Rythmologie R P O I N T S F O... P

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Rythmologie
● J.M. Davy*
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■ Le défibrillateur implantable s’impose pour les tachycardies ventriculaires sur cardiopathie : de très nombreuses
communications ont porté sur des analyses en sous-groupe
de deux grandes études randomisées déjà publiées, l’une
canadienne (CIDS), l’autre américaine (AVID).
■ Un intérêt soutenu pour l’ablation par radiofréquence
s’affirme dans les tachycardies atriales régulières, notamment le flutter sous toutes ses formes, grâce aux nouvelles
techniques cartographiques.
■ Toutefois, le développement de l’ablation de la fibrillation auriculaire reste dépendant des progrès technologiques.
L’intérêt se porte sur la place des médicaments anticalciques, bêtabloquants et surtout nouveaux antiarythmiques
de classe III (dofétilide, azimilide) dans les arythmies
atriales.
■ En revanche, une seule communication (échographique)
a concerné le syndrome de Wolff-Parkinson-White, dont le
problème a été résolu par l’ablation par radiofréquence.
DÉFIBRILLATEUR IMPLANTABLE
La qualité de vie des patients sous défibrillateur automatique
implantable est parfois discutée, en raison de la plus ou moins
bonne tolérance des chocs (figure 1). Ainsi, des psychologues
ont été adjoints aux premières équipes réalisant la défibrillation
implantable, même si la tolérance des nouveaux appareils paraît
bien meilleure. Dorian (Toronto) a réalisé l’étude de la qualité de
vie dans un sous-groupe de 163 patients (âge 63 ± 9 ans, dont
82 % d’hommes) tiré de l’étude CIDS, avant randomisation, à six
mois et à douze mois après traitement par amiodarone (52 %) ou
défibrillateur (48 %). Deux échelles ont été utilisées, l’une concernant le bien-être mental (Mental Health Inventory), l’autre l’énergie physique (Nottingham Health Profile). Les deux indices
s’amélioraient sous défibrillateur, alors qu’ils ne se modifiaient
pas, voire se détérioraient (Indice de Nottingham) sous amiodarone.
La place du défibrillateur en cas de dysfonction ventriculaire
gauche majeure est controversée. Krahn (London, Canada) a analysé ce point chez les 642 patients de l’étude CIDS (FE 34 %,
âge 64 ± 6 ans, 85 % d’hommes). En comparaison avec l’amiodarone, le bénéfice du défibrillateur était de 20 % sur la mortalité totale (p < 0,07) avec une mortalité de 8,3 % versus 10,2 %
sous amiodarone. Trois groupes de patients ont été constitués
selon que la FE était < 20 %, (n = 79), entre 20 et 35 % (n = 342),
et > 35 % (n = 221).
Le bénéfice du défibrillateur était d’autant plus important que la
FE était basse, passant, pour la mort subite, respectivement de
0,36 à 0,72 et 0,94 et pour la mortalité totale de 0,51 à 0,79, et
1,52 (non significatif). La place du traitement bêtabloquant dans
ces trois sous-groupes n’est cependant pas précisée.
Figure 1. Fibrillation ventriculaire déclenchée par un choc sur l’onde T de l’ECG/essai d’un défibrillateur implantable.
* Hôpital Arnaud-de-Villeneuve, Montpellier.
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Le rôle de la dysfonction VG a aussi été étudié dans l’étude AVID
(Domanski, Seattle). Les 1 009 patients ont été séparés en trois
groupes selon la fraction d’éjection du ventricule gauche : < 20 %
(n = 140), entre 20 et 34 % (n = 473) et > 35 % (n = 396). Le
bénéfice du défibrillateur disparaissait pour les fractions d’éjection les plus basses : risque relatif de mortalité sous antiarythmique versus DAI (1,3 ; p = 0,1) et les FE les plus élevées (risque
relatif = 1), tandis que seuls les patients avec une FE entre 0,20
et 0,35 bénéficiaient du défibrillateur : risque relatif 1,7 ;
p = 0,006.
L’effet de la revascularisation sur les troubles du rythme ventriculaire sévères des cardiomyopathies ischémiques est discuté.
Ce point a été analysé par Cook (Springfield) dans une analyse
en sous-groupes des 2 311 patients du registre de l’étude AVID.
Les résultats ont montré :
– un bénéfice global de la revascularisation par rapport aux
patients non revascularisés, mais cet avantage est dû principalement aux autres facteurs pronostiques (âge, insuffisance cardiaque, fraction d’éjection ventriculaire gauche, antécédent d’infarctus) ;
– un bénéfice majeur du défibrillateur chez les patients non revascularisés ;
– que le bénéfice du DAI disparaissait dans le sous-groupe de
patients revascularisés.
L’ischémie résiduelle est donc délétère et éventuellement proarythmique.
LA VALEUR PRÉDICTIVE DE LA DYNAMIQUE DE L’INTERVALLE
QT
Cette valeur a été étudiée au décours de l’infarctus du myocarde
dans l’étude GREPI (Chevalier, Lyon). Trois cent quatre-vingtonze patients ont bénéficié d’un holter au 10e jour (± 4) de l’infarctus (352 hommes, 56 ± 11 ans). Soixante-treize décès sont
survenus sur un suivi de 81 ± 27 mois. Une pente de corrélation
diurne (9 h à 21 h) QT/RR augmenté (> 0,14) est associée à une
augmentation du risque de 2,2 (p < 0,0001) : la survie n’était que
de 70 ± 6 % versus 85 ± 5 %.
De même, une augmentation de l’intervalle QT au-delà de
405 ms comportait un risque relatif de 1,45 (p < 0,03), avec une
survie de 79 ± 5 % versus 89 ± 4 %. En analyse multivariée
incluant âge, fraction d’éjection et potentiel tardif ventriculaire,
le risque persistait pour la dynamique du QT. En revanche, l’apex
du QT, pourtant bien plus simple à analyser dans les algorithmes
automatiques de détection de la repolarisation, est sans valeur
prédictive.
LE DÉFIBRILLATEUR EXTERNE SEMI-AUTOMATIQUE
SUSCITE DE PLUS EN PLUS D’INTÉRÊT
L’expérience d’American Airlines, qui a mis en place, après Quantas en Australie, de tels appareils sur 245 de ses vols intercontinentaux, paraît concluante (Page, Dallas). Sur un suivi de neuf
mois, 42 personnes en ont bénéficié lors d’une surveillance de
leur rythme cardiaque et trois ont reçu des chocs pour TV-FV
(avec un survivant) ; à 15 reprises, le vol a pu ne pas être dérouté
grâce à l’utilisation du défibrillateur semi-automatique.
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Le coût d’un programme de santé publique qui consisterait à
mettre de tels appareils dans les stades a été évalué par Peverdy
(Richmond) : à raison de 25 appareils par stade et de 50 personnes
entraînées par stade et chaque année, le supplément ne serait que
de 1 à 4 cents (5 à 20 centimes français) par billet pour les quatre
grandes épreuves sportives de baseball, football et basketball.
COMMOTIO CORDIS
Après un choc thoracique antérieur de faible énergie, une mort
subite par fibrillation ventriculaire peut survenir, notamment avec
les sports de balle (hockey, baseball) : “commotio cordis”. Un
modèle expérimental a été développé par Link (Boston) chez le
porc anesthésié recevant les chocs d’une balle de baseball à six
vitesses différentes, de 30 à 90 km/h, et synchronisé à l’onde T
de l’ECG (fenêtre de 15 ms avant le pic de l’onde T).
Une limite supérieure et inférieure de vulnérabilité était obtenue
(figure 2), comme cela a été décrit pour l’induction électrique
d’une fibrillation ventriculaire. Cela explique que des traumatismes sportifs relativement anodins puissent être responsables
de morts subites sur un terrain de sport.
6/6
100 %
10
Incidence de FV
R
8
6
4
2
0
8/23
35 %
10/30
28
35
4/5
80 %
33 %
1/5
20 %
0/30
0%
20
40
50
60
Vitesse de l'impact (m/h)
Figure 2. Modèle expérimental.
ABLATION PAR RADIOFRÉQUENCE
Dans l’ablation du flutter auriculaire par radiofréquence, le bénéfice des cathéters d’ablation avec des électrodes distales de 8 mm
a été confirmé dans une étude de Chen (Taipei) portant sur
104 patients (76 hommes et 28 femmes, d’âge 63 ± 10 ans). Un
cathéter de 4 ou 8 mm était utilisé de façon randomisée, puis,
après 5 tirs, l’autre cathéter était sélectionné pour un maximum
de 10 tirs. Un cathéter multiélectrode avec stimulation OD basse
ou sinus coronaire permettait de s’assurer de l’existence d’un bloc
ischémique complet ou incomplet. Le succès a été de 67 % (36/54)
avec 4 mm, versus 92 % (46/50) avec 8 mm (après 2 + 1 tirs,
24 min + 15 de procédure et 14 ± 10 min de rayons X). Aucun
bénéfice n’était apporté par le changement d’un cathéter de 8 mm
pour un cathéter de 4 mm, à la différence de l’autre échange,
4 mm vers 8 mm.
Les besoins de l’ablation par radiofréquence amènent à développer les diverses méthodes de cartographie sans rayon X.
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Plusieurs communications ont concerné le système Carto de Biosense (Cordis) et Endocardial Solution de Medtronic. Ces systèmes nécessitent des cathéters spécifiques relativement coûteux.
Le système Localisa utilise un repérage magnétique par électromagnétisme, grâce à un courant de faible intensité parcourant les
sondes électrophysiologiques usuelles. Ce système a été validé
(Ramanna, Utrecht) pour l’ablation du flutter commun chez
12 patients chez qui la ligne de bloc (figure 3) était correctement
obtenue ; Localisa permettait un repérage progressif de cette ligne
d’ablation, le faisceau de His et le sinus coronaire (distal et proximal) étant préalablement identifiés.
RAO 90°
Cranial 15°
CS
1 cm
His
Ostium
RF
Figure 3.
ARYTHMIE COMPLÈTE PAR FIBRILLATION AURICULAIRE
Le rôle de l’amiodarone sur les énergies de défibrillation est discuté ; alors que les énergies de défibrillation ventriculaire sont
augmentées chez les patients, les données expérimentales montrent un effet opposé. En revanche, il n’y a pas de données sur les
énergies de défibrillation auriculaire.
Treize patients (dont 7 femmes, d’âge 55 ± 10 ans, avec une fraction d’éjection à 61 ± 9 %) ont bénéficié d’une cardioversion
intracardiaque (oreillette droite latérale et sinus coronaire) pour
des fibrillations auriculaires (d’une durée de quatre mois à trois
ans, dont 10 survenaient sur cardiopathie avec une oreillette
gauche augmentée à 44 ± 5 mm) (Mende, Leipzig). Ces
13 patients ayant récidivé ont été à nouveau étudiés après
huit semaines de traitement par amiodarone à 200 mg/j. La cardioversion initiale avait été effectuée sans aucun traitement antiarythmique excepté anticalcique, bêtabloquant ou digitalique.
Les énergies de défibrillation étaient presque doublées avec le
traitement par amiodarone (10 ± 4 joules versus 6 ± 3 joules).
Cette donnée doit intervenir dans le choix d’un traitement antiarythmique associé à un défibrillateur auriculaire implantable.
La physiopathologie de la fibrillation auriculaire a été l’occasion de plusieurs communications. À côté des formes focales
décrites par Haissaguere, issues des veines pulmonaires, des
formes mettant en jeu des réentrées de petite taille ont été sugLa Lettre du Cardiologue - n° 305 - janvier 1999
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gérées : ces circuits de réentrée auraient des fréquences très
rapides, ne pourraient donc conduire en 1/1 à l’ensemble des deux
oreillettes, et réaliseraient un aspect fibrillatoire. De tels aspects
ont été retrouvés sur le cœur isolé de chien par Hocini (Bordeaux)
à l’occasion d’une FA aiguë induite électriquement, et surtout par
Matsuo (Cleveland) en cas de FA chronique après péricardite stérile : il s’agit de réentrées autour des veines pulmonaires dont les
cycles sont très courts, dans les 96 à 116 ms.
Jayachandran (Indianapolis) a mesuré avec des microsphères le
débit tissulaire des deux oreillettes du chien en FA chronique
après stimulation auriculaire de six semaines (n = 12). Comparativement à 6 chiens témoins, une ischémie était mise en évidence dans l’oreillette droite et l’oreillette gauche, avec une réduction de 20 % du débit tissulaire (ml/g/min) : respectivement
0,8 ± 18 versus 1,13 ± 1,06 et 0,7 ± 1,4 versus 0,9 ± 1,2. Le mécanisme est variable : hypertrophie pariétale, vasoconstriction en
rapport avec des modifications monocytaires, mais le remodelage serait la conséquence d’une ischémie chronique évoquant
une hibernation auriculaire, qui serait responsable des modifications électrophysiologiques et cliniques, période réfractaire plus
courte et ne s’adaptant pas.
Le remodelage électrophysiologique induit par la FA (période
réfractaire plus courte, ne s’adaptant pas, plus dispersée) pérennise celle-ci et encourage à réaliser une cardioversion la plus précoce possible. Le remodelage est expérimentalement réduit par
les anticalciques. Deux cent soixante-quatre patients participant
à une étude prospective comparant placebo et dofétilide dans la
prévention de la récidive de FA ont été analysés. Parmi eux, les
48 patients recevant des anticalciques avaient un risque de récidive réduit de 23 % (risque relatif 0,77) qui apparaissait essentiellement dans les 15 premiers jours après réduction. Ce bénéfice était présent autant avec le diltiazem et le vérapamil qu’avec
les dihydropyridines qui, elles, ne ralentissent pas la fréquence
ventriculaire en fibrillation auriculaire (Falk, Boston).
L’azimilide est un antiarythmique de classe III actuellement
en évaluation (bloqueur IKs et IKr). L’étude multicentrique
de Pritchett (Durham) a porté sur l’efficacité de trois doses
d’azimilide (50, 100 et 125 mg/j) comparées au placebo chez
367 patients présentant des fibrillations auriculaires paroxystiques
symptomatiques. La cible principale de l’étude était le délai du
premier accès de fibrillation auriculaire.
Pour être inclus, le patient devait remplir trois conditions :
1. avoir des antécédents de fibrillation auriculaire ou flutter nécessitant un traitement ;
2. avoir eu, au maximum deux ans auparavant, un ECG en crise
de flutter ou en fibrillation auriculaire documentant l’arythmie ;
3. être en rythme sinusal lors de l’installation du traitement.
Seules les FA permanentes étaient exclues. Le traitement était
instauré en ambulatoire (90 % des patients), sans essai préalable,
avec une dose d’imprégnation (le double de la dose choisie pendant trois jours) puis une dose d’entretien randomisée. Un soin
particulier était accordé à la documentation des récidives, avec
une transmission téléphonique de l’ECG en cas de symptômes et
un tracé systématique tous les 15 jours. Les récidives n’étaient
retenues pour l’étude qu’après trois jours de traitement (fin de la
période d’imprégnation).
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La population de 367 patients (âge 64 ± 12 ans, dont 62 % de
sexe masculin) souffrait de cardiopathie dans 77 % des cas (18 %
d’insuffisance cardiaque, 31 % de cardiopathie ischémique). Les
traitements associés comportaient : digoxine 51 %, vérapamil
15 %, diltiazem 15 %, IEC 25 %, diurétique 25 %, bêtabloquant
29 %, AVK 48 % et aspirine 42 %. L’arythmie était dans 60 %
des cas de la fibrillation auriculaire, dans 7 % des cas un flutter,
dans 15 % des cas une fibrillation et un flutter, dans 16 % des cas
une fibrillation, un flutter ou une tachycardie supraventriculaire.
Le rythme sinusal était obtenu par cardioversion électrique chez
32 % des patients, qui recevaient l’azimilide dès la première journée de la cardioversion. Le délai moyen et le délai médian de récidive passaient de 17 jours après placebo à 22 jours après 50 mg,
41 jours après 100 mg, et 130 jours après 125 mg, soit 60 jours
pour le traitement combiné 100 et 125 mg.
Par rapport au placebo, le risque relatif d’être en rythme sinusal
après 3 mois de traitement était respectivement de 1,17, 1,38,
1,83, et 1,58, pour 50, 100, 125 et 100 + 125 mg/j.
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Il ne s’agissait pas de FA moins symptomatique, car le pourcentage de FA asymptomatique sur le tracé de transmission téléphonique était respectivement de 9 %, 8 %, 4 % et 4 % entre le
groupe placebo et les trois groupes traités ; aucune transformation de FA en flutter n’était notée.
Les effets délétères ont comporté une torsade de pointe chez un
patient recevant 100 mg/j et trois décès (dont une mort subite, un
décès non documenté et un accident vasculaire cérébral). La durée
de l’intervalle QT augmentait de 6,7 % pour 100 mg/j et de 8,5 %
pour 125 mg/j.
L’azimilide semble donc être un traitement efficace dans la prévention de la fibrillation auriculaire paroxystique. Toutefois, comme
pour le dofétilide (dont l’étude Diamond-FA a été à nouveau rapportée – Hellerup), il est indispensable de préciser le rapport bénéfice-risque : les antiarythmiques de classe III pure ne comportent
en effet aucune action inotrope négative et peuvent être prescrits
dans l’insuffisance cardiaque ; en revanche, le risque de torsade de
pointe implique sans doute une grande prudence.
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