Recherche Bientôt une nouvelle spin-off active dans la défense naturelle des plantes Exit les pesticides ? C’est possible, comme le prouvent des biologistes namurois : ils ont isolé des substances naturelles, capables de stimuler les défenses propres des plantes contre les agressions pathogènes, et sans effet secondaire sur la santé humaine ou l’environnement. D’ici deux ans, les chercheurs pourraient commercialiser ce « produit miracle » à pulvériser sans modération… Pointé du doigt par les défenseurs de l’en- nous intéressent, principalement celles vironnement mais aussi par la directive cultivées à des fins alimentaires, sont européenne REACH (qui vise à mieux capables de détecter la présence de patho- protéger la santé humaine et l’environne- gènes à proximité et de déclencher des ment vis-à-vis des substances chimiques), mécanismes de défense qui empêchent leur la gamme de pesticides se réduit pro- prolifération. Mais il faut que cette détec- gressivement sur le marché agricole. Les tion se fasse très tôt pour que la plante biologistes namurois ambitionnent de les survive. Nous avons réussi à identifier remplacer avantageusement, comme l’ex- et à produire des molécules naturelles plique le professeur Pierre Van Cutsem, à qui déclenchent préventivement ces méca- l’origine de la découverte : « Les végétaux nismes de défense. Pulvérisées dans les sont partout, mais les agents pathogènes champs, ces molécules pourront protéger également (virus, bactéries, champignons, les cultures tout en n’ayant aucun effet insectes,…). Or les végétaux survivent. secondaire sur l’environnement ou sur la Pourquoi ? Parce qu’ils ont différents santé humaine. Elles pourraient servir par mécanismes de défense. Les plantes qui exemple à protéger des champs de pommes de terre du mildiou, ou empêcher que des vignes soient malades, etc. ». Les biologistes namurois sont capables de produire ces molécules à petite échelle en laboratoire. Il s’agit maintenant de les tester en serre et en champs pour connaître la façon la plus efficace de les utiliser. L’objectif est poursuivi grâce au projet FYTOFEND, financé par le programme «First spin-off» de la Région wallonne. Commencé en octobre 2007 au sein de l’Unité de recherche en biologie cellulaire et moléculaire végétale, FYTOFEND devrait aboutir, d’ici deux ans, à la création d’une spin-off chargée de commercialiser ces substances naturelles. Elisabeth Donnay Mais comment ont-ils fait ? Une cellule végétale est délimitée par une membrane, qui est une « barrière » sélective, capable de réguler les échanges entre l’extérieur et l’intérieur de la cellule. La membrane est à cet effet pourvue de plusieurs centaines de récepteurs chargés de transmettre à la cellule les informations venues de l’extérieur. Tous ces récepteurs reconnaissent et transmettent des informations différentes. Certains d’entre eux sont capables de reconnaître des molécules communes à différents agents pathogènes. Grâce à cela, ils détectent la présence d’un microchampignon, d’une bactérie,… à proximité de la membrane des cellules de la plante et transmettent l’information à l’intérieur de la cellule. Celle-ci réagit en mettant en marche un mécanisme de défense approprié à l’agresseur : elle synthétise de l’eau oxygénée bactéricide, elle produit des protéines qui inhibent le système digestif de la chenille jusqu’à la faire mourir, etc. Libre cours janvier 2008 4 De plus, une information est envoyée à toutes les autres cellules afin que la plante entière soit en état de siège. Une plante ne peut survivre à un agresseur pathogène que si son organisme est prévenu à temps. Car quand un pathogène attaque, il se répand très vite dans l’organisme de la plante et, soit il sécrète des enzymes qui découpent les parois cellulaires, soit il injecte directement ses propres molécules qui désorganisent la cellule. C’est une course de vitesse entre la prolifération du pathogène et la défense de la plante. L’avertissement est donc la clef de voûte de la survie, d’où l’intérêt de pulvériser sur les plantes des molécules qui le déclenchent. Ce sont ces molécules que les chercheurs namurois ont réussi à identifier et à isoler. Ces molécules sont des substances naturelles inoffensives pour la plante, pour l’environnement et pour l’homme. D’où leur intérêt ! L’équipe namuroise de l’Unité de recherche en biologie cellulaire et moléculaire végétale, qui a réussi à isoler des substances naturelles capables de stimuler les défenses propres des plantes contre les agressions pathogènes : (De gauche à droite) le professeur Pierre Van Cutsem, Raffaël Buonatesta, bio-ingénieur, et Juan-Carlos Cabrera, post-doctorant cubain.