Bicuspidie aortique en 2010 :
diagnostic, histoire naturelle et prise en charge
MISE AU POINT
18 | La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire • n° 436 - juin 2010
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Références bibliographiques
mauvaise échogénicité) doit être répétée annuellement
en cas de diamètre aortique supérieur à 40 mm (ou
> 21 mm/m2). D’après les mêmes recommandations,
un remplacement chirurgical prophylactique de l’aorte
ascendante est indiqué si le diamètre aortique dépasse
50 mm, ou en cas de progression annuelle supérieure à
5 mm (12, 13). Le problème de ces recommandations
est qu’il n’existe actuellement aucune étude d’enver-
gure prouvant le bien-fondé de ces valeurs seuil, large-
ment extrapolées d’après les statistiques de la maladie
de Marfan (14). De plus, une large étude du registre
IRAD a bien démontré que le diamètre aortique, à lui
seul, était un mauvais facteur prédictif de dissection
(11). En effet, sur une série de 591 dissections touchant
l’aorte ascendante, le diamètre aortique mesuré à l’ad-
mission était inférieur à 55 mm dans 60 % des cas et
inférieur à 50 mm dans 40 % des cas. En outre, dans
cette série, le diamètre aortique n’était pas corrélé à
la mortalité hospitalière (11).
Faut-il indexer les diamètres
aortiques ?
L’application stricte de la règle des 50 mm, entraînant
de facto l’indication opératoire chez un patient asymp-
tomatique sans valvulopathie chirurgicale, pose donc
problème à un certain nombre de praticiens (11, 14).
Cependant, on ne peut pas nier que le risque de dissec-
tion/rupture aortique augmente significativement en
cas de dilatation extrême de l’aorte (> 60 mm) [15].
Le groupe de Yale a proposé d’indexer les diamètres
aortiques à la surface corporelle afin de mieux prédire
le risque de complication aiguë (16). Sur une cohorte
de 805 patients suivis pour anévrisme aortique, le taux
annuel cumulé de dissection, rupture aortique ou décès
augmentait assez brutalement (de 4 à 10 %) lorsque
le diamètre aortique indexé dépassait 27 mm/ m
2
(16).
Ces données s’appliquent essentiellement à une popu-
lation non Marfan, comportant peu de bicuspidies,
puisque les coarctations ont été exclues de cette étude.
À titre d’exemple, le seuil des 27 mm/ m2 est franchi à
55 mm de diamètre aortique pour un homme ayant
une surface corporelle de 2,0 m2 et pour un diamètre
aortique de 45 mm chez une femme ayant une surface
corporelle de 1,6 m
2
. Ces valeurs montrent bien la diffi-
culté d’appliquer globalement la règle des 50 mm, mal
adaptée aux différents gabarits individuels, notamment
chez les femmes.
Conclusion
Une prise en charge globale des patients ayant une
bicuspidie passe par un diagnostic précis reposant quasi
exclusivement sur l’échocardiographie transthoracique.
La redécouverte récente des différentes formes anato-
miques et la classification de Sievers éclairent cette
pathologie d’un jour nouveau. Le risque évolutif d’une
bicuspidie est avant tout valvulaire, et il n’y a pas de
spécificité dans le management et la décision théra-
peutique d’une valvulopathie aortique sur bicuspidie
par rapport aux autres étiologies. Les complications
aortiques aiguës sont beaucoup plus rares. S’il est vrai
que le risque de dissection aortique est plus élevé en
cas de bicuspidie par rapport à la population générale,
il est cependant très nettement inférieur au risque de la
maladie de Marfan. D’après les recommandations inter-
nationales, la surveillance annuelle des diamètres de la
racine aortique par échocardiographie, scanner ou IRM
est indiquée en cas de dilatation supérieure à 40 mm
(ou > 20 mm/m2). D’après ces mêmes recommanda-
tions, la chirurgie prophylactique de l’aorte ascendante
est indiquée en cas de dilatation supérieure à 50 mm,
y compris chez un patient asymptomatique sans valvu-
lopathie significative. Cette valeur seuil de 50 mm ne
repose malheureusement sur aucune preuve scienti-
fique solide. En pratique, le diamètre aortique indexé à
la surface corporelle pourrait être une aide à la décision
thérapeutique dans les cas difficiles, avec une valeur
seuil de 25 à 27 mm/m2 ne figurant pas explicitement
dans les recommandations actuelles. ■