A Cancers des voies aéro- digestives supérieures : switch

138 | La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 2 - février 2010
MISE AU POINT
Cancers des voies aéro-
digestives supérieures :
le “switch HPV
Head and neck cancers: the “HPV switch
C. Le Tourneau1
1 Département d’oncologie médi-
cale, unité d’investigations cliniques,
Institut Curie, Paris.
A
lors que depuis quelques années, l’oncologie
ORL s’était enrichie d’essais thérapeutiques
de phase III positifs, l’année 2009 a plutôt
été avare dans ce domaine. Néanmoins, cette année
a été, à mon sens, essentielle, car dotée de quatre
messages forts. Le premier message, le plus impor-
tant, est que l’identification d’une entité distincte de
cancers des voies aéro-digestives supérieures (VADS)
liés au papillomavirus humain (HPV) doit inciter à
changer la conception des futurs essais cliniques en
oncologie ORL. Le second message est qu’il appa-
raît que, au-delà du cétuximab, le développement
clinique des thérapies moléculaires ciblées en onco-
logie ORL nest pas aisé en situation métastatique ou
de récidive. Le troisième message est que la tendance
à une intensification thérapeutique en situation
localement avancée se heurte à des problèmes de
tolérance importants. Enfin, le quatrième message
est que les données actuelles ne sont toujours pas
assez robustes pour faire de la chimiothérapie néo-
adjuvante un traitement de référence.
Les cancers des VADS liés
à l’HPV représentent une entité
distincte qui doit être étudiée
à part dans les essais cliniques
Il est maintenant bien documenté que certains
cancers de l’oropharynx sont induits par l’HPV (1).
Des données récentes du registre national suédois
ont révélé que la proportion des cancers de l’oro-
pharynx liés à l’HPV était en constante progres-
sion depuis 1970, avec un taux de 93 % pour les
années 2006-2007 (2). Par ailleurs, il a été bien
montré que les patients atteints d’un cancer de l’oro-
pharynx lié à l’HPV avaient un meilleur pronostic que
ceux ayant un cancer l’HPV nétait pas retrouvé.
Enfin, l’analyse rétrospective de l’essai de phase II
ECOG 2399 a retrouvé que les patients dont le
cancer de l’oropharynx était lié à l’HPV répondaient
mieux au traitement que ceux ayant un cancer non
lié à l’HPV (3). La validation attendue de ces données
préliminaires sur des séries plus grandes de patients a
été présentée à l’ASCO 2009 à partir de deux grands
essais de phase III.
Le premier d’entre eux était l’essai RTOG 0129 qui
comparait une radiotrapie (RT) standard avec
trois cycles de chimiothérapie (CT) concomitante
par cisplatine et une RT accélérée avec deux cycles
de CT concomitante par cisplatine (4). Le second
était l’essai HeadSTART qui évaluait l’addition de
tiparazamine à une radio-chimiothérapie (RT-CT)
concomitante avec cisplatine (5). Ces deux études ont
confirmé que les patients ayant un cancer lié à l’HPV
ont un meilleur pronostic. Les données de RTOG 0129
suggéraient que la meilleure survie sans progression
(SSP) observée chez les patients ayant une tumeur
HPV+ était surtout liée à un moindre risque de réci-
dive locorégionale, le taux de rechute sous forme
de métastases à distance étant similaire dans les
groupes HPV+ et HPV–. Les analyses multivariées
de la survie globale (SG) prenant en compte l’âge,
l’ethnie, le stade T, le stade N et l’intoxication taba-
gique montraient que le statut HPV était un facteur
pronostique indépendant s’associant à une réduction
du risque de décès de 56 % (hazard-ratio [HR] = 0,44)
La Lettre du Cancérologue Vol. XIX - n° 2 - février 2010 | 139
Résumé
Toutes les données accumulées au sujet du
Human papilloma virus
(HPV) ces dernières années ont
abouti à la conclusion que les cancers des voies aéro-digestives supérieures liés à l’HPV représentaient
une entité distincte qui devait être étudiée à part. Elle a par ailleurs confirmé qu’il est difficile de
développer des thérapies moléculaires ciblées au-delà de cétuximab en situation métastatique ou de
récidive et témoigné que subsistent les problèmes de tolérance associés aux schémas d’intensification
thérapeutique en situation localement avancée. Enfin, les données actuelles ne sont toujours pas assez
robustes pour faire de la chimiothérapie néo-adjuvante un traitement standard.
Mots-clés
HPV
Facteur pronostique
Trapies
moléculaires ciblées
Highlights
The amount of data accumu-
lated on the Human papilloma
virus (HPV) over the last decade
has led to the conclusion that
HPV-induced head and neck
cancers represent a distinct
entity that needs to be sepa-
rately evaluated. Difficulties to
develop molecularly targeted
agents beyond cetuximab in
the metastatic or recurrent
setting have also been high-
lighted as well as toxicity issues
associated with strategies
adding drugs to standard treat-
ments in the locally advanced
setting. Finally, actual data are
not yet strong enough to make
neoadjuvant chemotherapy a
new standard of treatment.
Keywords
HPV
Prognostic factor
Molecularly targeted therapy
pour les tumeurs HPV+ dans l’essai RTOG 0129 et de
73 % (HR = 0,27) dans l’essai HeadSTART.
Lélément nouveau de ces analyses est que l’expres-
sion de p16 en immunohistochimie serait un meilleur
facteur pronostique de la survie que le statut HPV
en lui-même. La protéine p16 est un marqueur
d’infection par HPV dans la mesure où l’oncopro-
téine E7 de l’HPV conduit à la surexpression de p16 à
la suite de sa liaison à la protéine Rb, qui elle-même
induit à un relargage du facteur de transcription E2F.
Dans l’essai RTOG 0129, 64 % des tumeurs étaient
HPV+ (dont 96 % HPV 16), et 96 % des tumeurs
HPV+ étaient p16+. Cependant, 19 % des tumeurs
HPV– étaient aussi p16+. Dans l’essai HeadSTART,
seulement 28 % des tumeurs étaient HPV+ alors
qu’elles étaient 58 % à être p16+. Les auteurs ont
attribué cette discordance au manque de sensitivité
du test utilisé pour détecter HPV, ce qui souligne la
nécessité de standardiser les méthodes de détection
de l’HPV (6). Il a été observé dans ces études que
les patients HPV–/p16+ avaient le même meilleur
pronostic que les patients HPV+, et les courbes de
SG des premiers et des seconds se superposaient.
Cela est d’autant plus intéressant que p16 est rela-
tivement simple à analyser en immunohistochimie
tandis que la sensibilité des tests pour déterminer
le statut HPV semble plus aléatoire.
Des données présentées aussi à l’ASCO 2009 ont
suggéré que le tabac était aussi un facteur pronos-
tique indépendant de la survie au sein même des
sous-groupes de patients HPV+ et HPV(4, 7). Ainsi,
dans le sous-groupe des patients HPV+, seuls 6 % des
patients qui n’avaient jamais fumé avaient récidivé
(sous forme locorégionale, donc potentiellement
curative), versus 20 % des anciens fumeurs et 35 %
des fumeurs actifs (surtout sous forme de métas-
tases à distance). Il semble donc que l’intoxication
tabagique soit un facteur de risque chez les patients
dont le cancer a été induit par HPV.
De ces analyses, il ressort que lorsque tous les
facteurs pronostiques sont pris en compte, HPV
compterait pour environ 80 % du pronostic. Il
devient donc primordial de stratifier les essais
cliniques futurs selon le statut HPV. En réalité, il
semblerait même plus judicieux de stratifier les
futurs essais cliniques sur p16 plutôt que sur le statut
HPV, étant donné sa meilleure valeur pronostique.
Le développement clinique
des thérapies moléculaires
ciblées est délicat en situation
métastatique ou de récidive
La seule thérapie moléculaire ciblée actuellement
approuvée pour le traitement des cancers des VADS
est le cétuximab, un anticorps monoclonal ciblant
l’EGFR. En situation de récidive ou métastatique, le
cétuximab a été initialement approuvé en mono-
thérapie après échec d’un composé du platine (8).
Plus récemment, l’essai EXTREME, comparant l’asso-
ciation de cétuximab avec une CT par cisplatine et
5-FU à la CT seule en première ligne de traitement, a
démontré pour la première fois un gain en SG dans ce
contexte (9). Depuis le cétuximab, les autres théra-
pies moléculaires ciblées qui ont été évaluées dans
les cancers des VADS métastatiques ou en récidive
se sont révélées décevantes.
Bien entendu, les thérapies moléculaires ciblées qui
ont été le plus étudiées avec le cétuximab sont les
petites molécules inhibitrices de l’activité tyrosine
kinase de l’EGFR comme le géfitinib et l’erlotinib.
Tous les essais jusqu’à présent ont suggéré que ces
petites molécules étaient moins efficaces que les
anticorps monoclonaux. Après l’étude IMEX, qui a
montré que le géfitinib en monothérapie nétait pas
plus efficace que le méthotrexate (10), les sultats de
l’essai de phase III ECOG 1302, qui étudiait l’addition
de géfitinib 250 mg/j au docétaxel 35 mg/ à J1, J8
et J15 toutes les 4 semaines chez des patients ayant
un cancer des VADS en récidive ou métastatique, ont
été présentés à lASCO 2009 (11). Aucune restriction
ne portait sur le nombre de lignes de traitement anté-
rieures, dans la mesure où les patients n’avaient pas
été traités par inhibiteurs de l’EGFR ou par docétaxel.
Le paclitaxel était autorisé si les patients n’avaient
pas progressé sous ce traitement. Dans le bras de
référence, les patients étaient initialement autorisés
à recevoir du géfitinib en monothérapie s’ils progres-
saient sous docétaxel jusqu’à ce que le protocole soit
amendé à la publication de l’étude IMEX. Le critère de
jugement principal était la SG. Les profils de toxicité
étaient ceux auxquels on pouvait s’attendre avec ces
agents. Lessai a été interrompu après l’inclusion de
270 patients pour cause d’efficacité insuffisante. En
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Cancers des voies aéro-digestives supérieures : le
switch
HPV”
MISE AU POINT
effet, même si le temps jusqu’à progression (TTP)
était statistiquement plus long dans le bras expé-
rimental que dans le bras de référence (3,5 versus
2,1 mois ; p = 0,047), la SG était similaire (6,8 versus
6,2 mois ; p = 0,97) et le taux de réponse nétait pas
statistiquement meilleur (12 % versus 6 % ; p = 0,21).
Il est donc important de souligner que, premièrement,
les patients étaient souvent lourdement prétraités
dans cette étude et pas toujours en très bon état
général. En effet, 75 % des patients avaient déjà reçu
au moins 1 ligne de traitement pour leur récidive,
et 60 % d’entre eux avaient un ECOG performance
status de 2. Deuxièmement, il semble clair a posteriori
que la dose de 250 mg/j pour le géfitinib nest pas la
dose adéquate au vu des résultats de l’étude IMEX,
qui suggéraient qu’une dose de 500 mg/j de géfitinib
était plus efficace que 250 mg/j. Malgré tout, étant
donné ces résultats et ceux de l’étude IMEX, il est
peu probable que le géfitinib ait un avenir chez les
patients atteints de cancers des VADS, en tout cas en
l’absence d’identification de facteurs prédictifs de la
réponse à ce traitement.
La deuxième catégorie de thérapies moléculaires
ciblées qui est abondamment étudiée dans les
cancers des VADS au-delà des inhibiteurs de l’EGFR
sont les thérapies moléculaires ciblées antiangiogé-
niques. Après le bévacizumab, qui avait été étudié en
association en situation métastatique ou de récidive,
cette année a été marquée par l’étude d’inhibiteurs
de tyrosine kinase (TKI) avec activité antiangiogé-
nique. Ainsi, le GORTEC a présenté à l’ASCO 2009
les résultats de l’essai de phase II GORTEC 2006-01,
qui évaluait le sunitinib avec un schéma continu à la
dose de 37,5 mg/j (12). Huit des 38 patients inclus
sont décédés d’hémorragie tumorale, et 15 autres
ont eu des complications incluant fistules tumorales
et apparition ou aggravation d’ulcères cutanés. Des
signes d’activité ont été observés, avec, entre autres,
une réponse partielle, mais ce traitement est claire-
ment trop toxique pour cette population de patients.
En revanche, le cédiranib, qui est aussi un TKI ciblant
VEGFR-1, 2 et 3, semblait être mieux toléré et plus
efficace. Lessai de phase II réalisé en Espagne avec le
cédiranib administré à la dose réduite de 30 mg/j a
obtenu un taux de réponse de 19 % chez des patients
prétraités (13). Le profil de toxicité était acceptable,
constitué essentiellement de protéinurie, hyperten-
sion artérielle, fatigue et diarrhée. Il est encore trop
tôt pour dire si les thérapies moléculaires ciblées
antiangiogéniques ont un avenir dans ce contexte. Il
est certain qu’il faudra être attentif à leur tolérance
chez ces patients souvent porteurs de nombreuses
comorbidités, en particulier cardio-vasculaires.
Les stratégies d’intensification
thérapeutique en situation
localement avancée
se heurtent à des problèmes
de tolérance
Depuis la monstration que le cétuximab en associa-
tion avec la RT procure un gain en survie globale par
rapport à la RT seule pour les patients ayant un cancer
des VADS localement avancé (14), de nombreux essais
de RT-CT avec des thérapies moléculaires ciblées ont
été réalisés ou sont en cours dans ce contexte. Sans
surprise, ce sont aussi essentiellement les inhibiteurs
de l’EGFR et les thérapies moléculaires ciblées antian-
giogéniques qui sont sur le devant de la scène. Bien
que l’on puisse espérer un jour substituer dans ce
contexte aux agents cytotoxiques (tel le cisplatine)
des thérapies moléculaires ciblées, pour des raisons
évidentes de tolérance et de toxicité, la tendance a
encore été cette année à l’intensification thérapeu-
tique, avec l’idée qu’associer cytotoxiques et thérapies
moléculaires ciblées doit être possible étant donné
leurs profils de toxicité relativement distincts.
Une grande attention a été portée au cétuximab,
qui a été évalué en association avec la RT-CT et/ou
en situation d’induction. Alors que plusieurs essais
(15-17) avaient montré que l’association d’une RT-CT
avec cisplatine et cétuximab ne pourrait se faire
qu’au prix d’une réduction de la dose de cisplatine,
il semble de même qu’il ne soit possible d’ajouter du
cétuximab à une CT néo-adjuvante par TPF (docé-
taxel, cisplatine, 5-FU) qu’au prix d’une réduction de
la dose de 5-FU (18). Des résultats similaires ont été
observés avec le lapatinib, un inhibiteur d’EGFR et
HER-2. En effet, l’essai de phase I de l’EORTC 24051
étudiant le lapatinib en association avec TPF en
situation d’induction et en association avec la RT
a montré que le traitement d’induction nétait pas
faisable à cause d’une toxicité rénale particulière-
ment importante (19). Enfin, un essai de phase II
a étudié l’addition du cétuximab à 4 cycles de CT
néo-adjuvante par PaCF (paclitaxel et cisplatine
75 mg/m² à J1 et 5-FU 750 mg/ m² de J1 à J5) avec
antibioprophylaxie et G-CSF systématique, ainsi
que pendant la RT chez 50 patients ayant un cancer
des VADS localement avancé inopérable de stade IV
(20). Deux décès toxiques – 1 par neutropénie fébrile
et 1 par insuffisance hépatique – ont été rapportés,
ce qui nest pas anodin en situation curatrice.
De la me manre, il semble que les scmas
d’intensification thérapeutique avec des thérapies
moléculaires ciblées antiangiogéniques en situa-
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MISE AU POINT
tion localement avancée soient aussi associés à
des problèmes de toxicité importante. Deux essais
présentés à l’ASCO 2009 intégrant le bévacizumab
en situation néo-adjuvante et/ou concomitante à
la RT en sont l’illustration. Le premier consistait en
2 cycles de traitement d’induction par carbopla-
tine ASC 6, paclitaxel 200 mg/m² et bévacizumab
15 mg/ kg toutes les 3 semaines, et 5-FU 200 mg/m²
en continu, suivis de RT en association avec paclitaxel
50 mg/m² hebdomadaire, bévacizumab 15 mg/kg
toutes les 3 semaines et erlotinib 150 mg/j (21).
Cinquante-cinq patients ont été inclus dans cette
étude. Un décès toxique par perforation intestinale
a été observé pendant la chimiothérapie d’induc-
tion et 1 patient a eu un accident vasculaire cérébral
pendant la RT-CT. Dans le second essai, les patients
étaient traités avec une RT conformationnelle en
association avec cisplatine 50 mg/m² à J1, J2, J22,
J23, J43 et J44 et bévacizumab 15 mg/ kg à J1, J22 et
J43 (22). Le traitement d’entretien par bévacizumab
pendant 6 mois a dû être arrêté en raison d’une
hémorragie pulmonaire survenue chez un patient
pendant cette période.
Dans l’essai de phase I avec le vandétanib, qui inhibe
à la fois VEGFR et EGFR, en association avec radio-
thérapie et cisplatine 30 mg/m² hebdomadaire,
3 toxicités limitant la dose ont été observées parmi
les 5 patients bénéficiant de la dose de 200 mg/j
(23). Un patient est décédé d’insuffisance rénale
et pneumopathie. Le deuxième patient a eu une
embolie pulmonaire et une diarrhée de grade 3. Enfin,
le troisième patient a eu une neutropénie fébrile
accompagnée d’une thrombopénie de grade 4, d’une
ischémie cardiaque et d’un allongement du QTc. Tous
ces éléments soulignent la difficulté d’administrer
des thérapies moléculaires ciblées antiangiogéniques
chez des patients atteints de cancers des VADS.
Les données actuelles ne sont
toujours pas assez robustes
pour faire de la chimiothérapie
néo-adjuvante un traitement
de référence
Une RT-CT concomitante avec 3 cycles de cisplatine
100 mg/m² à J1, J22 et J43 demeure le traitement
non chirurgical de référence pour les cancers des
VADS localement avancés. Deux essais de phase III
ont montré qu’une CT d’induction par TPF suivie de
RT seule pour l’un et de RT-CT avec carboplatine
hebdomadaire pour l’autre procuraient un gain en
SG par rapport à une CT d’induction par cisplatine
et 5-FU (24, 25).
La présentation à l’ASCO 2009 des résultats de lessai
espagnol de phase III – à 3 bras du groupe coopé-
ratif espagnol comparant RT-CT seule avec cisplatine
100 mg/m² à J1, J22 et J43 (bras A) à ce même traite-
ment précédé de 3 cycles de PF (cisplatine 100 mg/
m² à J1 et 5-FU 1 000 mg/m² de J1 à J5) toutes les
3 semaines (bras B) et à une RT-CT avec cisplatine
précédé de 3 cycles de TPF (cisplatine 75 mg/m²
à J1, docétaxel 75 mg/m² à J1 et 5-FU 750 mg/m²
de J1 à J5) également toutes les 3 semaines chez des
patients ayant un cancer des VADS (cavité buccale,
oropharynx, larynx ou hypopharynx) inopérable de
stade III ou IV – était très attendue (26). Le critère
de jugement principal était le temps jusqu’à échec,
les échecs étant définis comme une progression, une
récidive, une chirurgie ou un décès. Quatre-cent-
trente-huit patients devaient être inclus dans l’essai
afin de mettre en évidence un gain de 50 % pour
le critère de jugement principal, avec une médiane
estimée de 8 mois pour le bras de référence et de
12 mois pour les bras B et C combinés. Les critères
de jugement secondaires étaient le contrôle locoré-
gional, le TTP, la SG et la tolérance. Le protocole a été
amendé après l’inclusion de 30 patients dans le bras C
afin que tous les patients reçoivent un support par
G-CSF de façon systématique à cause de la toxicité
hématologique importante observée durant la CT
par TPF. Ces 30 premiers patients nont pas été inclus
dans l’analyse. Pour une raison peu claire, seulement
128 patients ont été inclus dans le bras A, alors que
156 et 155 patients ont été inclus dans les bras B et C,
respectivement. Du point de vue de la tolérance, 76 %
et 68 % des patients des bras B et C, respectivement,
ont pu recevoir les 3 cycles de CT néo-adjuvante. Le
nombre médian de cycles de cisplatine administrés
pendant la RT était de 3 pour le bras A et de 2 pour
les 2 autres bras. Quatre-vingts pour cent des patients
ont reçu la RT de façon adéquate dans le bras A, versus
seulement 68 % et 62 % des patients des bras B et C,
respectivement. De plus, 11 décès toxiques ont été
rapportés dans les bras avec CT d’induction, versus 2
dans le bras de férence. Enfin, le taux de neutropénie
fébrile était de 12 % dans le bras C, versus 1 % et 2 %
dans les bras A et B. Ces éléments démontrent clai-
rement que l’administration d’une CT néo-adjuvante
par PF ou TPF rend plus difficile la réalisation de la
RT-CT concomitante avec cisplatine, qui demeure la
pierre angulaire du traitement. Les données en termes
de néphrotoxicité, d’ototoxiciet de toxicigastro-
intestinale n’ont pas été présentées. En regroupant les
bras B et C, les résultats en termes d’efficacité sur le
Cancers des voies aéro-digestives supérieures : le
switch
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chemoradiotherapy (CRT) versus CRT alone as first-line
treatment of unresectable locally advanced head and neck
cancer. J Clin Oncol 2009;27(Suppl. 15):abstract 6009.
Références bibliographiques
critère de jugement principal étaient statistiquement
significatifs (5 versus 12,5 mois ; p < 0,0001). Le TTP
et la SG ne l’étaient pas. Contrairement à ce à quoi
l’on pouvait s’attendre, l’efficaciétait similaire dans
les bras B et C.
Malheureusement, ces résultats ne peuvent pas
être pris pour argent comptant. En effet, 9 patients
(7 %) dans le bras A, 33 patients (21 %) dans le bras B
et 44 patients (28 %) dans le bras C nont pas été
inclus dans l’analyse sous prétexte qu’ils n’avaient pas
complété le premier cycle de traitement. En d’autres
termes, ce sont les résultats de l’analyse per protocole
et non ceux de l’analyse en intention de traiter qui ont
été présentés. De plus, le choix inhabituel du critère de
jugement principal laisse dubitatif, en particulier parce
que la chirurgie était considérée comme un échec.
En effet, il n’était pas précisé de quels actes chirurgi-
caux il s’agissait (curage ganglionnaire ? chirurgie de
rattrapage ?). Or, on peut aisément comprendre que
la réalisation d’une CT d’induction conduit à moins de
curages ganglionnaires en règle générale. Il se pour-
rait donc que le temps jusqu’à échec soit plus long
dans les bras expérimentaux uniquement à cause
d’une différence en termes d’actes chirurgicaux. Cela
expliquerait pourquoi le critère de jugement “temps
jusqu’à échec” est statistiquement positif alors que
la SSP ne l’est pas. Cet essai ne permet donc toujours
pas de valider la stratégie néo-adjuvante dans les
cancers des VADS localement avancés. Il ne reste plus
qu’à patienter avant d’avoir les résultats des essais
Paradigm, DeCIDE et de celui du Georgia Centers for
Total Cancer Care (GCTCC) qui sont en cours.
Conclusion
À la suite des travaux présentés sur l’HPV, il est
devenu clair que la recherche clinique en oncologie
ORL doit impérativement distinguer les cancers
des VADS liés à l’HPV de ceux qui ne le sont pas.
En d’autres termes, ces deux entités doivent être
étudiées dans des essais thérapeutiques distincts.
En effet, le pronostic bien meilleur des cancers
des VADS liés à l’HPV permettrait certainement
d’envisager des désescalades thérapeutiques plutôt
que des stratégies d’intensification thérapeutique,
en particulier en situation localement avancée.
Cela représente une opportunité unique lorsque
l’on observe les problèmes de tolérance associés
aux stratégies d’intensification thérapeutique. Par
ailleurs, les caractéristiques biologiques spécifiques
des cancers liés à l’HPV incitent fortement à l’éva-
luation de thérapies moléculaires ciblées spécifiques
dans ce contexte. Si cette distinction se révèle perti-
nente, il se pourrait bien que ce “switch HPV” ouvre
une première porte vers un traitement personnalisé
des cancers des VADS dans le futur.
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