COMMENTAIRES
Nous avons retenu le diagnostic de fibroélastome aortique res-
ponsable d’accidents emboliques récidivants pour notre
patiente en dépit de deux objections : il existe une autre étiolo-
gie potentielle – l’AC/FA associée à une maladie mitrale rhuma-
tismale de degré modéré –, et le diagnostic anatomopathologique
de la tumeur n’a pu être confirmé en l’absence d’exérèse chirur-
gicale. Cependant, il nous a paru moins probable que le trouble
du rythme auriculaire permanent sur valvulopathie mitrale modé-
rée explique les embolies systémiques successives, les contrôles
contemporains d’échocardiographie transœsophagienne ne détec-
tant ni thrombus ni échos de contraste spontané auriculaires
gauches. Quant au diagnostic présumé de la tumeur valvulaire, il
repose sur les critères morphologiques échocardiographiques
proposés par les équipes de la Mayo Clinic (1)et, plus récemment,
de la Cleveland Clinic Foundation (2) pour la définition de sous-
groupes de patients sans confirmation histologique (respective-
ment 37 et 45 patients) : petite masse (habituellement < 20 mm
dans son plus grand axe), ronde ou ovale, parfois irrégulière,
homogène et bien délimitée, isolée ou multiple, souvent mobile
et alors appendue par un court pédoncule à l’endocarde.
Après le myxome et le lipome, le fibroélastome papillaire (FEP)
représente la troisième tumeur cardiaque primitive bénigne par
ordre de fréquence. Grâce aux performances actuelles de l’écho-
cardiographie, le diagnostic de FEP est plus souvent soupçonné,
parfois fortuitement, en dehors de toute complication associée à
sa présence, ce qui n’est pas sans poser des problèmes de déci-
sion thérapeutique. Pour l’équipe de la Cleveland Clinic Foun-
dation, qui a récemment colligé les dossiers de 162 patients avec
preuve anatomopathologique (2), l’échocardiographie transtho-
racique a une précision diagnostique de 88 % pour détecter des
FEP 2 mm (sensibilité 89 % et spécificité 88 %) ; si on inclut
dans l’analyse les FEP < 2 mm, la sensibilité diagnostique de
l’échocardiographie transthoracique chute à 62 %, contre 77 %
pour l’examen transœsophagien. Pour l’étude multicentrique fran-
çaise (46 patients recrutés à partir des données échocardiogra-
phiques, dont 35 patients opérés) (3), l’échocardiographie trans-
thoracique n’a pas été “contributive” dans 37 % des cas, alors que
par définition, compte tenu des critères d’inclusion, l’échocar-
diographie transœsophagienne l’a toujours été.
Tumeur développée à partir de l’endocarde, le FEP siège le plus
souvent sur les valves [82 % (1), 83 % (2), et 86 % (3) des cas],
et en premier lieu sur la valve aortique, en privilégiant son ver-
sant aortique. L’association à d’autres lésions valvulaires a été
signalée : pour la Cleveland Clinic Foundation (2), 70 % des
patients explorés par échocardiographie et ayant un FEP affirmé
histologiquement avaient une valvulopathie concomitante (rhu-
matismale : 38 %, ou dégénérative avec fibrose et/ou calcifica-
tion : 62 %).
Le risque évolutif des FEP est essentiellement représenté par les
emboliesdont la nature peut être tumorale ou thrombocruorique,
des thrombus pouvant adhérer à la surface irrégulière de la tumeur
classiquement semblable à celle d’une anémone de mer (4). Pour
notre observation, ce dernier mécanisme a été retenu en raison
de l’authentification de matériel thrombocruorique et de la sta-
bilité de taille de la tumeur malgré de nouvelles embolies. Sur un
suivi de 552 ± 706 jours, l’incidence des complications embo-
liques est proche de 7 % (3 accidents emboliques) pour un groupe
de 45 patients présumés porteurs d’un FEP sur les données écho-
cardiographiques (2), et l’étude de la Mayo Clinic (1) mentionne
9accidents neurologiques dont une embolie rétinienne, une
embolie fémorale et un infarctus du myocarde pendant le suivi
sur 31 mois de 37 patients ayant un FEP suspecté en échocar-
diographie.
Cela pose le problème de l’attitude thérapeutique : l’orienta-
tion vers la chirurgie d’exérèse le plus souvent conservatrice, le
FEP ne provoquant habituellement pas de dysfonction valvulaire,
est actuellement recommandée après un accident embolique, dont
elle prévient efficacement la récidive (1, 2). Plus complexe est la
décision d’intervention lors de la découverte fortuite d’un FEP :
pour les auteurs de la Cleveland Clinic Foundation (2), la chi-
rurgie est envisageable pour les FEP du cœur gauche asympto-
matiques si la tumeur est 10 mm et mobile, d’autant plus si le
patient est jeune avec un faible risque opératoire, et l’exérèse est
bien entendu logique au cours d’une intervention cardiaque pro-
grammée pour un autre motif.
Il faut cependant remarquer que l’on ne dispose actuellement
d’aucune étude évaluant l’efficacité d’un traitement médical anti-
coagulant ou antiagrégant sur le risque embolique des FEP. ■
Bibliographie
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La Lettre du Cardiologue - n° 354 - avril 2002
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CAS CLINIQUE