La Lettre du Cardiologue • n° 446 - juin 2011 | 11
Résumé
La mort subite est l’une des complications majeures de la maladie coronaire. Elle peut survenir à tous les
stades de la maladie. Si elle peut marquer l’évolution ultime d’une cardiopathie sévère, elle peut également
survenir chez un patient parfaitement stable par ailleurs. Grâce à l’amélioration constante de la qualité
des défibrillateurs implantables, il est maintenant possible de prévenir la mort subite. Toute la difficulté
repose sur notre capacité à identifier les patients réellement à risque et pour lesquels l’implantation d’un
défibrillateur apportera un réel bénéfice. Dans cette revue, nous allons voir quels sont les outils actuelle-
ment à notre disposition et comment les utiliser.
Mots-clés
Mort subite cardiaque
Syndrome coronarien
aigu
Angor stable
Fibrillation
ventriculaire
Stratification
du risque
Summary
Sudden cardiac death repre-
sents one of the major compli-
cation of coronary artery
disease. Sudden cardiac occurs
most frequently in patients with
severe heart failure but some-
times it can also affect patients
with minor angina and normal
cardiac function. Thanks to the
technical evolution of implant-
able cardiac defibrillators it is
now possible to prevent sudden
cardiac death. However, it
remains extremely difficult to
properly identify patients at
risk whose will really benefit
from the ICD implantation. In
this review, we will present the
different tools now available to
identify the arrhythmic risk and
how to use it to determine the
patients at high risk.
Keywords
Sudden cardiac death
Acute coronary syndrome
Stable angina
Ventricular fibrillation
Risk stratification
Deux situations à risque :
le syndrome coronarien aigu
et la cardiopathie ischémique
chronique
Le syndrome coronarien aigu
Une part importante de la mortalité, en particu-
lier préhospitalière, est liée à la survenue d’une
fibrillation ventriculaire. C’est ce risque de fibrilla-
tion ventriculaire qui a, du moins en grande partie,
justifié la création des SAMU en France. Au quotidien,
dans une unité de soins intensifs, on est toujours
surpris par la survenue d’une fibrillation ventriculaire
chez un patient pour qui la prise en charge de l’in-
farctus semblait ne pas poser de problème. Ce risque
justifie pleinement le conseil aux jeunes internes
de ne jamais dire aux familles qu’il s’agit d’un petit
infarctus. Même si les fibrillations ventriculaires sont
devenues bien plus rares depuis l’utilisation large de
la revascularisation, ce risque pose souvent des cas
de conscience lorsqu’il faut faire sortir le patient des
unités de soins intensifs cardiologiques (USIC), la
surveillance télémétrique étant souvent arrêtée à ce
moment-là. Récemment, des études importantes se
sont penchées sur ce problème et des informations
plus précises sont maintenant disponibles.
L’étude AGNES (Arrythmia Genetics in the NEther-
lands Study), réalisée en Hollande, a recruté
783 patients en phase aiguë d’infarctus et a comparé
412 patients qui ont fait une fibrillation ventriculaire
à 371 patients qui ont fait un infarctus sans fibrilla-
tion ventriculaire (3). L’âge moyen de survenue de
l’infarctus était de 56 ans dans les 2 groupes et les
patients étaient en grande majorité des hommes
(80 %). Il s’agissait d’infarctus antérieur dans
57 % des cas, sans différence entre les 2 groupes.
Les facteurs les plus discriminants pour distinguer
les patients qui allaient faire une fibrillation ventricu-
laire était la notion d’une histoire familiale de mort
subite, l’amplitude du sus-décalage du segment ST
mesuré sur l’ensemble des dérivations sur lesquelles
un sus-décalage était présent et enfin, la présence
d’un diabète, d’une hypercholestérolémie ou d’une
obésité. À partir de cette cohorte de patients, une
analyse génétique a permis d’identifier la présence
d’un Single Nucleotide Polymorphism (SNP) signifi-
cativement lié à la survenue de fibrillation ventricu-
laire. Ce SNP est localisé sur le chromosome 21 en
21q21, à proximité immédiate du gène CXADR qui
code pour un récepteur viral déjà impliqué dans les
myocardites et les cardiomyopathies dilatées et qui
est connu pour être un modulateur de la conduction
électrique (4).
Si, bien évidemment, il est trop tôt pour utiliser
les informations génétiques dans ce domaine au
quotidien, il est probablement d’ores et déjà souhai-
table de penser à interroger les patients, qui font un
infarctus, sur une éventuelle notion de mort subite
familiale et de porter une attention toute particu-
lière à ceux qui ont un sus-décalage du segment ST
très marqué, surtout en présence d’autres facteurs
de risque.
La cardiopathie ischémique chronique
Être capable d’identifier les patients qui subiront
une mort subite parmi l’ensemble des patients suivis
pour une cardiopathie ischémique est probablement
l’une des missions les plus difficiles en cardiologie.
Elle représente pourtant l’un des enjeux les plus
importants compte tenu de l’effet dévastateur
de la survenue d’une mort subite chez un patient
suivi régulièrement et ne posant jusque-là pas de
problème. Dans ce domaine, les études ne manquent
pas et les outils pour essayer de repérer les patients
à risque sont nombreux. Les lignes qui suivent résu-
ment les données les plus notables.
Afin d’espérer être capable d’identifier les patients
à risque, la première étape doit être une bonne
compréhension des mécanismes qui conduisent à
la mort subite. Les études autopsiques ont montré
qu’environ deux tiers des patients qui font une mort
subite ont une athérosclérose coronarienne avec une
rupture récente de plaque, et, chez le tiers restant,
on peut retrouver une séquelle d’infarctus sans signe
récent de rupture de plaque (5). Dans cette deuxième
catégorie de patients, un trouble du rythme ventri-
culaire apparaît comme la cause la plus probable
de la mort subite. Une des grandes questions sera
de comprendre quels sont les mécanismes qui vont
conduire au développement du trouble du rythme