6 Actualité Santé La constipation Un motif de consultation fréquent La constipation est, avant tout, due aux déséquilibres de l'alimentation. Le traitement de la constipation rebelle n’est pas simple. C’est pourquoi il convient de combattre ce symptôme avant son passage à la chronicité, en ayant soin d’en éliminer les causes. C omment définir la constipation ? Classiquement, c'est l'émission de moins de trois selles par semaine. En réalité, le problème est plus complexe : ce sont parfois des selles quotidiennes anormalement déshydratées, dures et douloureuses. La constipation peut être occasionnelle, liée à une modification de régime, de mode de vie ou à un stress particulier, ou chronique et souvent due à des abus qui déséquilibrent le transit. Les situations “à risque” Infos ... Combattre les mauvaises habitudes L'impossibilité de déféquer est surtout fréquente chez des personnes qui, par habitude, par négligence ou par pudeur, ne se présentent pas à la selle régulièrement une fois par jour ; le rectum (intestin terminal) se distend, perd le tonus et manque des contractions nécessaires à l'expulsion des matières. On parle de constipation quand il y a association d’un ralentissement du transit et de la déshydratation des selles, dont le poids sec est supérieur à 22 % du poids total. La constipation existe quand les résidus alimentaires progressent mal dans le côlon ou que l'intestin terminal (sigmoïde, rectum, anus) n'évacue pas les selles. Le défaut de progression ou le ralentissement des matières fécales résulte de nombreuses causes, surtout si l'alimentation est pauvre en fibres végétales ou en eau de boisson ; il est favorisé par l’alitement prolongé ou le manque d'exercice physique ; il témoigne de certaines maladies (par exemple : maladie de Parkinson), résulte de certains traitements (neuroleptiques, codéine, morphine) ou traduit une tumeur du côlon. Les femmes enceintes se plaignent souvent de constipation, qui peut être due à la pression que le fœtus exerce sur les intestins. Le bol alimentaire doit alors se déplacer à travers des intestins étroits. De même, les femmes enceintes ont tendance à s'alimenter différem- Professions Santé Infirmier Infirmière N° 62 • mars-avril 2005 ment pendant la grossesse à cause de nouvelles pulsions alimentaires. Par ailleurs, des changements hormonaux influent sur le transit. La constipation est également fréquente chez un malade soigné pour un cancer pour de nombreuses raisons : médicaments, alitement, etc. Chez les malades opérés de cancers du rectum et porteurs de colostomie, le régime alimentaire doit éviter la constipation qui complique l'élimination spontanée des selles par la stomie. Chez un patient avec des métastases, la constipation peut résulter de causes multiples dont le traitement de douleurs par morphine. La constipation serait même un facteur de risque du cancer du côlon en favorisant un contact prolongé des selles avec la muqueuse colique. Si elle s'installe de manière soudaine et inexplicable, elle est à signaler rapidement : elle peut en effet témoigner d'une petite tumeur, bénigne ou maligne, qu'une coloscopie permettra de diagnostiquer à son début et de guérir par une opération. Les médicaments ont aussi une influence sur la constipation. C'est le cas, notamment, des médicaments contre la douleur (surtout les narcotiques), des antiacides qui contiennent de l'aluminium, des anticonvulsants (épilepsie), des antispasmodiques, des antidépresseurs, des diurétiques et des suppléments de fer et de calcium. Bien que chacun pense savoir ce qu’est la constipation, elle mérite dans un premier temps d'être définie. En effet, chaque personne va à la selle avec une périodicité éminemment variable. Il peut être aussi “normal” de n'y aller que trois fois par semaine que de s'y rendre deux fois par jour. Relativement fréquente, elle représente une gêne importante pour de très nombreuses personnes. Il convient donc de la traiter, d'autant plus qu'elle peut être associée à des polypes (lésions de la muqueuse colique), ou entraîner leur apparition. Chez l’enfant La pathologie est deux fois plus fréquemment retrouvée chez les garçons que chez les filles, elle y est souvent associée à une encoprésie et/ou à une énurésie. Devant une telle richesse symptomatologique, si la constipation ne recouvre aucune pathologie organique sous-jacente, il s’agit alors d’un trouble psychologique relationnel parents-enfant pas toujours facile à mettre en évidence. La consultation médicale doit être attentive et complète, c’est-à-dire longue. L’histoire de la constipation doit être ainsi précisée, comme son mode évolutif, ses circonstances aggravantes. La notion d’intervalle libre est importante à connaître : y at-il eu des périodes de la vie où les selles étaient normales ? Si ce trouble apparaît dès la naissance, il faut s’attacher à éliminer une maladie de Hirschsprung. Il faut aussi rechercher la notion de trouble familial. La maladie est souvent la résultante de mauvaises habitudes alimentaires avec des excès trop fréquents en hydrates de carbone, ou un mode de vie inapproprié où dominent stress, anxiété et conflits. Un enfant constipé est aussi un enfant qui ne boit pas assez d’eau (plutôt que des sodas ou des boissons sucrées). C’est également un enfant qui ne bouge pas assez. L’examen médical est souvent pauvre : il retrouve seulement un côlon distendu par des fécalomes ou, sinon, une stase stercorale. Les examens complémentaires présentent peu d’intérêt : la radiographie d’abdomen sans préparation visua- Actualité Santé lise le fécalome, la stase stercorale, leur étendue. Les examens manométriques n’apportent d’éléments que sur la fonctionnalité des sphincters, à condition encore que les enfants soient assez grands pour pouvoir coopérer. La prise en charge thérapeutique commence par une remise en place des conditions alimentaires, et d’hygiène plus généralement. Il faut évaluer la quantité de fibres absorbées, comme celles d’hydrates de carbone et aider à retrouver un équilibre. Lorsque l’enfant n’est pas en surpoids, une supplémentation en graisses, comme également en laitages peut alors s’avérer utile. Parallèlement, et afin de dédramatiser une situation potentiellement conflictuelle, il convient d’expliciter aux parents et aux enfants les capacités individuelles d’exonération. L’information doit être suivie d’un apprentissage à l’émission régulière de selles dans un lieu et un climat non stressant et de préférence à heures fixes. Le moment à privilégier est celui où le temps ne presse pas spécialement et où cette émission ne risque pas d’être vécue comme un pensum, et donc évitée ou écourtée. Un fécalome doit être évacué par des lavements répétés pendant plusieurs jours. La régulation des selles s’obtient par un apport médicamenteux. L’utilisation de PEG à raison de 4 g/jour est l’approche la plus simple, la plus efficace. Les prokinétiques n’ont pas leur place et l’utilisation des lubrifiants est souvent désagréable et mal supportée. Chez le nouveau-né nourri au sein, la constipation est possible et non inquiétante si aucun autre trouble n’existe : ni perte de poids ni trouble digestif. Le trouble cessera à la diversification alimentaire. Vers 2/3 ans, la constipation peut naître d’une pression parentale trop forte vers l’acquisition de la propreté. Son risque est celui de rétention stercorale avec fissure anale. C’est vers 5/8 ans que l’oncoprésie peut compliquer une constipation créant un problème d’incompréhension et de conflits chez un enfant propre jusque-là. Victimes de rejet familial et social (scolaire), ces enfants demandent une prise en charge physique et psychologique. La personne âgée Étiologies de la constipation • Causes organiques : – tumeurs coliques ou rectales, – diverticuloses, – méga et dolichocôlon, – prolapsus rectal, – postradique. • Troubles métaboliques et endocriniens : – hypothyroïdie, – hypokaliémie, – hypercalcémie. • Maladies neurologiques : – maladie de Parkinson, – affection cérébro-méningée. • Causes iatrogènes : – anticholinergiques, – médicaments à base de fer de calcium, – bêtabloquants, – hypotenseurs centraux, – inhibiteurs calciques, – carbamazépine. • Modification du mode de vie : – déménagement, – passage en institution, – tout trouble psychologique. La constipation de la personne âgée est essentiellement liée à l’âge et elle est plus fréquente chez la femme que chez l’homme ; elle touche 40 % des personnes de plus de 65 ans, mais dépasse 80 %, si ces mêmes personnes vivent en institution. On parle de constipation lorsque le trouble dure depuis au moins trois mois et comporte au moins un des deux signes suivants : moins de trois selles par semaine et une difficulté d’exonération. Ce dysfonctionnement peut provenir d’une difficulté de progression du bol fécal au niveau du côlon par diminution de la mobilité ou d’un trouble de l’évacuation au niveau du sigmoïde et/ou du rectum. C’est cette deuxième cause que l’on retrouve le plus souvent chez la personne âgée. La fonction ano-rectale s’altère avec l’âge par diminution de la force de contraction musculaire de la paroi abdominale et du sphincter anal. En l’absence d’exonérations régulières, 7 une stase stercorale peut s’installer compliquée d’un fécalome, véritable tumeur fécale dont l’aspect est dur, parfois pierreux. La fréquence du trouble constipation fait que la personne âgée a souvent tendance à s’automédiquer en puisant dans la pharmacie familiale, alors que le patient devrait en parler à son médecin à même de diagnostiquer la maladie, mais surtout d’en retrouver les causes. Les plus fréquentes sont l’hypothyroïdie ou la maladie de Parkinson mais aussi les étiologies iatrogéniques courantes chez des patients polymédiqués. Traitement En dehors du traitement de la cause lorsqu’elle est retrouvée, la médication se doit d’être la plus efficace et la moins toxique. En cas de constipation modérée, la thérapie laxative comprendra les traitements locaux, les émollients et les osmotiques. Locaux, ce sont des suppositoires à la glycérine, des minilavements. Les émollients par voie orale comprennent l’huile de paraffine et de vaseline. En cas d’utilisation prolongée, ils empêchent l’absorption des vitamines liposolubles. Les laxatifs osmotiques sont transformés par la flore colique en acides gras volatils qui stimulent le péristaltisme et hydratent les selles. L’adaptation de la flore colique fait que les posologies doivent souvent être progressivement augmentées. En deuxième intention, en cas d’échec, on utilise les laxatifs de lest ou mucilages. Ils ne sont pas indiqués en cas d’atonie colique. Les laxatifs stimulants sont à proscrire, car irritants. En cas de constipation opiniâtre, les laxatifs minéraux, ou osmotiques sucrés sont le plus souvent prescrits. En l’absence d’obstacle, on peut aussi utiliser les parasympathicomimétiques stimulants de la muqueuse, de même que des lavements à l’eau tiède additionnée de vaseline. En cas de fécalome, l’évacuation doit se faire au doigt par fragmentation. Et il est important d'éliminer, si possible, les médications en cause. Jacques Bidart Entretiens de Bichat Infos ... Des pathologies en cause Certains désordres métaboliques ou endocriniens comme le diabète, l'urémie, l'hypothyroïdie, ou neurologiques comme la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, la paralysie cérébrale, les accidents vasculaires cérébraux sont aussi associés à la constipation. Enfin, il peut y avoir obstruction intestinale en présence de tumeur, de hernie ou de diverticulite. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 62 • mars-avril 2005