Lignes directrices à l’intention des médecins des CAUT Information médicale pour éclairer les décisions des CAUT Anaphylaxie Anaphylaxie 1. Pathologie L’anaphylaxie est définie comme une réaction allergique grave qui survient rapidement et peut être mortelle. Elle est le plus souvent d’origine communautaire. La prévalence est de 0,05 % à 2 %. La fréquence est à la hausse, surtout chez les jeunes, comme en témoigne le nombre croissant de visites à l’urgence, d’hospitalisations et d’admissions en unité de soins intensifs; le taux de mortalité est toutefois faible chez les patients hospitalisés. Un mécanisme IgE-dépendant intervient habituellement dans l’anaphylaxie. Les principaux facteurs déclenchants sont certains aliments (par ex., les arachides, les noix ou les fruits de mer), les piqûres d’insectes, le latex de caoutchouc naturel, des produits de contraste et des médicaments (par ex., les bêta-lactamines ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens). Elle peut également dépendre de l’activation directe (non immune) des mastocytes, comme c’est le cas avec l’activité physique, le froid, la chaleur, l’exposition au soleil ou aux rayons UV, l’éthanol et certains médicaments comme les opioïdes. Le diagnostic d’anaphylaxie idiopathique est exclusif et posé lorsque l’origine de l’anaphylaxie n’est jamais trouvée. Les patients atteints devraient subir des examens pour déceler la présence d’un syndrome d’activation mastocytaire, comme la mastocytose. 2. Diagnostic A. Antécédents médicaux Le diagnostic clinique d’anaphylaxie est établi en fonction de l’historique détaillé de l’épisode et du constat de l’apparition soudaine de signes et de symptômes caractéristiques, qui surviennent habituellement dans les minutes ou les heures après l’exposition aux facteurs déclenchants. La progression des symptômes et des signes peut être extrêmement rapide et causer la mort dans les minutes qui suivent l’apparition des symptômes. B. Critères diagnostiques L’anaphylaxie est très probable en présence d’un des trois signes suivants : 1. Apparition violente des symptômes (en quelques minutes ou plusieurs heures) affectant la peau, les muqueuses, ou les deux (par ex., éruption cutanée, prurit, rougeur de la face et du cou, enflure des lèvres ou de la langue) et au moins un des signes suivants : © Programme mondial antidopage – AMA Version 2.1 Février 2016 1 Lignes directrices à l’intention des médecins des CAUT Information médicale pour éclairer les décisions des CAUT Anaphylaxie a. Difficultés respiratoires (dyspnée, respiration sifflante, stridor, hypoxémie) b. Pression artérielle basse ou symptômes associés de dysfonction des organes cibles (hypotonie, collapsus, incontinence) 2. Deux ou trois des signes suivants qui apparaissent rapidement après l’exposition à un allergène potentiel (en quelques minutes ou plusieurs heures) : a. Atteinte des muqueuses et de la peau b. Difficultés respiratoires c. Baisse de la pression artérielle d. Symptômes gastrointestinaux abdominales, vomissements) (crampes, douleurs 3. Baisse de la pression artérielle après l’exposition à un allergène avéré (en quelques minutes ou plusieurs heures); chez l’adulte : pression systolique inférieure à 90 mm Hg ou baisse de plus de 30 % des valeurs normales chez le patient. C. Cofacteurs pouvant contribuer à l’intensité de l’anaphylaxie 1. Âge : Adolescence (prise de risque), grossesse, âge avancé 2. Maladies concomitantes : Asthme et autres affections respiratoires, hypertension et autres maladies cardiovasculaires, mastocytose et autres syndromes d’activation mastocytaire, rhinite allergique, eczéma, troubles psychiatriques 3. Médicaments ou substances chimiques concomitants : Bêta-bloquants, inhibiteurs de l’ECA, sédatifs, antidépresseurs, drogues à usage récréatif hypnotiques, 4. Cofacteurs pouvant aggraver l’anaphylaxie : Exercice, infection aiguë (par ex., rhume ou fièvre), alcool (éthanol), stress émotionnel, syndrome prémenstruel, changement de routine (voyage) © Programme mondial antidopage – AMA Version 2.1 Février 2016 2 Lignes directrices à l’intention des médecins des CAUT Information médicale pour éclairer les décisions des CAUT Anaphylaxie D. Diagnostics différentiels Urticaire aiguë généralisée Asthme aigu Syncope (évanouissement) Attaque de panique ou crise d’angoisse aiguë Aspiration d’un corps étranger Événement cardiovasculaire Événement neurologique Syndrome postprandial, par exemple, scombroïdose, anisakiase, intoxication alimentaire Maladie non organique, par exemple, dysfonction des cordes vocales E. Analyses de laboratoire Les analyses de laboratoire permettant de confirmer le diagnostic clinique d’anaphylaxie ne sont pas accessibles universellement et ne sont disponibles nulle part en urgence, parce qu’il faut compter de 3 à 4 heures pour effectuer les épreuves biologiques. L’épreuve la plus couramment utilisée dans le monde est la mesure de la tryptasémie dans un échantillon sanguin prélevé de 15 minutes à 3 heures après l’apparition des symptômes. Bien qu’une tryptasémie élevée permette parfois de confirmer un diagnostic clinique d’anaphylaxie, ce résultat n’est pas spécifique à l’anaphylaxie, puisqu’une telle hausse est également observée chez certains patients ayant subi un infarctus du myocarde. Cela dit, une tryptasémie normale ne permet pas d’écarter la possibilité d’une anaphylaxie. La tryptasémie est rarement élevée dans les cas d’anaphylaxie provoquée par les aliments, mais l’est fréquemment dans celle causée par les piqûres d’insectes. En résumé, l’anaphylaxie relève d’un diagnostic clinique; aucune analyse de laboratoire n’est nécessaire à sa confirmation. 3. Traitements interdits A. Nom de la substance interdite : S6. Stimulant spécifié. Épinéphrine (adrénaline). En compétition seulement. Administration en première intention lors d’une crise anaphylactique aiguë Voie : injection intramusculaire dans la partie latérale médiane de la cuisse Dose : 0,01 mg/kg d’une solution à 1:1000 (1 mg/1 mL) (maximum de 0,5 mg chez les adolescents et les adultes) © Programme mondial antidopage – AMA Version 2.1 Février 2016 3 Lignes directrices à l’intention des médecins des CAUT Information médicale pour éclairer les décisions des CAUT Anaphylaxie Posologie : Cette injection peut être répétée dans les 5 à 15 minutes, si nécessaire. Durée recommandée : La plupart des patients répondent à une ou à deux doses. Exigences en matière d’AUT : Une AUT rétrospective/d’urgence l’épinéphrine (adrénaline) est exigée en compétition seulement. pour B. Nom de la substance interdite : S9. Glucocorticoïdes à action générale. En compétition seulement. (par ex., méthylprednisolone ou prednisone) ** Veuillez prendre note que la prise de glucocorticoïdes devrait constituer un traitement de deuxième intention de l’anaphylaxie. Le dosage est extrapolé à partir du traitement de l’asthme aigu. Comme le délai d’action est de plusieurs heures, les glucocorticoïdes ne sont pas recommandés comme traitement initial ni comme traitement unique. Bien que l’efficacité des glucocorticoïdes dans le traitement de l’anaphylaxie n’ait pas été établie, ces agents peuvent exercer un rôle préventif dans l’anaphylaxie biphasique. Voie : La voie intraveineuse ou orale est recommandée. L’injection intramusculaire est utilisée dans certaines régions du monde. Dose : Méthylprednisolone à 50-100 mg ou prednisone à 40-50 mg Posologie : Une seule dose suffit généralement durant la période de stabilisation. Un traitement de courte durée pouvant aller jusqu’à quelques jours n’est pas le plus récent traitement recommandé, mais il est encore utilisé dans certains cas. Durée recommandée : Période courte et limitée durant la stabilisation d’urgence Exigences en matière d’AUT : Une AUT rétroactive est requise en compétition seulement pour l’administration de glucocorticoïdes par voie intraveineuse ou orale 4. Autres traitements alternatifs non interdits Comme l’anaphylaxie constitue une urgence médicale, il est important de disposer d’un protocole à cet égard. Celui-ci doit être revu régulièrement. © Programme mondial antidopage – AMA Version 2.1 Février 2016 4 Lignes directrices à l’intention des médecins des CAUT Information médicale pour éclairer les décisions des CAUT Anaphylaxie Protocole d’urgence pour le traitement initial de l’anaphylaxie : Cesser toute exposition aux allergènes soupçonnés ou aux cofacteurs amplificateurs, si possible (par ex., cesser la médication par intraveineuse, éviter tout contact avec le latex ou interrompre l’exercice physique) Évaluer la circulation, les voies respiratoires, la respiration, l’état mental, la peau et le poids du patient Mesures à adopter sans délai et simultanément : o o o Appeler les services médicaux d’urgence ou un centre de réanimation Faire immédiatement une injection intramusculaire d’épinéphrine (adrénaline) (voir la section 3 ci-dessus) Placer le patient sur le dos en relevant ses membres inférieurs; si le patient présente une dyspnée ou vomit, l’installer dans une position confortable Autres mesures importantes, au besoin : o o o o o o Donner de l’oxygène d’appoint (oxygénothérapie) au moyen d’un masque facial (8 à 10 litres par minute) Maintenir les voies aériennes dégagées Établir un accès intraveineux Faire une perfusion intraveineuse (perfuser de 1 à 2 litres de solution physiologique salée durant les 5 à 10 premières minutes) en présence d’hypotension/de choc Pratiquer la réanimation cardio-respiratoire Surveiller en permanence la pression sanguine, la fréquence cardiaque, la respiration et l’oxygénation, si possible pendant au moins 4 heures et plus longuement si l’épisode anaphylactique comporte de graves symptômes respiratoires, une hypotension ou un choc. Des réactions biphasiques surviennent chez environ 5 % des patients. Les traitements médicamenteux de deuxième intention n’assurent pas la survie parce qu’ils ne permettent pas de libérer les voies respiratoires supérieures ni de maîtriser l’hypotension artérielle ou les chocs. Parmi ces médicaments, on compte : Un agoniste bêta-2 adrénergique, comme le salbutamol à 2,5 mg/3 mL ou à 5 mg/3 mL, administré par nébuliseur ou au moyen d’un masque facial, ou de 2 à 8 inhalations de salbutamol en aérosol-doseur. Bien que le salbutamol par inhalation ne soit pas interdit à des doses thérapeutiques normales (p. ex., 2 inhalations administrées au moyen d’un aérosol-doseur), l’administration de doses plus élevées pourrait être nécessaire; le cas échéant, il faudra faire une demande d’AUT rétroactive ou d’urgence pour cette substance. © Programme mondial antidopage – AMA Version 2.1 Février 2016 5 Lignes directrices à l’intention des médecins des CAUT Information médicale pour éclairer les décisions des CAUT Anaphylaxie Un antihistaminique H1 non sédatif qui n’altère pas les facultés, comme la desloratadine à 5 mg ou la lévocétirizine à 5 mg (par voie orale), ou un antihistaminique H1 sédatif de première génération, comme la chlorphéniramine à 10 mg ou la diphénhydramine à 25-50 mg (par voie intraveineuse). Les plus récents antihistaminiques H1 non sédatifs qui n’altèrent pas les facultés, comme la desloratadine ou la lévocétirizine, ne sont pas offerts pour une administration par voie intraveineuse. Les glucocorticoïdes, comme la méthylprédnisolone à 50-100 mg (adulte) par voie intraveineuse ou la prednisone à 40-50 mg par voie orale (voir la section 3 ci-dessus) Au moment de son congé, le patient devrait avoir de l’épinéphrine (adrénaline) en sa possession. Il pourra faire lui-même les injections en cas d’une nouvelle crise d’anaphylaxie. Les patients à risque de récurrence devraient avoir un ou plusieurs auto-injecteurs renfermant 0,3 mg d’épinéphrine (adrénaline) en leur possession en tout temps. L’utilisation d’un auto-injecteur en compétition exige une AUT rétroactive ou d’urgence. L’AUT devra être transmise à l’organisation antidopage concernée dans les plus brefs délais. Ces patients devraient également avoir en leur possession un plan d’action d’urgence personnalisé écrit en matière d’anaphylaxie et devraient porter une pièce d’identification médicale indiquant l’allergie. Une visite de suivi auprès d’un médecin spécialiste en vue d’une évaluation allergique et immunologique est recommandée afin de confirmer les déclencheurs de l’anaphylaxie. La seule façon de prévenir les récurrences est de cesser toute exposition aux allergènes avérés ou aux autres facteurs déclenchants. Les patients souffrant d’anaphylaxie provoquée par les piqûres d’insectes devraient se soumettre à une immunothérapie au moyen d’injections de venin d’insecte standardisé. On ne devrait pas éviter l’exercice physique pour prévenir l’anaphylaxie induite par l’effort. Par contre, l’exposition aux cofacteurs déclenchants d’origine alimentaire pertinents doit être évitée à tout prix, et les sportifs doivent être conscients que certains cofacteurs tels les AINS, l’éthanol, les conditions ambiantes de froid, de chaleur ou d’humidité extrêmes, de même qu’une densité pollinique élevée sont à prendre en considération. Les sportifs souffrant d’anaphylaxie induite par l’effort ne devraient jamais faire d’exercice physique lorsqu’ils sont seuls; ils devraient interrompre tout effort sans délai à l’apparition des premiers symptômes d’anaphylaxie et toujours avoir un auto-injecteur d’épinéphrine à portée de main. Ceux qui pratiquent des sports comme le ski de fond ou la course à pied doivent obligatoirement avec un téléphone cellulaire sur eux. © Programme mondial antidopage – AMA Version 2.1 Février 2016 6 Lignes directrices à l’intention des médecins des CAUT Information médicale pour éclairer les décisions des CAUT Anaphylaxie 5. Conséquences pour la santé en cas d’absence de traitement Décès potentiel ou invalidité permanente causé par une encéphalopathie hypoxique ischémique. 6. Surveillance du traitement Idéalement, le patient devrait être surveillé en salle d’urgence. Le suivi auprès d’un spécialiste est recommandé afin de confirmer les déclencheurs spécifiques de l’anaphylaxie. Immunothérapie au besoin pour prévenir les nouvelles réactions anaphylactiques causées par le venin d’insectes piqueurs. 7. Validité de l’AUT et processus de révision recommandé L’AUT pour l’anaphylaxie est rétrospective. Le traitement devrait se poursuivre jusqu’à la disparition des symptômes. Il est habituellement de courte durée, tout comme l’AUT. Il faut envisager la possibilité d’accorder une AUT permettant au sportif d’avoir sur lui des médicaments comme l’épinéphrine (adrénaline) à administration par voie intramusculaire (p. ex., EpiPenMD) pour les situations d’urgence. Des dispositions visant à s’assurer que l’organisation antidopage concernée est informée de l’utilisation d’épinéphrine peuvent être incluses comme condition à la délivrance de l’AUT. La perfusion intraveineuse durant l’hospitalisation n’est pas interdite (M2) et ne nécessite aucune AUT. Une AUT pourrait toutefois être exigée pour l’administration de substances interdites (par ex., les glucocorticoïdes). 8. Précautions Les délais dans l’injection d’épinéphrine (adrénaline) ont été associés à des décès ou à l’encéphalopathie hypoxique ischémique. Certains patients ne répondent pas au traitement de base initial par l’épinéphrine en injection intramusculaire, ni à l’oxygénothérapie et aux perfusions intraveineuses, tels qu’ils sont décrits dans la section 4 ci-dessus. Ces patients devraient être transférés dans les moindres délais à une équipe de spécialistes en médecine d’urgence ou en soins intensifs qui traitera les troubles respiratoires ou le choc au moyen de vasopresseurs administrés par voie intraveineuse au moyen d’une tubulure de perfusion. On ajustera la dose en se © Programme mondial antidopage – AMA Version 2.1 Février 2016 7 Lignes directrices à l’intention des médecins des CAUT Information médicale pour éclairer les décisions des CAUT Anaphylaxie fondant sur la surveillance continue non invasive de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle et de l’oxygénation. 9. Références Simons FER, Ardusso L, Bilò MB, El-Gamal YM, Ledford DK, Ring J, Sanchez-Borges M, Senna GE, Sheikh A, Thong BY. World Allergy Organization anaphylaxis guidelines: Summary. J Allergy Clin Immunol; 2011;127:587-593.e22 Moore LE, Kemp AM, Kemp SF. Recognition, Treatment, and Prevention of Anaphylaxis. 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