants en matière de développement et de lutte contre la pauvreté
est susceptible de plusieurs critiques ; nous essayerons, à travers une
analyse tridimensionnelle : institutionnelle, sociopolitique et  
sociohistorique de démontrer son côté aberrant et absurde, car elle n’est
en fait qu’un phénomène sociopolitique qui change et évolue avec le
contexte sociétal auquel il appartient, et constituée d’un ensemble
d’éléments qui sont l’objet de la dynamique sociale, au moment où on la
présentedéconnectéedecelleci.
(2) La gouvernance constitue, en fait, un système de rationalisation de
l’action de l’Etat et de légitimation du pouvoir qu’exerce les groupes
dominants par le biais de celuici ; ainsi, il serait irrationnel de parler de
bonne gouvernance de façon absolue ; c’est à dire qu’une gouvernance  
ne serait bonne que relativement aux fonctions essentielles qu’elle
assumeparrapportàuncontextesociétaldonné[7].
Nous considérons que la gouvernance constitue à la fois un principe et
une problématique[8] ; à partir de là, elle couvre des réalités et des
significations différentes dont la clarification nous semble essentielle pour
nousmettre,d'emblée,surunterraind’entente.
1/LaGouvernanceentantqueprincipe.
La gouvernance sert de réceptacle pour des contenances idéologiques,
politiques, morales, techniques, etc., qui s’érigent en tant que système
normatif et qui renvoie d’un côté à la dynamique sociale et de l’autre aux
stratégiesdel’actionsociale.
A/LaGouvernance:uninstrumentderégulationsociale.
Par dynamique sociale nous désignons l’ensemble des processus et des
rapports sociaux à travers lesquels la société négocie son action sur
ellemême. Elle concerne l’ensemble des interactions consensuelles et
conflictuelles entre les différents partenaires et acteurs sociaux visant à
exercer un contrôle sur l’orientation et les choix que doit suivre la société
toute entière ou l’une de ses composantes. Elle est donc le résultat brut
de l’ensemble des actions par lesquelles les acteurs sociaux s’interfèrent
et s'interagissent tout en poursuivant des objectifs, défendant des
intérêts, exprimant des positions différentes voire même contradictoires,
etc.
La gouvernance se pose à ce niveau comme une sorte de système
déontologique, comme une charte de bonne conduite et comme une
référence d’arbitrage dont la fonction essentielle sert à normaliser les
rapports sociaux, à rasséréner la dynamique sociale et à déconnecter les
orientations de la société des divergences de positions et des
oppositionsd’intérêts.
Ainsi, la gouvernance établit une nouvelle logique d’interaction et de
cohabitation entre les acteurs sociaux, définit un nouveau cadre pour
négocier les chois sociaux et prendre les grandes décisions et dicte des
normes comportementales qui devraient être valables pour tout le monde
indépendammentdelapositiondanslesystèmesocial.
Bref, la gouvernance constitue un mécanisme de resocialisation, mais
aussi un instrument de régulation sociale qui sert à maîtriser, voire
évacuer les conflits sociaux et à dissoudre les divergences entre les
partenaires sociaux (voire même entre dominants et dominés) dans cette
dynamiquesociale.
B/LaGouvernance:uninstrumentderationalisationdel'action.
Par stratégie, nous désignons la capacité de l'acteur social à développer
un système d'action ou de réponses aux contraintes imposées par son
environnement ; elle s'applique, dès lors, sur les moyens et méthodes
d'adaptation, de débrouillardise, de contestation et sur les styles de
conduites et de comportements en vue de réaliser des objectifs bien
déterminés dans un milieu à la fois contraignant et antagonique ; “..nos  
modes d'action collective...ne sont pas la conséquence logique et
déterminée d'avance...de la somme des déterminations extérieures...ils
ne constituent rien d'autre que des solutions toujours spécifiques, que
des acteurs relativement autonomes, avec leurs ressources et capacités
particulières, ont crées, inventées, instituées pour résoudre les
problèmes posés par l'action collective...ces solutions ne sont ni les
seules, possibles, ni les meilleures relativement à un contexte
déterminé..[9]”.
Chaque acteur social subit les contraintes sociales imposées par l'action collective
d’une façon particulière et développe un système d'action qui lui est intimement
propre. Toutefois, la différence entre les systèmes de réponses développées par
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