1-1 Intégrité écologique et politique sur les parcs nationaux

1-1
Intégrité écologique et politique sur les parcs nationaux :
évolution du concept
« Un jour, la population du Canada sera dix fois plus élevée qu’elle ne l’est aujourd’hui, mais
grâce aux parcs nationaux, il sera encore possible à tous les Canadiens de visiter de vastes régions
aux paysages parmi les plus spectaculaires du Canada. La beauté de ces lieux sera protégée contre les
dégradations; les animaux sauvages, les plantes et les forêts ne seront point perturbés; la quiétude et la
solitude de la nature vierge seront préservées ».
James B. Harkin,
Commissaire, Division des parcs du Dominion (v. 1920)
Les parcs nationaux sont par les présentes dédiés au peuple canadien pour son béné ce, son instruction et
sa jouissance; dans le cadre de la présente loi et de ses règlements, les parcs nationaux doivent être entretenus
et utilisés de manière qu’ils restent intacts pour la jouissance des générations futures.
Loi sur les parcs nationaux (1930)
En ce qui concerne le zonage du parc et l’utilisation par les visiteurs, il importe en premier lieu de
préserver l’intégrité écologique et, à cette n, de protéger les ressources naturelles.
Modi cations à la Loi sur les parcs nationaux (1988)
Dans l’acquisition, dans la gestion et dans l’administration des endroits et des programmes du
patrimoine, protéger l’intégrité écologique et assurer l’intégrité commémorative occupent la première
place. On préserve l’intégrité du patrimoine naturel et culturel en s’assurant que les décisions de gestion
qui concernent ces aires spéciales sont prises sur la base de solides pratiques de gestion des ressources
culturelles et de gestion des écosystèmes.
Parcs Canada,
Principes directeurs et politiques de gestion (1994)
Attendu qu’il importe dans l’intérêt nationalde maintenir ou de restaurer l’intégrité écologique
des parcs nationauxde subordonner l’usage des parcs nationaux et des lieux historiques nationaux
à leur intégrité écologique et commémorativede gérer l’utilisation par les visiteurs et les touristes
des parcs nationaux et des lieux historiques de manière à la fois à conserver leur intégrité écologique
et commémorative et à assurer à la génération présente et aux générations futures une expérience
enrichissante de ces lieux naturels et patrimoniaux.
Loi sur l’Agence Parcs Canada (1998)
1-2
Les résultats d’un sondage national effectué
en novembre 1999 révèlent que 91 pour cent
des Canadiens considèrent qu’il est important
pour les gouvernements de prendre des mesures
pour protéger les milieux sauvages; 83 pour cent
croient qu’il est important pour le Canada d’être
perçu comme étant un chef de fi le international
en matière de protection des milieux sauvages
et 80 pour cent veulent que des aires protégées
soient établies avant que les terres visées soient
affectées au développement industriel.
Extrait d’un article de John Turner paru dans
The Globe and Mail
le 8 décembre 1999
de stress qui menacent nos parcs nationaux,
et recherché les solutions les plus appropriées.
L’annexe A contient des renseignements sur les
membres de la Commission et les méthodes
qu’ils ont adoptées pour accomplir leur tâche.
Les Canadiens aiment leurs parcs nationaux.
Cest le message sans équivoque que nous avons
entendu dans tous les coins du pays au cours de
nos recherches sur l’avenir des parcs nationaux.
Durant notre périple transcontinental, nous
avons rencontré par centaines des employés
voués de Parcs Canada, des Autochtones, des
voisins, des défenseurs et des amis des parcs
nationaux qui, en se montrant peu avares de
leur temps, ont discuté avec nous de ces lieux
sacrés. À leur contact, nous avons saisi la nature
des dé s que pose la protection des merveilleux
parcs nationaux du Canada, pour qu’ils restent
intacts. La mission proposée est vitale, urgente
et complexe. Atteindre ce but nécessitera le
vouement, la collaboration, la sensibilisation
et l’accord de tous les Canadiens, des politiciens
aux gestionnaires de parc et des visiteurs aux
sidents des agglomérations voisines.
Nos idées sur la voie à suivre sont rassemblées
dans ce rapport.
La conservation et la restauration de l’intégrité
écologique constituent l’essence du mandat
de Parcs Canada en ce qui concerne les parcs
nationaux. Un certain nombre de Canadiens nen
sont pas moins préoccupés par l’intégrité écolo-
gique de leurs parcs nationaux.
En 1998, l’hon. Sheila Copps,
ministre du Patrimoine cana-
dien, demandait à une com-
mission formée de Canadiens
spécialis dans les sciences
écologiques et domaines con-
nexes
« dévaluer les points
forts et les faiblesses de l’ap-
proche de Parcs Canada pour
le maintien de l’intégrité éco-
logique des parcs nationaux du
Canada et, en tenant compte de
cette évaluation, de formuler
des conseils et des recomman-
dations sur la meilleure façon
d’assurer le maintien de l’intégrité écologique
dans tous les parcs nationaux canadiens ».
Les membres de la Commission sur l’intégrité
écologique des parcs nationaux du Canada (la
« Commission ») ont visité des parcs nationaux
représentatifs du réseau pour discuter avec le
personnel et d’autres Canadiens intéressés. Sur
place, ils ont constaté les problèmes et facteurs
SECTION A : UNE COMMISSION EXAMINE LES ENJEUX
CHAPITRE 1 : UNE OBLIGATION SACRÉE
La protection de l’intégrité écologique est une mission vitale
Le lac Cameron, situé dans
le parc national des
Lacs-Waterton.
Blackbird Design
1-3
Kejimkujik
Terra Nova
des Hautes-Terres-
du-Cap-Breton
Forillon
de Île-du-Prince Édouard
Quttinirpaaq
Ivvavik
Vuntut
Elk
Island
des Îles-du-
Saint-Laurent
Péninsule-
Bruce
Fathom
Five
Wood
Buffalo
Pacific Rim
Prince-
Albert
Prairies Pukaskwa
Pointe Pelée
Aulavik
Kluane
Nahanni
Jasper
Gwaii
Haanas
Lacs-
Waterton
Mont-
Riding
Mont-
Revelstoke
Yoho
Kootenay
Glacier
des Îles-de-la-
Baie-Georgienne
Kouchibouguac
Gros Morne
Halifax
Ottawa
Québec City
Toronto
Winnipeg
Calgary
Vancouver
Fort Smith
Archipel-de-
Mingan
Fundy
Banff
Tuktut
Nogait
Wapusk
Auyuittuq
Sirmilik
Cornwall
Parcs témoins
Ateliers régionaux
Parc National
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ERRE-NEUVE
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ABRADOR
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ASKATCHEWAN Saguenay–Saint-Laurent
La Mauricie
Les parcs nationaux dans l’esprit
des Canadiens
Au Canada, les parcs nationaux sont considérés
comme des institutions. Ils tiennent dans la
société canadienne un rôle proportionnellement
beaucoup plus important que leur superfi cie
par rapport à l’ensemble du territoire canadien.
C’est dans les parcs que les Canadiens protègent
et apprennent à connaître la diversité vivante de
la nature; ils viennent y célébrer leur identité à
titre de citoyens de ce pays à nul autre pareil. À
l’instar des lieux historiques nationaux et autres
lieux du patrimoine culturel où les Canadiens
font l’apprentissage de la riche histoire qu’ils
partagent avec leurs concitoyens, les parcs
nationaux et autres aires protées permettent
aux Canadiens de s’identifier à la diversité
ographique et biologique qui défi nit le peuple
canadien même si dans leur vie quotidienne,
citadins pour la plupart, ils semblent entretenir
peu de rapports avec la nature.
Les Canadiens croient fermement que leurs villes
et villages sont entourés de milieux sauvages
sans lesquels le Canada ne serait qu’un pays
comme les autres. Or, le mythe de la nature
sauvage canadienne est de plus en plus remis
en question en raison de profonds changements
environnementaux.
Figure 1-1 Les parcs nationaux
du Canada (décembre 1999).
Les membres de la Commis-
sion ont visité neuf parcs
témoins (en rouge).
1-4
Les Canadiens aiment la nature sauvage, à
laquelle ils se sentent attachés par des liens
spirituels. Bien que ce sentiment d’appartenance
ne fasse généralement pas l’objet de célébra-
tions, comme cest le cas chez les peuples
autochtones, les parcs nationaux sont perçus par
les Canadiens comme des lieux sacrés. C’est le
message qui nous a été livré haut et fort par des
gens qui, de toutes sortes de façons, ont tenu
à exprimer à la Commission leur fi erté et leur
passion fervente envers les plus magnifi ques
paysages du Canada.
Un bon nombre de ces interlocuteurs nous ont
parlé de la valeur intrinsèque des parcs; des
milieux où la nature évolue comme elle le fait
depuis l’aube des temps, où les
écosystèmes, les espèces, les
variétés génétiques ainsi que
les processus écologiques per-
durent dans toute leur diversité
et complexité; des milieux qui
aident à revitaliser les terres
environnantes, soumises à une
activité plus intense. Dans les
parcs nationaux, la nature,
ainsi que les espèces et les
systèmes qui la composent,
sont appréciés pour leur valeur
intrinsèque et non pas unique-
ment pour les services qu’ils
rendent au genre humain.
D’autres personnes nous ont
fait part des expériences per-
sonnelles qu’elles avaient
vécues dans les parcs. Cer-
taines nous ont parlé de tradi-
tions familiales et de souvenirs dans lesquels
s’enchevêtrent cours d’eau, arbres, montagnes,
poissons et animaux sauvages. Pour d’autres
encore, les parcs sont des oasis de ressourcement
spirituel, des havres de paix, de solitude et
d’appréciation de la nature sauvage. Des
personnes qui visitent rarement un parc national
nous ont dit que le souvenir de ces espaces
verts suf sait à les réconforter du simple fait
de leur présence, intacts depuis toujours. Enfi n,
les Autochtones nous ont parlé des valeurs
spirituelles et culturelles des parcs, de leur valeur
en tant que lieux traditionnels de prélèvement,
et de leur profond attachement collectif, de tous
temps, à ces valeurs traditionnelles.
Les commentaires soumis à la Commission vont
de pair avec les résultats de sondages d’opinion
publique. En effet, 71 pour cent des Canadiens
croient que les parcs nationaux font partie
des quatre symboles « très importants » de
l’identité canadienne, au même titre que la
Charte des droits et le drapeau. Ils sont précédés
uniquement du système de soins de santé et
se classent loin devant l’hymne national, la
Gendarmerie Royale du Canada, Radio-Canada
et le hockey (Environics, 1997).
Au bénéfi ce de toute la planète
La gestion des parcs nationaux du Canada est
une responsabilité qui ne concerne pas que les
Canadiens; c’est aussi une obligation porteuse
de grands espoirs pour l’environnement de la
planète. En octobre 1999, la population mondiale
s’établissait à six milliards d’habitants et l’on
prévoit qu’elle atteindra de sept à neuf milliards
de personnes d’ici les 50 prochaines années
(Worldwatch, le 23 septembre 1999). C’est dans
ce contexte de croissance démographique, avec
la consommation accrue des ressources et les
pressions environnementales qui en découlent,
que l’importance mondiale des parcs nationaux
canadiens doit être appréciée.
La plupart des pays possèdent un réseau d’aires
protégées. Dans un monde turbulent, la valeur
des parcs et des aires protégées fait l’unanimité.
Nul doute que les aires proes offrent un
moyen pratique de conserver la biodiversité,
mais il y a plus : elles font vibrer d’autres cordes
sensibles chez l’être humain. En protégeant ces
lieux exceptionnels, la société af rme que la
nature est plus qu’une ressource à comptabiliser
et que ses merveilleuses manifestations méritent
d’être préservées pour leur valeur intrinsèque.
Les milieux sauvages sont de plus en plus
précieux. Dans beaucoup de régions du globe,
il est déjà trop tard pour maintenir de grandes
étendues naturelles dans leur état vierge. Vingt
pour cent des milieux sauvages du monde sont
situés sur le territoire canadien. De toutes les
aires sauvages canadiennes protégées, 40 pour
cent se trouvent à l’intérieur des parcs nationaux
(60 pour cent dans les parcs provinciaux et autres
aires protégées). Les parcs nationaux sont donc
un élément clé des stratégies de conservation
« Nous croyons passionnément que les parcs
nationaux recèlent les réponses aux questions les
plus troublantes que se pose l’humanité sur son
appartenance à la Terre. Ces réponses concernent
le besoin de modération, de compassion envers
les autres espèces vivantes et les processus qui les
soutiennent, ainsi que de prévoyance dans le temps
et dans l’espace alors que le présent est assiégé et
l’avenir si incertain. Si nous sacrifi ons notre intérêt
personnel en faveur d’un intérêt plus grand – qu’il
s’agisse de valeurs écologiques, sociales ou même
spirituelles – et tenons à cœur le bien-être de nos
successeurs autant que la satisfaction de nos désirs
immédiats, ce qui nous semble peu pratique ou
réaliste aujourd’hui pourrait bien se révéler possible
demain. Les parcs nationaux seront florissants
dans la mesure où le pragmatisme sera équilibré
par une vision audacieuse ».
Commentaire soumis à la Commission
1-5
canadienne et mondiale. Ce rôle écologique
international est tellement important que neuf
parcs nationaux canadiens
font partie des sites du patri-
moine mondial. De plus, les
parcs nationaux comptent trois
sites Ramsar (terres humides
d’importance internationale
ainsi désignées en vertu d’une
convention internationale
signée à Ramsar, en Iran). En
outre, deux parcs nationaux
font partie de réserves de la
biosphère établies par l’Orga-
nisation des Nations Unies pour
la science, l’éducation et la cul-
ture (UNESCO). Selon le Fonds
mondial pour la nature, le
Canada renferme un quart des
forêts tempéréestières du
monde, un tiers de ses forêts
boréales, près de la totali de ses vieux
peuplements de pins rouges et de pins blancs,
un tiers de sa population de loups, plus de la
moitié de ses caribous de la toundra et deux
tiers de ses ours polaires.
Aires protégées du paysage
canadien
En 1990, le gouvernement fédéral promettait
de représenter chacune des 39 régions naturelles
canadiennes par un parc national : cette pro-
messe devient lentement réalité (à la n de 1999,
le gouvernement avait créé 39 parcs nationaux
dans 25 régions naturelles terrestres, de sorte
Le contexte mondial
Bien que l’importance des parcs nationaux et
des aires protégées soit de plus en plus reconnue dans
le monde, moins de cinq pour cent de la superfi cie de
notre planète est protégée aux termes des différentes
catégories de l’Union mondiale pour la nature
(UICN). La répartition de ces aires protégées
n’est pas équilibrée sur le plan biogéographique;
certains écosystèmes clés, tels que les forêts tropicales
non pluviales, les nappes d’eau douce, les forêts
pluviales tempérées, les prairies tempérées, les zones
de climat méditerranéen et les îles océaniques sont
sous-représentés.
Recommandation 16, Expanding the global
network of protected areas, IUCN report of the
IVth World Congress on National Parks and
Protected Areas (1992)
Sites du patrimoine
mondial
Parcs nationaux du Canada
qui font partie d’un site du
patrimoine mondial :
Parcs nationaux Banff, Jasper,
Yoho et Kootenay
Parc national du Gros-Morne
Réserve de parc national
Kluane
Parc national Nahanni
Parc national
des Lacs-Waterton
Parc national Wood Buffalo
que 14 régions ne sont pas encore représentées).
Dans le discours du Trône d’octobre 1999, le
gouvernement fédéral s’engageait à étendre le
réseau de parcs nationaux.
Les aires protégées comprennent les parcs et
milieux sauvages du gouvernement fédéral et
des gouvernements provinciaux et territoriaux,
des terres des Premières nations ainsi que les
terres privées protégées en vertu de servitudes
de conservation ou de mécanismes semblables.
Toutes ces aires doivent être reliées pour
former un réseau permettant de protéger les
écosystèmes sans tenir compte de limites ou
frontières administratives ou politiques. Les
parcs nationaux sont administrés par Parcs
Canada, mais le bon état de ces lieux tant
appréciés est une responsabilité qui incombe
à tous les Canadiens, individuellement et
collectivement.
Une fois quun parc national est établi, le
maintien de son intégrité écologique, tâche
permanente s’il en est, ne fait que commencer.
Cest une mission non moins urgente que la
création de nouveaux parcs. Afin de rester
intacts pour la jouissance des générations
futures, les parcs nationaux doivent veiller à la
conservation de systèmes biologiques entiers en
termes d’espèces, d’éléments du paysage et de
processus écologiques. Les parcs dont l’intégrité
écologique aura été protégée seront une source
d’inspiration spirituelle et de réorientation, en
plus de servir de foyers régionaux de savoir
et d’éducation.
Les entreprises et les organismes d’amé-
nagement du territoire établis dans les parcs
nationaux ou dans leur voisinage pro teront
de la présence des parcs nationaux sous forme
de retombées économiques et d’une meilleure
qualité de vie.
Les parcs nationaux contribuent en outre au
bon fonctionnement de processus écologiques
tels que le cycle des substances nutritives,
l’approvisionnement en eau, la protection contre
les inondations, le contrôle du climat, le maintien
des frayères de poisson, la pollinisation et la
lutte naturelle contre les pestes. Ces processus
soutiennent le fonctionnement quotidien de
l’économie et procurent de nombreux emplois.
Descente de la rivière
Nahanni, au bas
des chutes Virginia
Butterill/Parcs Canada
1 / 19 100%

1-1 Intégrité écologique et politique sur les parcs nationaux

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