Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 9 - novembre 2010
298
dossier thématique
Sécurité cardiovasculaire
des antidiabétiques
Stratégies de mise en œuvre des hypo-
glycémiants et risque cardiovasculaire
Lowering blood glucose therapeutic strategies and cardiovascular risk
G. Charpentier*
L
a prise en charge de la glycémie des patients
diabétiques qui ont un risque de pathologie car-
diovasculaire doit-elle être particulière ? Pour
répondre à cette question très pratique, il faut préala-
blement envisager plusieurs étapes :
le traitement de la glycémie, en soit, peut-il avoir un
bénéce favorable et signicatif sur l’athérosclérose
accélérée, propre au diabète de type 2 (DT2), mais aussi
de type 1 (DT1) ;
si malgré tout, une cardiopathie ischémique s’est
installée, le traitement ecace de la glycémie peut-il
en ralentir la progression ;
quels sont les risques d’un tel traitement ;
in ne, quels sont les objectifs glycémiques chez
ces patients, et par quelles stratégies thérapeutiques
les atteindre ?
Le traitement de la glycémie peut-il ralentir
la survenue des complications cardiovas-
culaires du diabète ?
La réponse ne fait pas de doute en ce qui concerne les
complications microvasculaires spéciques de l’hyper-
glycémie chronique (rétinopathie et néphropathie,
auxquelles on rattache la neuropathie). Dans le DT1, le
Diabetes Control and Complications Trial research group
(DCCT) a démontré une réduction d’environ 60 % de
la survenue ou de la progression de ces complications
dans le groupe intensié. Ce groupe avait pu atteindre
des niveaux d’HbA1c d’environ 7 % pendant les 6,5 ans
de l’étude, alors que le groupe témoin était resté à 9 %.
Il y avait une relation log-linéaire entre la survenue
ou laggravation des complications et l’HbA1c, et, ce
qui est important, sans eet de seuil (1). D’une façon
comparable, dans le DT2, chez des patients qui ont été
inclus au début de leur maladie, l’UKPDS a démontré
une réduction de 25 % des complications microvas-
culaires dans le groupe dit intensié, avec une HbA1c
médiane de 7,0 % pendant les 10 ans de l’étude par
rapport aux témoins restés à 7,9 % (2, 3). Un bénéce
marginal complémentaire a pu être démontré sur la
néphropathie dans l’étude ADVANCE, comparative-
ment à un groupe contrôle resté à 7,0 %, en réduisant
encore l’HbA1c médiane jusqu’à des valeurs proches
de la normale (6,3 %).
Pour les complications macrovasculaires, les résultats
étaient moins probants : une méta-analyse détudes
observationnelles (3 portant sur le DT1 et 10 sur le DT2)
a montré une progression de 15 % des complications
macrovasculaires dans le DT1 et de 18 % dans le DT2,
pour chaque augmentation de 1 % de l’HbA1c (4). Et
inversement, une méta-analyse des études d’interven-
tion disponibles (8 études sur le DT1 et 6 sur le DT2)
a révélé une réduction de ces complications de 62 %
pour les patients DT1 et de 19 % pour les sujets DT2
dans les groupes de patients traités de façon intensiée
comparativement aux méthodes conventionnelles de
l’époque (5). Le DCCT montrait aussi une tendance
© La Lettre
du Cardiologue-Risque
Cardiovasculaire
438 - octobre 2010
* Centre hospitalier
sud-francilien, Corbeil-
Essonnes.
»
Le traitement optimal de la glycémie peut ralentir la survenue des
complications vasculaires du diabète.
»
Les objectifs métaboliques restent une HbA1c inférieure à 7 % pour
la majorité des patients.
»
Chez les patients présentant une cardiopathie ischémique avérée,
il faut privilégier l’éviction des risques d’hypoglycémie vis-à-vis de
la recherche d’une HbA1c strictement dans la cible.
»
Chez ces patients à haut risque cardiovasculaire, il faut sans
doute privilégier les traitements qui nexposent pas du tout aux
hypoglycémies compte tenu du risque qu’elles font courir sur de
tels terrains : metformine et, si nécessaire, inhibiteurs des DPP4, ou
analogues du GLP1 si le traitement est insuffisant.
Mots-cs : Diabète de type 2 Cardiopathie ischémique Hypoglymies
– HbA1c – Inhibiteurs des DPP4 – Analogues du GLP1.
Keywords: Diabetes type 2 – Coronary heart disease – Hypoglycemia –
DPP4 inhibitors – GLP1 analog.
Points forts
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 9 - novembre 2010
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Stratégies de mise en œuvre des hypoglycémiants et risque cardiovasculaire
à la réduction (41 %), mais non significative, car il
s’agissait de sujets jeunes et il y avait peu d’événe-
ments. Il a fallu attendre 9 ans après la n de l’étude,
et malgré un traitement moins strict revenu au niveau
du groupe témoin, pour voir apparaître le bénéce
des années initiales de bon équilibre, avec un gain
persistant de 42 % mais cette fois-ci, signicatif (6).
De façon très symétrique, l’UKPDS avait montré une
réduction de 16 % des complications cardiovasculaires,
n’atteignant cependant pas le seuil de signicativité
(p = 0,052), alors que la diérence devenait signica-
tive après 10 ans de suivi, avec une réduction, cette
fois-ci signicative, de 15 % des infarctus du myocarde
(p = 0,01) [7]. Létude épidémiologique des données de
l’UKPDS montrait une réduction linéaire de 18 % des
événements cardiovasculaires pour chaque diminu-
tion de 1 % de l’HbA1c, là encore sans eet de seuil.
LAmerican Diabetes Association (ADA) proposait alors
un objectif thérapeutique commun inférieur à 7,0 %
pour la majorité des adultes diabétiques, à nuancer
éventuellement pour certains patients.
Le traitement de la glycémie
peut-il ralentir l’évolution des complications
cardiovasculaires du diabète
quand elles sont installées ?
Les études DCCT et UKPDS avaient été menées soit
chez des patients jeunes, soit au moment du diagnostic
de DT2, donc chez des sujets encore peu exposés aux
complications macrovasculaires. Qu’en était-il quand
celles-ci étaient installées, ou tout au moins, chez les
patients à haut risque cardiovasculaire ? Telle était la
cible et la question des 3 essais d’intensication du
traitement de la glycémie ACCORD (8), ADVANCE (9) et
VADT (10). Elles ont concerné des séries importantes de
patients DT2 (respectivement 10 251, 11 140 et 1 791),
âgés de 62, 66 et 60 ans en moyenne, atteints de dia-
bète depuis 10, 8 et 11,5 ans, ayant déjà subi un évé-
nement cardiovasculaire ou présentant de multiples
facteurs de risque. Les patients étaient mal équilibrés à
l’inclusion dans ACCORD et VADT (HbA1c médiane : 8,1
et 9,4 %), malgré un traitement qui comportait déjà de
l’insuline pour 35 et 52 % d’entre eux (les patients d’AD-
VANCE étaient mieux équilibrés initialement [HbA1c :
7,2 %] avec très peu d’insuline [1,5 % des cas]). Dans
ces 3 études, une moitié des patients a été tirée au
sort pour recevoir une stratégie dintensication sur
laquelle nous reviendrons –, mais qui visait à obtenir
et maintenir une HbA1c inférieure à 6,0 % (ACCORD et
VADT) ou inférieure ou égale à 6,5 % (VADT). Au terme
des études ADVANCE et VADT (5 et 5,6 ans), l’HbA1c
médiane des groupes intensiés était remarquable-
ment améliorée et proche de la cible prédénie : 6,3 et
6,9 % comparativement aux 7,0 et 8,5 % des groupes
qui avaient poursuivi leur méthode de traitement
habituel. Pourtant, il n’y avait pas de diérence dans
la survenue des complications cardiovasculaires ou
des décès. Néanmoins, dans VADT, le rapport de risque
d’événement cardiovasculaire croissait de façon linéaire
avec l’ancienneté du diabète, avec une tendance à
un bénéce cardiovasculaire dans le groupe inten-
sié comparativement au groupe témoin pour une
ancienneinférieure à 12 ans, alors que cette tendance
s’inversait au-delà. Par ailleurs, une étude ancillaire a
montré, comme on pouvait s’y attendre, que le score
de calcication coronaire, marqueur de la sévérité de
l’athérome coronaire, était prédictif d’événements
cardiovasculaires. Surtout, ces événements étaient
signicativement moins nombreux chez les patients
ayant bénécié du traitement intensié, uniquement
dans le sous-groupe des sujets à faible indice coronaire.
Ces quelques éléments plaident en faveur d’un bénéce
cardiovasculaire de l’intensication chez les patients les
moins sévèrement atteints sur le plan coronaire. Mais
ces données, compte tenu de la faiblesse numérique
de l’étude VADT et, donc, de son manque de puissance
statistique nécessitent d’être étayées.
Le même succès glycémique a été observé dans létude
ACCORD avec une HbA1c médiane ramenée à 6,4 %
contre 7,5 % dans le groupe contrôle, mais, au bout de
3,5 ans, il y avait 257 décès dans le groupe intensié et
seulement 203 dans le groupe contrôle, la diérence
devenait signicative et la partie de l’étude concernant
l’intensication était interrompue… ! Curieusement,
à ce moment de l’interruption de l’étude, si les décès
étaient plus fréquents dans le groupe intensié, les
infarctus non fatals étaient, eux, signicativement moins
fréquents de 24 % (p = 0,004). Mais, n’étant pas l’objectif
principal, ce fait est passé relativement inaperçu dans
le tumulte provoqué par les 22 % de surmortalité.
Rapidement, un article a été publié dans les Annals of
Internal Medicine plaidant en faveur, chez les DT2, du
bien-être et des modications du mode de vie (ce qui
est peut-être contradictoire !), en évitant les traitements
complexes et accablants, source de frustrations, de
non-observance et de surcoûts inutiles (11). L’auteur
recommande par ailleurs des objectifs glycémiques
“raisonnables”, avec une HbA1c entre 7,0 et 7,5 %, et
considère le traitement comme inadéquat à partir de
9,0 %. Ce à quoi répondait, entre autres, en France, un
billet d’humeur joliment intitulé “le laxisme bien-pen-
sant est de retour”. Depuis, la polémique fait rage…
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 9 - novembre 2010
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dossier thématique
Sécurité cardiovasculaire
des antidiabétiques
Le traitement intensif
de la glycémie peut-il être dangereux ?
À l’évidence oui, nous rappelle ACCORD. La vrai question
est de savoir comment. Le problème est que l’analyse
de létude sous toutes ses facettes n’a pas permis de
démontrer clairement une cause unique de ces surmor-
talités inattendues. On en reste donc aux supputations,
et plusieurs hypothèses ont été avancées. Lamélioration
extrêmement rapide de la glycémie obtenue dans
ACCORD, avec une chute de 2 % de l’HbA1c dans les
4 premiers mois, a rappelé les aggravations parfois
sévères des rétinopathies observées lors de l’intensi-
cation trop rapide du traitement insulinique chez des
diabétiques chroniquement déséquilibrés avec des
rétinopathies orides non préalablement lasérisées.
De tels mécanismes pourraient-ils être mis à l’œuvre
au niveau du myocarde ? La réponse est probablement
non, car il n’y avait pas de surmortalité dans le sous-
groupe de patients ayant obtenu le plus rapidement
une baisse de leur glycémie, ni dans le sous-groupe
des patients avec une HbA1c inférieure à 7,0 % (12).
La prise de poids a été considérable et a pu contribuer
à la surmortalité : 28 % des patients du groupe intensi-
é (mais aussi 14 % du groupe contrôle), ont pris plus
de 10 kg. Cette élévation de la masse corporelle est
directement liée à la stratégie thérapeutique d’addi-
tion adoptée : outre la metformine (97 % des patients),
87 % avaient un sécrétagogue de l’insuline, 92 %, une
thiazolidinedione (rosiglitazone pour l’essentiel), 77 %,
de l’insuline dont 55 % en basal-bolus, et peut-être des
apports alimentaires mal maîtrisés. En revanche, rien
de tel n’a été observé dans l’étude ADVANCE.
Sur les 41 décès en excès, 19 sont restés sans cause
connue, mort subite à domicile” ? Les Dead in bed syn-
dromes sont connus de longue date chez les diabétiques
de type 1, et l’on soupçonne à leur origine des allon-
gements de QT avec arythmies mortelles à l’occasion
d’hypoglycémies nocturnes. Entre 22 et 45 % de ces morts
subites chez les jeunes sobservent chez des sujets pré-
sentant également un DT1, alors que chez ces patients,
aucune anomalie n’a été décelée à l’autopsie (13). Les
mécanismes impliqués dans la survenue d’arythmies
potentiellement mortelles lors des hypoglycémies ont
été cemment revus (14), et des enregistrements conti-
nus de la glycémie ont bien montré la concomitance,
lors d’hypoglycémies nocturnes, de l’allongement de
QT et de la survenue de diverses arythmies (15). Le rôle
des hypoglycémies occultes chez ces patients, dont un
grand nombre présentait une cardiopathie ischémique
avérée ou méconnue est un point esentiel qui reste à
élucider. Et des hypoglymies res, il y en a eu beau-
coup : moins de 3 % pendant la durée de l’étude, dans
le groupe intensié d’ADVANCE, mais 16 % et 21 % dans
ceux d’ACCORD et de VADT. En revanche, dans l’étude
ACCORD, il n’y avait aucune relation signicative entre
hypoglycémies et surmortalité. En particulier, une plus
grande chute du taux d’HbA1c dans les 4 premiers mois
nétait pas associée, comme on aurait pu s’y attendre,
à une plus grande fréquence des hypoglycémies. De
plus, le risque d’hypoglycémies était plus élevé chez les
patients ayant une HbA1c moyenne plus élevée, vrai-
semblablement du fait d’une incitation à augmenter les
doses devant un mauvais équilibre persistant (16). Autre
élément : la fréquence des hypoglycémies sévères était
plus grande chez les patients ayant le plus bas niveau
scolaire. En ce qui concerne la mortalité au cours de
l’étude, elle s’est révélée plus élevée chez les patients
ayant une HbA1c à l’inclusion supérieure à 8,5 % (17),
ce qui nest peut-être pas si surprenant que cela, si l’on
considère que ces patients, qui étaient à l’inclusion mal
équilibrés chroniquement malgré les traitements, sont
probablement les patients les moins observants, ou les
moins aptes à rer des traitements complexes. Ainsi, la
plus grande fréquence des hypoglycémies sobserve chez
les patients de plus faible niveau d’étude, et les moindres
performances cognitives, chez les patients initialement les
plus séquilibrés (18). On en revient ainsi à l’hypothèse
d’hypoglycémies occultes évoquée d’emblée par lédito-
rialiste du New England Journal of Medicine qui publiait
les premiers résultats d’ACCORD : Dix-neuf des 41 décès
suppmentaires survenus au cours de l’étude ACCORD et
apparemment liés à des causes cardiovasculaires ont é
attribués soit à des cardiopathies présumées, soit à des
pathologies cardiovasculaires sous-jacentes méconnues ;
il est très plausible que l’hypoglycémie soit le facteur
déclenchant, voire le facteur causal de ces décès. (19).
Quoi qu’il en soit, une attention toute particulière devra
être accore à la prévention des hypoglymies chez ces
patients à haut risque cardiovasculaire et au rerage des
patients susceptibles den faire. Il est dommage qu’aucune
des études que l’on vient d’évoquer nait évall’obser-
vance aux traitements et ses conséquence éventuelles.
Quels objectifs glycémiques
pour les patients diabétiques
à risque cardiovasculaire ?
Après la publication des 3 études ACCORD, ADVANCE et
VADT, et les incertitudes qu’elles ont brusquement fait
peser sur un consensus jusque- général pour une inten-
sication des traitements de la glycémie et des objectifs
glymiques stricts, une réunion de consensus a eu lieu
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 9 - novembre 2010
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Stratégies de mise en œuvre des hypoglycémiants et risque cardiovasculaire
entre des représentants de l’ADA, de l’American College
of Cardiology (ACC) et lAmerican Heart Association
(AHA). Il en est ressorti quil n’y avait pas lieu de remettre
en cause l’objectif général d’une HbA1c inférieure à 7,0 %,
valable pour la majori des diabétiques adultes. Compte
tenu du bénéce supplémentaire démontré sur le rein,
par l’étude ADVANCE avec un taux médian d’HbA1c à
6,3 %, des objectifs plus stricts peuvent être envisagés s’ils
peuvent être atteints sans risque signicatif d’hypoglycé-
mie ou d’autres eets iatrogènes. Sont particulièrement
concernés les patients qui ne psentent pas de maladie
cardiovasculaire et qui ont un diabète récent – quand de
tels objectifs sont généralement faciles à obtenir – ou
qui démarrent jeunes leur diabète et pour lesquels on
prévoit quils auront à subir une exposition prolongée
au risque hyperglycémique. À l’inverse, des objectifs
moins stricts peuvent être envisagés chez des patients
ayant des antécédents d’hypoglycémie sévères, une
espérance de vie limitée ou des complications micro- ou
macrovasculaires avancées. Mais aussi, et c’est nouveau,
chez les patients ayant un diabète de longue durée,
pour lesquels les objectifs glycémiques standard, c’est-
à-dire inférieurs à 7,0 %, sont diciles à atteindre malgré
une éducation thérapeutique appropriée du patient,
l’autosurveillance glycémique et des traitements hypo-
glycémiants multiples comportant l’insuline peuvent
également être proposés. Il semble par ailleurs que la
surmortaliobservée dans l’étude ACCORD ne soit pas
le problème du niveau d’HbA1c atteint, mais celui d’une
stratégie thérapeutique globale inadéquate dans cette
population particulière, le principe de cette stratégie
étant que : “Le traitement hypoglycémiant devait être
intensié si la glycémie à jeun restait supérieure à 1,0 g/l
ou 1,40 g/l en postprandial, en ajoutant un médicament
ou en augmentant la dose de l’antidiabétique oral ou
de l’insuline (≥ 10 %). Toutes les combinaisons dedi-
caments sont autorisées. Quand un nouveau médica-
ment était ajouté, l’administration des médicaments
précédents était poursuivie, sauf situation particulière.
Les traitements étaient réduits ou arrêtés seulement en
cas d’eets secondaires, d’hypoglycémie sévère ou de
contre-indication (20). Ce qui pose problème est en eet
la stratégie d’addition tous azimuts sans possibilité de
revenir en arrière en l’absence d’incident sévère.
Comment atteindre ces objectifs
glycémiques pour les patients diabétiques
à risque vasculaire ?
Le DT2 étant une maladie évolutive du fait de l’apoptose
progressive des cellules β, une stratégie d’addition dans
le temps doit d’emblée être envisagée. Les diérentes
classes thérapeutiques disponibles sont psentées dans
l’article de F. Bonnet (p. 12). Nous verrons ici leurs asso-
ciations. Le schéma néral des recommandations fran-
çaises de la Haute Autorité de santé (HAS), de novembre
2006, reste utile, bien que ces recommandations datent
un peu, car elles ne considèrent pas les médicaments
du GLP1 qui n’étaient pas encore sur le marché à cette
époque. Néanmoins, elles ont l’avantage de présenter
une stratégie par étape, stricte au départ, quand tout
est facile : HbA1c < 6,0 % sous régime seul, sinon met-
formine, puis HbA1c < 6,5 %, sinon bithérapie. À cette
étape, il faut sûrement privilégier les inhibiteurs des
DPP4, car ils ne font courir aucun risque d’hypoglycé-
mie, tout comme la metformine. D’autre part, par leur
action préférentielle sur la glycémie postprandiale, ils
complètent bien celle de la metformine qui agit surtout
sur la glycémie à jeun. Le traitement de pics postpran-
diaux ne doit pas être négligé, compte tenu de leur
impact potentiel sur le stress oxydatif et l’athérogenèse
accélérée des diabétiques (21). Toutefois, leur pouvoir
hypo glycémiant global est relativement modeste
(− 0,7 % d’HbA1c environ pour des niveaux de départ
aux alentours de 8 %). Cet eet est un peu plus impor-
Figure. Pouvoir hypoglycémiant moyen des diérentes classes d’antidiabétiques oraux ou de leur
association, en fonction du niveau d’HbA1c moyen initial. Chaque point représente les valeurs
moyennes observées lors d’études pharmacologiques.
0
– 0,5
– 1,5
– 2
– 2,5
– 3
– 3,5
Abaissement de l’HbA1c (%)
– 4
– 1
6 7 8 9 10 116,5 7,5 8,5 9,5 10,5
– 0,53
– 1,13
– 1,68
Metformine + sulfonylurée
Sulfonylurée
Metformine Sitagliptine
Sitagliptine + metformine
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 9 - novembre 2010
302
dossier thématique
Sécurité cardiovasculaire
des antidiabétiques
tant pour des niveaux glycémiques plus élevés, mais il
s’agit là d’un eet non spécique, propre à toutes les
classes thérapeutiques (gure, p. 301). L’acarbose a un
mode d’action très diérent, mais un eet clinique très
similaire à celles des inhibiteurs des DPP4. Toutefois, il
réclame 3 prises quotidiennes avant les repas et nest pas
toujours très bien toléré (atulences). Son innocuité et
son absence de risque hypoglycémique sont par ailleurs
comparables à celles des inhibiteurs des DPP4. On peut
donc sans danger viser la normoglycémie avec de telles
associations même chez des patients insusants coro-
naires. En cas d’insusance de cette association, quand
l’HbA1c remonte au-dessus de 7,0 %, un renforcement
thérapeutique doit être envisagé. Les trithérapies orales
peuvent poser problème chez des patients présentant
une cardiopathie. En eet, elles font appel soit aux gli-
tazones, soit aux sulfamides hypoglycémiants. En ce
qui concerne les glitazones, la pioglitazone garde un
intérêt compte tenu de son eet favorable sur les tri-
glycérides et la progression de l’athérome. Elle fait mal-
heureusement prendre du poids (2 à 4 kg en moyenne,
mais avec de grandes variations interindividuelles), et
favorise la rétention hydrosodée. Elle permet de gagner
en moyenne 1,2 % d’HbA1c à ce stade (22). Quant aux
sulfamides hypoglycémiants, ils représentent sans doute
la classe thérapeutique orale la plus puissante (gure, 
p. 301), mais ils exposent aux hypoglycémies prolongées.
Il s’agit donc d’un traitement qui peut entraîner des
complications en cas de cardiopathie ischémique. S’ils
doivent néanmoins être utilisés, il vaut mieux utiliser
le glimépiride dont labsence d’eet suppresseur sur
le préconditionnement ischémique a été démontrée
chez l’homme (23). Il partage avec le gliclazide l’absence
d’eet délétère dans les suites d’un épisode coronarien
aigu, contrairement au glibenclamide (24). Une alter-
native très intéressante est désormais disponible : les
analogues du GLP1. Ils ne font courir aucun risque hypo-
glycémique et induisent une perte de poids moyenne
de 2 à 4 kg (en fait très variable selon les individus). Leur
eet s’additionne aux antidiabétiques oraux (sauf les
inhibiteurs des DPP4 qu’il n’y a pas lieu de continuer).
Ils ont 2 inconvénients : il faut les injecter, 1 injection
par jour avec le liraglutide, 1 avant chaque repas pour
l’exénatide. D’autre part, ils s’accompagnent souvent de
nausées et de vomissements lors de l’instauration qui
peuvent perdurer dans certains cas. Lexénatide est plus
ecace sur la glycémie postprandiale, et le liraglutide,
sur la glycémie à jeun. Le gain en termes d’HbA1c est un
peu supérieur pour ce dernier : − 0,79 versus 1,12% dans
une étude de comparaison face à face pour des niveaux
de départ un peu au-dessus de 8 % (25). On ne sait pas,
faute de recul, si l’eet de ces traitements se maintient
dans le temps. Cet eet, quoique important, reste limi,
et ces médicaments ne ramènent les patients dans la
zone de sécurité des 7,0 % que dans la moitié des cas
environ. Pour les autres, il faut donc obligatoirement
envisager l’insuline. À ce stade, l’échappement glycé-
mique est essentiellement dû à la défreination de la
production hépatique de glucose, ce qui se traduit par
une remontée des glycémies à jeun. Cest alors la bonne
indication d’un analogue lent de l’insuline dont le prol
pharmacocinétique relativement plat limite le risque
d’hypoglycémie nocturne, contrairement à l’insuline
NPH, qu’il vaut donc mieux éviter dans cette situation.
Linjection de glargine ou de l’insuline détémir (cette
dernière a une pharmaco cinétique un peu plus courte
que la glargine) se fait habituellement au coucher, avec
une titration progressive jusqu’à la normalisation de la
glycémie à jeun. Le niveau glycémique visé doit être
adapté au risque hypoglycémique nocturne accepou
non. La limitation de ce traitement est que, s’il est l’arme
absolue pour le contrôle de la glycémie à jeun, il est sans
eet sur les glymies postprandiales. C’est évidemment
le point faible. Limpact du régime nest pas à négliger
et doit être réévaluer à ce stade, notamment la ration
glucidique, qui contribue fortement à développer une
hyperglycémie postprandiale, en particulier le matin :
le pouvoir hyperglycémiant d’une quantité donnée de
glucide est 2 fois supérieur si elle est ingérée le matin à
celle ingérée le midi, et il est intermédiaire lorsqu’elle
est ingérée au dîner (26). Si cela reste insusant, au vu
de l’objectif d’HbA1c, il faut envisager un renforcement
thérapeutique prandial spécique. Les inhibiteurs des
DPP4 et l’acarbose nont pas é évalués dans cette situa-
tion. Le recours habituel sont les analogues rapides de
l’insuline, soit avant le repas le plus hyperglycémiant,
en cas d’élévation modérée de l’HbA1c, soit avant les
3 repas, quand le déséquilibre est plus sévère. Mais la
dose d’analogue rapide doit être soigneusement adap-
tée à la ration glucidique ingérée : soit dose xe en cas
de plan alimentaire xe, soit adaptée à chaque repas si
le patient a été entraîné à compter ses rations de glu-
cides et à calculer la dose adéquate. Dans tous les cas,
on comprend que si le patient nest pas parfaitement
formé au maniement d’un tel traitement, et motipour
le mener à bien, des hypoglycémies répétées sont inévi-
tables. Une alternative possible aux analogues rapides,
dans certains cas, pourrait être lassociation avec des
analogues du GLP1. Mais ces stratégies sont encore en
cours d’évaluation.
Dans tous les cas, le bon contrôle de la glycémie n’a de
sens, en termes de pronostic cardiovasculaire, que s’il
est associé à un contrôle optimal des autres facteurs
de risque : HTA, dyslipidémie, tabagisme.
Société éditrice : EDIMARK SAS
(DaTeBe Éditions)
CPPAP : 0412 T 81756 - ISSN : 2100-9619
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et réparation tissulaire
DOSSIER
Sécurité cardiovasculaire
des antidiabétiques
Coordonné par Ronan Roussel
Société éditrice : EDIMARK SAS
(DaTeBe Éditions)
CPPAP : 0412 T 81756 - ISSN : 2100-9619
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Vol. XIV - n° 9
novembre 2010
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PÉRIODIQUE DE FORMATION
EN LANGUE FRANÇAISE
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N° 439 
Novembre 2010
IMAGE COMMENTÉE
Chirurgie de l’aorte
et faux anévrismes
ÉDITORIAL
De la mythologie
à la fibrillation atriale :
que penser de l’étude ATHENA ?
MISE AU POINT
Les risques
cardiovasculaires
de la rosiglitazone
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