Épithéliopathie en plaques dans les suites d’une grippe A Cas clinique

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Cas clinique
Épithéliopathie en plaques
dans les suites d’une grippe A
Human influenza A complicated by Acute Posterior
Multifocal Placoid Pigment Epitheliopathy
P. Haymann1, A. Donati2, S. Gueunoun3
Épithéliopathie en plaques •
Grippe A • Scotomes positifs.
Acute Posterior Multifocal
Placoid Pigment Epitheliopathy • Human influenza A •
Positive scotomas.
(1 Service d’ophtalmologie, CHI de Créteil ;
2
Cabinet d’ophtalmologie, Melun ;
3
Service d’ophtalmologie, hôpital Nord, CHU de Marseille)
U
ne jeune femme de 23 ans est adressée par son ophtalmologiste de ville
pour des scotomes positifs bilatéraux avec, au fond de l’œil, des taches
polycycliques jaunes à la limite de la visibilité au niveau du pôle postérieur.
Examens et évolution
Elle avait présenté, 2 semaines auparavant, un syndrome infectieux important (fièvre
à 39,5° C, myalgies, céphalées, rhinopharyngite et toux) rattaché à une grippe A à la
suite de prélèvements nasaux.
L’acuité visuelle est de 20/20, il n’y a pas d’uvéite antérieure ni d’autre signe associé
à l’examen clinique.
Le champ visuel central montre des scotomes centraux superposables à des lésions
hyporéflectives des 2 maculas bien visibles sur les clichés en infrarouge (figure 1). Les
clichés en autofluorescence sont normaux (figure 2). À l’angiographie en fluorescéine,
il n’y a pas d’hypofluorescence ni d’imprégnation au niveau des lésions (figure 3).
L’angiographie au vert d’indocyanine met en évidence des lésions hypofluorescentes,
surtout visibles aux temps tardifs de la séquence (figure 4, p. 180). Celles-ci correspondent en tomographie par cohérence optique spectral domain à une hyperréflectivité de la nucléaire externe (figures 5 et 6, p. 181).
L’évolution se fait vers une récupération lente, avec une diminution des lésions observées en surface et en densité (figures 7 et 8, p. 181). Les scotomes sont toujours
perçus, bien que très nettement améliorés, après 1 an d’évolution.
Les images lésionnelles en tomographie par cohérence optique ne récupèrent que
très lentement et sont encore présentes après 2 ans d’évolution chez notre patiente.
Discussion
L’épithéliopathie en plaques a été décrite pour la première fois par J.D. Gass en 1968.
Elle touche quasi exclusivement des sujets jeunes entre 20 et 40 ans, sans prédominance de sexe et a une évolution spontanément favorable dans la plupart des cas.
Des néovaisseaux choroïdiens secondaires peuvent exceptionnellement compliquer
l’évolution, et nécessitent que l’on informe les patients.
La physiopathologie reste inconnue, même si les hypothèses les plus fréquemment
citées sont une réaction inflammatoire multifocale au niveau de la choriocapillaire
et/ou une lésion inflammatoire de l’épithélium pigmentaire.
Il est nécessaire de traiter la cause lorsque l’on arrive à la trouver. Un bilan étiologique
doit être réalisé systématiquement. En cas d’atteinte sévère (baisse de l’acuité visuelle
importante, atteinte maculaire, vascularite ou papillite associée), les corticoïdes par
voie générale peuvent se justifier.
L’épithéliopathie en plaques peut être associée à des signes oculaires, comme une
uvéite antérieure, une papillite, des vascularites, un décollement séreux maculaire et
des sclérites, ce qui n’a pas été le cas ici.
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Images en Ophtalmologie • Vol. VII • no 6 • novembre-décembre 2013
Légendes
Figure 1. Clichés en infrarouge des 2 yeux
montrant des lésions centrales bilatérales
hyporéflectives superposables aux scotomes
décrits par la patiente.
Figure 2. Clichés en autofluorescence des
2 yeux dans les limites de la normale.
Figure 3. Angiographie en fluorescéine
aux temps précoce et tardif révélant une
séquence normale.
1a
1b
2a
2b
3
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Cas clinique
L’épithéliopathie en plaques est souvent associée à des manifestations systémiques :
syndromes infectieux (adénovirus, streptocoques, maladie de lyme, tuberculose), certains vaccins (hépatite B, méningocoque, varicelle), mais aussi à des dysthyroïdies
(Basedow, Hashimoto) et des vascularites nécrosantes (Wegener). Cependant, l’épithéliopathie peut également être isolée.
Chez notre patiente nous avons tenté un traitement par oséltamivir, même si ce médicament n’est indiqué que dans les phases précoces de la grippe. Celui-ci n’a eu aucun
effet sur l’atteinte ophtalmologique, mais un effet spectaculaire sur l’altération important de l’état général de notre patiente qui se plaignait d’une fatigue très importante
II
au décours de l’épisode infectieux aigu.
Pour en savoir plus…
• Gass JD. Acute posterior multifocal placoid pigment epitheliopathy. Arch Ophtalmol 1968;80(2):177-85.
• Deutman AF, Lion F. Choriocapillaris nonperfusion in acute multifocal placoid epitheliopathy.
Am J Ophtalmol 1977;84(5):652-7.
• Gaudric A, Gaucher D. Épithéliopathie en plaques et choroïdite serpigineuse. Rétine. Lavoisier SAS
2012;4:140-50.
Légendes
Figure 4. Angiographie au vert d’indocyanine aux temps précoce, intermédiaire
et tardif dévoilant une hypofluorescence
modérée, surtout identifiable au temps tardif,
et se superposant partiellement aux lésions
identifiées sur les clichés en infrarouge.
Figure 5. Tomographie par cohérence
optique spectral domain de l’œil droit
mettant en évidence des lésions focales
avec hyperréflectivité de la nucléaire externe
coincidant avec les lésions observées en
lumière infrarouge.
Figure 6. Tomographie par cohérence
optique spectral domain de l’œil gauche
avec des lésions focales ayant les mêmes
caractéristiques que celles de l’œil droit.
Figure 7. Champ visuel Octopus et clichés en
infrarouge de l’œil droit montrant l’évolution
sur 1 an, avec une amélioration de l’aspect
en infrarouge et la récupération partielle au
niveau du champ visuel.
Figure 8. Champ visuel Octopus et clichés
en infrarouge de l’œil gauche dévoilant
l’évolution sur 1 an.
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P. Haymann déclare
ne pas avoir de liens d’intérêts.
Les autres auteurs n’ont pas précisé
leurs éventuels liens d’intérêts.
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Échelle des gris des valeurs
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Échelle des gris des valeurs
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