OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU Oncogénétique associée dans environ 85 % des cas à une atteinte de l’utérus. Les léiomyomes utérins varient en nombre de 10 à 20 et peuvent mesurer de 1 à 10 cm. L’âge moyen au diagnostic est de 30 ans (18-53 ans). Dans plus de 50 % des cas, les léiomyomes utérins conduisent à une Figure 1. Léiomyomes cutanés du bras : multiples nodules érythémateux regrouhystérectomie avant l’âge pés de façon segmentaire. de 30 ans. La léiomyomatose cutanée et utérine prédispose au cancer du rein papillaire de type 2. Il s’agit de tumeurs de haut grade, de très mauvais pronostic, souvent métastatiques au moment du diagnostic. Dans la majorité des cas, la tumeur du rein est solitaire et unilatérale, d’une taille allant de 3,8 à 14 cm. L’âge moyen au diagnostic est de 44 ans ; cependant, plusieurs cas de sujets de moins de 30 ans ont été décrits dans la littérature (16, 23, 26 et 28 ans). Le risque cumulé de cancer du rein en présence d’une mutation délétère du gène FH varie, selon les études, de 15,6 à 24 %. Certains auteurs rapportent un risque de cancer du sein et de cancer de la vessie, associé aux mutations du gène FH. Ces données nécessitent d’être confirmées. Une surveillance dermatologique, rénale et gynécologique doit être proposée aux patients porteurs d’une mutation du gène FH. Syndrome de Birt-Hogg-Dubé De transmission autosomique dominante, le syndrome de BirtHogg-Dubé est caractérisé, sur le plan dermatologique, par l’association de tumeurs cutanées à type de fibrofolliculomes (figure 2), trichodiscomes et acrochordons (4). Ces lésions, non constantes, apparaissent entre 30 et 40 ans. Elles prédominent sur le visage, le cou, le haut du thorax et, parfois, le cuir chevelu. Les autres manifestations cliniques sont des pneumothorax spontanés, des kystes pulmonaires et des tumeurs rénales de différents types histologiques : cancers chromophobes le plus souvent, mais aussi oncocytomes et formes hybrides chromophobes-oncocytomes. Les cancers du rein à cellules claires et papillaires sont rares. Le risque de cancer du rein est multiplié par 7, et l’âge de survenue de la maladie est variable. Les tumeurs peuvent être uniques ou, le plus souvent, bilatérales et multifocales. Des atteintes thyroïdiennes et des polypes coliques ont également été rapportés, sans que leur appartenance Figure 2. Fibrofolliculomes du visage : macules, papules blanc-gris, en dômes au spectre clinique soit de surface lisse. actuellement démontrée. 246 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 Une surveillance dermatologique, pulmonaire et rénale doit être mise en place chez les patients porteurs d’une mutation du gène BHD. Nous devons nous interroger sur la nécessité de mettre en place une surveillance thyroïdienne et colique chez ces patients. Références bibliographiques 1. Richard S, Joly D, Corréas JM et al. Prédispositions héréditaires au cancer rénal. Flammarion Médecine-Sciences éds. Actualités néphrologiques 2006:131-50. 2. Richard S, Parker F, Aghakhani N et al. Von Hippel-Lindau disease: recent advances in genetics and clinical management. J Neuroradiol 2005;32(3):157-67. 3. Tomlinson IP, Alam NA, Rowan AJ et al. Germline mutations in FH predispose to dominantly inherited uterine fibroids, skin leiomyomata and papillary renal cell cancer. Nat Genet 2002;30(4):406-10. 4. Birt AR, Hogg GR, Dubé WJ. Hereditary multiple fibrofolliculomas with trichodiscomas and acrochordons. Arch Dermatol 1977;113(12):1674-7. Prédispositions génétiques au cancer chez l’enfant M. Gauthier-Villars État des lieux La plupart des cancers de l’enfant surviennent de façon sporadique, en dehors de toute histoire familiale, et on ne retient pas de majoration du risque chez les apparentés par rapport à la population générale. L’existence d’une maladie génétique sous-jacente ou d’antécédents familiaux de cancer a tout de même permis d’évoquer la possibilité de prédispositions génétiques dans certains cas de cancer de l’enfant. Maladies génétiques prédisposant au cancer Des maladies génétiques, et certaines anomalies chromosomiques, peuvent être associées à une augmentation du risque de cancer dès l’enfance. Cette augmentation peut être liée aux effets d’un gène unique ou à un syndrome de gènes contigus. Le diagnostic peut parfois être difficile, reposant sur l’examen soigneux du patient, sur l’histoire médicale de ses apparentés et sur des éléments radiologiques, biologiques et cytogénétiques. Ces maladies sont regroupées en trois classes : ➤ les syndromes avec des anomalies du développement diverses, comme les prédispositions au néphroblastome (syndromes WAGR, de Denys-Drash, de Beckwith-Wiedemann, etc.) ; ➤ les hamartomatoses*, associées à un risque tumoral très variable d’un syndrome à l’autre et qui peut apparaître dès l’enfance (maladie de Cowden, syndrome de Peutz-Jeghers, etc.) ; ➤ les syndromes de fragilité chromosomique ou maladies cassantes de l’ADN, qui sont des maladies héréditaires, de transmission autosomique récessive, associées à un risque accru de cancer (ataxie télangiectasie, syndrome de Bloom, anémie de Fanconi, etc.). * Maladie liée à l’existence d’hamartomes, lésions correspondant au développement architectural anormal d’un tissu donné. OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU Oncogénétique Prédispositions génétiques au cancer chez l’enfant sans maladie associée L’apparition d’une tumeur à un âge très jeune, la plurifocalité de lésions primitives, la survenue de tumeurs multiples chez un même individu et les antécédents familiaux de cancer sont des éléments qui suggèrent une prédisposition génétique. L’histoire familiale se montre extrêmement précieuse pour identifier des prédispositions à des cancers obéissant à un mode de transmission simple, monogénique, dominant et à forte pénétrance. La probabilité pour qu’une même tumeur (surtout s’il s’agit d’une tumeur rare) survienne chez des apparentés de façon fortuite est faible : une prédisposition génétique sera donc évoquée d’emblée dans un tel cas. C’est l’observation de formes familiales de rétinoblastomes, le plus souvent bilatéraux, qui a permis à A.G. Knudson, en 1972, de proposer un modèle de prédisposition au rétinoblastome se transmettant sur un mode autosomique dominant associé à une pénétrance élevée. Cette théorie des deux événements (une mutation constitutionnelle sur un allèle et une mutation acquise sur le deuxième allèle du gène au niveau tumoral) a été confirmée par la suite, lors de l’identification de mutations constitutionnelles monoalléliques du gène RB1 chez des patients atteints de rétinoblastomes bilatéraux (1). La situation est plus difficile à appréhender lorsqu’il existe chez des enfants apparentés plusieurs cas de tumeurs de sites différents. Ce sont les études épidémiologiques qui ont pu mettre en évidence ici la réalité de certaines associations tumorales. On peut ainsi citer l’exemple de l’étude de F.P. Li et J.F. Fraumeni qui, en reprenant les dossiers cliniques et l’histoire familiale de 700 cas de rhabdomyosarcomes de l’enfant, ont pu mettre en évidence quatre familles présentant au moins deux cas de cancers rares survenant chez des sujets jeunes apparentés au premier ou au second degré (2). On a mis en évidence depuis des mutations constitutionnelles monoalléliques du gène TP53, à l’origine de ce syndrome (3). À partir du registre des tumeurs du Royaume-Uni, et en repérant un certain nombre de maladies génétiques associées à un risque tumoral ainsi que des histoires familiales évocatrices de prédispositions génétiques connues, S.A. Narod et al. ont estimé que 4,2 % des tumeurs de l’enfant étaient liées à une prédisposition génétique (4). Ils notaient cependant que cette fréquence était probablement sous-estimée, sachant qu’il restait à mettre en évidence des prédispositions associées à des modes de transmission plus complexes que ceux identifiés jusqu’alors. Faits nouveaux Il est clair, maintenant, que des situations plus complexes restent à mettre en évidence dans le cadre de prédispositions génétiques déjà connues ou avec l’identification de gènes dont les altérations ne causeraient, isolément, qu’une faible augmentation du risque tumoral, mais pourraient, en interagissant avec d’autres gènes de susceptibilité, entraîner un risque tumoral élevé. 248 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 Risque tumoral chez l’enfant dans le cadre de prédispositions au cancer de l’adulte Récemment, deux syndromes de prédisposition au cancer de l’enfant ont été identifiés dans le cadre de syndromes de prédisposition aux cancers touchant l’adulte. Dans chacun, il existe un risque tumoral particulier chez l’enfant, associé à une inactivation constitutionnelle biallélique de gènes dont les mutations constitutionnelles monoalléliques sont associées à des risques tumoraux différents chez l’adulte. Ainsi, il a été identifié des altérations bialléliques de BRCA2 chez des enfants atteints d’une anémie de Fanconi rare de type D1 associée à un risque tumoral particulier touchant le jeune enfant (le diagnostic d’anémie de Fanconi pouvant être méconnu lors du premier diagnostic tumoral) [5]. Ces enfants peuvent être atteints dans les premiers mois de la vie de néphroblastome, de médulloblastome, de neuroblastome et d’hémopathie. Les mutations constitutionnelles monoalléliques du gène BRCA2 sont associées à un risque élevé de cancer du sein ou de l’ovaire chez l’adulte. De même, il a été identifié un risque d’hémopathie et de tumeur cérébrale touchant les enfants porteurs d’inactivations bialléliques des gènes du système MMR (6). Les mutations constitutionnelles monoalléliques de ces gènes sont décrites dans le cadre du syndrome de Lynch (anciennement HNPCC) et sont associées à un risque élevé de cancer du côlon et de l’utérus chez l’adulte. Il s’agit de situations rares, du fait de la faible fréquence des mutations hétérozygotes de ces gènes dans la population générale et d’une possible mortalité embryonnaire ou fœtale. Elles peuvent apparaître dans le cadre de familles consanguines. Ce type de prédisposition génétique peut être évoqué devant l’atteinte tumorale de plusieurs enfants dans une même fratrie. Si la pénétrance de ces prédispositions est élevée chez les adultes, elle n’est pas complète, et les antécédents de cancer peuvent manquer dans les deux branches parentales, surtout lorsque les parents sont jeunes. Ces différents syndromes viennent en diagnostic différentiel du syndrome de Li et Fraumeni, qui était jusqu’ici la seule prédisposition génétique évoquée devant une histoire familiale de cancers chez l’enfant. Prédispositions plus complexes Pour certaines tumeurs, des cas familiaux ont été décrits, mais dans une proportion beaucoup plus faible que pour le rétinoblastome. Le lien entre les apparentés atteints est souvent éloigné, du fait d’une pénétrance faible. Il a été ainsi retenu que les formes familiales de neuroblastome sont compatibles avec une transmission dominante associée à une faible pénétrance de l’ordre de 10 % (7). Un nouveau gène de prédisposition au médulloblastome a été récemment mis en évidence : le gène SUFU, qui appartient à la voie de signalisation Sonic Hedgehog (SHH) [8]. C’est la découverte de mutations constitutionnelles du gène PTCH dans le syndrome de Gorlin (qui associe des anomalies du développement et un risque de médulloblastome plutôt de type desmoplastique) qui a permis de mettre en évidence le fait que les gènes intervenant OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU dans la voie SHH, déjà impliqués dans des syndromes comportant des troubles du développement neurologique, pouvaient avoir un rôle dans la tumorigenèse. Dans une série de 46 cas sporadiques de médulloblastomes, trois mutations constitutionnelles du gène SUFU (6,5 %) ont été identifiées dans trois cas de médulloblastome desmoplastique. De rares cas de familles avec une atteinte chez des cousins germains ont été rapportés, ce qui suggère un mode de transmission complexe, multigénique, multifactoriel associant, par exemple, des altérations épigénétiques et des altérations survenant au cours du développement. Les prédispositions identifiées à ce jour correspondent à un déterminisme génétique simple avec un mode de transmission dominant. Actuellement, une vingtaine de prédispositions génétiques sont connues, pour lesquelles un test génétique peut être proposé chez l’enfant. Cependant, de nouvelles prédispositions sont en train d’émerger, associées à des risques tumoraux moindres ; mais les situations liées à une transmission récessive sont difficiles à mettre en évidence avec des atteintes individuelles ou de fratrie. L’identification de ces prédispositions génétiques est importante pour comprendre la pathogenèse de ces cancers, mais elle doit être guidée par l’amélioration de la prise en charge de l’enfant lui-même d’une part et de sa famille d’autre part. Références bibliographiques 1. Lohmann DR. RB1 gene mutations in retinoblastoma. Hum Mutat 1999;14:283-8. 2. Li FP, Fraumeni JF Jr. Soft-tissue sarcomas, breast cancer, and another neoplasms. A familial syndrome? Ann Intern Med 1969;71:747-52. 3. Frebourg T, Abel A, Bonaïti-Pellié C et al. Li-Fraumeni syndrome: update, new data and guidelines for clinical management. Bull Cancer 2001;88(6):581-7. 4. Narod SA, Stiller C, Lenoir GM. An estimate of the heritable fraction of childhood cancer. Br J Cancer 1991;63:993-9. 5. Howlett NG, Taniguchi T, Olson S et al. Biallelic inactivation of BRCA2 in Fanconi anemia. Science 2002;297:606-9. 6. Bougeard G, Charbonnier F, Moerman A et al. Early onset brain tumor and lymphoma in MSH2-deficient children. Am J Hum Genet 2003;72:213-6. 7. Shojaei-Brosseau T, Chompret A, Abel A et al. Genetic epidemiology of neuroblastoma: a study of 426 cases at the Institut Gustave-Roussy in France. Pediatr Blood Cancer 2004;42:99-105. 8. Taylor MD, Liu L, Raffel C et al. Mutations in SUFU predispose to medulloblastoma. Nat Genet 2002;31:306-10. Oncogénétique des tumeurs endocrines A.P. Gimenez-Roqueplo État des lieux Les tumeurs neuro-endocrines sont un groupe hétérogène de tumeurs développées aux dépens de cellules endocrines situées au niveau de l’hypophyse, de la thyroïde, de la parathyroïde, du pancréas, de la glande surrénale, du tractus digestif et de l’appareil respiratoire. Elles surviennent parfois dans un contexte familial et peuvent être génétiquement déterminées. Dans les formes héréditaires, que l’on appelle communément néoplasies endocriniennes multiples (NEM), la maladie est le plus souvent syndromique, les tumeurs sont souvent multiples et peuvent toucher plusieurs glandes, voire différents tissus. Différents types de NEM, dont le diagnostic moléculaire est désormais possible, ont été identifiés (tableau III) : la NEM de type 1, secondaire à des mutations sur le gène MEN1, associe tumeur hypophysaire, hyperparathyroïdie et tumeur endocrine du pancréas ; la NEM de type 2, secondaire à des mutations activatrices du proto-oncogène RET, associe carcinome médullaire de la thyroïde et hyperparathyroïdie ; le complexe de Carney, secondaire à des mutations perte-de-fonction sur le gène PRKAR1A, associe hyperplasie nodulaire pigmentée de la glande surrénale responsable d’un syndrome de Cushing, tumeur de la thyroïde, hyperparathyroïdie, myxome cardiaque et myxome cutané ; la maladie de von HippelLindau (VHL), secondaire à des mutations perte-de-fonction sur le gène suppresseur de tumeur VHL, associe phéochromocytome, paragangliome, hémangioblastome du système nerveux central et de la rétine, kyste rénal, cancer du rein et tumeur du pancréas ; la forme familiale d’adénome hypophysaire, secondaire à des mutations sur le gène AIP, associe acromégalie et adénome à prolactine chez un même sujet ou chez deux sujets apparentés ; le syndrome phéochromocytome-paragangliome héréditaire, Tableau III. Principales néoplasies endocriniennes multiples dont le diagnostic génétique est disponible dans certains laboratoires d’oncogénétique. Néoplasies endocriniennes multiples (NEM) Principales tumeurs associées Gènes NEM 1 Tumeur hypophysaire, hyperparathyroïdie, tumeur endocrine du pancréas MEN1 NEM 2 Carcinome médullaire de la thyroïde, hyperparathyroïdie, phéochromocytome Complexe de Carney Myxome cardiaque, adénome surrénalien, tumeur testiculaire, adénome hypophysaire, tumeur thyroïdienne, schwannome mélanocytique, kyste et adénome ovarien Maladie de von Hippel-Lindau Phéochromocytome, paragangliome, hémangioblastome rétinien et du système nerveux central, tumeur du pancréas, cancer du rein VHL Adénome hypophysaire familial Adénome hypophysaire sécrétant ou non sécrétant AIP Paragangliome/phéochromocytome héréditaire Paragangliome de la tête et du cou (glomus carotidien, vagal, tympano-jugulaire), paragangliome thoraco-abdomino-pelvien, phéochromocytome RET PRKAR1A SDHD, SDHB SDHC La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 | 249