BULLETIN Droit de la responsabilité sociale d'entreprise 21 juin 2012 Rio+20 : définir L’avenir que nous voulons? Par : Kevin O’Callaghan et Dani Bryant | Vancouver Du 20 au 22 juin 2012, des délégués de plus de 190 pays se réuniront à Rio de Janeiro, au Brésil, à l’occasion de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable (le « Sommet Rio+20 »), afin de renouveler l’engagement politique envers le développement durable élaboré initialement il y a 20 ans lors d’une conférence semblable également tenue à Rio de Janeiro. Le Sommet Rio+20 a pour objectif d’en venir à un consensus au sujet d’un document d’action politique présentement intitulé « L’avenir que nous voulons », axé sur le développement durable et le nouveau concept de l’« économie verte », qui suscite d’ailleurs une certaine controverse. En effet, les pays développés et les pays en développement semblent avoir des vues diamétralement opposées quant à la définition de l’économie verte et de son rôle dans le développement durable, et quant à la façon de répartir le fardeau financier lié au développement durable. Le présent bulletin se veut un aperçu des origines du Sommet Rio+20 et un résumé détaillé des questions qui y seront abordées. Le Sommet de Rio de 1992 La première Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (la « CNUED »), mieux connue sous le nom de Sommet Planète Terre ou Sommet de Rio (le « Sommet de Rio »), a eu lieu à Rio de Janeiro en juin 1992. Le Sommet de Rio, organisé 20 ans après la première conférence mondiale sur l’environnement (la Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain), réunissait un nombre sans précédent de pays : 172 gouvernements y ont participé, et 108 chefs d’État s’y sont rendus. Le Sommet de Rio portait sur des questions d’envergure comme les modes de production, les sources d’énergie renouvelable pour remplacer le recours aux combustibles fossiles liés aux changements climatiques, et la rareté grandissante des sources d’eau. Les gouvernements présents ont adopté, par consensus, trois accords visant à changer leur démarche en matière de développement : Action 21 – Un volumineux programme de plus de 350 pages d’actions en matière de développement durable afin de repenser la croissance économique, de promouvoir la justice sociale et d’assurer la protection de l’environnement; La Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement – Une liste de principes définissant les droits et les responsabilités des États en matière de développement durable; La Déclaration de principes sur la gestion des forêts – Une série de principes pour la gestion durable des ressources forestières mondiales. De plus, deux accords avaient été proposés en vue de leur ratification lors du Sommet de Rio: la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (la « CCNUCC »), qui prévoyait la création de protocoles afin d’établir des plafonds d’émission contraignants (le plus connu de ces protocoles étant celui de Kyoto) et qui avait pour objectif ultime la stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre, ainsi que la Convention sur la diversité biologique. Le sommet de Rio a été suivi en 1997 du Sommet Planète Terre+5, une session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, puis du Sommet de Johannesbourg en 2002, deux événements qui ont permis de prendre d’autres engagements en vue de la mise en œuvre de l’accord Action 21. Sommet Rio+20 À compter du 20 juin 2012, soit 20 ans après le premier Sommet de Rio, les pays membres de l’ONU se réuniront à nouveau à Rio de Janeiro pour se pencher sur la question du développement durable international (une vision commune des objectifs économiques, environnementaux et sociaux, en tenant compte des besoins des générations actuelles et futures). Le Sommet Rio+20 s’est donné trois objectifs : susciter un engagement politique renouvelé en faveur du développement durable; évaluer les progrès réalisés et les lacunes restant à combler pour respecter la mise en œuvre des engagements déjà pris; 1 VANCOUVER CALGARY TORONTO OTTAWA MONTRÉAL QUÉBEC LONDRES PARIS JOHANNESBURG BULLETIN Droit de la responsabilité sociale d'entreprise relever les défis qui se font jour en matière de développement durable. Participants Plus de 130 chefs d’État, de même que des milliers de représentants gouvernementaux de 190 pays, de représentants des Nations Unies, de chefs d’entreprises et de dirigeants de la société civile sont attendus à ce sommet, dont le président russe Vladimir Poutine, le premier ministre chinois Wen Jiabao, le premier ministre indien Manmohan Singh et le premier ministre japonais Yoshihiko Noda. Malgré tout, certaines figures importantes manqueront à l’appel, dont la chancelière allemande Angela Merkel, le premier ministre britannique David Cameron et le président américain Barack Obama. Le premier ministre canadien Stephen Harper n’a pas encore fait savoir s’il allait participer au sommet ou non. Thèmes du sommet Les pays membres de l’ONU se sont entendus sur deux thèmes pour ce sommet : l’économie verte dans le contexte du développement durable et de l’éradication de la pauvreté; le cadre institutionnel du développement durable. Une économie verte Le thème de l’économie verte n’est pas sans rappeler l’orientation du premier Sommet de Rio, axé sur l’interaction entre l’environnement et l’économie. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement a d’ailleurs élaboré une définition du concept : « une économie verte entraîne une amélioration du bien-être et de l’équité sociale, tout en réduisant considérablement les risques de pénuries écologiques ».[1] Dans le cadre d’une économie verte, la responsabilité écologique n’exclut pas la croissance économique. Bien que cette expression circule dans les milieux universitaires depuis un certain temps, elle demeure peu employée dans l’arène politique internationale. La difficulté première a été de la définir; les pays en développement craignent que ce concept remplace celui du développement durable comme nouveau cadre de travail international, et détourne par le fait même l’attention accordée à la lutte contre la pauvreté et le pilier social du développement durable, tout en augmentant le fardeau financier qui leur est imposé. Les pays en développement ont donc fait ajouter au document d’action du sommet une modalité prévoyant que chaque pays pourra implanter le concept d’économie verte de sa propre façon, plutôt qu’en suivant une norme commune à tous les pays.[2] Il s’ensuit donc que l’idée même de l’économie verte n’aura plus aucune cohérence et donc très peu d’impact. De plus, les pays en développement du groupe des G77 ont exhorté les pays développés à prendre des mesures urgentes pour modifier leurs modes de vie et à adopter des modes de production et de consommation durables, tout en ajoutant des paragraphes au texte du document d’action du sommet pour veiller à ce que les pays en développement conservent leur droit souverain d’exploiter leurs ressources naturelles en fonction de leurs propres objectifs et politiques en matière de développement.[3] Un cadre de travail institutionnel Depuis le Sommet de Rio et le Sommet de Johannesbourg en 2002, les gouvernements ont manqué à leurs promesses de mettre en œuvre les engagements qui y ont été pris. Selon la cinquième édition du rapport L’Avenir de l’environnement mondial (le « GEO5 »), parmi les 90 buts et objectifs internationaux les plus importants en matière d’environnement, seulement quatre ont connu des progrès marqués : le retrait du plomb du carburant, l’accès amélioré aux sources d’eau, l’augmentation des recherches en vue de réduire la pollution des environnements marins, et l’élimination du recours aux substances appauvrissant la couche d’ozone. Certaines améliorations ont été apportées dans le cadre de 40 autres objectifs, mais peu ou pas de progrès n’a été accompli à l’égard de 24 des autres objectifs, dont les changements climatiques, la désertification et la sécheresse. Huit objectifs n’ont fait l’objet d’aucun progrès que ce soit et leur état accuse même une détérioration. Enfin, le progrès accompli au titre des 14 autres objectifs n’a pu être évalué en raison d’un manque de données.[4] Ce thème a pour objectif de créer un cadre de travail favorisant la mise en application des engagements de développement durable pris lors des Sommets de Rio et de Johannesbourg (2002), et bientôt à l’occasion du Sommet Rio+20. Plusieurs recommandations ont été formulées quant à la façon de resserrer la coordination des activités internationales en matière d’environnement, dont la transformation de la Commission du développement durable en Conseil du développement durable, créant ainsi un forum politique de haut niveau sur le développement durable et en transformant le Programme des Nations Unies pour l’environnement en un organisme spécialisé de l’ONU dont tous les pays seraient membres.[5] 2 VANCOUVER CALGARY TORONTO OTTAWA MONTRÉAL QUÉBEC LONDRES PARIS JOHANNESBURG BULLETIN Droit de la responsabilité sociale d'entreprise Projet de document d’action Le Sommet Rio+20 a pour objectif d’atteindre un consensus sur un document d’action politique concertée, actuellement intitulé « L’avenir que nous voulons ».[6] Les négociateurs ont pris part jusqu’à maintenant à huit rondes de pourparlers préalables officiels et non officiels. En date de la dernière ronde de pourparlers, qui s’est conclue le 2 juin à New York, les négociateurs ne s’étaient entendus que sur 70 des 259 paragraphes du document, et certaines questions d’envergure n’avaient toujours pas fait l’objet d’une entente. Étant donné ce consensus aussi faible, des commentateurs doutent de voir les négociateurs en venir à une entente, ou encore craignent que le document ratifié soit tellement dilué qu’il n’ait aucun effet tangible. La dernière session du Comité préparatoire avant le Sommet était prévue pour les 13, 14 et 15 juin. L’une des sections du document donnant lieu à certaines tensions à l’heure actuelle entre les pays en développement et les pays développés porte sur les modalités financières. Les pays en développement du G77 veulent de nouvelles ressources financières pour soutenir les engagements pris dans le document d’action, ressources qui comprennent une hausse de l’aide officielle au développement, des ressources dédiées fournies au moyen d’institutions financières internationales, et une augmentation des ressources octroyées aux programmes de développement des Nations Unies. Les pays développés, dont le Canada et les États-Unis, ont cependant demandé la suppression de ces paragraphes. De plus, ces pays développés demandent le transfert de la responsabilité financière du développement social au secteur privé et aux organismes de coopération entre les États du sud (la « coopération Sud-Sud », soit des processus, des institutions, des arrangements et du financement fournis par des pays en développement à d’autres pays en développement en vue d’atteindre des objectifs de développement communs).[7] Objectifs en matière de développement durable Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, a annoncé son intention de faire endosser, par les dirigeants présents au Sommet Rio+20, l’idée d’objectifs de développement durable (les « ODD »), semblables aux Objectifs du millénaire pour le développement (les « OMD »), une série de huit objectifs assortis de délais précis visant à réduire la pauvreté extrême. Les ODD seraient en fait des objectifs avec des cibles claires et mesurables permettant de suivre les progrès accomplis dans les 15 ans suivant l’adoption des OMD (période qui se termine en 2015).[8] Le Sommet Rio+20 se veut le fer de lance des ODD grâce à un panel de haut niveau, dont les membres seront nommés par le Secrétaire général Ban Ki-Moon, qui étudiera en détail les ODD. Le premier ministre britannique David Cameron, la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf et le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono agiront à titre de coprésidents de ce panel.[9] Cependant, les pays en développement du G77, de même que la Chine, veulent que les gouvernements décident des ODD, et non les experts des Nations Unies. L’Union européenne veut quant à elle que les objectifs prioritaires soient énoncés dans le document d’action et soient accompagnés d’indicateurs et de cibles d’action pour permettre au Rio+20 de se traduire par des résultats tangibles.[10] Par ailleurs, les forces et les faiblesses des OMD devraient être prises en compte dans l’élaboration des ODD, pour en assurer le succès dans toute la mesure du possible. Selon Jeffrey Sachs, conseiller spécial du Secrétaire général Ban Ki-Moon sur les OMD, les objectifs devraient être faciles à énoncer et simples à retenir, former un ensemble d’engagements moraux et pratiques plutôt qu’une série de contraintes juridiques, et devraient pouvoir être atteints au moyen de mesures précises et pratiques. Les ODD devraient comprendre des objectifs et des jalons intermédiaires, interpeller le secteur privé et prévoir la diffusion et la mise à jour périodiques de données exactes et à jour.[11] Autres enjeux critiques Le Sommet Rio+20 portera également sur d’autres enjeux critiques, comme l’emploi et la garantie des moyens d’existence, l’énergie, les villes durables, la sécurité alimentaire et l’agriculture durable, la gestion des sources d’eau, la santé des océans, l’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et la préparation aux catastrophes. Conclusion Étant donné le nombre élevé de questions qui demeurent non résolues dans le projet de document d’action, il sera intéressant de voir si les pays membres pourront en venir à une entente d’ici la fin du Sommet et, si pour en arriver à une entente, ils auront dilué le document au point qu’il soit dépourvu de toute mesure tangible? [1] Initiative pour une Économie verte du Programme des Nations Unies pour l’environnement http://www.unep.org/french/greeneconomy/%C3%80proposdelIEV/tabid/78152/Default.aspx 3 VANCOUVER CALGARY TORONTO OTTAWA MONTRÉAL QUÉBEC LONDRES PARIS JOHANNESBURG BULLETIN Droit de la responsabilité sociale d'entreprise [2] Sommet de Rio+20, projet de texte, 2 juin 2012, Chapitre III (en anglais seulement) http://www.guardian.co.uk/environment/interactive/2012/jun/08/rio-20-earth-summit-un-draft-text [3] Ibid. [4] Communiqué de presse « Despite agreed environmental goals, world still on unsustainable path », 10 juin 2012 (en anglais seulement) http://www.uncsd2012.org/index.php?page=view&nr=1213&type=230&menu=38 [5] Sommet de Rio+20, projet de texte, 2 juin 2012, Chapitre IV (en anglais seulement) http://www.guardian.co.uk/environment/interactive/2012/jun/08/rio-20-earth-summit-un-draft-text [6] Sommet de Rio+20, projet de texte, 2 juin 2012 (en anglais seulement) http://www.guardian.co.uk/environment/interactive/2012/jun/08/rio-20earth-summit-un-draft-text [7] Sommet de Rio+20, projet de texte, 2 juin 2012, Chapitre VI-A (en anglais seulement) http://www.guardian.co.uk/environment/interactive/2012/jun/08/rio-20-earth-summit-un-draft-text [8] « Ban Ki-Moon ‘We want to make Rio+20 a conference of decisive impact and ambition’ », communiqué de presse du 8 juin 2012 (en anglais seulement) http://www.uncsd2012.org/index.php?page=view&nr=1211&type=230&menu=38 [9] Jeffrey D. Sachs, « From Millennium Development Goals to Sustainable Development Goals », The Lancet, Vol 379, 9 juin 2012, à la page 2206 [10] Sommet de Rio+20, projet de texte, 2 juin 2012, Chapitre V-B (en anglais seulement) http://www.guardian.co.uk/environment/interactive/2012/jun/08/rio-20-earth-summit-un-draft-text [11] Jeffrey D Sachs, « From Millennium Development Goals to Sustainable Development Goals », The Lancet, Vol 379, 9 juin 2012, aux pages 2210-2211. Pour plus de renseignements, n’hésitez pas à communiquer avec les auteurs de ce bulletin : Kevin O'Callaghan +1 604 631 4839 [email protected] Dani Bryant +1 604 6314820 [email protected] Personnes-ressources VANCOUVER TORONTO MONTRÉAL LONDON Kevin O'Callaghan +1 604 631 4839 [email protected] Claudia Feldkamp +1 416 868 3435 [email protected] Anne Drost +1 514 397 4334 [email protected] Steven Beharrell +44 20 7917 8606 [email protected] Paul Wilson +1 604 631 4748 [email protected] Michael J. 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