
La Lettre du Cardiologue • n° 466-467 - juin-septembre 2013 | 33
Points forts
»
La chirurgie de l’obésité est une option thérapeutique majeure dans la prise en charge de l’obésité
morbide.
»Elle diminue la morbimortalité cardiovasculaire et globale.
»
Rôle majeur de la chirurgie bariatrique dans la prévention et la rémission de certaines complications
cardiovasculaires.
»Il existe 2 types de chirurgie bariatrique : les chirurgies dites “restrictives” et les courts-circuits intes-
tinaux associant restriction et malabsorption.
»
Le traitement chirurgical implique un suivi médical à vie visant à dépister les complications chirurgicales,
nutritionnelles et carentielles.
Mots-clés
Obésité
Chirurgie bariatrique
Facteurs de risque
cardiovasculaire
Morbimortalité
Highlights
»
Bariatric surgery is a major
therapeutic option in the treat-
ment of morbid obesity.
»
The cardiologist may be
requested as part of preopera-
tive assessment. He also may
be led to consider this treat-
ment option for “cardiologic”
patient, which obesity has an
impact on cardiac function.
Finally, he may address his
patient for weight loss before
cardiac surgery.
»
Bariatric surgery reduces
weight loss and maintenance
over its time. It also improves or
resolves some obesity related
disease and reduced cardio-
vascular and overall mortality.
It is indicated after the failure
of a conventional treatment in
severe obesity.
»
There are two types of
bariatric surgery: restrictive
surgeries (laparoscopic adjust-
able gastric banding, vertical
banded gastroplasty or lapa-
roscopic sleeve gastrectomy)
and mix surgery combining
both restriction and malabsorp-
tion (Roux en Y gastric by pass,
laparoscopic mini gastric by
pass, biliopancreatic diversion).
»
Surgical treatment requires
medical monitoring for life, to
screen surgical complications
and potential nutritional defi-
ciency.
Keywords
Obesity
Bariatric surgery
Cardiovascular risk
Morbi-mortality
Du point de vue du nutritionniste ou du chirurgien de
l’obésité, les enjeux cardiovasculaires sont une des
principales justifications de la chirurgie bariatrique.
Le retentissement cardiovasculaire de l’obésité rend
compte, pour une large part, de l’augmentation du
risque de morbidité et de mortalité associé à l’excès de
poids : HTA, hypertrophie ventriculaire gauche (HVG),
insuffisance cardiaque, coronaropathie, troubles du
rythme, pathologie thromboembolique (1) et autres
risques exposés dans le tableau (2). Les facteurs impli-
qués sont multiples : degré d’excès de poids, gain de
poids au cours de la vie, répartition du tissu adipeux,
facteurs de risque cardiovasculaire associés et séden-
tarité. Les mécanismes en cause sont complexes et
intriqués avec l’intervention de facteurs hémodyna-
miques, métaboliques (insulinorésistance associée à
l’adiposité abdominale) et inflammatoires, auxquels
s’ajoutent l’effet local de la graisse cardiaque sur les
artères coronaires, la fonction myocardique. Chez les
patients obèses massifs, le retentissement respiratoire
(syndrome d’apnées du sommeil [SAS], hypoventi-
lation alvéolaire, hypertension artérielle pulmonaire
[HTAP]) aggrave la situation cardiovasculaire.
Si une perte de poids modérée de 5 à 10 %, grâce
à des conseils sur l’alimentation et à une activité
physique, permet de diminuer les facteurs de risque
et la morbidité cardiovasculaire (intolérance au
glucose, HTA) [1, 3], ces méthodes ont une efficacité
souvent limitée dans le temps. La chirurgie baria-
trique représente à ce jour la stratégie de réduction
pondérale la plus efficace à long terme. Elle prévient
et améliore les complications de l’obésité ainsi que
la qualité de vie (4, 5).
L’objet de cette revue est de décrire les effets de
cette chirurgie sur la mortalité, les facteurs de risque
cardiovasculaire et l’atteinte cardiologique chez le
patient obèse.
Chirurgie bariatrique :
indications, techniques
et résultats
La chirurgie bariatrique est un traitement de seconde
intention, proposé à la suite de l’échec de prises en
charge médicales spécialisées, bien conduites et
multidisciplinaires. Avant l’intervention, un bilan est
réalisé par une équipe médicochirurgicale visant à
dépister et à traiter les complications de l’obésité,
à optimiser la prise en charge nutritionnelle et à
préciser la situation psychologique et sociale du
patient (1). Il s’agit à la fois de préparer l’anesthésie,
l’acte chirurgical dans les meilleures conditions
somatiques et d’identifier les facteurs de succès ou
d’échec de la chirurgie.
Les indications chirurgicales sont un indice de masse
corporelle (IMC) ≥ à 40 kg/ m² ou ≥ 35 kg/m², avec au
moins une comorbidité susceptible d’être améliorée
par la perte de poids (diabète, HTA, SAS, insuffisance
cardiaque, arthrose, etc.) [4].
Les contre-indications sont des troubles majeurs
du comportement alimentaire, des troubles
psychiques sévères, des addictions (alcool, toxique),
un âge < 18 ans ou > 60 ans, un risque anesthésique
excessif, une maladie mettant en jeu le pronostic
vital à court et à moyen terme et la non-compliance
au suivi médical. Certaines de ces contre-indications
ne sont que relatives, l’âge en particulier (1).
Il existe actuellement 2 principaux types de procé-
dure :
#
les chirurgies dites “restrictives” qui diminuent
la capacité gastrique (anneau gastrique ajustable
[AGA], Sleeve Gastrectomy [SG] ou gastrectomie en
manchon et Gastric Vertical Banding [GVB]) ;
#
les chirurgies dites “malabsorptives” qui sont des
courts-circuits digestifs associant à une restriction
une malabsorption plus ou moins importante (By
Pass Gastric [BPG] ou court-circuit gastrique de type
Roux-en-Y, mini-BPG, diversion biliopancréatique
[DBP]).
Ces techniques chirurgicales sont réalisées par
cœlioscopie dans la quasi-totalité des cas, ou par
laparotomie en cas d’échec ou de complications per-
opératoires. Cette revue ne traitera que des chirur-
gies les plus pratiquées, à savoir le GVB, la SG, l’AGA
et le BPG (figure, p. 34). Les autres montages sont
à risque de complications majeures (malabsorption
avec un risque de dénutrition, diarrhée entravant la
qualité de vie, carences vitaminiques, néphropathie
oxalique pouvant conduire à l’insuffisance rénale
terminale), et sont très peu pratiqués en France.
La décision chirurgicale fait l’objet d’une décision
pluridisciplinaire lors d’une réunion de concertation